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Rechercher : Le monde des hommes

  • Un rapport mystérieux

    « Dans les Tableaux de la nature, Humboldt démontrait l’influence que la nature pouvait avoir sur l’imagination. La nature, écrivait-il, entrait « de tout temps dans un rapport mystérieux avec la vie intérieure de l’homme. »

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    28.XI.2023 12h51

    Un beau ciel bleu, par exemple, éveillait d’autres émotions qu’une épaisse couche de nuages noirs. Un paysage tropical planté d’une profusion de bananiers et de palmiers avait un impact différent qu’une forêt clairsemée de bouleaux élancés à l’écorce blanche.

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    30.XI.2023 8h33

    Ce que nous tenons pour acquis aujourd’hui – qu’il existe une corrélation entre le monde extérieur et notre humeur – était une révélation pour les lecteurs de Humboldt. Les poètes avaient déjà joué avec de telles idées, mais jamais les scientifiques. »

    Andrea Wulf, L’invention de la nature (lecture en cours)

  • Radical

    salvayre,marcher jusqu'au soir,essai,littérature française,ma nuit au musée,musée picasso,giacometti,art,beauté,musée,société,culture,sculpture« Giacometti fut radical parce qu’il sut rompre sans réserve avec ce que les artistes, au temps du surréalisme, se croyaient tenus de pratiquer. Il fut radical parce qu’il emprunta, sans l’approbation d’aucun maître mais avec le sentiment d’une impérieuse nécessité, un chemin solitaire et risqué, un chemin creusé d’ornières et qui ouvrait sur l’inconnu mais qui lui semblait, envers et contre tout, constituer le sien propre et le seul, un chemin dont personne au monde n’aurait su le détourner et dans lequel il pourrait jeter, il en avait la secrète intuition, toutes les forces qui bouillonnaient au fond de lui. Il fut radical parce qu’il refusa les tièdes compromis où d’autres s’égaraient et put brûler de sa passion hasta la muerte. »

    Lydie Salvayre, Marcher jusqu’au soir

    © Alberto Giacometti, L’homme qui marche, 1960 (Photo Artslife)

     

  • Clair de lune

    Auster Blakelock Moonlight.jpg« Je me demandai si Blakelock n’avait pas peint son ciel en vert pour mettre l’accent sur cette harmonie, pour démontrer la connexion entre les cieux et la terre. Si les hommes peuvent vivre confortablement dans leur environnement, aurait-il suggéré, s’ils peuvent apprendre à sentir qu’ils font partie de ce qui les entoure, la vie sur terre peut alors s’empreindre d’un sentiment de sainteté. J’étais réduit aux conjectures, bien sûr, mais j’avais l’impression que Blakelock peignant une idylle américaine, le monde habité par les Indiens avant que les Blancs n’arrivent pour le détruire. »

    Paul Auster, Moon Palace

    Ralph Albert Blakelock (1847–1919),  Moonlight (Clair de lune), vers 1885–1889.
    Huile sur toile, 68.7 x 81.3 cm, New York, Musée de Brooklyn

  • La télévision

    Florilège d’automne / Roman

     

    La télévision offre le spectacle, non pas de la réalité, quoiqu’elle en ait toutes les apparences (en plus petit, dirais-je, je ne sais pas si vous avez déjà regardé la télévision), mais de sa représentation. Il est vrai que la représentation apparemment neutre de la réalité que la télévision propose en couleur et en deux dimensions semble à première vue plus fiable, plus authentique et plus crédible que celle, plus raffinée et beaucoup plus indirecte, à laquelle les artistes ont recours pour donner une image de la réalité dans leurs œuvres.

     

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    Titien, Portrait de jeune homme (Le jeune Anglais), 1545

     

    Mais, si les artistes représentent la réalité dans leurs œuvres, c’est afin d’embrasser le monde et d’en saisir l’essence, tandis que la télévision, si elle la représente, c’est en soi, par mégarde, pourrait-on dire, par simple déterminisme technique, par incontinence. Or, ce n’est pas parce que la télévision propose une image familière immédiatement reconnaissable de la réalité que l’image qu’elle propose et la réalité peuvent être considérées comme équivalentes. Car, à moins de considérer que, pour être réelle, la réalité doit ressembler à sa représentation, il n’y a aucune raison de tenir un portrait de jeune homme peint par un maître de la Renaissance pour une image moins fidèle de la réalité que l’image vidéo apparemment incontestable d’un présentateur mondialement connu dans son pays en train de présenter le journal télévisé sur un petit écran.

     

     

    Jean-Philippe Toussaint, La télévision, Minuit, 1997.

     

  • La dernière fois

    « – Tu as, toi aussi, bien joué ton rôle, dit Conrad sèchement.

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    – Oui et non, dit le général en levant nerveusement la main. N’ayant pas été mis au courant de vos projets, votre conversation n’a pas éveillé de soupçons en moi. Vous parliez des tropiques à propos d’un livre que tout le monde pouvait se procurer. Tu manifestais un vif intérêt pour savoir si, de l’avis de Christine, une personne née et élevée sous un climat non tropical serait capable d’en supporter les conditions de vie. Tu voulais savoir à tout prix ce que Christine en pensait. A moi, par contre, tu n’as rien demandé. Tu questionnais Christine avec insistance pour savoir si elle-même pourrait supporter les brumes étouffantes et la solitude des forêts tropicales… tu vois, les mots reviennent aussi. Lorsque, il y a quarante et un ans, tu t’es assis pour la dernière fois dans cette pièce, dans ce même fauteuil, tu as également parlé des tropiques, des marais, des brumes brûlantes et des pluies interminables. Et à présent, dès que tu as franchi le seuil de cette demeure, tes premiers mots ont été pour évoquer les marais, les tropiques et leurs brumes torrides. Les mots nous reviennent, c’est certain. Les choses et les mots font parfois le tour du monde. Puis, un beau jour, ils se retrouvent et leur point de jonction ferme le circuit. Voilà ce dont tu t’es entretenu avec Christine la dernière fois. Vers minuit, tu as demandé ta voiture et tu es reparti en ville. Ainsi s’est achevée la journée de la chasse, dit-il avec la satisfaction d’un vieil homme qui a bien réussi son exposé. »

     

    Sándor Márai, Les braises