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Belgique - Page 137

  • Nous marcherons

    « Une neige de bonne volonté, un jour de Noël ! Venez, je vous conduirai en des lieux que j’aime particulièrement. Nous marcherons dans la neige neuve et fragile, d’abord, sur une digue, puis, nous suivrons une petite chaussée qui serpente, nous passerons l’eau dans une barque verte, nous traverserons des oseraies aux tiges jaunes et rouges ; je vous mène vers une Bethléem de ce pays. 

    Neige 2013.jpg

    Nous marcherons comme les rois Mages. Vous, les peintres, vous offrirez la lumière, pareille à de l’or, que vous recueillez dans vos yeux, tout le long de l’année. Vous, les poètes, vous apporterez l’encens léger de vos rêves rythmés, et vous, les petits enfants, la myrrhe, ce présent mystérieux, comme l’avenir vers  où vous courez. »

     

    Marie Gevers, Décembre et la neige (Plaisir des météores)

  • Lumière du ciel

    « Au moment où la lune plonge dans les lames de plus en plus serrées, la certitude de la neige nous vient. Mais comme il est rare de pouvoir surprendre la chute du premier flocon ! Levez le visage, tendez les mains, fermez les yeux, les paupières sensibles révèleront peut-être un pétale de neige ! 

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    Photo Janvier 2013

    Il est aussi difficile de saisir ce premier flocon que de surprendre le moment où la surface d’un étang se couvre de glace… il y a un instant, l’espace était plein de l’odeur de la neige, mais il ne neigeait pas… la lune brassait la neige à pleins rayons, mais il ne neigeait pas. Notre visage interrogeait en vain l’air adouci, mais pas un duvet ne venait le caresser, et voici que soudain tout l’espace floconne, danse, fleurit, et que toute la lumière du ciel vient baiser la terre.

    La lumière du ciel ?...

    Solstice d’hiver, Noël, le véritable cycle de l’année recommence. Dans cette campagne endormie, dans cette descente continue de la neige, dans cette absence absolue de tout mouvement latéral, le ciel et la terre échangent des messages. Nos cœurs sont aussi comblés de symboles que cette nuit est comblée de blancheurs. Tenons-nous au centre de tout, comme si nous étions la rose des vents, immobile, au commencement du monde. »

     

    Marie Gevers, Décembre et la neige (Plaisir des météores)

     

     

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    Bonne fête de Noël
    à toutes & à tous !

  • L'oeil du désir

    Rubens Venus Frigida.jpg« Avez-vous déchiffré le titre de notre récit mythologique, Venus frigida. Frigide, la déesse de l’amour, non pas. Venus frigida, c’est la Vénus venue des rives de la mer Méditerranée et qui frissonne et prend froid dans les plaines du Nord. Le vent décoiffe les branches des arbres, noie le ciel de pluie. La belle Vénus ployée, surprise par l’arrivée d’un être mi-homme, mi-bête, médite, la bouche songeuse appuyée sur la main, le regard détourné, fuyant, elle échafaude quelque ruse pour échapper au piège qui lui est tendu.

     

    Songez, notre scène ne vous est-elle pas familière, mille fois vue, partout, au musée, au cinéma, sur les affiches de publicité ? Une femme à la nudité savamment dévoilée se retrouve passivement saisie sous l’œil désirant d’un homme. « Suzanne et les vieillards », « Femme à sa toilette », « Pan et le Syrinx », des générations de peintres ont repris ce thème… Le cadrage demeure identique depuis des siècles, depuis des millénaires. C’est l’homme qui regarde, c’est la femme qui est vue. L’œil du désir est un privilège masculin. »

     

    Lydia Flem, L’œil du désir (Prose pour P. P. Rubens / Guide du visiteur)

     

    « Sensation et sensualité, Rubens et son héritage », Palais des Beaux-Arts, Bruxelles, 25.09.2014 > 04.01.2015

     

    Peter Paul Rubens, Venus Frigida, 1614 © Lukas - Art in Flanders VZW / Royal Museum of Fine Arts Antwerp

    photo Hugo Maertens.

     

     

     

     

     

  • Inspiré par Rubens

    « Sensation et sensualité, Rubens et son héritage » : il y a foule au Palais des Beaux-Arts pour cette exposition riche d’œuvres en provenance du monde entier, organisée avec le Musée des Beaux-Arts d’Anvers et la Royal Academy Of Arts de Londres. Pas de présentation chronologique, mais autour d’une belle sélection d’œuvres de Rubens, son héritage artistique, en six thèmes : violence, pouvoir, luxure (ci-dessous un détail de Pan et Syrinx en couverture du catalogue), compassion, élégance et poésie. 

