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Attentive à l'infime

C’est une glaneuse de bonheurs qui m’a mis dans les mains Glaneurs de rêves de Patti Smith et je l’en remercie. Je me suis souvenue de ce moment intense, lors d’une rencontre avec François Busnel pour La grande Librairie en 2014, chez elle, quand elle disait son poème « People have the power ». En frontispice, la première des photos (une vingtaine) qui illustrent ce livre montre les premiers paragraphes de Woolgathering (traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Héloïse Asquié), la fine écriture penchée de Patti Smith sur un feuillet quadrillé.  

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Elle décrit d’abord au lecteur « la tonalité » de sa vie quand elle a commencé à écrire ceci pour les livres Hanuman, 7,5 cm sur 10, « comme de petits livres indiens qu’on pouvait transporter dans sa poche. » L’avant-propos se termine ainsi : « Tout ce que contient ce petit livre est vrai, et écrit exactement tel que ça s’est passé. Son écriture m’a tirée de mon étrange torpeur et j’espère que, dans une certaine mesure, il vous emplira d’une joie vague et singulière. »

Texte en prose, texte poétique : de Un vœu à Un Adieu, Patti Smith compose de courts paragraphes où le souvenir, l’observation, le rêve, l’imagination se sont donné rendez-vous. Entre les paragraphes, les blancs sont des silences qui mettent à l’écoute, des pauses pour accueillir la résonnance des mots. Glaneurs de rêves ne se résume pas. C’est le livre d’une femme « attentive à l’infime ».

Enfant, elle excellait aux billes qu’elle lustrait le soir avec une peau de chamois. A la fenêtre de sa chambre « où le vent agitait les bords du tissu », elle montait la garde. « Il y avait un champ. Il y avait une haie composée d’énormes buissons qui encadraient ma vue. La haie, je la considérais comme sacrée – le bastion de l’esprit. Le champ, je le révérais, avec son herbe haute et attirante, sa courbe puissante. »

Parfois elle se couchait dans l’herbe et contemplait le ciel : « On aurait dit que la carte de toute la création était tracée là-haut ». Immobile, il lui était possible alors « d’entendre une graine se former, d’entendre l’âme se replier comme une nappe blanche. »

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Un vieil homme qui vendait des vairons en guise d’appâts lui a soufflé son titre : « C’est les glaneurs de rêves… » «  Je ne savais pas ce que ça pouvait bien être, un glaneur de rêves, mais ce mot avait une certaine noblesse et ce travail me semblait tout indiqué pour moi. » L’enfant, l’esprit ouvert, « entre sans effort dans l’étrange » ; « il glane, assemblant un fol édredon de vérités – des vérités sauvages et nébuleuses, dont c’est à peine si elles frôlent en fait la vérité. »

Je n’en dirai pas trop sur ce petit bijou de Patti Smith, un récit qui a l’éclat du rubis indien qu’elle gardait dans son sac, composé comme un patchwork dont « chaque carré était aussi enivrant qu’une graine sauvage ou une tasse de thé rare ». Elle y philosophe en passant : « La seule chose sur laquelle on peut compter, c’est le changement. » Elle y parle de sa chienne Bambi, de sa petite sœur Kimberly.

Pourquoi Millet en couverture ? Un chapitre porte son nom, où elle évoque son arrière-grand-mère qui l’avait prise en grippe mais à qui elle ressemble : « J’étais consciente, même quand elle me rabrouait, qu’à travers elle je possédais l’âme de la bergère. A travers elle, j’étais attirée par la vie des rêveurs, et je m’imaginais surveillant un troupeau, récoltant la laine dans une sacoche de cuir, et contemplant les nuages. »

Lisez « Sur le bureau de Patti Smith » et vous verrez là aussi à qui vous avez affaire. Qu’est-ce qu’un poète, une poétesse ? Quelqu’un qui écrit : « L’air était carnaval, saisissement pur. »

* * *
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Textes & prétextes, 10 ans

Commentaires

  • un de mes anciens élèves a voulu me faire découvrir Patti Smith qu'il admire beaucoup, faudra donc que je fasse un second effort ;-)

