Une journée suffit parfois à vous en persuader : il fait si bon flâner dans une ville où vous entrez pour la première fois que vous y séjourneriez volontiers bien plus longtemps. Aix-en-Provence, la ville de Cézanne présentée il y a peu dans Des racines & des ailes, entre sans conteste dans cette catégorie.
Fontaine de la Rotonde (place Général de Gaulle)
Dès que j’ai aperçu sur la Rotonde les jets d’eau d’une fontaine monumentale surmontée des statues de la Justice, de l'Agriculture et des Beaux-Arts, à l’extrémité du Cours Mirabeau, je me suis sentie sous le charme : l’espace, la lumière, les platanes, une atmosphère pleine de ce qu’on nomme « urbanité » – et cela se confirmera tout au long de la journée. Sur le côté, un pavillon contemporain tout en vitres sert d’aquarium fascinant pour les nombreux amateurs ou curieux des dernières nouveautés de la célèbre marque informatique à la pomme.
Entrée du Cours Mirabeau, Aix-en-Provence
Un marché textile occupait le Cours Mirabeau ce jeudi matin d’avril et nous avons dû contourner ses étals pour découvrir les façades des beaux hôtels particuliers qui en font la réputation. Des atlantes supportent le balcon du tribunal de commerce. Certaines de ces demeures imposantes, construites pour des « gens de robe » ou « robins » du XVIIe siècle, arborent des noms de banques ou d’assurances, on imagine bien que les maintenir en parfait état exige, à présent comme alors, de gros moyens.
Beaucoup de monde sur le Cours Mirabeau, on y fait son marché, on flâne, on s’installe aux terrasses. Certains se font prendre en photo près des nombreuses fontaines qui le jalonnent, dont les formes sont parfois cachées sous la verdure. Pour un premier déjeuner dans la capitale de la Provence, nous choisissons « Les deux garçons » : Cézanne, le peintre d’Aix « y passait les trois heures d’avant dîner avec son camarade du lycée Mignet, Emile Zola ».
Les deux garçons, brasserie aixoise
Un groupe d’Asiatiques occupe déjà une longue tablée mais il est encore tôt et beaucoup de gens s’installent dehors, nous serons bien à l’aise pour admirer le décor à l’intérieur. Grands miroirs anciens, pilastres dorés comme les motifs des frises, lustres et appliques… Le cadre vaut la peine, la cuisine ne déçoit pas : le plat du jour est plaisant (calamar a la plancha), la tarte aux fraises délicieuse. Et la bonne humeur du garçon qui nous sert ne ressemble en rien à la façon dont on est accueilli dans certaines brasseries parisiennes.
Hôtel de Caumont, façade principale
Merci à celle qui nous a parlé de l’Hôtel de Caumont : ce sera notre première visite de l’après-midi. On y prépare une exposition Turner (à partir du 5 mai) et une partie des jardins est en travaux, mais le centre d’art qui occupe cette splendide demeure dont la restauration a duré cinq ans offre de quoi éblouir. Dans le bâtiment d’accueil, l’auditorium propose en boucle un film d’une demi-heure sur « Cézanne au pays d’Aix », une belle présentation des paysages et les lieux qui l’ont inspiré.
Hôtel de Caumont, détail de la cage d'escalier
Ensuite, on traverse les communs pour admirer de plus près l’harmonieuse façade du XVIIIe siècle et son fin balcon en fer forgé au-dessus de l’entrée. Par une vaste cage d’escalier dotée d’une autre ferronnerie superbe et de hautes baies, on accède au premier étage : le salon de musique (harpe et bel écrin de clavecin de style Louis XIV), la chambre de Pauline de Caumont (portrait au pastel) sont meublés et décorés avec raffinement. (De petits écrans tactiles donnent des précisions sur demande.)
Hôtel de Caumont, détail de la chambre de Pauline de Caumont
On peut prendre un rafraîchissement sur la terrasse ou déjeuner au Café Caumont qui occupe différents salons du rez-de-chaussée, ravissants, en particulier « le salon des putti » avec son camaïeu de rose et d’orangé. Les tissus fleuris sont de toute beauté, comme à l’étage. De l’autre côté de l’entrée, deux pièces présentent joliment objets, cartes, babioles et livres destinés à la vente.
