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provence - Page 2

  • Sur la page blanche

    rené frégni,je me souviens de tous vos rêves,récit,littérature française,provence,culture« Un grand écrivain, c’est celui qui fait apparaître sur la page blanche des paysages oubliés, des villes entrevues, des cités intérieures que nous n’avions jamais visitées. Un kiosque à musique sur une place, les palmiers de Bastia, le vol noir des corbeaux dans le ciel clair de Malaucène un soir d’octobre, les greniers ouverts de Manosque claquants de pigeons, la flamme d’un renard qui traverse la route à minuit dans le col du Négron, la rouille d’un port, les raies rouges d’une vigne à la sortie de Mallemort. Plus le mot est juste, plus le voyage est grand. Le corps sombre et nu d’une femme dans un quartier torride de Marseille, juste sous les toits. Un figuier qui pousse dans les ruines de notre mémoire. »

    René Frégni, Je me souviens de tous vos rêves

  • René Frégni, Provence

    « L’automne en Provence est limpide et bleu, ce n’est pas une saison, c’est un fruit » : ces premiers mots en quatrième de couverture m’ont fait emporter en vacances Je me souviens de tous vos rêves de René Frégni. Sa bibliographie compte quatorze titres depuis Les chemins noirs en 1988, il était temps pour moi de le croiser.

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    Pays de Nyons, septembre 2019

    Septembre, le premier chapitre (Février sera le dernier), commence joliment : « Chaque année en septembre j’ai peur de mourir, alors j’achète un cahier. » Un cahier contre la peur, un cahier pour vivre. « Septembre est le mois des amandes, des noisettes, des noix. On n’a qu’à s’asseoir sur les talus et les casser entre deux pierres, ou remplir ses poches et les ramener chez soi, comme un écureuil. »

    Vivre seul, vieillir, écrire : « C’est sans fin une route, comme les mots qui laissent une trace de pas dans la clarté de la page. » Dès les premières pages, Frégni, qui vit à Manosque, nous emmène avec lui dans les collines, les ruines, les villages qu’il traverse de bonne heure, sans voir personne. « J’aime retrouver mon enfance dans ces petites vallées aussi fraîches que des fontaines. »

    Avant l’été, il s’était retrouvé avec d’autres dans le box des accusés, au grand spectacle de la justice où les prévenus n’ont qu’un rôle minuscule – « les vrais acteurs avaient tous une robe noire ». Un seul mot l’a libéré des humiliations et des interrogatoires : « relaxe ». Dans le nouveau cahier, il laisse entrer les souvenirs, les paysages, les silences.

    Et nous voilà tout à coup à Banon, à lire avec l’auteur les lettres bleues sur la façade jaune au-dessus de la porte : « Librairie le Bleuet ». René Frégni a connu Joël Gattefossé avant qu’il devienne « l’un des plus grands libraires de France » et il nous raconte l’histoire « très belle et très triste » de cette « maison des livres ». Ou comment un « gamin difficile » devient un menuisier, perd ses parents, arrive un soir de mai dans le petit village de Banon, y voit en premier une fleur de bleuet, puis une minuscule boutique à vendre.

    Les livres, les mots ont une place essentielle dans la vie de René Frégni, et aussi les femmes comme Isabelle, dont le visage l’embrase – « Plus je le regarde, plus j’écris. » Il a tant décrit le corps féminin qu’un lecteur lui envoie, dans une grande enveloppe, une photo des seins de sa femme (« Je les trouve tellement beaux ! Il faut que vous en parliez dans votre prochain roman ! ») On connaît donc ses obsessions, malgré sa vue basse.

