Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Culture - Page 448

  • Vous m'avez dit

    Vous m'avez dit, tel soir, des paroles si belles

    Que sans doute les fleurs, qui se penchaient vers nous,

    Soudain nous ont aimés et que l'une d'entre elles,

    Pour nous toucher tous deux, tomba sur nos genoux. 

    Caillou-qui-bique Vous m'avez dit.jpg

    Vous me parliez des temps prochains où nos années,

    Comme des fruits trop mûrs, se laisseraient cueillir ;

    Comment éclaterait le glas des destinées,

    Comment on s'aimerait, en se sentant vieillir. 

    Caillou-qui-bique flèche musée.jpg

    Votre voix m'enlaçait comme une chère étreinte,

    Et votre cœur brûlait si tranquillement beau

    Qu'en ce moment, j'aurais pu voir s'ouvrir sans crainte 

    Les tortueux chemins qui vont vers le tombeau.


    Emile Verhaeren, Les heures d'après-midi

  • Au Caillou qui bique

    L’année dernière, à Saint-Amand, nous nous étions promis de nous rendre au Caillou-qui-bique cher à Verhaeren, après avoir visité la belle exposition du Musée provincial consacrée à ce lieu mythique. De 1899 à 1914, le poète belge, qui avait quitté Bruxelles pour s’installer à Saint-Cloud, y séjournait régulièrement avec sa femme dans la petite maison mise à sa disposition par la famille Laurent, non loin du célèbre Caillou. 

    verhaeren,caillou qui bique,espace muséal verhaeren,roisin,musée,promenade,honnelle,culture

    C’est la femme de Rodenbach qui a fait découvrir cet endroit à Verhaeren, à la fin d’une période noire pour le poète, marquée par le deuil de ses parents et des crises de neurasthénie. Rodenbach, son ami, venait de mourir et la famille de sa veuve « lui dénicha la ferme des Laurent au site du Caillou-qui-Bique, une bâtisse noyée dans les taillis où les promeneurs de la région avaient l'habitude de manger les excellents repas préparés par Madame Laurent. »

    verhaeren,caillou qui bique,espace muséal verhaeren,roisin,musée,promenade,honnelle,culture

    De mars à mai, d’août à novembre – sujet au rhume des foins, il évitait d’y passer le plein été – Emile Verhaeren venait se reposer à Roisin avec Marthe, lire, écrire, se promener, recevoir des amis : Zweig, Montald et sa femme, Emile Claus... Il vivait là très simplement (voir le récit de C. Debiève) dans une annexe aménagée pour lui au fil des ans.

    verhaeren,caillou qui bique,espace muséal verhaeren,roisin,musée,promenade,honnelle,culture 

    En suivant les flèches vers « l’Espace Muséal Verhaeren », on roule en direction de Roisin sur un ruban de route qui monte vers le ciel au milieu des champs et là, déjà, on devine ce que le poète a aimé ici : l’espace complètement ouvert, la paix, la nature pour seul horizon. 

    verhaeren,caillou qui bique,espace muséal verhaeren,roisin,musée,promenade,honnelle,culture

    Les bannières du lieu portent le beau logo de Verhaeren en marche, silhouette pleine d’écriture. Et voici quelques maisons, un parking, un panneau « musée ».  

    verhaeren,caillou qui bique,espace muséal verhaeren,roisin,musée,promenade,honnelle,culture

    En pénétrant dans la cour, nous apercevons le profil des Verhaeren sur le mur d’une maisonnette.  Nous avons oublié que le musée n’ouvre que le week-end et les jours fériés, dans l’après-midi ; en semaine, il se visite sur rendez-vous. Heureusement, en faisant le tour de l’autre côté, nous rencontrons une personne très aimable qui possède la clé de ce petit musée à la mémoire d’Emile Verhaeren à Roisin.

    verhaeren,caillou qui bique,espace muséal verhaeren,roisin,musée,promenade,honnelle,culture

    Nous y entrons (le musée est situé dans une annexe) en musique : de jeunes flamands répètent ici et là, trompettes, saxos, logés sans doute au foyer d’hébergement du Caillou qui bique. Quelques dessins nous retiennent près du seuil, dont une jolie gravure inspirée par les jonquilles locales très appréciées des promeneurs au printemps.

    verhaeren,caillou qui bique,espace muséal verhaeren,roisin,musée,promenade,honnelle,culturehttp://www.emileverhaerenroisin.net/

    Des panneaux racontent la vie de Verhaeren, en français et en néerlandais. Le buste du poète sculpté par César Schroeven, dont nous avions vu la version en bronze à Saint-Amand, donne de la présence au poète dans cet espace jaune et bleu qui lui est dédié. 

    verhaeren,caillou qui bique,espace muséal verhaeren,roisin,musée,promenade,honnelle,culture

