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hôtel de caumont

  • Pouvoir d'évocation

    Dufy Catalogue bis.jpg« Il transpose dans son coloris de charmeur tous les thèmes qu’il choisit : régates, salles de concert, nus à l’atelier.  […] Ses teintes sont libres au point qu’elles ne se laissent pas enfermer par les limites des objets. Et ces limites elles-mêmes n’ont rien de figé : un trait des plus elliptiques les suggère. Pourtant nous avons affaire non à une manière désinvolte, superficielle, mais à un art qui se recommande par sa justesse et son pouvoir d’évocation. »

    « Dufy » in Dictionnaire de la peinture moderne, Hazan, 1980

  • Dufy et la couleur

    « L’ivresse de la couleur » : l’exposition Raoul Dufy vient de prendre fin à l’Hôtel de Caumont. Je suis heureuse d’avoir pu la visiter et d’un peu mieux connaître ainsi ce peintre, grâce aux œuvres prêtées par une vingtaine de musées (le Musée national d’art moderne de Paris, principalement) et des collections privées. En plus des huiles, des aquarelles et des dessins de Dufy (1877-1953), on y exposait aussi des gravures et des céramiques de l’artiste.

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    Raoul Dufy, L’Estacade à Sainte-Adresse, 1902, huile sur toile
    © Adagp, Paris / Jean-François Tomasian - Centre Pompidou, MNAM-CCI /Dist. RMN-GP

    Né au Havre, Dufy est d’abord influencé par les impressionnistes : voyez comme il peint L’Estacade à Sainte-Adresse ou Le Yacht pavoisé au Havre dans les premières années du XXe siècle. J’ai admiré dans ces deux toiles (léguées par son épouse en 1963) le chant des couleurs, dont un délicat turquoise, et la belle lumière, en particulier dans L’Estacade, où les voiles des parasols se perdent dans le blanc un peu doré du sable.

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    Raoul Dufy, Paysage de Provence, 1905, huile sur toile, Musée d'art moderne de Paris

    Mon premier coup de cœur est ce Paysage de Provence avec ses arbres, ses bandes de lavandes, ses maisons qui ne font qu’un avec ce qui les entoure. J’aime ce choix d’une ligne d’horizon très haute qui permet au paysage de se déployer, cette toile saturée de couleurs qui m’a fait penser à Bonnard. Influencé par le fauvisme, Dufy évolue vers une touche plus libre, comme on le voit aussi dans La Terrasse sur la plage avec ses couleurs vives.

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    Raoul Dufy, La Terrasse sur la plage, 1907, huile sur toile, Musée d'art moderne de Paris

    L’exposition d’Aix « met tout particulièrement en lumière les liens étroits que le peintre a entretenus avec la Provence et l’œuvre de Cézanne » (les citations viennent du dépliant ou du catalogue). Dufy s’intéresse à la construction des formes « par la couleur, les plans et les volumes géométrisés » et séjourne à Marseille en 1907 et 1908. Il se rend sur les sites du maître et réduit sa gamme aux ocres et aux verts, suit son exemple en simplifiant les formes. Ses toiles cézaniennes sont assez austères et bientôt il réintroduit dans sa peinture des couleurs plus dynamiques.

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    Raoul Dufy, Maison et jardin, 1915, huile sur toile, Musée d'art moderne de Paris

    Dans Maison et jardin (1915), mon deuxième coup de cœur, « Dufy applique les leçons de Cézanne dans le jardin de sa maison au Havre » : la table de jardin bleue et verte supporte une coupe de fruits ; au-dessus, une rose du rosier grimpant entre la table et la maison blanche équilibre et anime cette composition en vert, bleu et blanc. Une formidable illustration de l’art avec lequel le peintre pratique une « stylisation décorative ».

