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Le Jeu des perles

Le jeu des perles de verre (1943, traduit de l’allemand par Jacques Martin) de Hermann Hesse (1877-1962), prix Nobel de littérature 1946, demande une lecture patiente. Le sous-titre de ce gros roman est plus explicite : « Essai de biographie du Magister Ludi Joseph Valet accompagné de ses écrits posthumes ».

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© Hermann Hesse, Bei Muzzano Cortivallo, 1928 (source)
D'autres aquarelles chez Dominique, qui m'a conseillé ce roman - merci.

L’Ordre du Jeu des perles de verre se veut une « aristocratie de l’esprit », spécialisée dans un jeu intellectuel combinant les mathématiques et la musique, au départ sur un boulier de perles de verre. Contre la mécanisation de la vie, l’abaissement de la morale, le manque de foi, le caractère frelaté de l’art, le Jeu propose un idéal spirituel et revendique une totale liberté de l’esprit, hors de toute tutelle religieuse.

Après l’introduction à l’histoire de ce Jeu, le roman raconte la vie de Joseph Valet, entre histoire et légende, dans un futur indéterminé, intemporel. D’origine modeste, il obtient une bourse à douze, treize ans pour étudier dans un établissement classique où il apprend le latin et la musique. La visite du Maître de la Musique, un homme doux et souriant qui lui demande de jouer pour lui au violon, le remplit de bonheur. Le Maître apprécie ce garçon « spontané et modeste » ; pour celui-ci, la « minute de la vocation » a sonné.

Etre admis aux écoles des élites fait de Joseph quelqu’un d’admiré et de moqué par ses condisciples, mais cela cesse quand il arrive en Castalie, la « province pédagogique » où l’on forme les meilleurs. Ses grandes qualités s’y épanouissent. A dix-sept ans, il est invité avec un camarade chez le Maître de la Musique, qui lui apprend la méditation. Le voilà prêt pour Celle-les-Bois, « mère de l’industrieuse tribu des Joueurs de perles de verre ».

C’est là que l’Ordre a ses institutions. On y valorise l’universalité, la fraternisation des sciences et des arts. Dans cette école, un ancien couvent de cisterciens, tout lui paraît « ancien, vénérable, sanctifié, chargé de tradition ». Joseph s’y lie d’amitié avec Carlo Ferromonte, comme lui passionné de musique, tandis qu’un auditeur libre, Plinio Designori, le trouble par sa défense du « siècle » que les Castaliens ont le tort d’ignorer, selon lui.

Consulté, le Maître de la Musique lui conseille de continuer à fréquenter Plinio, bon orateur et polémiste, et de défendre Castalie en élevant le niveau de la discussion. Comme Joseph se dit tiraillé entre le monde extérieur et les valeurs castaliennes, le Maître lui parle de ce qu’il a appris d’un « yogin » : l’importance de la méditation pour surmonter les crises. Une grande liberté est donnée aux étudiants sortis de Celle-les-Bois. Joseph apprend le chinois puis rend visite à un ermite. Au Bois des Bambous, celui-ci l’accepte comme élève, à condition qu’il soit obéissant et silencieux « comme un poisson d’or ».

C’est là que Joseph vit son premier « éveil », avant d’accéder à l’Ordre des Joueurs de perles de verre, dirigé par Thomas de la Trave, « Magister Ludi ». On l’envoie alors comme professeur chez des Bénédictins qui s’intéressent au Jeu. Il quitte son ami Fritz Tegularius, joueur brillant mais de santé fragile et rebelle envers les règles, pour se rendre à Mariafels. Il y adopte le mode de vie des moines, plus lent, plus solide, patient, et comprend peu à peu qu’il est envoyé là autant pour apprendre que pour enseigner.

Avec le Père Jacobus, grand historien, il découvre l’histoire des Bénédictins et les valeurs de premier plan propres aux « deux ordres ». Bientôt on confie à Joseph une mission « diplomatique ». A la mort du « Magister Ludi », il sera désigné dans cette fonction suprême qui ne lui laissera plus guère de liberté et le privera de l’activité qu’il préfère, enseigner.

Musique, étude et apprentissage, méditation, amitié, yoga, écoute des autres, contemplation de la nature, exercice du pouvoir, Hermann Hesse aborde de nombreux thèmes à travers l’histoire de Joseph Valet, on les retrouve dans les récits annexes. Il décrit l’élite intellectuelle de façon critique et rapproche la philosophie occidentale et la pensée chinoise. La lecture du roman est ardue, exaltante dans les passages pleins de lyrisme, de fraternité ou de sagesse, mais complexe ; le Jeu lui-même, d’une grande abstraction, reste hermétique.

Le jeu des perles de verre est un grand récit d’initiation, où la relation de maître à disciple, la liberté de choix sont des leitmotivs. Son héros, exemplaire dans son art de servir Castalie, est fasciné par les êtres qui se mettent en retrait, comme le vieux Maître de la Musique dont le sourire « n’avait rien perdu de sa clarté et de sa grâce, de sa sûreté et de sa profondeur ». Restant attiré et par l’Ordre et par le monde, quand il retrouvera Plinio, que la vie adulte a changé et qui souffre, il cherchera à le comprendre et à le tirer de sa mélancolie, sans cesser de se remettre lui-même – et son rôle dans la vie – en question.

Commentaires

  • Un de mes livres favoris, merveilleux. Je me rappelle l'avoir lu lors d'une traversée de l'Islande à pieds, il y a quelques années, et les soirées au feu de camp en étaient transfigurées...