    Belle couverture d’un livre posthume portant le nom du lieu, dessins, correspondances, reproductions de peintures, photographies, poèmes de ses différents recueils, l’hommage au poète est présenté avec soin. Valère Brussov, son premier traducteur russe, lui écrit de Moscou en 1906 : « Cher maître, (…) je serai toujours fier d’avoir été le premier prophète de votre poésie chez nous. » Stefan Zweig, fin août 1909, lui écrit sur papier à en-tête d’un hôtel à Saint Blasien, Schwarzwald, à propos d’un article à sa gloire : « ce n’est plus un essay (sic), c’est une fanfare ! » Plus loin, quatre feuillets signés Verlaine, « A vous de coeur. » 

    verhaeren,caillou qui bique,espace muséal verhaeren,roisin,musée,promenade,honnelle,culture

    Dans une lettre à Rodin, datée de Saint-Cloud, 23 mai 1916, Verhaeren évoque la comtesse de Caraman, la reine Elisabeth, La Panne, et conseille au sculpteur d’attendre un signe de la comtesse avant de se déplacer en Belgique « sans péril ». A la fin du parcours, le terrible télégramme annonçant la mort de Verhaeren à la gare de Rouen : « Verhaeren victime épouvantable accident – veuillez préparer Madame Verhaeren (…) » 

    verhaeren,caillou qui bique,espace muséal verhaeren,roisin,musée,promenade,honnelle,culture

    En contrebas des habitations, près d’une barrière blanche, c’est le début de la promenade des pierres : au pied du monument à Verhaeren, de grandes dalles grises. On y a gravé des vers du poète, et on en retrouvera tout le long de cette boucle qui nous fait d'abord descendre dans les bois pour traverser la Honnelle.

    verhaeren,caillou qui bique,espace muséal verhaeren,roisin,musée,promenade,honnelle,culture
    La légende du Caillou : http://www.pnhp.be/html/fr/curiosites.html

    On longe la rivière jusqu’au Caillou éponyme, le fameux poudingue, curiosité naturelle : un énorme caillou qui « bique », c’est-à-dire qui se tient en équilibre sur un autre. Bel endroit sauvage où pierres et arbres se tutoient au bord de l’eau.

    verhaeren,caillou qui bique,espace muséal verhaeren,roisin,musée,promenade,honnelle,culture

    Un peu plus loin, on laisse à droite une maison de briques aux fenêtres joliment arrondies pour monter à la terrasse du Chalet du Garde. Ne croyez pas que je l’invente, un aimable chat tigré gris nous y attendait sur les vers du poète.

    verhaeren,caillou qui bique,espace muséal verhaeren,roisin,musée,promenade,honnelle,culture

    Le temps d’un thé dans ce décor bucolique, puis nous retraversons la Honnelle pour remonter vers les champs. Au sortir du bois, après quelques maisons, c’est à nouveau l’espace grand ouvert, « mon ami le paysage », chanté par Verhaeren.

  • Se justifier

    « Il y a longtemps, quand elle était adolescente et que son père était un jeune, vigoureux et ambitieux adjoint au procureur de district à Long Island, il lui avait dit, lors d’un rare moment d’intimité, que l’esprit humain tire très vite des conclusions à partir de faits extrêmement ténus – il calcule avec audace, mais de manière très convaincante, dans l’intention de donner du sens à ce qui n’en a pas. 
    Parmi une masse de faits cohérents, il sélectionne au hasard mais efficacement pour créer un récit susceptible de se justifier lui-même. » 

    Joyce Carol Oates, Le département de musique

    Oates couverture.jpg

  • Musique et cruauté

    Pas de musique qui adoucit les mœurs dans Le département de musique (Nemesis, traduit de l’anglais par Boris Matthews), roman publié par Joyce Carol Oates sous le pseudonyme de Rosamond Smith en 1990. Mais de la cruauté, certes. Ce thriller s’ouvre sur un étonnant extrait d’une lettre de Chopin : « Ce n’est pas de ma faute si je ressemble à un champignon qui paraît comestible, mais qui vous empoisonne quand vous y goûtez en le prenant pour un autre. » (1839) 

    joyce carol oates,le département de musique,nemesis,roman,littérature anglaise,etats-unis,thriller,musique,violence,viol,meurtre,homosexualité,enseignement,culture
    Première édition

    Maggie Blackburn, « femme d’une grande intégrité », célibataire, est « une pianiste douée » mais manque de confiance en soi. Professeur au Conservatoire de Forest Park (Connecticut) depuis six ans, elle vient d’être nommée à 34 ans « directrice du département de formation musicale pour étudiants avancés ». Son style vestimentaire (des couleurs toujours neutres), ses bijoux coûteux (héritage de famille), son attitude « parfois distraite, voire absente », sa discrétion sur sa vie privée la rendent mystérieuse aux yeux des autres.

    Elle ne parle à personne des visites qu’elle rend à son père en maison de retraite jusqu’à sa mort, ni des « crises d’amnésie » qui la saisissent parfois. En septembre 1988, Maggie organise une grande soirée dans sa maison pour présenter les nouveaux étudiants et enseignants à la communauté du Conservatoire. Soirée fatale.

