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résistance belge

  • "Teddy" Blenkinsop

    Il y a dix ans, j’ai raconté ici la fin tragique d’Hilaire Gemoets, résistant belge, le 3 septembre 1944. Dans la région de Diest, à Assent et Webbekom, deux villages voisins, une cérémonie a lieu chaque année au cimetière et au monument près du champ où il a été fusillé à vingt ans. Ma cousine Linda a écrit et lu cette année une belle lettre à cet oncle que nous n’avons pas connu mais si présent dans notre histoire familiale – vous pouvez la lire sur son site (en néerlandais).

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    De gauche à droite : les tombes de Webbekom, le Lancaster, Edward Blenkinsop, Hilaire et "Teddy" (Museum44)

    Elle y explique aussi son « lien » (celui des Gemoets d’Assent et de leurs descendants) avec le Museum44. Lors de la seconde razzia à Meensel-Kiezegem le 11 août 1944, Edward Blenkinsop, « Teddy » pour ses amis, un pilote canadien qui s’y cachait avec laide des résistants, a été arrêté avec les villageois et déporté. Il est mort au camp de concentration de Bergen-Belsen en janvier 1945. Peter Celis, ancien pilote de chasse, a raconté l’histoire de ce pilote héroïque dans un livre paru en 2011.

    En avril 44, Blenkinsop fut le seul survivant de l’équipage du Lancaster III JA976 abattu par les Allemands au-dessus du village de Webbekom ; ses sept équipiers y ont leur tombe au cimetière. Depuis quelques années, ceux-ci sont associés aux commémorations de septembre à Assent et Webbekom. Retrouvé blessé, Blenkinsop avait été emmené par Hilaire chez mes grands-parents, qui l’ont soigné et caché au grenier pendant quelques semaines. Quand il était suffisamment rétabli, la Résistance lui a trouvé un endroit plus sûr (Hilaire, chef de groupe, était recherché, la maison surveillée) : à Meensel-Kiezegem. En souvenir de leur brève amitié, une photo de Blenkinsop et d’Hilaire Gemoets a été déposée au Museum 44.

  • Au Museum44

    Ce fut une journée très particulière que ce dimanche 6 octobre passé entre cousins & cousines à Meensel-Kiezegem, dans le Brabant flamand, pour visiter ensemble le Museum44. Wikipedia résume en ces termes le drame dont il est le lieu de mémoire : « Le 30 juillet 1944, le collaborateur Gaston Merckx fut abattu. À titre de représailles, l’occupant allemand aidé de collaborateurs flamands a emprisonné le 11 août tous les habitants masculins et en a envoyé 71 au camp de concentration de Neuengamme et 63 y laissèrent la vie. »

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    L'entrée du Museum44 à Meensel-Kiezegem

    Jusqu’aux derniers mois de la deuxième guerre mondiale, les habitants de Meensel-Kiezegem n’avaient pas été touchés par la guerre plus que d’autres. Comme en beaucoup d’endroits, certains étaient du côté de la collaboration, d’autres dans la Résistance, parfois dans la même famille. A la mort de son fils, la mère de Gaston Merckx (meneur des Brigades noires) cria vengeance, d’où le double forfait rappelé au Museum44 : une première razzia dans le village le premier août 1944, une seconde razzia le 11 août – assassinats, déportation, très peu de survivants. Ironie de l’histoire, ceux qui ont tué Gaston Merckx n’étaient pas du village.

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    Notre guide Oktaaf Duerinckx et Linda Van der Meeren

    Près de l’église de Meensel-Kiezegem, l’ancienne cure abrite le musée, ouvert du mercredi ou dimanche, et sur réservation. Oktaaf Duerinckx, fils de l’instituteur Ferdinand Duerinckx (arrêté lors de la première razzia et décédé au camp de Neuengamme en décembre 1944), nous y a accueillis devant deux panneaux présentant le village lors des deux guerres mondiales.

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    Quelques exemplaires de "Vrij Volk", journal clandestin

    Meensel-Kiezegem est le village natal du champion cycliste Eddy Merckx (une salle lui est consacrée à l’étage, avec la liste impressionnante de ses victoires). Parrain du musée, Merckx était présent à son inauguration cet été. (Ses parents étaient dans la Résistance ; leur lien de parenté avec la famille du collaborateur est très éloigné.)