  • Un chef-d'oeuvre en compagnon de randonnée ? Formidable souvenir ! Bonne journée, Anne, dans ton ermitage familial.

  • Je l'ai……….Et horreur,...je l'ai abandonné et jamais repris. Je ne devais pas (et le sais!) être à ce moment -là dans le bon moment; pourtant je connais 2 folles absolues de Herman Hesse dont l'une l'a lu en allemande…...Mea culpa!

  • Ne t'en fais pas, cela arrive à tout le monde, même avec de grands livres. Pour ma part, j'ai dû m'accrocher pendant les pages consacrées au fonctionnement de Castalie et du Jeu ; en revanche, j'ai beaucoup aimé les rencontres, les échanges, les descriptions de la nature.

  • Si tu as le livre sous la main, je te recommande les trois récits annexes : "Le faiseur de pluie", "Le confesseur", "Biographie indienne".

  • Un de ses plus beaux récits, c'est bien d'avoir de telles réserves.

  • Oui, biographie indienne, je veux le lire. Il y a des livres, on ne sait pas pourquoi, on ne peut tout simplement pas...Peut- être qu'aujourd'hui, ce serait différent. La lecture, c'est personnel. je me rappelle de Jour de colère de S. Germain, j'avais aimé et surtout, un personnage me faisait penser à ma sœur; je le lui ai offert. La cata absolue!

  • Un titre pour toi, c'est ce que je me suis dit ;-). C'est drôle que tu évoques Sylvie Germain : je n'ai pas ce titre-là, mais j'en ai essayé plusieurs autres sans jamais y entrer.

  • C'est noté pour plus tard Tania, j'apprécie beaucoup les romans de Hesse mais il me semble un peu ardu pour ces moments-ci,

  • Je le comprends. Bien que Hesse propose ici une utopie en réaction contre les dérives du monde, c'est une lecture qui exige de la patience, une vertu que ce confinement met à l'épreuve.

  • Comme Colo, je pense qu'il serait trop ardu pour moi en ce moment, je me remets à la lecture, mais doucement. J'ai lu Siddharta il y a quelques années avec beaucoup de plaisir.

  • C'est bien que tu puisses te remettre à la lecture, qui ouvre portes et fenêtres mentales, aération de l'esprit si nécessaire en ce moment. Je relirai Siddharta" un jour.

  • J'ai sous la main un recueil de courts textes de l'auteur, mais ce Jeu des perles est dans mes idées lecture (pour après ^_^)

  • Dans un sens, les textes courts sont plus faciles à lire quand on est préoccupé, et dans un autre, les textes longs nous font entrer dans un rythme plus profond - pour moi, c'est ce que je ressens. Bonne journée, Keisha.

  • Après la lecture du merveilleux Siddharta, il y a une quinzaine d'années, j'ai acheté Le jeu des perles de verre (le titre est merveilleux pour qui aime les perles), il doit être quelque part sur mes étagères mais j'avoue ne pas être parvenue à entrer dans cette histoire. Bravo à toi, et je vais tenter de me remettre à cette lecture. Bises printanières, jour gris gris au sud. brigitte

  • Comme à Anne, je te recommande pour commencer les récits annexes, qui donnent une idée de ce qu'on trouve en plus développé dans le roman. J'ai aussi dû m'accrocher par moments.
    Une éclaircie, nous allons faire un petit tour. Bises.

  • Merci, Tanis.Très intéressant
    Dans An Education in Happiness (Un'educazione alla felicita), Flavia Arzeni explique que le plus insaisissable des états mentaux, le bonheur, et comment deux des plus grands écrivains et lauréats du prix Nobel du XXe siècle, Rabindranath Tagore et Hermann Hesse, pensaient que nous devrions chercher il. Il comprend des peintures de Hesse

    Le bonheur n'est ni un privilège pour quelques-uns, ni un état d'esprit éphémère: il est caché derrière une porte que chacun peut ouvrir une fois qu'il l'a trouvé, au terme d'un parcours ardu de découverte de soi.
    Tagore et Hesse sont sans doute très différents: l'un nous vient du cœur de la culture indienne, l'autre du cœur même de la vieille Europe; le premier est un errant éternel, le second un voyageur déterminé en fauteuil. Pourtant, il existe des affinités extraordinaires entre leurs œuvres, et ils ont tous deux compris que le chemin du bonheur est pavé de petits actes et de notions simples.
    Arzeni nous offre une oasis de stabilité et de calme dans laquelle nous pouvons trouver les réponses à nos préoccupations fondamentales concernant la vie et le bonheur
     

  • Merci beaucoup pour cette belle réflexion, Jane. J'espère que cet essai sera un jour traduit en français.
    En pensée avec les New-Yorkais qui, comme nous, vivent des jours difficiles.

  • Le jeu des perles de verre existe-il ou fait -il partie du roman utopique de Hesse ? Je n'ai pas trouvé tout de suite sur internet, sans chercher beaucoup.

  • Ce jeu dont Hesse fait l'historique quand il le présente est une fiction, un jeu intellectuel de combinaisons né, écrit-il, chez des musicologues (imaginaires).

  • Decontenance par la traduction francaise qui ne respecte pas les noms propres (Knecht est moins laid que Valet, sans parler du ridicule Coldebique...etc.) et qui, d'un battement d'aile de papillon quantique et ennuyeux, vous envoie sur de fausses pistes.

  • Merci de signaler cette traduction inappropriée des noms propres et de rendre son véritable nom au personnage de Josef Knecht. Cette traduction française date de 1955, on s'interroge sur les raisons de ce choix.

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