Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

La papeterie d'Ogawa

Cadeau de Noël bien choisi, La papeterie Tsubaki de Ito Ogawa (traduit du japonais par Myriam Dartois-Ako) a clôturé cette année de lecture en douceur. Munie du plan de Kamakura dessiné au début du livre, j’y ai suivi les allées et venues aux quatre saisons de la narratrice Hatoko (Poppo), qui a repris la papeterie de sa grand-mère (l’Aînée), disparue trois ans plus tôt, dans le respect des traditions de la famille Amemiya, « une lignée d’écrivains calligraphes qui remonte, paraît-il, au XVIIe siècle », des « femmes à tout faire du pinceau ».

ito ogawa,la papeterie tsubaki,roman,littérature japonaise,écrivain public,écriture,lettres,cuisine,japon,cuture
Couverture originale de La papeterie Tsubaki (Tsubaki bunguten)

Chacune de ses journées commence avec un thé bien chaud – boissons et mets japonais défilent tout au long du roman, consommés en solo ou, le plus souvent, avec d’autres. Chaque visiteur de la papeterie reçoit quelque chose à boire avant toute chose. Hatoko, qui avait fui cette maison et rejeté l’éducation stricte de sa grand-mère, pense souvent à elle. L’Aînée, qui l’a élevée sans jamais lui parler de sa mère qu’elle n’a pas connue, a laissé des traces partout, comme cette devise calligraphiée de sa main : « Mange amer au printemps, vinaigré l’été, piquant l’automne et gras l’hiver ».

La vie quotidienne de la jeune papetière, vingt-cinq ans, est rythmée par les tâches domestiques, les relations de quartier (sa voisine Mme Barbara, la plus proche, le Baron, une fillette) et surtout le passage des clients pour des demandes en tous genres à l’écrivain public : cartes de vœux, condoléances, lettres manuscrites attentionnées (devenues plus rares que les mails), messages très particuliers…

Chaque demande doit être traitée avec soin, non seulement dans l’expression du contenu, mais dans le choix d’un papier, d’une encre, d’un outil d’écriture en harmonie avec le ton de l’expéditeur et la qualité du destinataire, y compris pour l’enveloppe. L’écriture avec ses accessoires et l’art de la calligraphie sont une composante essentielle de la vie d’Hatoko. Elle a tenu son premier pinceau personnel à six ans, « fabriqué avec des mèches de [sa] chevelure de bébé ». Ses écrits et une reproduction de leur calligraphie s’insèrent tout au long du roman.

A chaque saison, des rituels sont à accomplir, rites de purification, visites aux sanctuaires. Le soir, elle mange le plus souvent dehors ; les restaurants ne manquent pas à Kamakura où les touristes sont nombreux. Quand une de ses connaissances lui propose d’aller quelque part, Hatoko est presque toujours disponible. Les plats japonais sont appelés par leur nom, parfois décrits, parfois évoqués seulement par les sensations, l’odorat, le goût, l’appréciation.

Hatoko se doit d’être à la fois discrète et attentive – la description de chaque visite à l’écrivain public montre sa grande délicatesse quand elle écoute et s’assure de bien comprendre ce qu’on attend d’elle. Elle a été à bonne école avec sa grand-mère, elle s’en rend compte. Adolescente rebelle, elle avait le sentiment qu’on lui volait sa jeunesse. Après le bac, elle a suivi des études de design. A présent, elle s’intéresse plus aux autres qu’à elle-même.

D’une rencontre à l’autre, la personnalité de la narratrice se dessine en creux, à travers l’estime suscitée par son travail soigné et par sa gentillesse envers tous. A travers quatre saisons de la papeterie Tsubaki, Ito Ogawa révèle sa passion pour la calligraphie comme pour la cuisine. Tout le récit est imprégné de la culture japonaise, dont elle cite aussi des paroles de sagesse. Par exemple, la maxime zen « Je connais seulement la satisfaction », une invitation « à trouver la plénitude dans ce que l’on possède ». Ou encore : « Plutôt que de rechercher ce qu’on a perdu, mieux vaut prendre soin de ce qui nous reste. »

La nature est présente ici, avec moins de lyrisme que dans Un automne à Kyoto, le récit de Corinne Atlan auquel j’ai souvent pensé en lisant La papeterie Tsubaki. Bien qu’écrit plus simplement, ce roman est truffé de belles choses, comme ce rituel sacré dans la famille Amemiya, « l’adieu aux lettres ». Il est difficile de conserver toutes les lettres et cartes reçues, aussi peut-on les envoyer à la papeterie qui se charge, une fois par an, en toute discrétion, de réduire ces lettres en cendres à la place de leur destinataire.

ito ogawa,la papeterie tsubaki,roman,littérature japonaise,écrivain public,écriture,lettres,cuisine,japon,cuture
Affiche de l'adaptation télévisée

L’écriture manuscrite et son « supplément d’âme », l’enveloppe « visage de la lettre », l’écriture « en miroir » qui fait prendre conscience de la très imparfaite vision de nous-même que renvoie notre reflet, Ito Ogawa magnifie toutes les composantes des échanges épistolaires dans ce récit plein d’empathie et de sympathie – pas seulement pour les mots, mais aussi voire surtout pour les êtres.