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    Coussin aux étoiles juives

    On entre ensuite dans une pièce dont les vitrines montrent des vêtements rayés du camp de concentration, des exemplaires du journal clandestin Vrij Volk (Peuple Libre), des objets de l’époque – dont un étonnant coussin réalisé après la guerre avec des étoiles juives (avec le « J » de « Jude ») ! C’est surtout via les écrans qu’on découvre comment les faits de 1944 se sont déroulés et dans quel contexte. Sur une table-écran, on peut situer sur une carte les déplacements, les lieux cités dans le documentaire. On peut voir aussi d’émouvants petits mots de déportés, souvent pour rassurer les leurs.

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    © Linda Van der Meeren (détail) au Museum44

    Des toiles de Linda Van der Meeren sont accrochées dans le musée, dont ces deux groupes de prisonniers impressionnants, peints d’après des photos, à l’entrée de la salle consacrée au camp de concentration de Neuengamme, où ont été déportés les hommes du village. On reste stupéfait devant la grande carte de l’Europe où sont indiqués les camps de concentration nazis et autres camps satellites ou lieux de travail pour les prisonniers – plus nombreux qu’on ne l’imaginait. On en explique l’organisation, le système concentrationnaire, les catégories de prisonniers, leurs tâches.

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    Salle sur le camp de concentration de Neuengamme

    Tout au long du parcours au Museum44, les photos anciennes des habitants, des victimes, des familles, donnent son poids d’humanité à cette époque terrible. C’est une bonne idée de les faire côtoyer avec des peintures actuelles, inspirées de documents d’époque, et avec des photos de commémorations ou de groupes en visite sur les lieux de cette tragédie. Des classeurs sur les principaux camps nazis sont mis à la disposition du public.

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    Les victimes des razzias à Meensel-Kiezegem, photo Museum44

    Emotion aussi dans la salle consacrée aux « héros » du village : au mur, des photos portraits ; dans des meubles en bois clair, des tiroirs au nom de chacun, où l’on peut déposer des documents à leur mémoire. Enfin, une pièce a été aménagée avec des châlits en bois évoquant les couchettes superposées du camp de Neuengamme, où chacune était occupée par plusieurs prisonniers, tête-bêche ou successivement.

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    Visite de groupe au camp de Neuengamme

    Affiches diverses, liste des signes avant-coureurs du fascisme (qui n’est pas sans inquiéter à l’heure actuelle), rappel d’autres razzias perpétrées en Europe comme celles d’Oradour-sur-Glane et de Murat en France, détails des condamnations lors du jugement de la famille Merckx, le Museum44 rassemble toutes sortes de documents précieux pour le devoir de mémoire. J’ai aimé la façon dont ils sont présentés, avec des panneaux didactiques et beaucoup de respect pour les victimes de la guerre et leurs familles. Un lieu à visiter, pour l’histoire et pour le présent.

  • Monique / Misha

    Née en 1937, la petite Monique De Wael de la rue Floris à Schaerbeek est recueillie par ses grands-parents à Anderlecht quand ses parents sont arrêtés en 1941. Elle n’a que quatre ans, mais doit alors porter le fardeau d’une réputation honteuse : « la fille du traître », d’un résistant devenu collaborateur de la Gestapo. 

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    Rue Floris

    Serge Aroles, un chirurgien et chercheur qui écrit sur les enfants-loups, dénonce en 2008 l’imposture d’un récit autobiographique à succès paru aux Etats-Unis en 1997, Survivre avec les loups (Misha : A Mémoire of the Holocaust Years). Malgré les insultes à son égard, il persiste dans ses accusations. Il faudra des problèmes juridiques entre l’auteure Misha Defonseca, son nègre et l’éditrice, pour que celle-ci enquête sérieusement sur la vraisemblance d’une histoire traduite dans le monde entier et adaptée au cinéma avec succès, celle d’une petite fille juive partie à la recherche de ses parents à travers toute l’Europe en 1941.

