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orientalisme

  • Arabie

    « De mon environnement terne et banal et “respectable”, le Djinn m’emporta immédiatement au pays de ma prédilection, l’Arabie, une région si familière à mon esprit qu’à première vue elle semblait être une réminiscence de quelque vie métempsychique antérieure dans un lointain Passé. »

     

    Richard Francis Burton (Guide du Visiteur de L’Orientalisme en Europe)

     

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    Jean-Léon Gérôme
    Femmes fellahs puisant de l'eau, Médine-el-Fayoum © NAJD Collection
    http://www.expo-orientalisme.be/
  • Vers l'Orient

    Beaucoup de monde aux Musées Royaux des Beaux-Arts de Bruxelles pour les derniers jours de L’Orientalisme en Europe, de Delacroix à Kandinsky (jusqu’au 9 janvier 2011). Le rêve de Fabio Fabbi qui accueille les visiteurs en indique plusieurs composantes : scène exotique, tissus et objets pittoresques (le narguilé), portrait coloré. L’attrait pour l’Orient (de l’Espagne mauresque au Moyen-Orient, des Balkans au Maghreb), plus qu’un courant pictural, est un phénomène culturel qui touche au XIXe siècle toutes les disciplines : littérature, architecture, peinture, photographie… En contrepoint à ce regard européen, trois écrans diffusent, à l’entrée de l’exposition, des « Témoignages », réactions de personnes d’origines diverses aux œuvres sélectionnées.

     

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    Tissot James, Les Rois mages en voyage
    © Minneapolis Institute of Arts, The William Hood Dunwoody Fund
    http://www.expo-orientalisme.be/

     

    Filippo Lippi, esclave à Alger, fait le portrait de son maître, par Bergeret, illustre l’optique réaliste choisie par les peintres orientalistes, qu’ils soient français, anglais, allemands, italiens ou belges. Parmi diverses représentations de la mort de Cléopâtre, j’ai retenu une toile spectaculaire de Hans Makart et un fragment de Chassériau, Tête d’une servante en larmes. Joseph, contremaître des greniers de Pharaon (Tadema) baigne dans une jolie lumière plus claire que sur la reproduction – tissus blancs, fresques douces, motifs fleuris dans le bas du mur.

     

    L’engouement pour l’Egypte ancienne dérive d’une politique de conquête. « Joindre l’éclat de votre nom à la splendeur des monuments d’Egypte, c’est rattacher les fastes glorieux de notre siècle aux temps fabuleux de l’histoire, c’est réchauffer les cendres des Sésostris et des Mendès, comme vous conquérants, comme vous bienfaiteurs » écrit Vivant Denon à Bonaparte. La section « Un échiquier politique » présente des rencontres officielles et des scènes guerrières, des aquarelles de Théodore Frère engagé dans la suite de l’Impératrice Eugénie pour son voyage en Orient.

     

    Une Femme voilée de Gérôme aux visage, bras et pieds d’ivoire (éléphantine) et en robe de bronze n’est qu’hommage à une féminité gracieuse, loin des préoccupations d’aujourd’hui ou de la Femme arabe portant une cruche de Léopold Carl Müller. Un Portrait de Mustapha par Girodet, outre un visage expressif, fait la part belle aux tissus : veste rouge doublée de bleu, sous-veste ocre, chemise brune sur du linge blanc – pourquoi les hommes occidentaux portent-ils si souvent des couleurs neutres ? Et voilà Delacroix, présent dans différentes salles : Le Kaïd, chef marocain, sur son cheval ; une Vue de Tanger ; La mort de Sardanapale ; une Chasse au tigre, entre autres. Les architectures grandioses d’Egypte ont inspiré bien des paysagistes, mais aussi l’Espagne mauresque à Grenade ou Tolède avec ses colonnes et ses beaux arcs richement décorés, ses mosquées. L'Orient est aussi « carrefour des religions ».

     

    « Rêves hédonistes… » met en scène le harem et les fantasmes avec la fameuse Esclave blanche de Lecomte du Nouÿ à l’affiche. Près de la séduisante rousse qui souffle la fumée de sa cigarette, une nature morte raffinée sur une nappe posée à terre : orange épluchée, vaisselle décorée, verreries, « Luxe, calme et volupté ». Gérôme ou Ingres ont peint le hammam : Le bain maure, La petite Baigneuse. D’autres proposent des rapts et des razzias aux dépens de blanches chrétiennes.