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    Pourquoi, comment Rubens (1577-1640) a-t-il influencé tant de peintres ? Voilà le sujet. De nombreux artistes français, allemands, espagnols, anglais, se sont inspirés de son art. Les œuvres exposées permettent d’observer comment ils reprennent et interprètent ce qui les a séduits chez le grand maître flamand. Pour découvrir ce parcours thématique, je vous renvoie au dossier de presse et au guide du visiteur (GV) sur le site de Bozar. Devant la surabondance, je renonce à toute synthèse.

     

    Pour ma part, j’ai envie de vous parler d’un tableau qui m’a particulièrement plu parmi les « héritiers » de Rubens, dans la dernière section : La pêche de Manet (1862-63), un prêt du Metropolitan Museum de New York. C’est un paysage « animé » comme on dit pour signifier qu’il s’y trouve des personnages. Des pêcheurs, forcément : un gamin assis sur la rive, attend que le poisson morde à l’hameçon ; dans une barque, un homme tire ses filets à l’avant ; son passager au chapeau de paille, accoudé à l’arrière, observe la manœuvre d’un jeune homme armé d’une gaffe.

     

    Inattendu, à l’avant-plan, un couple aux vêtements anciens et raffinés, éclairés d’élégants cols blancs, elle en bleu, lui en rouge. Leur chien, un chien de chasse « qui semble sorti tout droit du XVIIe siècle » (GV) observe ce qui se passe sur l’eau, au milieu de la toile. Le couple, lui, tourne le dos à cette scène aquatique et fait face au spectateur, mais en regardant de côté vers le chien, l’homme pointe le doigt dans sa direction.  

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    Edouard Manet, La pêche, 1862-63, New York, The Metropolitan Museum of Art

    La datation du tableau est incertaine. Le catalogue Manet de la fondation Pierre Gianadda (1996) cite en premier Antonin Proust selon qui « La promenade » (titre de l’étude correspondante) aurait été peinte entre 1858 et 1860 ; puis Léon Leenhoff (modèle du jeune garçon), qui y a reconnu un paysage de l’île Saint-Ouen (où la famille du peintre avait une propriété) et propose 1861, date de l’installation de Manet dans l’atelier de la rue Guyot où il a peint d’après des croquis de l’île.

     

    L’arc-en-ciel à l’horizon, un village au loin, la flèche d’une église, des baigneuses près d’un bosquet, la signature oblique sur une barque, il y a une foule de choses à découvrir dans cette toile, « image composite, encombrée, mouvementée, diffuse, un mélange de genres, de plaisirs, de loisirs » (catalogue Gianadda), « un étrange mirage de toute  beauté » (GV, qui ajoute « même si le tableau manque de vie » – vraiment ?)

     

    Delacroix avait donné au jeune Manet ce conseil : « Il fallait voir Rubens, s’inspirer de Rubens, copier Rubens, Rubens était le dieu. » Et Rubens est bien au centre de cette peinture : l’arc-en-ciel, le chien, les jeunes arbres sont empruntés à son Paysage à l’arc-en-ciel (Louvre). Et le couple ? Ces costumes du dix-septième siècle ? Eh bien, il s’agit d’Edouard Manet et de sa future femme, Suzanne Leenhoff, représentés dans la même pose que Rubens et Hélène Fourment dans Parc du Château de Steen (Kunsthistorisches Museum, Vienne).

     

    La notice du MET rapporte que Manet, ayant caché à son père sa relation avec Suzanne, a sans doute peint cette « variation sur un portrait de noces » entre la mort de son père en septembre 1862 et leur mariage en octobre 1863, ce qui correspond à la datation actuelle. Ce tableau riche d’emprunts à Rubens (et à Carracci) et à sa propre vie (c’est peut-être Léon, fils de Suzanne, né de père inconnu, que Manet montre du doigt, « comme pour « accepter » le garçon dans sa famille », suggère le catalogue Gianadda), était très cher au peintre. La pêche n’a jamais été exposée du vivant de Manet (1832-1883), c’était un « tableau de famille », accroché dans leur appartement.

  • Illusionnistes

    Coe expo58 affiche.jpg

     

    « Ce que nous exposons au Pavillon n’est qu’une réplique. N’empêche, expliqua-t-il, il faut quelqu’un pour vérifier qu’elle marche, que les voyants s’allument et s’éteignent au bon moment, etc., etc., histoire d’impressionner le bon peuple. Marrant, quand on y réfléchit. Tu es venu t’occuper d’un pub factice, et moi d’une machine factice. Ca fait de nous des illusionnistes, non ? »

     

    Jonathan Coe, Expo 58