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    Raoul Dufy, La pêche, 1910, gravure sur bois, Musée d'art moderne de Paris

    La petite salle sur laquelle s’achève la première partie de l’exposition présente des œuvres sur papier, notamment des gravures sur bois (La chasse, La pêche, La danse, 1910). Dufy a gravé des illustrations « jouant des contrastes de noir et de blanc » pour Le Bestiaire ou Cortège d’Orphée d’Apollinaire. Séduit, le couturier Paul Poiret lui demandera de reproduire plusieurs des motifs floraux et animaux sur tissu. Le goût de Dufy pour la liberté d’interprétation apparaît bien dans cette explication donnée en 1948 : « Il ne faut jamais suivre le texte. C’est une interposition que l’on introduirait dans l’esprit du lecteur. L’illustration, c’est une analogie. » En plus des livres sont  exposées là des aquarelles et des huiles montrant des paysages de Provence.

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    Raoul Dufy, La jetée-promenade à Nice, s.d., huile sur toile, Musée d'art moderne de Paris

    De l’autoportrait de 1898 (à l’entrée de l’exposition) à celui de 1948 (au second niveau), un demi-siècle de vie et d’exploration de la peinture, de la couleur et du dessin.

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    Raoul Dufy, Autoportrait, 1948, huile sur toile, Musée des Beaux-Arts, Nancy

    La jetée-promenade à Nice, où on voit la coupole du casino détruit durant la seconde guerre mondiale, montre parfaitement l’art de Dufy : « des aplats de couleurs vives qui débordent des contours ou divisent les objets en zones d’ombres et de lumière, faisant abstraction du « ton local », à savoir la couleur propre d’un objet, en dehors des effets de la lumière » (notice).

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    Raoul Dufy, La Coupe bleue, 1938, faïence stannifère, H. 21 cm, Centre Pompidou, Paris

    Au milieu des peintures d’ateliers, de nus et de baigneuses, ce sont d’abord les céramiques qui m’ont attirée : une magnifique coupe bleue où les courbes des baigneuses se dessinent entre les ondulations de la mer, des vases, des carreaux de céramique sur le même thème. Dufy s’est réfugié à Perpignan de 1940 à 1945 « pour se soigner et fuir la capitale occupée » et il y a peint son atelier comme dans les différents endroits où il a vécu et créé.

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    Raoul Dufy, L’Atelier de Perpignan, « La Frileuse » et l’Atelier de Perpignan, rue Jeanne-d’Arc, 1942,
    huiles sur toile, Musée d'art moderne de Paris

    Dans L’Atelier de Perpignan, « La Frileuse » et l’Atelier de Perpignan, rue Jeanne-d’Arc (1942), les tons chauds et orangés dominent. La lumière circule davantage dans la toile de droite où les plafonds clairs et le drap sur lequel le modèle est allongé se répondent. La console jaune aux deux fenêtres (1948) a été peinte dans son second atelier, place Arago. J’aime le contraste audacieux des couleurs, dans cette composition symétrique, et celui des éléments rectilignes avec les formes contournées de la console et du miroir de style rocaille.

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    Raoul Dufy, La console jaune aux deux fenêtres, 1948, huile sur toile,
    Musée des Beaux-Arts Jules Chéret, Nice

    Les visiteuses se succédaient devant un superbe ensemble d’aquarelles florales : Dufy possède l’art de rendre le charme des fleurs et des bouquets champêtres – « Un bouquet, c’est un peu un feu d’artifice », disait-il. Ces aquarelles (66 x 50 cm environ) étaient accrochées au-dessus de livres illustrés par l’artiste, en particulier Pour un herbier de Colette (1950).

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    Raoul Dufy, plusieurs bouquets (aquarelle et gouache), Musée d'art moderne de Paris

    On passe ensuite au thème maritime privilégié par Dufy tout au long de sa vie, de la Normandie à la Méditerranée : ports, plages et régates. C’est là que se trouvaient les toiles encore impressionnistes que j’ai citées plus haut. La jetée de Honfleur (1928) illustre bien son goût pour les bords de mer animés. Les régates où les voiliers s’élancent, aussi légers que les mouettes, me plaisent davantage que les fêtes nautiques, des toiles plus chargées où il utilise plus de noir.