     

    Prévoyez du temps pour visiter L’Orientalisme en Europe : il y a beaucoup à voir, dans des genres divers. Les types humains y inspirent la section « Au nom de la science » : des portraits, dont ce Portrait d’un Nubien par Monsted, des bronzes de Charles Cordier, une Beauté de Tanger à l’aquarelle par Tapiró Baró. Les œuvres viennent de musées européens, américains ou du Moyen-Orient, et aussi de
    collections particulières. Chacun y trouvera de quoi réjouir le regard : des Rois Mages de Tissot aux jaunes et oranges éclatants, de grands paysages, des étals de marchands, des déserts, des visages, des foules, des rêveurs et des rêveuses, sans oublier l’Arabe au grand chapeau d’Etienne Dinet (sans la vannerie du Quai Branly !). Je ne donnerai pas le dernier mot au cavalier de Kandinsky (Improvisation III) mais à Paul Klee : « La couleur me possède. Point n’est besoin de chercher à la saisir. Elle me possède, je le sais. Voilà le sens du moment heureux : la couleur et moi sommes un. Je suis peintre. »

  • Tamaris aux iris

    Les merles chanteurs, les couples de tourterelles, les iris qui étirent jour après jour leurs soies bleu mauve, sur le printemps méditerranéen flottait un air de paradis,
    surtout après un hiver morose à Bruxelles. A l’agenda culturel de La Seyne sur mer, une annonce de visite guidée : « Tamaris, l’Orientale : de George Sand à la station Antarès », lundi 19 avril, départ à 15 heures du port du Manteau. Une trentaine de personnes, pour moitié de la région, pour moitié d’ailleurs, étaient au rendez-vous face à la Baie du Lazaret, sur la côte varoise près de Toulon.
     

     
    Tamaris La corniche.JPG

     

    Après une photo de groupe avec la conférencière de la région Paca (à la demande d’un photographe de Var-matin), on écoute Ina rappeler l’histoire des lieux, de La Seyne, une ville jeune (350 ans). Au XVIe siècle, la presqu’île de Saint Mandrier
    toute proche était encore une île et cette colline de Tamaris aujourd’hui luxuriante avec ses pins, ses palmiers et ses villas de la Belle Epoque, une campagne couverte de champs et de vergers. George Sand y a séjourné trois mois avec son fils, en 1861, pour se refaire une santé – « C’est une solitude absolue, pas d’Anglais, pas de flâneurs. Enfin, c’est ce que je désirais », écrit-elle à sa fille Solange Clésinger. Elle s’en est inspirée pour écrire un roman : Tamaris, sans être un chef-d’œuvre, paraît-il, est cher aux habitants du cru, fiers de leur illustre visiteuse. La demeure où elle résidait n’existe plus, mais bien le pavillon Roustan, ancienne maison en briques rouges du concierge, toujours visible de la corniche qui longe la baie.
     

     

    Tamaris Pavillon Roustan.JPG

    Tamaris, où se voient çà et là les arbres éponymes, doit surtout sa renommée et son développement à Marius Michel, dit Michel Pacha, le fils d’un officier de marine né à Sanary (1819-1907). Pour le protéger de l’épidémie de choléra à Marseille où il était en internat, en 1834, son père l’envoie chez des amis à Tamaris, où il se plaît. Devenu lui-même officier de marine, chargé de sécuriser les côtes de l’Empire ottoman à la suite d’un naufrage, il devient Directeur des phares et balises et obtient ensuite la concession des quais, docks et entrepôts du port de commerce de Constantinople (Istanbul). Il fait fortune. Le sultan Abdul Médjid l’élève à la dignité de pacha en reconnaissance pour les services rendus ; c’est un homme riche qui rentre à Sanary et en devient le maire en 1865. 

    Tamaris Jardin du Château de Michel Pacha (serres et iris).JPG

     

    On se rend alors à Tamaris pour jouir de son climat. Michel Pacha décide de doter la station d’une plage – on accèdera aux Sablettes par une corniche d’un kilomètre et demi, créée en faisant combler des marécages –, d’un casino, d’un Grand Hôtel et d’un service de navettes maritimes (toujours en activité). Il fait construire sur un terrain de 400 hectares (qu’il a acquis à un prix très inférieur à sa valeur, affirme Ina) une soixantaine de maisons de rapport sur la colline de Tamaris. C’est alors la vogue de l’éclectisme, les villas seront de styles variés, toutes bâties avec leur entrée sur le côté de manière à dégager des pièces de séjour bien ensoleillées.

