Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Culture - Page 447

  • Bonjour Ostende

    Ce joli titre d’exposition – en français à la Côte belge, ce n’est pas si courant, merci – met à l’honneur les peintres inspirés par Ostende aux Galeries Vénitiennes, sur la digue de la reine des plages belges, jusqu’au 15 septembre. « Bonjour Ostende » est d’abord le titre d’une amusante toile cubiste de Floris Jespers choisie comme affiche : silhouettes de promeneurs à la manière d’un collage, la tête ailleurs, sur un bord de mer où les poissons s’envoient en l’air – Ostende avec ses cabines rayées, ses bateaux à l’horizon. 

    bonjour ostende,exposition,ostende,peinture,mer,ensor,spilliaert,galeries vénitiennes,belgique,culture
    Floris Jespers, Bonjour Ostende, 1926-1927

    Plusieurs oeuvres de Floris Jespers, dont « La plage d’Ostende », remarquable aussi, accueillent les visiteurs avant qu’ils pénètrent dans une longue salle d’exposition  où les tableaux sont présentés par ordre chronologique, de 1650 à nos jours. Les anciennes représentations de la ville relèvent de la peinture d’histoire (Peter Snayers, « Le Siège d’Ostende ») et mettent en valeur le port, l’arrivée des bateaux, le marché aux poissons, la plage et la digue.

    Au XIXe siècle, Michel Van Cuyck, peintre ostendais, montre la société élégante en promenade sur la digue et, sur la plage, des cabines sur roues qu’on retrouve dans une grande toile verticale de François Musin, « La plage de l’ouest et le casino d’Ostende ». Le Kursaal (ou Casino) est un endroit mythique à Ostende, son architecture a évolué au cours du temps. Musin a peint cette vue (vers 1885) depuis la plage où des pêcheurs à cheval, des enfants, des familles, prennent l’air non loin des cabines aux rayures pimpantes –un drapeau noir jaune rouge piqué dans le sable flotte au vent – sous le mur oblique de la digue avec ses grands hôtels et, tout au bout, l’arrondi de la promenade autour du casino. Superbe. 

    bonjour ostende,exposition,ostende,peinture,mer,ensor,spilliaert,galeries vénitiennes,belgique,culture
    François Musin, La plage de l'ouest et le casino d'Ostende, vers 1885
    (Toile plus lumineuse en réalité)

    Van Cuyck est l’un des artistes locaux chez qui le jeune James Ensor (1860-1949) a pris des cours de dessin, celui-ci est évidemment bien présent avec des marines et des vues en plongée sur des rues qu’il apercevait de son atelier sous les toits. Ses célèbres Bains d’Ostende (1890) sont drôlissimes : personnages grotesques, chiens lubriques, plage grouillant de monde sous un ciel rieur, on ne s’embête pas ! Jean-Jacques Gailliard peint Ensor marchant sur la digue, mains derrière le dos, de profil, tout en noir, avec chapeau et parapluie (« Ensor Ostendais »).

    On croise aux Galeries Vénitiennes des noms bien connus en Belgique : Degreef, Hannon, Vogels, Permeke surtout. On reconnaît « Le port d’Ostende » de Willy Schlobach avec sa grande oblique (collection Belfius), la touche pointilliste de Finch, « L’hippodrome Wellington », et on est attiré irrésistiblement vers le fond de la galerie où l’on reconnaît la patte d’un autre grand peintre ostendais, cher à notre cœur, Léon Spilliaert (1881-1946) – rien que pour lui, le déplacement vaut la peine. 

    bonjour ostende,exposition,ostende,peinture,mer,ensor,spilliaert,galeries vénitiennes,belgique,culture
    Spilliaert, Fillette à la plage (détail), 1909 

    Quel ensemble ! Une « Marine (nocturne) » presque noire, d’un noir d’encre, où l’on devine à peine l’horizon, une « Marine (avec vue sur le Royal Palace) » très claire, légère comme une esquisse, où le peintre distribue ses gris subtils dans l’espace dont mieux que quiconque il rend l’ouverture sur l’infini. Deux repères, le Royal Palace, à gauche, et un bateau qui fume entre ciel et mer. Une « Marine bleue et rouge » au pastel, une autre « aux voiles oranges », et que dire de cette « Digue d’Ostende » à contre-jour, somptueuse ? Une « Fillette à la plage » retient son chapeau ; sur le seuil d’une « Maison appelée « La Chaire » à Ostende », un pêcheur fume la pipe assis sur l’escalier.

