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tamaris

  • Fête partout

    « Dans la campagne, loin des routes, qui sont empestées par les ruisseaux noirs et gras des moulins à huile d’olive, les collines étaient embaumées par les siméthides délicates, par les buissons de cythise épineux et de coronille-jonc, et par les tapis de coris rose, cette jolie plante méridionale qui ressemble au thym, mais qui sent la primevère, souche de sa famille. sand,george,tamaris,roman,littérature française,provence,toulon,amour,amitié,romantisme,cultureDes abeilles, butinant sur ces parfums sauvages, remplissaient l’air de leur joie. Des lins charmants de toutes couleurs, des géraniums rustiques, des liserons-mauves d’une rare beauté, de gigantesques euphorbes, de luxuriantes saponaires ocymoïdes, des silènes galliques de toutes les variétés et des papilionacées à l’infini s’emparaient de toutes les roches, de toutes les grèves, de tous les champs et de tous les fossés. C’était fête partout et fête effrénée, car elle est courte en Provence, la fête du printemps ! entre les tempêtes de mars-avril et les chaleurs de mai-juin, tout s’épanouit et s’enivre à la fois d’une vie exubérante et rapide. »

     

    George Sand, Tamaris

     

  • Le Tamaris de Sand

    C’est l’association Livres en Seyne (La Seyne-sur-mer) qui a republié Tamaris (1862), roman inspiré à George Sand par son séjour à Tamaris en 1861. Ce beau quartier sur la Corniche qui suit la baie du Lazaret et où s’arrête le bateau navette qui relie Les Sablettes de La Seyne-sur-mer à Toulon, elle l’avait choisi alors pour « se refaire une santé » dans un endroit moins cher que Nice.  

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    Corniche de Tamaris (source)

    François Trucy, qui signe la préface, précise que son bisaïeul lui avait loué pour trois mois la belle bastide rurale qu’il n’occupait que l’été. Les Trucy ne louaient que le premier étage, mais lui ont permis de disposer aussi de tout le rez-de-chaussée et laissé leur chienne pour garder la maison pendant les « interminables excursions » de George Sand « infatigable et curieuse » qui marchait, visitait, parlait aux Provençaux « chaque jour quel que soit le temps ». 

    Un jeune médecin en est le narrateur : « En mars 1860, je venais d’accompagner de Naples à Nice, en qualité de médecin, le baron de la Rive, un ami de mon père, un second père pour moi. » Comme celui-ci achève sa convalescence à Nice avant de rentrer à Paris, il décide de s’arrêter quelque temps à Toulon pour régler une petite succession pour le compte de ses parents.

     

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    Première édition de Tamaris

    Il  y a déjà séjourné et apprend avec plaisir que son ami la Florade, 28 ans, « Provençal de la tête aux pieds », une personnalité « riante », y est à présent lieutenant de vaisseau. Le terrain dont le jeune médecin a hérité et qu’il souhaite vendre se trouve à Tamaris, où il rend visite à un voisin « entre deux âges », M. Pasquali, parrain de la Florade.

     

    Lui occupe une bastide près de la plage, à l’abri du mistral, mais comme le Parisien déplore l’absence de vue, Pasquali l’emmène au sommet de la colline, à proximité d’une « maison basse assez grande et assez jolie pour le pays », d’où son visiteur peut admirer « une des plus belles marines » qu’il ait jamais vues : au nord, une colline boisée que surmonte au loin la masse du Coudon, à l’est, « des côtes ocreuses et chaudes festonnées de vieux forts », l’entrée de la petite rade de Toulon, la grande rade avec à l’horizon « les lignes indécises de la presqu’île de Giens et les masses vaporeuses des îles d’Hyères ». 

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    Villa George Sand à Tamaris, côté nord, dessin de Maurice Sand, 2 mars 1861
    Villa George Sand à Tamaris, côté sud, dessin de Maurice Sand, 14 avril 1861
    http://jcautran.free.fr/archives_familiales/forum/george_sand.html#1

    Pasquali lui parle de Mme Martin, la jeune veuve qui a loué pour la saison cette maison si bien située et de son enfant malade, à qui le climat rude et sain semble convenir. Lorsqu’elle apparaît et les invite à s’approcher, cette « beauté adorable » impressionne immédiatement le jeune homme, qui lui offre gracieusement ses services et examine Paul, huit ans, de physique délicat, mais en assez bonne forme. 

    Une certaine Mlle Roque, fille naturelle de son vieux parent dont elle hérite pour moitié, se révèle être sans ressources, ce qui complique les affaires. Elle occupe sur le terrain une « horrible masure » avec une vieille Africaine presque aveugle. De mère indienne, c’est une « très-belle femme » qui a la réputation d’être une originale. Elle reçoit le médecin dans un joli salon à l’orientale, lui confie que son père s’est suicidé, ce qui a été caché à tous. Elle veut bien vendre, mais pas quitter la bastide, n’ayant jamais vécu ailleurs. 