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    Raoul Dufy, Henley, régates aux drapeaux, 1932 /
    Port au voilier, hommage à Claude Lorrain, vers 1935

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    Raoul Dufy, Régates aux mouettes, vers 1930, huile sur toile, Musée d'art moderne de Paris

    L’exposition d’Aix en Provence se terminait avec une installation immersive de La Fée Electricité, l’œuvre monumentale (600 m2, 1937) conservée au Musée d’Art moderne de Paris. Je me serais volontiers attardée dans ce bain de couleurs et de figures au dessin très libre, mais même adossée au mur, je me suis vite sentie mal à l’aise – les expériences d’immersion visuelle ne conviennent pas aux personnes sujettes aux vertiges. Dorgelès appelait Raoul Dufy le « peintre de la féerie moderne » et c’est bien ce qui ressort de cette rétrospective résolument tournée vers la joie de vivre.

  • Devant la glace

    chefs-d'oeuvre du guggenheim,de manet à picasso,la collection thannhauser,exposition,aix-en-provence,hôtel de caumont,peinture,art moderne,cultureScène intime. Une femme tire sur le lacet de son corset devant un miroir. Sur le site du musée Guggenheim de Bilbao, je lis ceci : « Manet fut l’un des artistes à aborder la mode de l’époque, mais il décrivait aussi avec audace l’espace privé. Son modèle, à moitié habillée dont on voit la peau, est une représentation qui subvertit le nu classique. »

    Ce serait le portrait d’une prostituée, d’une facture beaucoup plus libre que celui de Nana, dont on le rapproche. Femme à sa toilette de Berthe Morisot pourrait y répondre : on y voit une femme devant un miroir, la main dans les cheveux – pour se coiffer ou défaire sa coiffure avant de se déshabiller ?

    Femme au miroir : un beau thème pour traverser l’histoire de la peinture et de la représentation féminine, vous ne trouvez pas ?

    Manet, Devant la glace, 1876
    (Solomon R. Guggenheim museum, New York, Thannhauser Collection)

  • Collection Thannhauser

    A Aix-en-Provence, l’Hôtel de Caumont présente une belle exposition : « Chefs-d’œuvre du Guggenheim. De Manet à Picasso, la collection Thannhauser ». Dès l’ouverture de sa Moderne Galerie à Munich en 1909, Heinrich Thannhauser a pris l’option de « l’audace artistique » en montrant « de nouveaux talents et des artistes expérimentaux » (les citations sont extraites du catalogue). Son fils Justin, son successeur, a fait une donation importante de 75 tableaux de sa collection au musée Guggenheim en 1963, après avoir perdu ses deux fils puis sa femme. Ainsi, selon lui, « l’œuvre de [sa] vie trouvait enfin son sens. »

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    Seurat, Paysanne assise dans l’herbe, 1883 (Solomon R. Guggenheim museum, New York)

    Dès l’entrée de l’exposition, j’ai été touchée par les trois toiles lumineuses et paisibles de Seurat : Paysanne assise dans l’herbe, Paysannes au travail, Paysan à la houe. Encore sous influence impressionniste en 1882-1883, il peint déjà par petites touches de couleurs complémentaires (vert, bleu, jaune). Leur atmosphère contraste avec un portrait de Cézanne, Homme aux bras croisés, mis à l’honneur dans sa ville.