    Je ne connaissais pas Jan De Clerck (1881-1962), Ostendais lui aussi, qui nous montre entre autres des bassins du port ou un chantier naval sous la neige ou en été. J’ignorais que Erich Heckel, expressionniste allemand (un des fondateurs de Die Brücke), amené en Flandre par la première guerre (comme infirmier volontaire) avait peint tant de vues d’Ostende – quel dommage que la moitié d’entre elles soient accrochées si haut qu’il faudrait un escabeau pour les approcher ! 

    bonjour ostende,exposition,ostende,peinture,mer,ensor,spilliaert,galeries vénitiennes,belgique,culture
    Erich Heckel, Casino d'Ostende, 1917 

    Je pourrais encore vous parler de Wolvens, de Brusselmans, de Raveel (« Het groen in de zee »)… Mais passons à la photographie et aux images captées, dans les salles annexes : Lili Dujourie y a aligné sept écrans sur lesquels on peut regarder bouger la mer en noir et blanc, marée basse, marée haute, vue de son appartement. Plus loin, de la même artiste flamande, « Ostende » (1974), dix-huit petites photos noir et blanc prises un jour de tempête.

    Contraste avec « Twilight » (« Crépuscule », 2008), un beau film en couleurs de Michel Lorand sur grand écran : un marcheur passe sur la plage avec son chien, c’est un peu flou, la caméra oscille de gauche à droite et inversement, peu à peu la lumière change… Quelques images sur son site vous en donneront un aperçu. Vous pourrez découvrir aussi d’anciens films sur Ostende, il y a de quoi vous remplir les mirettes aux Galeries Vénitiennes (à côté de l’Hôtel des Thermes). Et dans le beau catalogue bilingue de Xavier Tricot (Pandora) qui commence par « Certains noms de villes suscitent le rêve. »

  • Silence social

    « C’est tout de même étrange qu’il ne me sorte pas de la tête. Depuis mon silence social, j’essaie d’éviter de penser trop longtemps aux gens que je croise dans la rue, dans les magasins ou chez le coiffeur, même si nous échangeons quelques mots. Cela aide à garder la distance, ma liberté, pas de liens, mon indépendance. J’ai déjà assez à faire pour bannir les fantômes du passé, les effacer sans les fuir. Fuir, c’est perdre. Rompre, c’est gagner. »

    Verena Hanf, Tango tranquille

    hanf,tango tranquille,roman,littérature française,belgique,rencontre,solitude,société,culture

     

  • Ouvrir sa porte

    « N’avez-vous jamais pensé à tout laisser, délaisser, lâcher ? Vous libérer de toutes ces relations humaines lourdes d’un passé commun, chargées d’histoires remâchées, accommodées, rafistolées ? » Le premier roman de Verena Hanf publié au Castor Astral, Tango tranquille (2013), s’ouvre sur le ras-le-bol de Violette, la soixantaine, un soir de Noël. Dans son vieux fauteuil « vert fané », elle n’a pas envie de décrocher le téléphone, finit par le faire. C’est Lucienne, désolée d’apprendre qu’elle est seule chez elle – « Plaindre est son passe-temps favori. » 

    hanf,tango tranquille,roman,littérature française,belgique,rencontre,solitude,société,culture

    Sa cousine Micheline lui avait proposé d’être des leurs, mais Violette a décliné l’invitation, fatiguée de ces réunions de famille où elle fait « tache grise ». Elle ne supporte plus les intrusions de Lucienne – « tu te replies sur toi-même » – et lui demande de ne plus l’appeler : « Fous-moi la paix une fois pour toutes ». L’une et l’autre lui envoient des lettres, elles viennent même à Bruxelles sonner à la porte de sa maison, héritée du cousin Léo, mais elle ne leur ouvre pas.

    « Depuis quelques années, c’est le calme total, le silence social. » Une carte de Richard, un vieil ami, est arrivée, qui lui demande de faire signe à Jean, mais elle n’y a pas répondu non plus, bien qu’elle pense souvent à lui. Pour ne pas se laisser aller, Violette s’est fixé un rythme, des habitudes, se lève tôt. « Car c’est seulement au petit matin que Bruxelles m’offre un air innocent, une certaine pureté, un calme de petits oiseaux. » En fermant sa porte, la voilà « libérée des liens, des lianes, des liaisons maléfiques », elle compte en profiter.