    « J’aime les grands espaces de lumière que fait jaillir l’automne. Si quelqu’un partait des granits de la Bretagne et cheminait vers la Haute-Provence [à l’inverse de Sylvain Tesson dans Sur les chemins noirs], il marcherait en dormant. La France est un doux vallonnement de vaches et de clochers. Brutalement ce marcheur se cognerait aux dentelles de Montmirail, au mont Ventoux ou à la montagne de Lure. Tout le monde se réveille à Malaucène ou à Nyons. »

    Quel bonheur de suivre René Frégni en Provence, d’en rencontrer les paysages et les gens, de lire toutes ces choses auxquelles il donne vie avec les mots – « un véritable enchantement » (Bonheur du jour). Des lectures, des dents cassées, la pauvreté, la faim, des matins, des midis, des soirs, le chemin parcouru. « J’ai travaillé pendant seize ans avant de me lancer dans l’écriture, pendant seize ans, j’ai eu la sensation qu’on me volait ma vie, mon temps. J’appartenais déjà au petit peuple discret des chambres d’hôtel et des greniers. »

    Au fil des jours d’automne et d’hiver, on découvre un homme qui a appelé « Baumette » un chaton recueilli en prison, sauvé d’une chute, et qui se souvient de tout ce qu’ils ont vécu ensemble après qu’une chute fatale les sépare dix ans plus tard. « Le ciel est bien trop petit aujourd’hui pour contenir tous les nuages. Avec mon bol de café, que je remplis souvent, je vais d’une fenêtre à l’autre. Je parle à ma mère, à mon chat. / Au début, je craignais qu’on ne m’entende derrière l’un de ces murs, à présent je prends du plaisir à faire les questions et les réponses. »



    Je me souviens de tous vos rêves est l’hommage à la vie d’un homme sensible à tous ces riens qui font tenir debout, qui mènent d’une journée à l’autre. C’est le récit au petit bonheur la chance de ce qu’il voit, entend, perçoit, le jour et la nuit, quand sa mère lui rend visite dans ses rêves. « Je me souviens de tous vos rêves est un poème, sculpté dans une langue pure et raffinée telle de la porcelaine, qui éloigne l’ombre de la mort et rappelle que la beauté se trouve en chaque chose, chaque être vivant, chaque instant de vie, même les plus simples. » (Anahita Ettehadi)

  • Au soleil de Provence

    Faire d’une pierre deux coups

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    La montée caillouteuse vers la chapelle Notre-Dame de Beauvoir, au-dessus de Rousset-les-Vignes, permet de découvrir un superbe panorama vers la montagne de la Lance d’un côté, vers la plaine de Valréas de l’autre.

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    Des bois de lumière. Au début de cette promenade, nous avons vu des accrobranchés dans les arbres – sur une partie du parcours des Barons perchés (clin d’œil à Italo Calvino). Le sentier de découverte forme une boucle dans la forêt de Garde Grosse. Sur les panneaux explicatifs, j’ai appris les mots « samare », « affouage », « cépée » et aussi « pâquerage » et « bûcherage » (non trouvés dans le TLF).

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    Au retour d’une autre balade, entre vignes et oliviers, un roi : ce pin majestueux.

    Tenir le coup

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    La petite bande féline près des poubelles publiques
    s’est renouvelée en partie autour de cette belle siamoise.
    Des amis des chats les aident à tenir le coup.

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    A chaque passage, les chatons fuient ; les autres, prudents, observent.
    Puis ils approchent, intéressés par ce qu’on pourrait leur apporter.

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    Bien des regards s’échangent, la confiance s’installe, mais pas touche !

    Les trois coups

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    Première visite d’Orange. A l’entrée nord de la ville, le superbe Arc de Triomphe.

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    En traversant la ville, une porte ouverte invite à la curiosité, mène à une cour intérieure : cela valait la peine d’entrer.

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    Au Théâtre antique d’Orange : un lieu époustouflant à découvrir d’en bas – grandiose mur de scène, où on commençait à dresser des échafaudages –, puis du haut des gradins et enfin à travers les vidéos du déambulatoire. Magnifique. On rêve d’y entendre un soir, dans l’air tiède, frapper les trois coups.

  • Une journée à Aix

    Une journée suffit parfois à vous en persuader : il fait si bon flâner dans une ville où vous entrez pour la première fois que vous y séjourneriez volontiers bien plus longtemps. Aix-en-Provence, la ville de Cézanne présentée il y a peu dans Des racines & des ailes, entre sans conteste dans cette catégorie.