    Calvin Gould, le recteur, 39 ans, est son invité le plus désiré : elle est secrètement amoureuse de lui. Sa femme déteste les mondanités, et comme prévu, il viendra sans elle. Les canaris de Maggie, Rex, un mâle au chant extraordinaire et une femelle, Sucre d’orge, sont des oiseaux délicats qu’un courant d’air froid pourrait tuer, aussi a-t-elle déplacé leur cage à l’arrière de la maison, loin de l’agitation.

    Puis c’est le défilé des invités, l’attention pour chacun, pour le service, un stress continu pour Maggie qui a du mal à se détendre et observe tout son monde, soucieuse que tout soit parfait. Vingt minutes avant la fin, Calvin Gould arrive enfin, la trouve « merveilleuse », puis est rapidement accaparé par les autres. Le recteur est un « personnage controversé » au sein du département de musique, mais Maggie le défend toujours « bec et ongles ».

    Au moment où ses derniers invités prennent congé, Maggie remarque Rolfe Christensen, 59 ans, compositeur renommé, en grande conversation avec un compositeur novice de 27 ans, Brendan Bauer, un étudiant timide qui a tendance à bégayer. Christensen lui propose de le raccompagner en voiture et Calvin, de son côté, reconduit une étudiante à sa résidence sur le campus. Le calme revenu, Maggie découvre que quelqu’un a fumé dans son bureau et y a ouvert la fenêtre en grand : Sucre d’orge gît sur le sol de la cage, morte.

    Ce petit drame n’est rien en comparaison de celui qui se déroule dans la majestueuse demeure de Christensen, qui a ramené Brendan chez lui sous prétexte de lui faire écouter un enregistrement de son « Adagio pour piano et cordes ». Jeune, maigrichon, « charmant », l’étudiant est le genre de garçon qui attire Christensen, un costaud. Il le fait boire, use et abuse de son autorité naturelle, de sa logorrhée de moins en moins contenue, pour retenir sa proie.

    Le lendemain, Maggie enterre Sucre d’orge. Plus tard dans la journée, elle aperçoit quelqu’un derrière chez elle : Brendan Bauer, hagard, apeuré, la peau éraflée, les lunettes cassées, est si agité qu’il refuse de s’asseoir quand elle le fait entrer. Comme fou, le jeune homme déambule dans le salon, touche le piano, finit par accepter une tasse de café. Il ne veut ni médecin, ni qu’elle l’emmène aux urgences, et finit par dire l’abominable : il a été violé, pense au suicide, regrette de n’avoir pas tué Christensen, renonce à ses cours.

    Stupéfaite, compréhensive, patiente, Maggie parvient à lui faire raconter ce qu’il a vécu, la manière monstrueuse dont il a été traité. Elle veut prévenir la police, mais Brendan refuse, l’humiliation a été trop grande et il ne supporterait pas qu’on le prenne pour un homosexuel qu’il n’est pas. Elle le reconduit chez lui en le priant de l’appeler en cas de besoin, elle est sa conseillère après tout.

    Le lundi matin, elle se rend dans le bureau du recteur pour l’informer. Calvin Gould est écœuré, il craint que Brendan ne mette fin à ses jours et convainc Maggie de l’appeler pour qu’il dépose une plainte au département, en toute confidentialité – Brendan accepte. Maggie apprend un peu du passé trouble de Christensen, qu’elle ignorait. Pendant quelques jours, celui-ci reste invisible, et quand il réapparaît, convoqué chez le recteur, il est accompagné de son avocat. Sans vergogne, il parle de rapports entre adultes consentants, prétend que Brendan l’a provoqué, joue les scandalisés. 

    La vérité sur cette nuit-là ne sera dévoilée, on s’en doute, qu’à la fin du roman, après la mort de Christensen, empoisonné, et le meurtre d’un autre musicien. Brendan est suspecté, seule Maggie reste convaincue de son innocence. La découverte du véritable assassin devient son obsession. Nemesis (titre original) est la déesse de la vengeance, de la colère divine. Joyce Carol Oates, pour qui la lecture de Crime et châtiment fut une révélation, sème évidemment des indices, ouvre de fausses pistes, tient ses lecteurs en haleine, mêle avec brio à ces violences les secrets intimes et la musique, tissant page après page le portrait d’une femme à l’air fragile, terriblement obstinée.

  • Nénuphar

    « Nénuphar » vient de l’égyptien « nanoufar » qui veut dire « les belles » ; dans l’Egypte ancienne on donnait ce nom aux nymphéas, considérés comme les plus belles des fleurs. « Un grand lotus sorti des eaux primordiales » est le berceau du soleil au premier matin. Ouvrant leur corolle à l’aube et la refermant le soir, les nymphéas, pour les Egyptiens, « concrétisaient la naissance du monde à partir de l’humide. » (G. Posener, Dictionnaire de la civilisation égytienne) 

    nénuphar,nymphéa,fleur,symbole,nature,culture

    Jean Chevalier, Alain Gheerbrant, Dictionnaire des symbolesRobert Laffont/Jupiter, 1985.