     

    La vérité éclate : Misha Defonseca s’appelle en réalité Monique De Wael, elle n’est pas juive, elle n’a pas fait ce grand voyage. Comme aurait dit Aroles, « les loups ont tué des fillettes juives, les loups ne les ont jamais aidées. » Mariée aux Etats-Unis, la fille de Robert De Wael vivait dans un déni total. Mais les preuves contre elle ont fini par lui faire avouer son imposture.

  • Résistances, 2e

    La deuxième « promenade racontée » sur le thème des Résistances à Schaerbeek pendant les deux guerres débute place Colignon, sur le parvis de l’Hôtel communal. Au cœur d’un quartier qui a gardé son homogénéité historique, celui-ci est lui-même un symbole de la Résistance. Sous le porche où nous attend le guide de PatriS, nous échappons aux premières gouttes de pluie – un orage menace en cette fin d’après-midi (5/7) et d’une semaine caniculaire.  

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    Hôtel communal de Schaerbeek (au retour)

    En 1914, l’Hôtel communal détruit par un incendie en 1911 est déjà reconstruit, avec une extension à l’arrière. Le gros œuvre est quasi achevé. La commune fera traîner les travaux de finition intérieure pour éviter que ses ouvriers soient envoyés au Travail Obligatoire – résistance passive. La guerre terminée, la fête nationale du 21 juillet 1919 a lieu ici, en présence du roi, sorte d’inauguration officielle.

     

    Au retour, il sera question de 40-45 et d’armes, mais durant la première guerre mondiale, les résistants ne forment pas de milice armée. Ils acheminent du courrier clandestin, recueillent des renseignements, organisent des filières d’évasion, comme expliqué lors du premier « Parcours de résistances dans le quartier Huart-Hamoir » l’été dernier. (Un troisième parcours est prévu à la fin de cette année.) 

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    Un cortège de parapluies descend alors la rue Verhas et nous regardons à nos pieds le petit pavé en laiton sur le trottoir du numéro 3, à la mémoire de Maurice (Marcel) Orcher, arrêté le 8/7/1943, sous une grosse averse comme le jour où il a été installé (voir la vidéo). Ce résistant servait de boîte aux lettres ; chacun assurait un seul type de mission pour assurer la sécurité des autres filières.

     

    Depuis 1990, on installe partout en Europe les « stolpersteine » ou « pierres d’achoppement » de dix cm sur dix de l’artiste Gunter Demnig (né en 1947). Il y en a déjà plus de 48 000. A Anvers, certains Juifs sont hostiles à leur installation : pour ceux-ci, on ne doit pas marcher sur le nom des déportés. Au 40 de la rue Vondel, nouvel arrêt près des pavés de mémoire pour un couple de résistants, Salomon et Elisabeth Karolinski-Orcher, morts en déportation. 

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    La pluie s’est arrêtée, le ciel se nettoie. Au 72, rue Renkin, le fronton de la porte d’entrée est décoré d’un bas-relief : une palette de peintre. C’était l’atelier de Franz Kegeljan, un passionné d’histoire réputé pour ses vues historiques de Namur. Ses œuvres ayant disparu dans un incendie, il recommence à 67 ans, en 1914, et en peint cent au lieu des vingt disparues ! En plus de son hôtel de maître rue de Fer à Namur (actuel Hôtel de Ville), il en fait construire un très beau ici, près de son atelier bruxellois (n° 70).

     

    Marié à Louise Godin, il a eu le malheur de perdre un fils emporté à dix-sept ans par la tuberculose et donne son nom à l’Institut Kegeljan à Salzinne, un hospice pour enfants malades fondé par son épouse. Notre guide mentionne aussi le nom du peintre Emile Bulcke qui avait sa maison pas très loin, rue Seutin (aujourd’hui charmante maison d’hôtes). 

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    Atelier (rez-de-chaussée à gauche) et hôtel de maître de Franz Kegeljan (Street View)

    Nous descendons la rue pour nous arrêter devant une double maison art nouveau, aux 90 et 92 : la maison Langbehn a reçu le Prix du Patrimoine 2014 pour sa restauration dans les règles de l’art. Deux portes, deux numéros : elle fut construite sur deux parcelles avec une différence de niveau. « La Maison Langbehn porte ce nom en mémoire de l’artiste plasticien Roger Langbehn tombé au champ d’honneur en 1918, à Montdidier, dans la Somme, à l’âge de 26 ans. » L’histoire de cette demeure est marquée par la mémoire et la transmission : à lire ici.