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    Cézanne, Bibémus, vers 1894-1895 (Solomon R. Guggenheim museum, New York, Thannhauser Collection)

    Les peintures suivantes, de Manet et de Renoir, sont antérieures ; de grands peintres se côtoient ici avec bonheur. Des paysages de Cézanne retrouvent leur région natale, comme Bibémus, affiche de l’exposition, accompagnés de natures mortes aux fruits et objets mis en valeur sur une nappe blanche. Celles-ci font l’objet d’une intéressante analyse dans le catalogue, « Le pouvoir d’étonner » par Sasha Kalter-Wasserman.

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    Va, Gogh, Montagnes à Saint-Rémy, 1889 (Solomon R. Guggenheim museum, New York, Thannhauser Collection)

    Van Gogh est bien représenté avec trois toiles : Le Viaduc (Asnières, 1887), Paysage enneigé (Arles, 1888) et surtout Montagnes à Saint-Rémy (1889). Sur trois ans, quelle évolution ! Après avoir quitté Paris pour Arles en février 1888, ses couleurs changent, sa palette devient « nettement plus colorée », comme il l’écrit à son frère Théo. L’année suivante, à la suite de plusieurs crises, Vincent trouve refuge à l’asile de Saint-Rémy-de-Provence et y peint des paysages tourbillonnants. Il faut s’attarder devant ces montagnes mouvementées, ces arbres et cette maison à leur pied, ces fleurs au bord du chemin – comment ne pas s’émouvoir ? Un beau Gauguin est accroché non loin, Haere Mai.

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    De nombreuses photographies en noir et blanc sont présentées tout au long du parcours, on y voit les membres de la famille Thannhauser et des documents, des vues d’expositions où figuraient les artistes exposés. Certaines photos en grand format donnent l’impression de côtoyer les visiteurs d’alors, la scénographie est soignée. On en trouve plus encore dans le catalogue, pour un tiers consacré à l’histoire du galeriste et de la collection. Dans une vitrine, près de trois petites danseuses de Degas en bronze, j’ai aimé cette petite sculpture de Maillol, Femme au crabe.

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    Maillol, La Femme au crabe, vers 1902-1905 (Solomon R. Guggenheim museum, New York, Thannhauser Collection)

    Un portrait de Mistinguett par Picabia, des Picasso du début –Justin K. Thannhauser a été en relation étroite avec l’artiste espagnol, dont trente œuvres ont été léguées au Guggenheim – font la transition vers la seconde partie de l’exposition à l’étage supérieur. Coup de cœur pour La montagne bleue de Kandinsky, un festival de couleurs dans ce paysage et les tenues des cavaliers ! L’énorme Vache jaune de Franz Marc explose aussi de vitalité, en contraste avec une belle toile de Robert Delaunay, La Ville, aux petites touches rouges, bleues, turquoises, entre les gris et les beiges de ce beau paysage urbain.

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    Kandinsky, La montagne bleue (détail), 1908-1909 (Solomon R. Guggenheim museum, New York)

    Sans pouvoir ni vouloir tout énumérer, je vous signale les très amusants Joueurs de football d’Henri Rousseau qui lancent un ballon ovale, des joueurs de rugby en fait. Place au cubisme ensuite, avec de beaux Juan Gris comme Les Cerises. De Braque, je ne connaissais pas ce goût des couleurs chaudes révélé dans Théière sur fond jaune, une peinture plus tardive.

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    Picasso, Femme aux cheveux jaunes, 1931(Solomon R. Guggenheim museum, New York, Thannhauser Collection)

    Le parcours se termine avec une belle série de Picasso, notamment une toile malicieuse offerte à Justin et à sa femme pour leur mariage, Le Homard et le Chat. Femme aux cheveux jaunes est un merveilleux portrait de Marie-Thérèse, d’une grande douceur. Cette cinquantaine de Chefs-d’œuvre du Guggenheim ont quitté pour la première fois le musée Guggenheim de New-York. Après Bilbao et avant Milan, ils sont exposés à Aix-en-Provence jusqu’au 29 septembre.