Hôtel à vendre dans le quartier Mazarin
En reprenant la promenade, j'admire ces jolies Vierges à l’enfant, de styles variés, que les Aixois ont maintenues à l’angle de nombreuses rues. Partout les couleurs des murs sont claires et chaudes, des tons de grès, d’ocre, c’est harmonieux. De grandes portes anciennes font lever les yeux vers les façades. Certains hôtels remarquables du quartier Mazarin sont dans un piteux état (ci-dessus) – j’espère que comme dans le Marais parisien, où c’était encore ainsi dans les années septante, on rendra leur grandeur à ces trésors du patrimoine aixois.
François-Marius Granet, Sainte-Victoire vue d’une cour de ferme au Malvalat © Photo Musée Granet CPA
Comment passer devant le musée Granet sans y entrer ? Ses collections permanentes – sculpture, archéologie, peinture ancienne et moderne – comportent de nombreuses œuvres du peintre aixois François-Marius Granet, « paysagiste d’exception » qui a peint de belles vues classiques de la campagne romaine, de Provence, et un très beau portrait de lui par Ingres. Anonyme, Le bon Samaritain (France XVIIe) voisine avec des portraits de Rubens et un autoportrait terrible de Rembrandt.
Nicolas de Staël, Ciel à Honfleur (musée Granet)
Bien sûr, le musée expose des œuvres de Cézanne, de petit ou moyen format, comme le Portrait de Mme Cézanne. « 2006|2016 10 ans d’acquisition » met à l’honneur la donation Meyer, « De Cézanne à Giacometti », avec des œuvres de Picasso, Léger, Mondrian, Klee, Nicolas de Staël (Ciel à Honfleur), Tal Coat… et un bel ensemble de Giacometti (sculptures et peintures).
Kosta Alex, L’homme de Kalahari, Chapelle des pénitents blancs (Granet XXe)
La collection Planque, installée en 2010 dans une ancienne chapelle de pénitents blancs, annexe du musée Granet, quelque trois cents mètres plus loin, réserve une formidable surprise : quel écrin ! Un bouquet de glaïeuls de Van Gogh précède d’autres peintures de premier plan signées Monet (paysage norvégien dans une tempête de neige), Bonnard (L’Escalier du Cannet), entre autres, et aussi de peintres moins connus comme le Suisse Auberjonois. Picasso, rencontré par Jean Planque quand il travaillait pour la galerie Beyeler, y est très bien représenté – inattendue, sa petite Marine horizontale, pleine de mouvement et de fraîcheur ; effrayante Femme au chat assise dans un fauteuil !
Pablo Picasso, Marine (Granet XXe)
Mais Planque s’est intéressé aussi à des artistes moins connus comme Roger Bissière (Matin de printemps), Hans Berger (Vert), plus tard à Dubuffet et à l’art brut. Planque peignait mais se jugeait incapable de créer comme eux de nouvelles voies esthétiques. Ses œuvres montrent sa fascination pour les maîtres qu’il admirait et imitait. « Granet XXe » a de quoi séduire les amateurs d’art moderne.
Vous connaissez bien la ville d’Aix ? N’hésitez pas, indiquez-moi vos endroits favoris. Je retournerai à Aix-en-Provence pour visiter ses églises, guetter la lumière et l’ombre sur ses places avenantes, entrer dans ses librairies et ses boutiques, prendre le temps… ou plutôt le laisser passer.
Commentaires
grand merci pour ces photos, tania, qui me rappellent mon séjour à Aix il y a deux ans :)
une ville très agréable
Le garde-fou de la cage d'escalier en fer forgé de l’hôtel Caumont semble être de l’Art Nouveau, si je ne me trompe ! … Ceux des balcons aussi ...
