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Textes & prétextes - Page 185

  • Thérapie par le livre

    Des livres qui soignent… Je n’ose en faire mon titre pendant cette période si difficile, où nous sommes encore plus reconnaissants et redevables envers les personnes qui assistent et accompagnent tous ceux qui ont besoin de soins en tous genres, et pourtant... Régine Detambel, dans Les livres prennent soin de nous, promeut « une bibliothérapie créative ».

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    © J. B.

    Cet essai de 150 pages, avec un enfant qui chevauche une baleine de lettres sur la couverture, n’est pas un éloge de la lecture en général, bien que l’essayiste ait toujours « rêvé d’écrire un livre sur les livres, sur leur pouvoir, sur leur mission, sur les modifications, psychiques, et même physiques, qu’ils entraînent ou provoquent en nous » (Avant-propos). S’appuyant sur son expérience de romancière et de soignante en milieu hospitalier, elle propose une formation à la bibliocréativité « à destination des bibliothécaires, libraires ou soignants ».

    « Par la magie de l’interprétation, l’ouvrage poétique dénoue les nœuds du langage, puis les nœuds de l’âme, qui s’opposaient à la vie et à la force créatrice. La bibliothérapie ainsi comprise doit permettre à chacun de sortir de l’enfermement, de la lassitude, pour se réinventer, vivre et renaître à chaque instant dans la dynamique d’un langage en mouvement. »

    Régine Detambel critique la psychologie anglo-saxonne qui privilégie en général des livres « faciles à comprendre », de la psychologie grand public ou des ouvrages « d’auto-traitement ». Elle est du côté des médecins français qui prescrivent « de vrais livres », ciblés en fonction de leurs patients, pour le « miroir que nous tendent les romans » en rendant plus attentifs à la vie ordinaire. Elle rend compte de leur pratique et des raisons pour lesquelles ils choisissent telle ou telle œuvre. « Partout où je suis allé, un poète était allé avant moi. » (Freud)

    A Kansas City (Missouri), les étudiants admis en médecine reçoivent « une anthologie de textes littéraires consacrés à la maladie, au soin, à la vie et à la mort » parce que la littérature leur en apprendra plus sur le soin que les livres de pathologie « où l’on n’apprend que la médecine ». La bibliothérapeute offre « des mots, des phrases, un lexique suffisamment riches pour aider à mettre en forme aussi bien les états d’échec que les manifestations biologiques (…), ces bouleversements du corps qui attendent des verbes et des formes dans lesquels couler un récit explicatif donc apaisant ».

    Conseils et recettes ne suffisent pas contre le chaos : « Il y faut de la métaphore pour pouvoir offrir au sujet une représentation verbale de ces fictions biologiques qui le submergent, car les grands problèmes humains ne sont accessibles que métaphoriquement. » Régine Detambel relit la fameuse lettre de Sido à sa fille au début de La naissance du jour de Colette et la compare avec la véritable lettre de sa mère – une magnifique illustration de ce que veut dire « réinventer », « créer ».

    Le chapitre intitulé « Lire : une sculpture de soi » explique comment « le texte littéraire travaille à la restauration du lien avec autrui ». Si les exercices du corps, une alimentation saine et appropriée, des tâches pratiques nous sont nécessaires, ce que la plupart des gens admettent, les méditations et les lectures jouent aussi un rôle essentiel. Lire fait du bien, ainsi que « recopier », c’est-à-dire « lire de tout son corps ». Lire à l’écran est « un bain tiède » qui prive le lecteur du contact avec le papier, la peau du livre, la qualité esthétique de l’impression.

    « Nous avons besoin du récit pour vivre. » Une page, un paragraphe, un seul mot parfois peut nous capter. « Cette force étrange, c’est la métaphore. Elle seule touche au corps. Sans elle, un texte est un morceau de bois mort. » L’essai sort des sentiers battus, aussi par la qualité de son style. Régine Detambel s’appuie sur de nombreux exemples, littéraires et thérapeutiques, sur des expériences personnelles ; elle cite en abondance et à bon escient, renvoie à une bibliographie très étoffée sur le sujet (six pages).