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    Nouvelle édition (Livres en Seyne)

    On saura bientôt que la Florade a dans la région une réputation de séducteur, qu’on l’a vu rôder près de la bastide Roque, que la douce Mme Martin, en réalité marquise d’Elmeval, a choisi la discrétion pour son séjour dans le Midi, et que le médecin en est déjà éperdument amoureux, sentiment contre lequel il lutte – « Pourquoi l’aimer, moi qui à trente ans avais su me défendre de tout ce qui pouvait me distraire de mes devoirs et entamer ma persévérance et ma raison ? »

     

    N’empêche qu’il saisit chaque occasion de revoir la marquise et, sous le couvert de son goût pour la botanique, de la rejoindre comme par hasard dans ses promenades – il veille à la réputation de la jeune veuve. Elle lui fait découvrir les beaux endroits de la région, ils s’entendent à merveille. Un jour, ils rencontrent une femme singulière, qui se dit très malade et veut être examinée, c’est la femme du brigadier qu’on surnomme « la Gênoise » et qu’on dit méchante, battant ses enfants.  

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    Le pavillon Roustan à Tamaris, ancienne maison de gardien de la villa George Sand, aujourd'hui détruite

    Bientôt le médecin, à qui chacun, chacune se confie, comprend que la Florade s’intéresse de près à toutes les jolies femmes qu’il croise sur son chemin et laisse derrière lui bien des chagrins, ne s’engageant jamais. Il finit par le soupçonner de vouloir aussi se rapprocher de la marquise, et en souffre.

     

    George Sand conte dans Tamaris une histoire romantique, mêlée à une description enthousiaste de ce coin de Provence, de son climat, de ses paysages, des gens, de l’habitat, de la flore… Les végétaux sont désignés avec précision, comme le tamarix narbonnais qui croît en abondance sur le rivage et a donné son nom au quartier : « L’arbre n’est pas beau : battu par le vent et tordu par le flot, il est bas, noueux, rampant, échevelé ; mais, au printemps, son feuillage grêle, assez semblable d’aspect à celui du cyprès, se couvre de grappes de petites fleurs d’un blanc rosé qui rappellent le port des bruyères et qui exhalent une odeur très-douce. » 

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    Cette édition a repris l’orthographe et la ponctuation de l’édition originale, comme ces traits d’union que George Sand met toujours entre « très » et l’adjectif. Au début de chaque chapitre, des cartes postales anciennes permettent de se figurer les lieux à l’époque. Si l’intrigue connaît bien des rebondissements sentimentaux, pour qui connaît un peu la région, c’est de voir évoluer les personnages à Tamaris et dans les paysages de Provence qui fait le plaisir de cette lecture.

  • Tamaris aux iris

    Les merles chanteurs, les couples de tourterelles, les iris qui étirent jour après jour leurs soies bleu mauve, sur le printemps méditerranéen flottait un air de paradis,
    surtout après un hiver morose à Bruxelles. A l’agenda culturel de La Seyne sur mer, une annonce de visite guidée : « Tamaris, l’Orientale : de George Sand à la station Antarès », lundi 19 avril, départ à 15 heures du port du Manteau. Une trentaine de personnes, pour moitié de la région, pour moitié d’ailleurs, étaient au rendez-vous face à la Baie du Lazaret, sur la côte varoise près de Toulon.
     

     
    Tamaris La corniche.JPG

     

    Après une photo de groupe avec la conférencière de la région Paca (à la demande d’un photographe de Var-matin), on écoute Ina rappeler l’histoire des lieux, de La Seyne, une ville jeune (350 ans). Au XVIe siècle, la presqu’île de Saint Mandrier
    toute proche était encore une île et cette colline de Tamaris aujourd’hui luxuriante avec ses pins, ses palmiers et ses villas de la Belle Epoque, une campagne couverte de champs et de vergers. George Sand y a séjourné trois mois avec son fils, en 1861, pour se refaire une santé – « C’est une solitude absolue, pas d’Anglais, pas de flâneurs. Enfin, c’est ce que je désirais », écrit-elle à sa fille Solange Clésinger. Elle s’en est inspirée pour écrire un roman : Tamaris, sans être un chef-d’œuvre, paraît-il, est cher aux habitants du cru, fiers de leur illustre visiteuse. La demeure où elle résidait n’existe plus, mais bien le pavillon Roustan, ancienne maison en briques rouges du concierge, toujours visible de la corniche qui longe la baie.
     

     

    Tamaris Pavillon Roustan.JPG

    Tamaris, où se voient çà et là les arbres éponymes, doit surtout sa renommée et son développement à Marius Michel, dit Michel Pacha, le fils d’un officier de marine né à Sanary (1819-1907). Pour le protéger de l’épidémie de choléra à Marseille où il était en internat, en 1834, son père l’envoie chez des amis à Tamaris, où il se plaît. Devenu lui-même officier de marine, chargé de sécuriser les côtes de l’Empire ottoman à la suite d’un naufrage, il devient Directeur des phares et balises et obtient ensuite la concession des quais, docks et entrepôts du port de commerce de Constantinople (Istanbul). Il fait fortune. Le sultan Abdul Médjid l’élève à la dignité de pacha en reconnaissance pour les services rendus ; c’est un homme riche qui rentre à Sanary et en devient le maire en 1865. 