     

    Rue Gallait, une façade grise toute simple, aux fenêtres encadrées de noir, cache aussi une maison double, elle porte les numéros 106 et 108 pour la seconde, monumentale, invisible de la rue, en intérieur d’îlot.  Celle-ci était un lieu propice aux rencontres secrètes : les partisans s’y donnaient rendez-vous, on y déposait la presse clandestine et des armes. 

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    Maison Langbehn / Photo Odonacc (Wikimedia commons)

    Le 106 fut la maison-atelier du sculpteur Louis Van Cutsem, portraitiste des sportifs : ici ont défilé les gloires du sport belge, de la boxe, du cyclisme, jusqu’à Eddy Merckx. Pour avoir hébergé et aidé des juifs, le couple Van Cutsem a reçu la médaille des Justes. On doit aussi à Van Cutsem une statue pour le Monument des résistants martyrs en Brabant wallon.  

    Dernier arrêt avant de remonter place Colignon, au 58 rue Floris. Là habitait en 1940 Robert De Wael, un jeune lieutenant de réserve d’un corps d’élite, les Grenadiers, la garde royale, agent communal à Schaerbeek. Persuadé du caractère temporaire de la défaite, les Grenadiers continuent à s’entraîner et organisent des réunions secrètes pour recruter des jeunes voulant s’engager dans la Résistance. De Wael est nommé commandant de la Deuxième Compagnie des Francs-Grenadiers. 

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    106-108, rue Gallait, ancien atelier du sculpteur Louis Van Cutsem

    La suite nous est racontée à l’Hôtel communal, lieu de résistance active ; durant la seconde guerre, différents réseaux s’étaient constitués au sein de l’administration communale, y compris dans la police. On raconte que De Wael ne voulait que des militaires dans son groupe. L’entraînement avait lieu dans la forêt de Soignes et il fallait prêter serment de fidélité au roi Léopold III (des étudiants de l’ULB refusent et forment le groupe G).

     

    Robert Dewaele, promu au ravitaillement, a toutes les audaces. A l’entrepôt de la rue des Palais, il n’hésite pas à cacher des armes. Son caractère vantard, bagarreur et son imprudence ne sont pas pour rien dans les dénonciations dont il fait l’objet. Une première qui n’a pas été prise au sérieux amène Dewaele à évacuer les armes rue Floris, mais on finira par fouiller chez lui. Les Allemands trouvent alors et les armes et un carnet derrière un tableau, avec tous les noms de sa compagnie. Une soixantaine seront arrêtés. 

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    Lui et sa femme sont mis aux arrêts, envoyés à Cologne, où, bien que n’ayant pas été torturé physiquement, il donne aussi les cadres des Grenadiers. Lors d’un premier procès, il récuse ce qu’il a dit ; lors du second, ses compagnons sont condamnés à mort. Une plaque en pierre, à droite du porche de l’Hôtel communal, leur rend hommage.

     

    Une dernière histoire connexe, qui a provoqué surprise et réactions dans le groupe des visiteurs (parmi lesquels des descendants de résistants), serait trop longue à ajouter ici, je vous en parlerai dans mon prochain billet.

  • Linda et la guerre

    En ce mois de novembre, les commémorations de la Grande Guerre battent leur plein en Belgique, dans toutes les régions du pays. Linda Van der Meeren montre en ce moment au Kruispunt à Denderleeuw (Flandre-Orientale) « 100 werken voor 100 jaar oorlog » (100 œuvres pour 100 ans de guerre) dans le cadre d’une exposition sur « La guerre et ses héros », du 9 au 16 novembre. 

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    Linda et la guerre – par où commencer ? J’ai raconté ici l’histoire d’Hilaire Gemoets, notre oncle, héros de la Résistance fusillé le 3 septembre 1944, ma mère cachée pour échapper à la Gestapo, mon grand-père à Buchenwald. Chaque année à cette date – ce fut particulièrement touchant et solennel septante ans après –, une double cérémonie rend hommage à Hilaire et à la Résistance au monument de Webbekom (près du champ où il a été abattu) puis au cimetière d’Assent. Ma cousine Linda y prend la parole au nom de notre famille maternelle, très touchée de cette fidélité de tant de participants au devoir de mémoire.  