    Les livres prennent soin de nous fait envisager la lecture d’une nouvelle manière. J’ai aimé cet approfondissement de ce que cela nous fait de lire, dans l’esprit comme dans le corps. Que les livres prennent soin de vous, de nous.

  • Turi Kumwé

    Elle m’a donné la vie – et tant d’amour. Maman s’en est allée.

    Pendant ces jours où je n’ai pu ni lui tenir la main, ni rafraîchir son visage, ce texte de Gioia Kayaga fut un baume : merci aux poètes des « fleurs de funérailles ».

    Turi Kumwé. On est ensemble.

                            

    Gioia Kayaga : « Turi Kumwe (On est ensemble) »

     

    En Kirundi, pour se dire au revoir,
    quand on quitte quelqu’un,
    un ami ou un membre de la famille,
    on peut se dire « Turi kumwé ».
    Ça signifie « on est ensemble » :
    malgré l’éloignement physique,
    on est unis par des forces invisibles ;
    on reste connectés.

    « Turi kumwé », pour dire :
    les liens qui nous tissent sont solides et sincères,
    ils ne craignent pas les kilomètres,
    ne pourront jamais disparaître.
    « Turi kumwé », pour dire :
    les liens qui nous tissent sont le sang, la mémoire,
    ils se déploient bien au-delà des étoiles du soir,
    ils sont faits de tout ce qui filera toujours entre nos doigts.
    « Turi kumwé »
    Juste deux mots pour dire tout ça.

    J’ai perdu des proches là-bas,
    au Burundi, plusieurs fois :
    mon grand-père, ma cousine…
    je n’ai pas pu être présente aux funérailles.
    Alors avec les autres, on se parle
    puis on se dit au téléphone ou par message,
    « Turi kumwé »
    deux mots lancés comme une bouée de sauvetage.
    On est ensemble :
    ce soir, moi non plus, je ne dors pas
    à distance, je te serre fort dans mes bras.
    On est ensemble :
    notre douleur en partage
    à distance, je sèche les larmes sur ton visage.
    « Turi kumwé »
    Je te garde avec moi.
    Tu me gardes avec toi.
    Juste deux mots pour dire tout ça.

    J’espère que vous me pardonnerez de vous parler de moi,
    plutôt que de Dieu, du ciel,
    de la folie de ce moment précis
    et de l’abîme de votre chagrin.
    J’ai une seule règle en poésie :
    être sincère,
    parler uniquement
    de que de ce que je connais bien.
    Et je ne sais rien du destin,
    je ne sais rien de votre peine,
    rien de celle que vous pleurez ;
    je ne sais rien de son chemin,
    de qui elle a été
    ni de combien votre cœur saigne
    de la voir s’en aller.
    Je sais seulement l’impuissance,
    la solitude, l’éloignement, le silence
    quand on ne peut ni dire au revoir à celle qui s’en va,
    ni embrasser ceux qui restent.
    Je connais ce poids qui leste,
    qui rend lourd et acide l’estomac.

    « Turi kumwé »
    Je veux juste vous écrire, vous dire :
    je suis avec vous, aujourd’hui.
    A travers le temps et le monde,
    à chaque naissance, chaque perte, chaque seconde ;
    nous sommes ensemble
    dans notre humanité ;
    nous partageons l’expérience,
    l’épreuve commune de l’humilité.

    Je suis avec vous, aujourd’hui,
    et nous sommes des milliers,
    dans les villes, les campagnes :
    des milliers de cœurs qui vous accompagnent…
    Des cœurs abstraits.
    Physiquement, vous êtes seul.e.s
    dans cette tempête.
    Seul.e.s sur le seuil,
    seul.e.s face au deuil universel
    des exilés, des prisonniers
    seul.e face au deuil intemporel
    des réfugiés, des confinés.

    Le deuil est une expérience personnelle
    qui se réinvente à chaque perte.

    Vous êtes seul.e.s sur le seuil,
    et il faut apprendre :
    apprendre à raviver les gestes,
    les mémoires anciennes,
    les rites des ancêtres
    inscrits au creux de nos ADN ;
    apprendre à inventer ses propres règles,
    ses traditions nouvelles,
    ses rituels collectifs et individuels
    pour apaiser la peine.