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    Fontaine de la Rotonde (place Général de Gaulle)

    Dès que j’ai aperçu sur la Rotonde les jets d’eau d’une fontaine monumentale surmontée des statues de la Justice, de l'Agriculture et des Beaux-Arts, à l’extrémité du Cours Mirabeau, je me suis sentie sous le charme : l’espace, la lumière, les platanes, une atmosphère pleine de ce qu’on nomme « urbanité » – et cela se confirmera tout au long de la journée. Sur le côté, un pavillon contemporain tout en vitres sert d’aquarium fascinant pour les nombreux amateurs ou curieux des dernières nouveautés de la célèbre marque informatique à la pomme.

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    Entrée du Cours Mirabeau, Aix-en-Provence

    Un marché textile occupait le Cours Mirabeau ce jeudi matin d’avril et nous avons dû contourner ses étals pour découvrir les façades des beaux hôtels particuliers qui en font la réputation. Des atlantes supportent le balcon du tribunal de commerce. Certaines de ces demeures imposantes, construites pour des « gens de robe » ou « robins » du XVIIe siècle, arborent des noms de banques ou d’assurances, on imagine bien que les maintenir en parfait état exige, à présent comme alors, de gros moyens.

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    Tribunal de commerce

    Beaucoup de monde sur le Cours Mirabeau, on y fait son marché, on flâne, on s’installe aux terrasses. Certains se font prendre en photo près des nombreuses fontaines qui le jalonnent, dont les formes sont parfois cachées sous la verdure. Pour un premier déjeuner dans la capitale de la Provence, nous choisissons « Les deux garçons » : Cézanne, le peintre d’Aix « y passait les trois heures d’avant dîner avec son camarade du lycée Mignet, Emile Zola ».

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    Les deux garçons, brasserie aixoise

    Un groupe d’Asiatiques occupe déjà une longue tablée mais il est encore tôt et beaucoup de gens s’installent dehors, nous serons bien à l’aise pour admirer le décor à l’intérieur. Grands miroirs anciens, pilastres dorés comme les motifs des frises, lustres et appliques… Le cadre vaut la peine, la cuisine ne déçoit pas : le plat du jour est plaisant (calamar a la plancha), la tarte aux fraises délicieuse. Et la bonne humeur du garçon qui nous sert ne ressemble en rien à la façon dont on est accueilli dans certaines brasseries parisiennes. 

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    Hôtel de Caumont, façade principale

    Merci à celle qui nous a parlé de l’Hôtel de Caumont : ce sera notre première visite de l’après-midi. On y prépare une exposition Turner (à partir du 5 mai) et une partie des jardins est en travaux, mais le centre d’art qui occupe cette splendide demeure dont la restauration a duré cinq ans offre de quoi éblouir. Dans le bâtiment d’accueil, l’auditorium propose en boucle un film d’une demi-heure sur « Cézanne au pays d’Aix », une belle présentation des paysages et les lieux qui l’ont inspiré.

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    Hôtel de Caumont, détail de la cage d'escalier

    Ensuite, on traverse les communs pour admirer de plus près l’harmonieuse façade du XVIIIe siècle et son fin balcon en fer forgé au-dessus de l’entrée. Par une vaste cage d’escalier dotée d’une autre ferronnerie superbe et de hautes baies, on accède au premier étage : le salon de musique (harpe et bel écrin de clavecin de style Louis XIV), la chambre de Pauline de Caumont (portrait au pastel) sont meublés et décorés avec raffinement. (De petits écrans tactiles donnent des précisions sur demande.)

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    Hôtel de Caumont, détail de la chambre de Pauline de Caumont

    On peut prendre un rafraîchissement sur la terrasse ou déjeuner au Café Caumont qui occupe différents salons du rez-de-chaussée, ravissants, en particulier « le salon des putti » avec son camaïeu de rose et d’orangé. Les tissus fleuris sont de toute beauté, comme à l’étage. De l’autre côté de l’entrée, deux pièces présentent joliment objets, cartes, babioles et livres destinés à la vente. 

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    Hôtel à vendre dans le quartier Mazarin

    En reprenant la promenade, j'admire ces jolies Vierges à l’enfant, de styles variés, que les Aixois ont maintenues à l’angle de nombreuses rues. Partout les couleurs des murs sont claires et chaudes, des tons de grès, d’ocre, c’est harmonieux. De grandes portes anciennes font lever les yeux vers les façades. Certains hôtels remarquables du quartier Mazarin sont dans un piteux état (ci-dessus) – j’espère que comme dans le Marais parisien, où c’était encore ainsi dans les années septante, on rendra leur grandeur à ces trésors du patrimoine aixois.