     

    Tamaris Kiosque à musique du Château de Michel Pacha.JPG

     

    Près de son propre château, aujourd’hui disparu et remplacé par des immeubles à appartements, Michel Pacha plante une palmeraie. Le parc (propriété privée) possède encore son beau kiosque à musique de style oriental, des serres, une rocaille fameuse du début du siècle, une volière blanche en fer forgé. Un peu plus loin, à l’arrière d’une maison, voici la chapelle où se pressait la bonne société en villégiature à Tamaris ; l’endroit est malheureusement inaccessible, comme tous les bâtiments que nous découvrons de la rue. Pour commencer, la Villa Pierredon (Michel Pacha fut anobli en 1882 par Léon XIII qui lui octroya le titre de Comte héréditaire Michel de Pierredon) construite pour son fils ; elle est de style italien, comme la villa Amicis.

     

    Tamaris Volière du Château de Michel Pacha.JPG
     

     

    Dans les Allées de Tamaris se succèdent de jolis noms d’autrefois à l’entrée des villas. La Provençale se louait vide, à l’année, contrairement aux villas meublées louées au mois. Les Chênes, dont il ne restait que les murs, sont en plein chantier de restauration. Dans ce registre, nous verrons Les Marronniers, La Feuillade, Les Mimosas, Les Acacias, entre autres. Les Anémones, une belle demeure, semble modeste par
    rapport à la grande Villa Tamaris Pacha : construite pour l’épouse de Michel Pacha, assassinée en 1893 (une des nombreuses tragédies familiales), c’est aujourd’hui un espace d’exposition. Le Chalet suisse a encore sa pancarte pour le désigner aux visiteurs. La Sauvagine, chalet basque, vient de refaire sa clôture en bois, en face de La Coquette. La Lézardière fait partie des Gîtes de France. Plus haut, L’Orientale arbore des faïences et une tour d’où l’on peut voir la mer.

     

    Tamaris L'Orientale.JPG

     

    En redescendant vers la baie, arrêt près de la Villa des Palmiers, annexe de l’ancien Grand Hôtel converti lui aussi en appartements. Ne pas manquer la petite Poste de type chalet et sa boîte aux lettres en forme de gueule de monstre marin. On s’étonne devant deux villas neuves à louer le long de la corniche, sur du terrain réputé inconstructible – à moins qu’il appartienne à la descendance de Michel Pacha ? Nous continuons jusqu’à la jolie Villa du Croissant, de style oriental, avec sa lune qui se détache sur le ciel bleu. La promenade se termine en face de l’Institut Michel Pacha, dédié d’abord à la biologie marine, propriété de l’Université de Lyon. L’immeuble le plus exotique de Tamaris, le plus visible, le long de la corniche, est malheureusement fort négligé. Aujourd’hui, des chercheurs du CNRS y ont installé la station Antarès, une expérience d’astrophysique unique au monde. Reliée à un télescope installé au large à 2500 mètres de fond, elle a pour mission de capter les neutrinos cosmiques – un projet financé par la Communauté européenne où collaborent diverses universités. Ce joyau du patrimoine varois reste donc dévolu à la science, espérons qu’il ait droit à la restauration qu’il mérite, avant d’être trop dégradé.

     

    Tamaris Institut de biologie marine.JPG
     

     

    Le magazine Le Seynois annonce le réaménagement, attendu depuis longtemps, de la corniche Georges Pompidou - Michel Pacha, avec une « voie verte » du côté de la mer pour les piétons et les cyclistes. Espérons qu’à l’instar de Toulon qui, depuis quelques années, rénove en profondeur ses belles places et ses rues passantes, où il fait bon flâner, La Seyne attire ainsi à Tamaris de nouveaux admirateurs. Si vous séjournez dans la région - salut aux visiteurs qui ont partagé cette promenade, vos commentaires sont les bienvenus -, ne manquez pas de découvrir cet endroit qui rappelait à Michel Pacha le détroit du Bosphore, un trésor d’architecture et de verdure s’y maintient aux abords de la magnifique rade de Toulon, une des plus belles d’Europe.