    Allumer une bougie
    pour accompagner l’âme
    regarder danser la flamme,
    peut-être même danser avec elle.
    Écrire des lettres sur papier :
    écrire les mots qu’on n’a jamais dits,
    les mots qu’on n’a pas dits assez souvent,
    qu’on n’a pas dits assez fort,
    les mots qu’on n’a pas dits une dernière fois.
    Prendre un seul jour ou plusieurs mois,
    écrire ces mots et, toujours,
    les libérer en les lisant à haute voix.
    Dresser un hôtel,
    brûler l’encens
    Accepter la tristesse,
    sentir l’odeur,
    entendre la voix
    Accueillir les signes qu’elle nous envoie
    Témoigner du supplice,
    dénoncer l’injustice
    Chanter en boucle cette chanson qui fait du bien
    Habiter en paix avec son chagrin
    Dessiner un portrait,
    en chérissant chaque trait
    Fabriquer des écrins
    pour les images, les objets
    Écrire une oraison vitale
    Se rappeler que personne ne disparaît, jamais :
    des âmes rejoignent la Lumière,
    des âmes rejoignent l’Univers.
    Les êtres qu’on aime deviennent des comètes,
    deviennent des anges qui nous protègent.
    Écrire un carnet avec les larmes et les sourires,
    noter chaque détail, chaque souvenir
    Rendre un hommage intime
    Se reconnaître victime, ensemble.

    Et partager.

    Partager l’émotion avec l’autre,
    avec les autres,
    refuser de porter seul sa peine
    comme on porterait une faute.
    Trouver les mots pour partager les Adieux,
    avec l’âme, plus qu’avec le corps.
    Trouver le moyen d’être là, pour eux
    d’être présent, pour ceux qui restent, encore,
    encore un peu.
    Être là, au-delà de la peur ambiante,
    de l’incertitude, du confinement.
    Être là, malgré l’éloignement,
    Inventer ses propres « Turi Kumwé ».
    Être là avec courage et créativité.
    Être là et tout réinventer.

    Je vous reviens... quand je pourrai.

    Tania

  • Forêt imaginaire

    ue,2006,bruxelles,mrbab,art,peinture,culture« Léon Spilliaert n’a pas eu que l’obsession du vide (du vide métaphysique ?), il a aussi eu celle des arbres. Il en a peint, dessiné et lithographié des centaines, des milliers. Je verrais bien une rétrospective où ils seraient tous réunis et qui pourrait constituer une gigantesque forêt imaginaire sans doute unique dans l’histoire de l’art. »

    Jean-Baptiste Baronian, Dictionnaire amoureux de la Belgique

     

    Léon Spilliaert, Maison au crépuscule, 1921, Collection particulière
    (Gouache, huile sur carton, 740 x 490 mm)

  • Spilliaert aux MRBAB

    « L’inclassable et mystérieux Spilliaert » titrait La Libre le 13 mars dernier pour présenter l’exposition de la Royal Academy à Londres, prévue ensuite au Musée d’Orsay à partir du 15 juin prochain. Puisque le chemin des expositions nous est actuellement défendu, voici le premier catalogue que je rouvre ici pour vous, celui de la rétrospective « Léon Spilliaert, Un esprit libre » aux Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique (MRBAB) à Bruxelles, en 2006-2007.

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    En couverture du catalogue de 2006 (nl) : Spilliaert, Baigneuse, 1910, Bruxelles, MRBAB
    (Encre de Chine, pinceau, pastel sur papier, 649 x 504 mm)

    En 1925, Spilliaert (1881-1946) répond à un questionnaire : « Mon activité favorite : la promenade. Mon idée du bonheur : vivre dans les dunes. L’endroit où je voudrais habiter : les dunes entre Nieuport et La Panne. » Il nous a laissé une œuvre picturale d’une « grande diversité de style, de contenu et d’esprit » et de nombreux dessins d’illustration « en étroite relation avec la littérature », souligne Anne Adriaens-Pannier, la spécialiste du peintre d’Ostende et de la côte (pour toutes les citations).