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    François-Marius Granet, Sainte-Victoire vue d’une cour de ferme au Malvalat © Photo Musée Granet CPA

    Comment passer devant le musée Granet sans y entrer ? Ses collections permanentes – sculpture, archéologie, peinture ancienne et moderne – comportent de nombreuses œuvres du peintre aixois François-Marius Granet, « paysagiste d’exception » qui a peint de belles vues classiques de la campagne romaine, de Provence, et un très beau portrait de lui par Ingres. Anonyme, Le bon Samaritain (France XVIIe) voisine avec des portraits de Rubens et un autoportrait terrible de Rembrandt.

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    Nicolas de Staël, Ciel à Honfleur (musée Granet)

    Bien sûr, le musée expose des œuvres de Cézanne, de petit ou moyen format, comme le Portrait de Mme Cézanne. « 2006|2016 10 ans d’acquisition » met à l’honneur la donation Meyer, « De Cézanne à Giacometti », avec des œuvres de Picasso, Léger, Mondrian, Klee, Nicolas de Staël (Ciel à Honfleur), Tal Coat… et un bel ensemble de Giacometti (sculptures et peintures).

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    Kosta Alex, L’homme de Kalahari, Chapelle des pénitents blancs (Granet XXe)

    La collection Planque, installée en 2010 dans une ancienne chapelle de pénitents blancs, annexe du musée Granet, quelque trois cents mètres plus loin, réserve une formidable surprise : quel écrin ! Un bouquet de glaïeuls de Van Gogh précède d’autres peintures de premier plan signées Monet (paysage norvégien dans une tempête de neige), Bonnard (L’Escalier du Cannet), entre autres, et aussi de peintres moins connus comme le Suisse Auberjonois. Picasso, rencontré par Jean Planque quand il travaillait pour la galerie Beyeler, y est très bien représenté – inattendue, sa petite Marine horizontale, pleine de mouvement et de fraîcheur ; effrayante Femme au chat assise dans un fauteuil !

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    Pablo Picasso, Marine (Granet XXe)

    Mais Planque s’est intéressé aussi à des artistes moins connus comme Roger Bissière (Matin de printemps), Hans Berger (Vert), plus tard à Dubuffet et à l’art brut. Planque peignait mais se jugeait incapable de créer comme eux de nouvelles voies esthétiques. Ses œuvres montrent sa fascination pour les maîtres qu’il admirait et imitait. « Granet XXe » a de quoi séduire les amateurs d’art moderne.

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    Place de l’Hôtel de Ville

    Vous connaissez bien la ville d’Aix ? N’hésitez pas, indiquez-moi vos endroits favoris. Je retournerai à Aix-en-Provence pour visiter ses églises, guetter la lumière et l’ombre sur ses places avenantes, entrer dans ses librairies et ses boutiques, prendre le temps… ou plutôt le laisser passer.

  • Fête partout

    « Dans la campagne, loin des routes, qui sont empestées par les ruisseaux noirs et gras des moulins à huile d’olive, les collines étaient embaumées par les siméthides délicates, par les buissons de cythise épineux et de coronille-jonc, et par les tapis de coris rose, cette jolie plante méridionale qui ressemble au thym, mais qui sent la primevère, souche de sa famille. sand,george,tamaris,roman,littérature française,provence,toulon,amour,amitié,romantisme,cultureDes abeilles, butinant sur ces parfums sauvages, remplissaient l’air de leur joie. Des lins charmants de toutes couleurs, des géraniums rustiques, des liserons-mauves d’une rare beauté, de gigantesques euphorbes, de luxuriantes saponaires ocymoïdes, des silènes galliques de toutes les variétés et des papilionacées à l’infini s’emparaient de toutes les roches, de toutes les grèves, de tous les champs et de tous les fossés. C’était fête partout et fête effrénée, car elle est courte en Provence, la fête du printemps ! entre les tempêtes de mars-avril et les chaleurs de mai-juin, tout s’épanouit et s’enivre à la fois d’une vie exubérante et rapide. »

     

    George Sand, Tamaris