    Tamaris Jardin du Château de Michel Pacha (serres et iris).JPG

     

    On se rend alors à Tamaris pour jouir de son climat. Michel Pacha décide de doter la station d’une plage – on accèdera aux Sablettes par une corniche d’un kilomètre et demi, créée en faisant combler des marécages –, d’un casino, d’un Grand Hôtel et d’un service de navettes maritimes (toujours en activité). Il fait construire sur un terrain de 400 hectares (qu’il a acquis à un prix très inférieur à sa valeur, affirme Ina) une soixantaine de maisons de rapport sur la colline de Tamaris. C’est alors la vogue de l’éclectisme, les villas seront de styles variés, toutes bâties avec leur entrée sur le côté de manière à dégager des pièces de séjour bien ensoleillées.

     

    Tamaris Kiosque à musique du Château de Michel Pacha.JPG

     

    Près de son propre château, aujourd’hui disparu et remplacé par des immeubles à appartements, Michel Pacha plante une palmeraie. Le parc (propriété privée) possède encore son beau kiosque à musique de style oriental, des serres, une rocaille fameuse du début du siècle, une volière blanche en fer forgé. Un peu plus loin, à l’arrière d’une maison, voici la chapelle où se pressait la bonne société en villégiature à Tamaris ; l’endroit est malheureusement inaccessible, comme tous les bâtiments que nous découvrons de la rue. Pour commencer, la Villa Pierredon (Michel Pacha fut anobli en 1882 par Léon XIII qui lui octroya le titre de Comte héréditaire Michel de Pierredon) construite pour son fils ; elle est de style italien, comme la villa Amicis.

     

    Tamaris Volière du Château de Michel Pacha.JPG
     

     

    Dans les Allées de Tamaris se succèdent de jolis noms d’autrefois à l’entrée des villas. La Provençale se louait vide, à l’année, contrairement aux villas meublées louées au mois. Les Chênes, dont il ne restait que les murs, sont en plein chantier de restauration. Dans ce registre, nous verrons Les Marronniers, La Feuillade, Les Mimosas, Les Acacias, entre autres. Les Anémones, une belle demeure, semble modeste par
    rapport à la grande Villa Tamaris Pacha : construite pour l’épouse de Michel Pacha, assassinée en 1893 (une des nombreuses tragédies familiales), c’est aujourd’hui un espace d’exposition. Le Chalet suisse a encore sa pancarte pour le désigner aux visiteurs. La Sauvagine, chalet basque, vient de refaire sa clôture en bois, en face de La Coquette. La Lézardière fait partie des Gîtes de France. Plus haut, L’Orientale arbore des faïences et une tour d’où l’on peut voir la mer.

     

    Tamaris L'Orientale.JPG

     

    En redescendant vers la baie, arrêt près de la Villa des Palmiers, annexe de l’ancien Grand Hôtel converti lui aussi en appartements. Ne pas manquer la petite Poste de type chalet et sa boîte aux lettres en forme de gueule de monstre marin. On s’étonne devant deux villas neuves à louer le long de la corniche, sur du terrain réputé inconstructible – à moins qu’il appartienne à la descendance de Michel Pacha ? Nous continuons jusqu’à la jolie Villa du Croissant, de style oriental, avec sa lune qui se détache sur le ciel bleu. La promenade se termine en face de l’Institut Michel Pacha, dédié d’abord à la biologie marine, propriété de l’Université de Lyon. L’immeuble le plus exotique de Tamaris, le plus visible, le long de la corniche, est malheureusement fort négligé. Aujourd’hui, des chercheurs du CNRS y ont installé la station Antarès, une expérience d’astrophysique unique au monde. Reliée à un télescope installé au large à 2500 mètres de fond, elle a pour mission de capter les neutrinos cosmiques – un projet financé par la Communauté européenne où collaborent diverses universités. Ce joyau du patrimoine varois reste donc dévolu à la science, espérons qu’il ait droit à la restauration qu’il mérite, avant d’être trop dégradé.

     

    Tamaris Institut de biologie marine.JPG
     

     

    Le magazine Le Seynois annonce le réaménagement, attendu depuis longtemps, de la corniche Georges Pompidou - Michel Pacha, avec une « voie verte » du côté de la mer pour les piétons et les cyclistes. Espérons qu’à l’instar de Toulon qui, depuis quelques années, rénove en profondeur ses belles places et ses rues passantes, où il fait bon flâner, La Seyne attire ainsi à Tamaris de nouveaux admirateurs. Si vous séjournez dans la région - salut aux visiteurs qui ont partagé cette promenade, vos commentaires sont les bienvenus -, ne manquez pas de découvrir cet endroit qui rappelait à Michel Pacha le détroit du Bosphore, un trésor d’architecture et de verdure s’y maintient aux abords de la magnifique rade de Toulon, une des plus belles d’Europe.