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    Léon Spilliaert, Boîtes devant une glace, 1904
    (Pastel, fusain sur papier, 585 x 401 mm), MRBA, Bruxelles

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    Léon Spilliaert, Autoportrait à la lune, 1908, MRBAB, Bruxelles
    (Encre de Chine, lavis, pinceau, plume, crayon de couleur sur papier, 488 x 630 mm)

    « Spilliaert demeure libre de toute éducation théorique ou historique, et se construit en autodidacte un vocabulaire d’images tout à fait personnel, rebelle à tous les exemples d’un académisme traditionnel. » Sa période considérée comme la plus créative va de 1899 à 1912, mais jusqu’en 1946, il a peint « avec une inlassable ardeur », tout en se tenant au courant des courants littéraires, artistiques et philosophiques. Il se rendait régulièrement à Bruxelles et à Paris.

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    Léon Spilliaert, Deux novembre. Feuilles blanches, 1908
    (Lavis d'encre de Chine, pinceau, crayon de couleur sur papier, 499 x 650 mm), Gand, MSK.
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    Léon Spilliaert, La princesse Maleine, 1910 (Collection particulière)
    (Encre de Chine, lavis, pinceau, craie blanche sur papier, 63 x 48 cm)

    Il commence à créer quand le symbolisme domine encore, avec « l’arsenal du dessinateur » : encre de Chine, pinceau ou plume, crayon de couleur, aquarelle. Déjà la manière dont il illustre deux recueils poétiques de Verhaeren, puis les trois volumes du Théâtre de Maeterlinck, témoigne de son originalité. De 1904 à 1909, il explore son environnement quotidien et se confronte à sa propre image, dans une série d’autoportraits.

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    Léon Spilliaert, La verrière; 1909, Collection particulière
    (Encre de Chine, lavis, pinceau, crayon de couleur sur papier, 645 x 505 mm) spilliaert,exposition,catalogue,2006,bruxelles,mrbab,art,peinture,culture
    Léon Spilliaert, Printemps, 1911, MRBAB, Bruxelles
    (Encre de Chine, gouache, pastel sur carton,701 x 891 mm)

    Puis il se détourne de l’introspection pour décrire la société qui l’entoure : femmes de pêcheurs, vues d’Ostende, de la digue, baigneuses, dirigeable... « Il est toujours à la recherche de l’universel qui se cache derrière l’accidentel ». Ses compositions évoluent vers « une abstraction simplifiée », un renouveau formel non reconnu par ses contemporains.

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    Léon Spilliaert, Le nuage, 1902, Collection particulière
    (Crayon, encre de Chine, lavis, pinceau sur papier, 253 x 372 mm)

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    Léon Spilliaert, La buveuse d'absinthe, 1907, Fondation Roi Baudouin
    (Encre de Chine, pinceau, gouache, aquarelle, craie de couleur sur papier, 105 x 77 cm) 

    A partir de 1912, Spilliaert vit une succession d’expériences diverses : on le reconnaît dans le milieu artistique – il expose –, il se fait des amis, supporte difficilement la première guerre mondiale, se marie et s’installe près de Bruxelles, devient père. Moins angoissé, apaisé par le mariage et la vie du foyer, il réalise des lithographies et continue son travail d’illustrateur. Il peint un autre genre de femmes, d’élégantes citadines.

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    Léon Spilliaert, La dame dans le train, La veuve, 1908, MRBAB, Bruxelles
    (Encre de Chine, lavis, encre brune, pinceau, crayon de couleur sur papier, 518 x 415 mm)
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    Léon Spilliaert, Hindoustan, 1920, Collection particulière 
    (Crayon, aquarelle, encre de Chine, pinceau sur papier, 470 x 599 mm)

    En 1922, il retourne à Ostende. En plus du dessin et de l’aquarelle, il découvre la gouache et « explore la légèreté de fantaisies orientées vers la mer et vers les paysages imaginaires ». Créant des effets picturaux surprenants, il réalise aussi des portraits d’amis « qui trahissent une pénétrante connaissance de la psychologie du modèle ».