    Enrique, sans papiers, n’a personne qui lui parle gentiment. Sa cousine Reina lui assure un toit, mais c’est tout petit chez elle, entre le bébé qui hurle et le mari qui fuit. Le jeune Bolivien connaît un peu de français, mais ne trouve pas de travail, alors il sort, il marche, pour oublier ceux qu’il a laissés derrière lui pour tenter sa chance en Europe. Une dame a mis une petite annonce, elle l’engage pour mettre son jardin en ordre, à cinq euros de l’heure. Mieux que rien.

    Violette et Enrique – leurs récits se croisent – se rencontrent un jour en rue. Elle revient du magasin et surveille du coin de l’œil ce « petit jeune » qui marche lentement, sans but ; il ne faudrait pas qu’on lui arrache son sac. Et voilà que le sac en plastique des pommes de terre se déchire, et qu’il se précipite pour les ramasser – « Faut pas, jeune homme, je me débrouille très bien toute seule », mais elle lui ouvre l’autre sac puis le remercie.

    Verena Hanf nous fait entrer dans la vie de ces deux solitaires que tout sépare : Violette a brisé ses anciennes relations, Enrique ne connaît personne ici. Entre souvenirs et discipline quotidienne, Violette dort souvent mal et le porto du soir n’y change rien. Quand elle pense trop à lui, elle se dit que Jean n’est plus là, « un point c’est tout ».

    De retour d’une sortie en ville, elle reconnaît dans le métro le « maigrelet » croisé en rue : il fouille en vain ses poches en face de deux contrôleurs et Violette se surprend elle-même, interpelle son « filleul » et lui fait publiquement la leçon, ce qui le tire d’affaire. Elle, de son côté, se sent « forte et rajeunie ». Dans sa maison « forteresse », elle s’interroge sur ce jeune homme visiblement dans la dèche, et dehors, le cherche du regard.

    Après l’avoir vu entrer dans une maison de l’avenue des Marronniers près du parc ou balayer les feuilles mortes sur le trottoir, Violette se décide à le saluer, et même à parler un peu. Enrique jardine ou bricole, selon ce qu’on lui propose ; en Bolivie il était instituteur, il a appris le français à l’université. Violette se met à passer régulièrement par là – « son sourire soulage mon silence social ». Mais en automne, il disparaît. Et elle tombe malade. Heureusement Luna, la Péruvienne qui l’aide pour le ménage, prend soin d’elle.

    Une fois sur pied, elle reprend le chemin des courses et cette fois, c’est Enrique qui vient à elle. Violette accepte qu’il lui porte ses affaires, lui montre où elle habite. Enrique est à nouveau sans travail, elle l’invite à passer chez elle un de ces jours, elle aura peut-être quelque chose à lui proposer. La femme plutôt revêche du début, qui ne trouve d’apaisement que dans la musique, retrouve peu à peu le sens des autres.

    Dans un style très dépouillé, familier, Tango tranquille raconte des choses de la vie toutes simples, parfois si compliquées quand on n’a pas ou plus de contact avec autrui. Après avoir fermé sa porte, Violette l’ouvre à nouveau, et c’est la vie qui entre. D’abord avec Enrique, puis avec un ancien amour qui donne son titre au roman. De père allemand et de mère égypto-libanaise, Verena Hanf vit à Bruxelles. Dans Les vendredis de Vincent, elle avait déjà révélé une attention singulière aux rapports humains, aux rencontres entre des êtres qui pourraient s’ignorer s’ils ne gardaient ouverte ou entrouverte la porte de leur cœur.

