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Le roman de la vie

Y a-t-il période plus propice aux rencontres que le temps des études sur un campus universitaire ? Le roman du mariage de Jeffrey Eugenides (The Marriage Plot, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Olivier Deparis) continue à captiver ses lecteurs en format de poche – un gros roman d’amour, mais pas seulement. 

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Le titre renvoie d’abord à un cours choisi par Madeleine Hanna, étudiante en lettres : « Le roman du mariage : œuvres choisies d’Austen, d’Eliot et de James ». Le jour de la remise des diplômes à Providence, Rhode Island, le coup de sonnette de ses parents rappelle à Madeleine le petit-déjeuner qu’ils ont convenu de prendre ensemble, mais elle n’a pas du tout la tête à faire la fête après une nuit agitée et trop alcoolisée.

Phyllida et Alton sont en pleine forme, eux, ravis de féliciter leur lauréate. Malgré les années et leurs prises de bec, Madeleine observe sa mère « une fois de plus en parfait accord avec les circonstances », soignée, enthousiaste, de quoi se sentir encore plus déphasée. Ses projets de vie commune avec Leonard Bankhead inquiètent sa mère, qui lui préfère Mitchell, « le genre de garçon dont elle aurait dû logiquement tomber amoureuse et devenir l’épouse, un garçon intelligent et sain qui plaisait à ses parents. » 

Après ses études de théologie, Mitchell Grammaticus  (à moitié grec, comme l’auteur) a prévu de faire un grand voyage jusqu’en Inde avec un ami. Madeleine, sans réponse à sa demande de troisième cycle, se sent perdue, sans endroit où aller sinon chez ses parents. Elle vient de rompre avec Leonard, rencontré au cours de « Sémiotique 211 » (question de se mettre au courant des théories littéraires en vogue), un des dix étudiants sélectionnés pour ce programme.  

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Bien qu’il se spécialise en biologie, Leonard a suivi ce cours « par intérêt philosophique », et dès leurs premières conversations, Madeleine a découvert quelqu’un d’étonnant, d’une intelligence fulgurante, très différent de ses petits amis précédents. A la même époque, elle lisait Fragments d’un discours amoureux de Barthes, qu’elle ne lâchait plus. Mais Leonard a ironisé lorsqu’elle lui a parlé d’amour, et elle a décidé alors de rompre.

Mitchell a eu sa chance, quand Madeleine l’a invité chez ses parents pour Thanksgiving, pour ne pas le laisser seul sur le campus. C’est alors qu’il a charmé ses parents mais s’est montré trop timide avec elle – elle l’a laissé tomber, et pourtant lui ne pense qu’à l’épouser. Et voilà que juste avant la cérémonie des diplômés, un ami de Leonard téléphone à Madeleine pour lui apprendre que celui-ci est à l’hôpital, pour une grosse dépression.

Furieuse que ses colocataires lui aient caché son état, Madeleine oublie la cérémonie, file à l’hôpital : Leonard, sous lithium, estime qu’elle a bien fait de quitter un « handicapé affectif », les unités de cours à récupérer pour obtenir son diplôme l’obsèdent,. Madeleine, qui n’a reçu aucune réponse positive à ses demandes de troisième cycle, se trouve un nouvel objectif : aider Leonard à s’en sortir. 

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Sur près de six cents pages, Eugenides décortique les états d’âme des uns et des autres, suit chacun des personnages dans ses pérégrinations, Mitchell dans son voyage autour du monde et ses interrogations spirituelles, Leonard entre les hauts et les bas d’un maniaco-dépressif, Madeleine dans ses lectures et l’analyse de ses sentiments personnels. « Un remake de « Jules et Jim » transposé dans l’univers drolatique de David Lodge », titre André Clavel (Le Temps) 

Dans Télérama, Nathalie Crom fait l’éloge d’un « récit d’apprentissage de facture classique, remarquablement intelligent et infiniment séduisant. » Fallait-il tant d’adverbes ? Il y a des longueurs dans Le roman du mariage. Eugenides, qui dédie son roman à ses « colocs », décrit d’abord les mœurs universitaires à Brown, dans les années 80, avec pas mal d’ironie quant aux effets du structuralisme sur les approches littéraires, mais fait surtout place ensuite aux interrogations existentielles. Une fois le campus quitté, il faut choisir sa vie – pour ou contre, avec ou sans – et interviennent alors l’éducation, le milieu, les sentiments, les réponses du monde à nos attentes, et les circonstances, imprévisibles.

 

Commentaires

  • Bonjour Tania, est-ce à dire qu'il est traduit en Livre de Poche? Cela a l'air tentant à première lecture, mais, mais, je ne sais pas si la bipolarité fait un sujet de roman très gai...

  • Bonjour Pivoine, oui, le roman est sorti au Livre de Poche, la couverture illustrera l'extrait ce soir. Pas ennuyeuse du tout et souvent drôle, cette histoire, tu verras si tu te décides.

  • Les passages cités révèlent une écriture talentueuse et ta présentation donne envie de lire ce roman. Merci !

  • Je suis assez tentée et puisqu'il est en poche, il y a déjà moins à hésiter. Je suis curieuse de voir la couverture qu'ils auront choisie.

  • @ Danièle : Tant mieux. Bonne lecture, Danièle, merci pour ton passage.

    @ Aifelle : C'est aussi ce qui m'a décidée, et un retour sur la vie étudiante et ses multiples facettes, mutatis mutandis.

  • Je vais le lire, je pense. Je vous fais vraiment confiance depuis que vous m'avez fait lire La pluie avant qu'elle tombe. Merci et bonne journée !

  • Que les étudiants de Eugenides plaisantent sur les effets pratiques du structuralisme m'amuse, je lis un récit de Antoine Compagnon qui fréquenta Barthes. À travers ses propos, on se demande l'intérêt de certains travaux comme le "Fragment d'un discours amoureux". Compagnon lui-même, qui était son confident, a tourné le dos au maître des années 80.


    600 pages et des longueurs, je me sens plus près de short stories que d'un marathon là !
    Merci pour ce billet, comme d'habitude, complet et intéressant.

  • @ Bonheur du jour : Je parle ici de toutes mes lectures excepté celles qui m'ont déplu, ennuyée ou laissée indifférente. Votre confiance m'honore, belle journée !

    @ Christw : Eugenides caricature les travaux des structuralistes, ils ont tout de même contribué à susciter de nouvelles approches des textes, du langage (explicite et implicite). De là à proclamer la mort de l'auteur, c'était trop, sans nul doute.

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