Commentaires

  • Je n'a pas lu celui- ci, mais Le ruban (moyen) et Le restaurant de l'amour retrouvé que, lui, j'ai beaucoup aimé!! Ton article rajoute de l'envie à mon envie de lire celui- ci. J'aime la délicatesse de ses descriptions.
    Je profite de l'occasion pour te souhaiter des vœux de joies, amitiés, rencontres livresques et artistiques, une belle année 2022!! Alegria!

  • Je lirais volontiers son premier roman. Que tes projets prennent forme (et couleurs) et que l'année nouvelle réponde à tes attentes essentielles, Anne !

  • j'aime cette couverture originale que tu nous montres en début de billet, il va bien au texte!

  • Bien d'accord !

  • Votre billet me donne bien envie de lire ce livre. J’avais déjà repéré Un Automne à Kyoto chez Bonheur du Jour, que je n’ai toujours pas lu. Encore deux livres à ajouter à ma liste, je n’en viendrai jamais à bout mais ce n’est pas grave, cela entretient le désir et la vie.

  • Ce sont deux romans différents, vous l'avez compris, avec plus de qualité littéraire chez Corinne Atlan. Mais ce livre-ci est parfait pour commencer l'année dans un esprit zen. Merci & bonne année de lectures !

  • J'avais beaucoup aimé ce roman lors de sa sortie.
    Tout est posé, calme, réalisé en pleine conscience et avec une empathie profonde pour les visiteurs de la jeune femme.
    Les descriptions de plats japonais, les techniques de calligraphie, les choix minutieux de papier selon les circonstances ajoutent de "l'ici et du maintenant" roman.
    Belle journée Tania !

  • Le succès de ce roman est mérité et que cela fait du bien de lire que le goût de la belle correspondance fasse l'unanimité encore aujourd'hui !

  • Bonjour, ce livre a tout pour me plaire, je le note sur ma liste. Merci.
    Une belle et douce année 2022 remplie d'une multitude de petits riens qui font la vie belle.

  • Bonjour, Namaste - votre pseudo me rappelle une amie chère qui terminait toujours ses messages par cette belle salutation que je reprends aussi à la fin d'une séance de yoga. Ces petits riens qui font beaucoup, oui !

  • Je viens de dévorer ce livre, un bonheur ... je crois que tout simplement j'avais besoin de ce genre de lecture. Mille mercis pour ce bon moment de douceur, bien que les larmes ont perlé à plusieurs endroits. Bonne journée.

  • C'est un roman qui fait du bien, nous avons besoin de douceur. Bonne semaine, Namaste & merci pour le retour.

  • Ce roman est un chef d’œuvre de délicatesse, j'aimerais bien voir l'adaptation cinématographique, peut-être n'existe-t-elle qu'au Japon ? Merci Tania de me rappeler ce souvenir d'une très belle lecture, je t'embrasse. brigitte

  • En retournant à la source de l'illustration, il semble qu'il s'agisse plutôt d'une adaptation télévisée, je vais corriger.

  • Bien contente que ce roman délicat et si humain t’ait plu Tania!
    J’aime beaucoup moi aussi cette couverture si fine en début de ton billet!

  • Une couverture qui correspond mieux au roman que celle de la traduction française, bien que celle-ci soit plaisante et pertinente aussi avec tous ses éléments, comme la plante de camélia en fleurs.

  • Je garde un joli souvenir de cette lecture. Il y a une suite que je n'ai pas encore lue, j'ai un peu peur de la déception (la République du bonheur) https://www.babelio.com/livres/Ogawa-La-Republique-du-bonheur/1244343 Par ailleurs, je n'ai pas aimé du tout "le jardin arc-en-ciel".

  • Je te comprends, le titre fait un peu peur ;-).

  • J'ai lu ce roman il y a un moment maintenant et me voilà en train de le relire ce qui est une grande joie. Ah oui ! Ecrire des lettres ! Et quelle délicatesse dans ce roman vis à vis de ceux qui souhaitent envoyer une lettre et surtout de ceux qui vont la recevoir. Entre deux lectures, ce roman est posé sur mon bureau, près des lettres auxquelles je dois répondre.

  • Grâce à toi, j'ai retrouvé ce plaisir de la correspondance et du beau papier à lettres, et je ne suis pas la seule - merci, Marie.

  • J'avais déjà noté ce roman, j'espère que j'aurai l'occasion de le lire (comme je te le disais sous la citation :-))

  • Tu finiras bien par en pousser la porte !

  • Bonjour Tania,
    C'est un livre que j'ai beaucoup aimé,. Par contre j'ai été très déçue, par le second "La république du bonheur ", dont parle Aifelle.
    Très bonne année 2022 à toi.

  • Bonjour, Annie & merci, une lectrice avertie en vaut deux. Bonne année nouvelle.

Écrire un commentaire

Optionnel