  • Une journée à Aix

    Une journée suffit parfois à vous en persuader : il fait si bon flâner dans une ville où vous entrez pour la première fois que vous y séjourneriez volontiers bien plus longtemps. Aix-en-Provence, la ville de Cézanne présentée il y a peu dans Des racines & des ailes, entre sans conteste dans cette catégorie.

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    Fontaine de la Rotonde (place Général de Gaulle)

    Dès que j’ai aperçu sur la Rotonde les jets d’eau d’une fontaine monumentale surmontée des statues de la Justice, de l'Agriculture et des Beaux-Arts, à l’extrémité du Cours Mirabeau, je me suis sentie sous le charme : l’espace, la lumière, les platanes, une atmosphère pleine de ce qu’on nomme « urbanité » – et cela se confirmera tout au long de la journée. Sur le côté, un pavillon contemporain tout en vitres sert d’aquarium fascinant pour les nombreux amateurs ou curieux des dernières nouveautés de la célèbre marque informatique à la pomme.

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    Entrée du Cours Mirabeau, Aix-en-Provence

    Un marché textile occupait le Cours Mirabeau ce jeudi matin d’avril et nous avons dû contourner ses étals pour découvrir les façades des beaux hôtels particuliers qui en font la réputation. Des atlantes supportent le balcon du tribunal de commerce. Certaines de ces demeures imposantes, construites pour des « gens de robe » ou « robins » du XVIIe siècle, arborent des noms de banques ou d’assurances, on imagine bien que les maintenir en parfait état exige, à présent comme alors, de gros moyens.

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    Tribunal de commerce

    Beaucoup de monde sur le Cours Mirabeau, on y fait son marché, on flâne, on s’installe aux terrasses. Certains se font prendre en photo près des nombreuses fontaines qui le jalonnent, dont les formes sont parfois cachées sous la verdure. Pour un premier déjeuner dans la capitale de la Provence, nous choisissons « Les deux garçons » : Cézanne, le peintre d’Aix « y passait les trois heures d’avant dîner avec son camarade du lycée Mignet, Emile Zola ».

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    Les deux garçons, brasserie aixoise

    Un groupe d’Asiatiques occupe déjà une longue tablée mais il est encore tôt et beaucoup de gens s’installent dehors, nous serons bien à l’aise pour admirer le décor à l’intérieur. Grands miroirs anciens, pilastres dorés comme les motifs des frises, lustres et appliques… Le cadre vaut la peine, la cuisine ne déçoit pas : le plat du jour est plaisant (calamar a la plancha), la tarte aux fraises délicieuse. Et la bonne humeur du garçon qui nous sert ne ressemble en rien à la façon dont on est accueilli dans certaines brasseries parisiennes. 

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    Hôtel de Caumont, façade principale

    Merci à celle qui nous a parlé de l’Hôtel de Caumont : ce sera notre première visite de l’après-midi. On y prépare une exposition Turner (à partir du 5 mai) et une partie des jardins est en travaux, mais le centre d’art qui occupe cette splendide demeure dont la restauration a duré cinq ans offre de quoi éblouir. Dans le bâtiment d’accueil, l’auditorium propose en boucle un film d’une demi-heure sur « Cézanne au pays d’Aix », une belle présentation des paysages et les lieux qui l’ont inspiré.

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    Hôtel de Caumont, détail de la cage d'escalier

    Ensuite, on traverse les communs pour admirer de plus près l’harmonieuse façade du XVIIIe siècle et son fin balcon en fer forgé au-dessus de l’entrée. Par une vaste cage d’escalier dotée d’une autre ferronnerie superbe et de hautes baies, on accède au premier étage : le salon de musique (harpe et bel écrin de clavecin de style Louis XIV), la chambre de Pauline de Caumont (portrait au pastel) sont meublés et décorés avec raffinement. (De petits écrans tactiles donnent des précisions sur demande.)