La marine de Picasso est aussi tourmentée que lui ! …
Et l’eau à la bouche pour les calamars à la plancha
@ Niki : J'ai retrouvé ton billet sur "L'atelier du Midi" - et la fontaine de la Rotonde !
http://sheherazade2000.canalblog.com/archives/2013/12/22/28683341.html
@ Doulidelle : Belle gourmandise, cher Doulidelle ! Les belles ferronneries d'art de l'Hôtel de Caumont datent du XVIIIe siècle, tu trouveras plus de précisions et de photos en cliquant sur le lien suivant :
http://www.caumont-centredart.com/fr/decouvrir/decouverte-lieu/hall-dentree
Je ne peux pas prétendre connaître Aix, je n'ai fait qu'y passer quelques journées dispersées mais c'est en effet une belle ville et le Midi, quel plaisir!
J'y vais justement demain, dans le Gard, Anduze. A bientôt
Je garde un excellent souvenir d'une journée à Aix, il y a quatre ans. L'hôtel Caumont n'était pas encore ouvert. J'espère y retourner un jour, il y a tant à faire ! Et les petites places sont tellement agréables.
Merci pour cette belle balade, une ville que je ne connais pas du tout.
Le marché textile m'aurait beaucoup plu...et los calamares bien sûr.
Contente de te retrouver.
@ Zoë Lucider : Bon voyage, Zoë. La douceur du Midi me manque déjà - ici on porte encore des vestes d'hiver.
@ Aifelle : L'ouverture au public date de moins d'un an, je crois. Comme à toi, Aix m'a donné un goût de revenez-y.
@ Colo : En ta compagnie, j'aurais sans doute arpenté les allées du marché avec plaisir. Bonne journée, Colo.
C'est un endroit où j'allais beaucoup mais je n'ai pas fait beaucoup de visites culturelles...
Merci du lien qui m'a permis de confirmer ce que pensais... J’ai bien dit que ça semble être de l’art nouveau, on peut dire alors que ce mouvement s’en est laissé inspirer, si pas prolongé. …
@ Maggie : La ville a d'autres atouts, sans doute.
@ Doulidelle : J'espère que tu as apprécié les photos proposées sur le site, qui donnent une vue plus complète de cette cage d'escalier.
belle ville, j'irais bien aussi!
Une destination que je te recommande sans hésiter.
Je suis sûre qu'un jour nous aurons le temps d'aller ensemble prendre un thé à l’hôtel de Caumont.
A très vite.
Lors de mes vacances en Provence en 2014, je suis allé une journée à Aix-en-Provence, et je m'y suis également bien plu. Personnellement, à Avignon et Arles, ce sont surtout des monuments bien spécifiques qui ont retenu mon attention (le Palais des Papes, les arènes, p.ex.), tandis qu'à Aix-en-Provence, c'est l'ambiance de toute la ville qui m'a charmé. Cela mériterait que j'y retourne. Je te conseille aussi le Palais Vendôme qui est un peu à l'extérieur du centre touristique mais mérite de s'y attarder.
@ Bonheur du jour : Ce serait formidable ! A bientôt.
@ Un petit Belge : Merci de tes indications sur le Palais Vendôme, j'en prends note.
Quelle belle promenade ! cela fait du bien toutes ces photos avec de la lumière car ici, c'est gris et humide :-(
Je ne connais pas encore cette ville du Midi, je ne peux donc pas te conseiller pour une prochaine visite.
Oui, Margotte, un séjour dans le Midi, c'est un plein de lumière et particulièrement à cette saison, ça fait beaucoup de bien.
Deux belles après-midi ensoleillées à Bruxelles hier et avant-hier, mais la météo change si vite ici, on annonce une baisse des températures imminente et le ciel est gris ce matin.
Eh bien j'y étais le même jour que toi, jour du marché sur le Cours, où j'ai acheté un petit sac de cuir ! Nous avons dû nous croiser, inconscientes de la coïncidence ... J'ai vu la plantureuse dame en blanc que tu as photographiée, et plus loin dans les petites rues il y avait un autre mime (ou peut-être même plus haut sur le Cours...)
Ca alors, Edmée ! Nous aurions pu nous rencontrer aussi aux Deux Garçons !