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    “Ceux de 14” (détail)  © Linda Van der Meeren

    L’histoire et la création mêlées font l’originalité de cette double exposition qui montre des documents, des objets d’époque – issus de la formidable collection de Lorenzo De Prez, du Cercle d’Iddergem – et des toiles, des dessins de Linda Van der Meeren inspirés principalement par la première guerre mondiale (WO I). Si vous lisez le néerlandais, je vous invite à découvrir l’entretien qu’elle a accordé au journal De Schakel pour expliquer son parcours artistique et, sur le site de l’artiste, son texte intitulé « Waarom gepassioneerd door oorlogshelden ? » (Pourquoi cette passion pour les héros de guerre ?)  

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    A l’entrée, près d’une toile aux coquelicots, un stéréoscope en bois d’époque permet de visionner des vues de la guerre 1914-18 en relief : des photographies prises sur le front montraient ainsi au grand public la réalité vécue par les soldats, la vie dans les tranchées. L’une d’elles montre des hommes s’affairant non loin d’un soldat qui a perdu ses jambes. Terrible. 

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    La guerre, c’est le sujet que Linda Van der Meeren a choisi pour son travail de fin d’études à l’Académie des Beaux-Arts de Liedekerke en 2012, centré sur l’histoire familiale durant la dernière guerre. Le service culturel de Denderleeuw, impressionné, lui a suggéré de se tourner aussi vers la première guerre mondiale. Ainsi, depuis des années, elle se documente dans les archives, les journaux, les livres d’histoire, et le choc devant certaines images la pousse à prendre un crayon, le pinceau, les couleurs, pour rendre l’émotion de ces scènes de guerre, toujours avec empathie. Le courage, le devoir, la mort, la souffrance, la patrie, elle les sort de la poussière de l’histoire pour leur rendre vie, couleur, éclat. 

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    © Linda Van der Meeren

    Les trois couleurs nationales sont partout, sur les affiches, autour des photos souvenirs des morts à la guerre, et aussi dans les compositions de Linda, surtout le noir – silhouettes de soldats en marche, au combat, sur une crête – et le rouge – couleur du sang versé, des coquelicots en fleurs. Elle recourt à des techniques très diverses, intègre souvent des documents, des photos à la toile sur laquelle elle travaille, y incorpore des mots, des bouts de phrase. 

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    © Linda Van der Meeren

    Dessins et peintures rendent hommage à de grandes personnalités comme Edith Cavell, Gabrielle Petit, et aux combattants, identifiés ou anonymes, des êtres humains pris dans l’histoire. Linda a aussi représenté « Le Pigeon soldat » – un clin d’œil peut-être aussi à notre grand-père colombophile. 

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    “Le Pigeon Soldat” (détail ) © Linda Van der Meeren

    Les objets de la première guerre mondiale présentés en vitrines, soigneusement étiquetés par Lorenzo De Prez, permettent de remonter le temps : uniformes, képis, casques, armes, étuis, livre de prières « du soldat chrétien », photographies, médailles, cartes postales, etc. Les dates sur les souvenirs des soldats morts à la guerre rappellent leur jeune âge, pour la plupart, toute une génération emportée.  

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    Linda Van der Meeren devant la maison du Dr Cochez à Denderleeuw

    Plus loin, on peut admirer un beau portrait du docteur Cochez, médecin héros de la seconde guerre mondiale et membre actif de la Croix Rouge, originaire de Denderleeuw, où il a son monument. En ce moment, devant sa maison, ce portrait figure en grand sur une toile commémorative. Linda Van der Meeren nous émeut aussi en peignant celles qui attendent, inquiètes : un groupe de femmes et de fillettes, de dos, regardent l’horizon teinté de rouge. Parmi les nombreuses citations proposées tout au long de l’exposition, celle-ci résume parfaitement son esprit : « Qui ferme les yeux devant le passé est aveugle devant le futur. »