  • Bonjour chère Tania, merci pour ton magnifique billet. Je connais Patti Smith comme chanteuse mais je ne savais pas qu'elle écrivait. Merci.
    Belle journée Tania. Je me suis réveillée avec 20cm de neige!
    Avec toute mon amitié et bisous ♥

  • C'est un livre merveilleux, lorsque je l'avais emprunté à la bibliothèque, c'est son titre sublime qui m'avait attirée, je n'avais pas lu la quatrième de couv., j'avais fait confiance à ce simple titre. Je comprends ton enchantement Tania, bises et douce journée. brigitte

  • 10 ans que tu nous montres, guides...Bravo! (et grand grand merci!!)
    La poésie de Patti Smith...tiens donc, à découvrir donc, merci!

  • J'ai dû regarder la même émission que toi, mais je ne l'ai toujours pas lu. Belle personnalité, je crois qu'elle a sorti un deuxième livre depuis ? Et chapeau pour les 10 ans.

  • @ Adrienne : J'ai un autre titre d'elle à lire prochainement, ce sera encore un rappel ;-)

    @ Denise : Nous sommes sans doute nombreux dans ce cas, et les traductions publiées permettent d'y remédier. La neige chez vous ! De belles photos en perspective ? Ici les nuages et le vent rendent le froid encore plus piquant. Merci, Denise, bises de saison.

    @ Plumes d'Anges : Je ne suis pas étonnée qu'il t'ait plu aussi, bonne soirée, Brigitte.

    @ Colo : Tu as commencé avant moi, merci à toi, Colo.

    @ Aifelle : Merci, Aifelle, je vais lire "Just Kids" disponible aussi en Folio et "M Train" vient de paraître. De quoi mieux faire connaissance.

  • Pour l'instant, je ne connaissais que "Horses" son album. Je ne savais pas qu'elle écrivait. Je note ce livre qui paraît si poétique...

  • Merci pour cette belle critique, Tania ! tout ce qui est écrit donne envie d'en connaître plus. Et quel beau titre en plus !

  • "Here I go and I don't know why,
    I spin so ceaselessly,
    'til I lose my sense of gravity..."
    (Dancing barefoot).
    Et puis ce suave "Everybody hurts", le pied (nu) toujours.
    Je ne connaissais pas ses livres.

  • @ Claudialucia : Bonne lecture un jour ou l'autre.

    @ Bonheur du Jour : Merci encore, Marie. Un baiser pour toi.

    @ Christw : Au bonheur des traductions (en ce qui me concerne).

  • EN traduction automatique :
    "Ici je vais et je ne sais pas pourquoi,
    Je tourne tellement sans cesse,
    jusqu'à ce que je perde mon sens de la gravité ... "
    (Danser pieds nus)."
    + le suave "tout le monde souffre".

    NB: lorsque j'introduis le lien sécurisé de mon blog, christw ne pointe vers rien tandis qu'en http simple, il fonctionne. C'est curieux.

  • @ Christw : Merci d'avoir traduit ces paroles, Christw. Je me réjouissais du fait que des traductions françaises nous donnent accès aux écrits de Patti Smith et en particulier à "Woolgathering", qui date de 1992 - traduction tardive et bienvenue.
    (Pour ce qui est du lien sous pseudo, je ne peux pas vous expliquer pourquoi c'est ainsi.)

  • Je n'ai pas encore lu ces ouvrages... pourtant, rien que le titre donne envie, il est d'une telle poésie à lui seul !

  • @ Margotte : Le titre tient ses promesses, tu verras.

    @ Maïté/Aliénor : Et tu entendras encore parler d'elle ici. Bonne journée.

  • Je ne savais pas que la chanteuse écrivait également. Merci pour cette découverte ; je vais lire "glâneur de rêves" .. le titre donnant envie d'y plonger !!!

  • L'écriture est en réalité sa première vocation (voir le billet de jeudi prochain).

  • Bonne lecture et merci, Jean-Claude. A bientôt sur "La chanson grise", dès que j'aurai plus de temps devant moi.

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