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    Léon Spilliaert, Paysage d'hiver au lierre, 1915, Musée des Beaux-Arts, Gand 
    (Crayon, aquarelle, gouache sur papier, 285 x 237 mm)spilliaert,exposition,catalogue,2006,bruxelles,mrbab,art,peinture,culture
    Léon Spilliaert, Arbre derrière un mur, 1936, Collection Johan A. H. van Rossum
    (Aquarelle, gouache, encre de Chine, plume sur papier, 350 x 520 mm)

    Après 1928, sa quête spirituelle personnelle prend le dessus, nourrie de son expérience de la musique et de la poésie. La dernière période de son œuvre, considérée comme moins puissante, fait écho à ses nombreuses promenades dans les bois, les parcs. La nature l’inspire, il peint beaucoup les arbres. Il me semble qu’on regarde ces paysages d’un œil neuf aujourd’hui, je leur trouve un grand charme dans leur stylisation, leur simplicité apparente.

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    Léon Spilliaert, Retour du bain, 1908, Collection particulière
    (Aquarelle, pastel, crayon de couleur, encre de Chine, pinceau sur papier, 520 x 420 mm)
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    Léon Spilliaert, Jeune homme à l'écharpe rouge, 1908, Collection particulière
    (Encre de Chine, lavis, pinceau, aquarelle, gouache, crayon de couleur, peinture argentée sur papier,
    502 x 652 mm)

    Pour ma part, si je suis fascinée par l’atmosphère puissante et souvent étrange des œuvres de Spilliaert, qui culmine dans des encres très sombres et spectaculaires, dans ses nocturnes, j’aime beaucoup la façon singulière dont il a peint dans ses marines les jeux du sable et de la mer, de l’eau et du ciel qui s’interpénètrent ou se confondent. (Taf Wallet , peut-être influencé par Spilliaert, a su montrer cela aussi, d’une autre manière.)

    spilliaert,exposition,catalogue,2006,bruxelles,mrbab,art,peinture,cultureLéon Spilliaert, Marine jaune et mauve, 1923, MRBAB, Bruxelles
    (Aquarelle, gouache, pastel sur papier, 523 x 601 mm)
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    Léon Spilliaert, Marine bleue et jaune, 1934, Collection Johan A. H. van Rossum
    (Aquarelle, gouache sur papier, 493 x 683 mm)

    J’espère qu’après Londres, on pourra faire plus ample connaissance avec ce peintre belge très original et si personnel à Paris, l’été prochain, comme prévu. Sinon, bienvenue dans nos musées quand ils rouvriront. On peut admirer un très bel ensemble de Spilliaert dans les collections permanentes des MRBAB à Bruxelles et, à Ostende, au Mu.Zee (où il partage un espace privilégié avec Ensor) et à la Spilliaert Huis.

  • De la musique

    hesse,le jeu des perles de verre,roman,littérature allemande,initiation,musique,apprentissage,maître et élève,liberté,culture« L’enfant regardait les doigts blancs experts de l’exécutant, il voyait le cours du développement se refléter légèrement sur son visage concentré, tandis que ses yeux, sous ses paupières mi-closes, demeuraient sans regard. Le cœur de l’enfant eut un élan de vénération, d’amour pour ce Maître ; son oreille enregistra cette fugue, il lui sembla entendre ce jour-là de la musique pour la première fois ; derrière cette œuvre musicale qui naissait devant lui, il devinait l’esprit, l’harmonie enivrante de la loi et de la liberté, de la soumission et de l’autorité, il se donna et se voua à cet esprit et à ce Maître ; durant ces minutes, il vit sa vie, le monde entier guidés, équilibrés par l’esprit de la musique qui leur donnait leur sens. hesse,le jeu des perles de verre,roman,littérature allemande,initiation,musique,apprentissage,maître et élève,liberté,cultureEt quand le Maître eut fini de jouer, il vit cet être vénéré, ce magicien, ce prince rester encore quelques instants le front légèrement penché sur les touches, les paupières mi-closes, le visage faiblement éclairé par une lueur intérieure, et il se demanda si ces minutes de bonheur le feraient crier de joie ou s’il n’allait pas pleurer de les voir terminées. Le vieil homme se leva alors lentement de sur son tabouret, ses gais yeux bleus lui lancèrent un regard pénétrant, et en même temps d’une gentillesse inexprimable :
    – Rien, dit-il, ne permet plus facilement à deux êtres de devenir amis que de faire de la musique. »

    Hermann Hesse, Le Jeu des perles de verre