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    Hôtel de Caumont, détail de la chambre de Pauline de Caumont

    On peut prendre un rafraîchissement sur la terrasse ou déjeuner au Café Caumont qui occupe différents salons du rez-de-chaussée, ravissants, en particulier « le salon des putti » avec son camaïeu de rose et d’orangé. Les tissus fleuris sont de toute beauté, comme à l’étage. De l’autre côté de l’entrée, deux pièces présentent joliment objets, cartes, babioles et livres destinés à la vente. 

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    Hôtel à vendre dans le quartier Mazarin

    En reprenant la promenade, j'admire ces jolies Vierges à l’enfant, de styles variés, que les Aixois ont maintenues à l’angle de nombreuses rues. Partout les couleurs des murs sont claires et chaudes, des tons de grès, d’ocre, c’est harmonieux. De grandes portes anciennes font lever les yeux vers les façades. Certains hôtels remarquables du quartier Mazarin sont dans un piteux état (ci-dessus) – j’espère que comme dans le Marais parisien, où c’était encore ainsi dans les années septante, on rendra leur grandeur à ces trésors du patrimoine aixois.

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    François-Marius Granet, Sainte-Victoire vue d’une cour de ferme au Malvalat © Photo Musée Granet CPA

    Comment passer devant le musée Granet sans y entrer ? Ses collections permanentes – sculpture, archéologie, peinture ancienne et moderne – comportent de nombreuses œuvres du peintre aixois François-Marius Granet, « paysagiste d’exception » qui a peint de belles vues classiques de la campagne romaine, de Provence, et un très beau portrait de lui par Ingres. Anonyme, Le bon Samaritain (France XVIIe) voisine avec des portraits de Rubens et un autoportrait terrible de Rembrandt.

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    Nicolas de Staël, Ciel à Honfleur (musée Granet)

    Bien sûr, le musée expose des œuvres de Cézanne, de petit ou moyen format, comme le Portrait de Mme Cézanne. « 2006|2016 10 ans d’acquisition » met à l’honneur la donation Meyer, « De Cézanne à Giacometti », avec des œuvres de Picasso, Léger, Mondrian, Klee, Nicolas de Staël (Ciel à Honfleur), Tal Coat… et un bel ensemble de Giacometti (sculptures et peintures).

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    Kosta Alex, L’homme de Kalahari, Chapelle des pénitents blancs (Granet XXe)

    La collection Planque, installée en 2010 dans une ancienne chapelle de pénitents blancs, annexe du musée Granet, quelque trois cents mètres plus loin, réserve une formidable surprise : quel écrin ! Un bouquet de glaïeuls de Van Gogh précède d’autres peintures de premier plan signées Monet (paysage norvégien dans une tempête de neige), Bonnard (L’Escalier du Cannet), entre autres, et aussi de peintres moins connus comme le Suisse Auberjonois. Picasso, rencontré par Jean Planque quand il travaillait pour la galerie Beyeler, y est très bien représenté – inattendue, sa petite Marine horizontale, pleine de mouvement et de fraîcheur ; effrayante Femme au chat assise dans un fauteuil !

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    Pablo Picasso, Marine (Granet XXe)

    Mais Planque s’est intéressé aussi à des artistes moins connus comme Roger Bissière (Matin de printemps), Hans Berger (Vert), plus tard à Dubuffet et à l’art brut. Planque peignait mais se jugeait incapable de créer comme eux de nouvelles voies esthétiques. Ses œuvres montrent sa fascination pour les maîtres qu’il admirait et imitait. « Granet XXe » a de quoi séduire les amateurs d’art moderne.

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    Place de l’Hôtel de Ville

    Vous connaissez bien la ville d’Aix ? N’hésitez pas, indiquez-moi vos endroits favoris. Je retournerai à Aix-en-Provence pour visiter ses églises, guetter la lumière et l’ombre sur ses places avenantes, entrer dans ses librairies et ses boutiques, prendre le temps… ou plutôt le laisser passer.