  • Epouser

     – « Tu pourrais épouser Blanco White. »
    Elle écarquilla les yeux. « Tu veux plaisanter ?
    – Pas du tout. Je l’ai vu hier à Londres. C’est un jeune homme très bien, et il est toujours désireux de t’épouser. »
    Amber renversa la tête et émit un rire légèrement hystérique. « Ah vraiment ? Tu es donc allé le trouver et tu lui as offert de me rendre à lui, c’est cela ? Sans me consulter, moi. Le grand champion des droits de la femme, le valeureux critique de la société patriarcale, est prêt à se débarrasser de sa maîtresse encombrante en la refilant à un avocat noble et généreux qu’elle n’aime point. As-tu offert de me pourvoir d’une dot à titre d’incitation ? »

    David Lodge, Un homme de tempérament

    lodge,un homme de tempérament,roman,biographie,littérature anglaise,wells,amour libre,mariage,sexualité,hommes et femmes,socialisme,société,progrès,culture



  • Lodge raconte Wells

    H. G. Wells (1866-1946), l’auteur de La guerre des mondes, était un fervent défenseur de l’Amour Libre. David Lodge, dans Un homme de tempérament (A Man of Parts, 2011) raconte sa vie en plus de 600 pages où l’on ne s’ennuie pas une seconde – quel personnage que cet écrivain qui aimait les femmes ou, plus exactement, qui aimait leur faire l’amour : « Je n'ai jamais été un grand romantique, bien que j'aie aimé très profondément beaucoup de gens. », a écrit Wells dans An Experiment in Autobiography (1934). 

    lodge,un homme de tempérament,roman,biographie,littérature anglaise,wells,amour libre,mariage,sexualité,socialisme,société,progrès,culture

    Dans ce « roman » biographique, Lodge restitue tout Wells – le penseur, le graphomane, le socialiste engagé. Il décrit sa manière de vivre en se basant sur des sources factuelles : « Tous les personnages sont des représentations de personnes réelles, dont les relations étaient telles qu’elles sont décrites », avertit-il, même s’il a enrichi le récit de détails imaginaires.

    Un homme de tempérament s’ouvre sur la mort de H. G. Wells peu après la seconde guerre mondiale, dans sa maison de Londres. En 1944, son fils Anthony West téléphone à sa mère, Rebecca West, la romancière de 26 ans plus jeune que l’écrivain dont elle est séparée depuis vingt ans, pour lui annoncer que Wells souffre d’un cancer du foie. Quand elle vient le voir, le malade a toujours ses carnets près de lui. Il se demande combien de temps il lui reste : « Je ne veux pas mourir, Panthère » dit-il à celle qui continue à l’appeler « Jaguar ».  

    lodge,un homme de tempérament,roman,biographie,littérature anglaise,wells,amour libre,mariage,sexualité,socialisme,société,progrès,culture
    http://conwayhall.org.uk/h-g-wells

    En 1935, dans une notice nécrologique « humoristique », il se disait « l’un des écrivaillons les plus prolifiques » du début du XXe siècle : une centaine de livres, des milliers d’articles. Lodge insère souvent dans son récit des « questions – réponses » et la manière dont il titille son sujet dans ces dialogues y met beaucoup de piquant. Wells était très sensible à ce qu’on disait de lui. Par exemple, Orwell avait déclaré à la BBC que « H.G. Wells imaginait que la science allait sauver le monde, alors qu’elle avait beaucoup plus de chances de le détruire. » En rage, celui-ci avait répondu : « Je ne dis pas cela du tout, espèce de salopard. Lisez mes premiers ouvrages. » 

    L’intérêt de Wells pour la science (quelques-unes de ses prédictions se sont vérifiées) et le sexe, sa vie privée non-conformiste, ses déclarations ont nourri bien des polémiques, des disputes, même avec ses amis les plus proches. Loin du récit biographique habituel, le roman de David Lodge est tout en élans, en réactions, en rebondissements, au fil des projets ou des lubies de H. G. Wells, qu’il s’agisse d’écrire, de séduire, de déménager, d’entreprendre… 

    lodge,un homme de tempérament,roman,biographie,littérature anglaise,wells,amour libre,mariage,sexualité,socialisme,société,progrès,culture

    D’origine modeste, il estimait qu’une alimentation trop pauvre était responsable de sa petite taille. A quinze ans, il quitte l’école pour devenir apprenti drapier, souhait de son père. Mais les livres lui ont fait découvrir « un monde plus passionnant, plus épanouissant ». Wells veut « sortir de cet enfer » de la pauvreté respectable, l’esclavage moderne tel qu’il l’a montré dans Kipps. Intelligent, mais sans instruction, il obtient un emploi d’appariteur à la Midhurst Grammar : en échange de l’enseignement donné à de jeunes élèves, il y bénéficie de quelques heures d’enseignement gratuites. Le succès dans ses études lui vaut une bourse pour des études supérieures, il montre « des capacités d’assimilation » peu ordinaires. Mais il échoue en troisième année, faute d’avoir consacré assez de temps à ses cours de sciences. Amoureux de sa cousine Isabel, il enseigne dès lors dans une école privée et gagne assez d’argent pour l’épouser. 

