Intriguée par le titre de Haruki Murakami, Chroniques de l’oiseau à ressort, je me suis plongée dans ce gros roman d’abord publié en trois volumes au Japon en 1994-1995. L’histoire est racontée par Toru Okada, trente ans, marié, qui vient de quitter son emploi. Sa femme Kumiko n’y voit pas d’inconvénient, son propre salaire est suffisant pour eux deux ; elle aimerait qu’il retrouve leur chat disparu depuis une semaine.
L’oiseau à ressort, ainsi baptisé par Kumiko, est un oiseau du voisinage au « ki kii kiii » régulier, comme s’il remontait un ressort : « Je ne sais pas à quelle espèce d’oiseau il appartenait en réalité. Je ne sais même pas à quoi il ressemblait. Mais ce volatile n’en avait cure, et venait tous les jours remonter les ressorts de notre petit monde paisible. »
Un muret sépare leur jardinet d’une ruelle, espace à l’abandon derrière les jardins des propriétés voisines. Toru n’y trouve pas leur chat, mais en explorant les environs, il va faire toutes sortes de découvertes. Outre la jeune May qui observe tout ce qui se passe dans cette ruelle, d’autres voix féminines vont s’introduire dans sa vie d’une manière ou d’une autre. Et puis un jour, Kumiko ne rentre pas du travail. Sa femme l’a quitté, sans explication. Surpris, il décide de l’attendre, puis de la retrouver, même quand une lettre lui apprend qu’elle est partie avec un autre homme.
Le narrateur de Murakami est un type sans histoire, qui se contente de prendre soin du foyer – il cuisine, nettoie, range, fait les courses – et se montre très disposé à écouter les histoires des autres. Il aime ne rien faire, s’asseoir quelque part et observer les gens, dormir, rêver. Chroniques de l’oiseau à ressort se mue peu à peu en un puzzle dont le nombre de pièces ne cesse d’augmenter : ce que vit Toru Okada en réalité (bien que cette expression soit de plus en plus mouvante au fur et à mesure que le roman s’écoule), ce qui lui arrive en rêve, ce que lui racontent les gens, etc.
J’ai suivi avec attention les apparitions de l’oiseau à ressort, qui a un double muet, un oiseau de pierre, dans le jardin d’une maison vide du quartier. Je suis descendue avec le narrateur jusqu’au fond d’un puits à sec où sa vision du monde va changer, puis j’ai décroché, je l’avoue, de ce roman foisonnant qui vire au fantastique. Si les fantasmes sexuels du narrateur sont plutôt doux, les scènes de guerre que lui raconte l’un ou l’autre sont d’une violence effrayante.
Le romancier japonais m’a surprise par sa grande attention aux vêtements de ses personnages, aux couleurs. Comme Woody Allen, il mêle des airs de musique à ses histoires. Murakami opte souvent pour le réalisme magique, voire le surréalisme. Il n’a pas vraiment réussi à m’emmener dans ces mondes parallèles où son héros vit toutes sortes d’expériences peu banales, tout au long de ce roman de près de mille pages aux digressions inattendues.
En me promenant dans le quartier, cela fait plusieurs fois que j’entends dans la même rue une mésange solitaire qui appelle, appelle, juchée sur un platane dépouillé de ses feuilles. Aussi l’ai-je photographiée pour illustrer ce billet et baptisée pour quelque temps « oiseau-à-ressort ».
Commentaires
Cela semble récurrent dans les romande Murakami ce passage du réel à un monde parallèle où, moi aussi, j'ai eu du mal à le suivre vers la fin, comme dans "Le meurtre du Commandeur".
Je vais observer les oiseaux de plus plus près, et observer ces ressorts, qui sait?
Ce goût de l'étrange ne me déplaît pas en lui-même, mais ce long roman a fini par me lasser. Ki kii kiii !
J'adore Murakami; j'en ai lu beaucoup, je me suis arrêtée aux derniers, trop gros...Mais Kafka sur le rivage, ,le 1° que j'ai lu, puis les suivants m'ont scotchée. .Cet homme aurait dû avoir le prix Nobel; pour moi, c'est IMMENSE; Très japonais, un peu manga, inclassable, intéressant. C'est mystérieux, bizarre souvent, un vrai univers.
L'oiseau à ressort, tu me donnes envie de le ressortir , le feuilleter...Après les fêtes!
Tu n'es pas la seule et son succès est incontestable. "Kafka sur le rivage" et "Au sud de la frontière, à l'ouest du soleil" m'avaient plu. Ici j'ai décroché.
Je devrais aborder les rivages de Kafka sans doute en 2021.
J'ai beaucoup aimé 1Q84,
J'ai peiné -beaucoup- dans le tome 2 du commandeur. Un fil qui s'est "perdu"... Bref,cela aurait gagné à être plus ramassé..
Il faut parfois plus de style (difficile à apprécier à sa juste valeur en traduction) pour ne pas perdre des lecteurs dans les longueurs ;-),
Le premier que j'ai lu de l'auteur, assez effrayant parfois!
Et même sadique, en effet, brrr.
Je n'ai pas lu cet auteur jusqu'à présent et j'avoue que ses romans ne m'attirent pas. Pourtant souvent j'apprécie la littérature japonaise, mais ses histoires ont l'air vraiment particulières.
Je te comprends, il faut un minimum d'envie pour aborder un auteur - il y en a tant !
J'ai lu de lui bien sûr Kafka sur le rivage, et d'autres mais je n'ai pas accroché même si l'idée de ces mondes parallèles est tout à faire séduisante, il y a quelque chose qui me gêne sans que je sache bien l'expliquer... Toutefois, Colo a raison : cela va m'inciter à regarder les oiseaux d'un peu plus près.
Bonne journée !
Merci, Marie. Je n'ai pas encore eu le temps de visionner l'émission où tu interviens, je le ferai dès que possible, bien sûr.
je n'ai vraiment accroché qu'à Kafka sur le rivage ensuite je n'ai pas réussi à m'attacher ni à l'histoire ni aux personnages de ses romans mais autour de moi dans les différents club lecture c'est un romancier très apprécié
Je vais interroger une grande fan de Murakami pour essayer de mieux comprendre ce succès auprès des uns et ces réticences par ailleurs.
En te lisant et en parcourant les commentaires, je vais m'abstenir de le lire...
Ta petite mésange bavarde me plait beaucoup plus ! Belle journée Tania !
A toi de voir, Claudie. Ce roman m'a déçue mais beaucoup y voient le chef-d'œuvre de Murakami, Patti Smith entre autres. Si un roman ne me paraît pas valoir la peine d'être lu, je n'en parle pas du tout sur mon blog. Celui-ci m'a lassée en cours de route, le début m'a plu, puis j'ai perdu la "connexion" si tu vois ce que je veux dire.
Bonne nouvelle pour la mésange du platane : elle était bien sur son arbre hier, mais muette... Son âme soeur était dans l'arbre suivant - tout est bien qui finit bien.
Bonjour Tania,
J'aime beaucoup Murakami, et ce titre est mon préféré de l'auteur (en second, c'est Kafka sur le rivage, un peu moins dense...). Mais je comprends qu'il puisse rebuter par sa longueur et par certains passages d'une extrême violence.
Bonnes fêtes de fin d'année !
Merci, Ingannmic. Ah, j'irai lire ce billet, promis, maintenant je dois quitter le clavier. A bientôt.