    Isabel, il le découvre alors, répugne aux rapports physiques. Leur vie commune révèle une incompatibilité totale « de corps et d’esprit ». Aussi est-il très sensible à l’admiration de « Miss Robbins » qui suit son cours de biologie, une jeune femme d’un milieu social un peu plus élevé. La tuberculose va écarter Wells de l’enseignement, mais le rapprocher de son élève. Isabel l’oblige à choisir. Il la quitte pour vivre avec Amy Catherine Robbins, rebaptisée « Jane » (elle n’aimait pas son premier prénom, lui n’aimait pas le second). Et voilà qu’elle aussi le déçoit au lit. Inconsciemment, n’aimait-il que le sexe « illicite, transgressif » ? Wells écrit alors des nouvelles et surtout des articles humoristiques, « sa principale source de revenus ». Il vivra désormais de sa plume. 

    lodge,un homme de tempérament,roman,biographie,littérature anglaise,wells,amour libre,mariage,sexualité,socialisme,société,progrès,culture
    http://www.folkestonehistory.org/index.php?page=sandgate

    Wells considérait ses mariages comme des déceptions, non des échecs. Jane, sa compagne à vie, comprenait ses besoins et s’en accommodait, à certaines conditions. La prospérité venue, ils font construire Spade House à Sandgate. L’écrivain peut alors soigner davantage son corps et sa mise. « Le prestige de sa réputation littéraire » attire à lui des femmes « sensibles », et le petit appartement que Wells loue à Londres est très commode pour ce genre de relations. Jane et lui auront deux fils. 

    Hostile aux religions institutionnelles, Wells considérait qu’il avait une mission à accomplir dans la société. La fréquentation des Fabiens, de tendance socialiste et réformatrice, (trop conservateurs et bourgeois, d’après lui, en particulier sur les questions de sexualité) lui fera rencontrer Amber Reeves, la fille d’un couple d’amis. Celle-ci est très féministe et applaudit les discours de Wells sur l’indépendance économique de la femme et sa liberté personnelle. Devinez la suite.  

    lodge,un homme de tempérament,roman,biographie,littérature anglaise,wells,amour libre,mariage,sexualité,socialisme,société,progrès,culturehttp://thisrecording.com/today/2012/11/27/in-which-we-hate-waiting-about.html

    Wells correspond avec les écrivains de son temps. A Henry James, il envoie ses livres, savoure ses réponses subtiles, mais quand il s’amuse à parodier son style dans un article de presse, c’est la provocation de trop. Bernard Shaw se montrera plus compréhensif, y compris à propos de sa vie privée. Il y aura beaucoup d’autres femmes : la romancière Violet Hunt, Dorothy Richardson qui veut un enfant de lui, Rosamund Bland qui n’oublie pas sa promesse d’un voyage à Paris ensemble, la comtesse Elizabeth von Arnim… Toutes lui inspirent des héroïnes de roman. Mais dans la vie réelle, cohabiter avec une autre que Jane, si cela satisfait sa sensualité, se solde chaque fois par un échec : seule sa deuxième épouse assure son confort et le laisse en paix, pourvu qu’il lui revienne. 

    Rebecca West attire son attention en rédigeant « une critique cinglante de Mariage dans The Freewoman ». Piqué au vif, il lui écrit et l’invite à déjeuner pour en discuter plus avant. Début d’un nouvel épisode dans sa vie tumultueuse. Sur les torts qu’il a causés à certaines jeunes femmes, à leur réputation et parfois à leur avenir, le Wells de Lodge a toujours une réponse prête qui lui évite le mauvais rôle, accusant les parents ou la société. Les propos et le comportement de ce partisan du féminisme m'ont fait sursauter à maintes reprises. « N’étiez-vous donc pas capable de tirer des leçons ? – Pour ce qui est des femmes, il semblerait que non. »