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maison autrique - Page 3

  • Le dernier pharaon

    François Schuiten réussit un coup de maître avec Le Dernier Pharaon, une aventure de Blake et Mortimer « d’après les personnages d’Edgar P. Jacobs » qu’il signe avec le réalisateur Jaco Van Dormael et l'écrivain Thomas Gunzig pour le scénario, l’illustrateur Laurent Durieux pour la couleur. Annoncée comme son tout dernier opus, c’est la première bande dessinée que je présente sur ce blog.

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    Si vous aimez le 9e art, vous connaissez François Schuiten, l’auteur de Brüsel, des Cités Obscures ; si vous avez visité Train World à Schaerbeek, vous avez admiré la scénographie dont il est l’auteur dans ce musée extraordinaire. Vous retrouverez dans Le dernier pharaon « la 12 », cette fameuse locomotive belge dont il a raconté l’histoire par ailleurs.

    Une note d’Edgar P. Jacobs – « Entrer dans cette œuvre, c’est partir en quête d’une source qui a nourri toute notre enfance », écrit Schuiten en préambule – exprimait son intention de réaliser un Blake et Mortimer au Palais de Justice de Bruxelles, un lieu qui fascine Schuiten depuis toujours et près duquel Edgar P. Jacobs a grandi.

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    © François Schuiten, Le dernier pharaon, p. 16

    « A l’instar de la pyramide de Khéops, ce monstre de pierre n’a pas révélé tous ses secrets. Le Mystère de la Grande Pyramide n’avait jamais été complètement éclairci, Le Dernier Pharaon jettera peut-être une lumière nouvelle sur cette aventure… » C’est dans cette pyramide qu’on retrouve les deux héros de Jacobs en première page, « sortant péniblement d’une profonde inconscience ».

    Curieuse de découvrir les monuments et les rues de Bruxelles que François Schuiten a l’art de représenter, et surtout ce Palais de Justice si mal entretenu pendant des années que sa restauration semble sans fin, sous les échafaudages, je ne m’attendais pas à lire une histoire si passionnante : le professeur Mortimer est appelé au Palais de Justice de Bruxelles où l’on a mesuré un rayonnement électromagnétique d’un niveau « absolument colossal ». Pourquoi tous les appareils électriques tombent-ils en panne à cet endroit du Palais ?

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    © François Schuiten, Le dernier pharaon, p. 9

    Quelle n’est pas la surprise de Mortimer d’y trouver au fond d’un obscur couloir un mur couvert de hiéroglyphes ! Joseph Poelart, l’architecte du Palais de Justice, était « féru d’égyptologie » ; il aurait voulu le coiffer d’une pyramide, au lieu d’un dôme. Je ne vous en dirai pas plus sur la catastrophe que va déclencher l’exploration du Palais, vous en découvrirez les péripéties surprenantes à la lecture de l’album.

    Schuiten et les scénaristes du Dernier Pharaon ont inventé une nouvelle histoire formidable de Blake et Mortimer. L’Egypte antique y joue un rôle de premier plan, comme l’indique le titre, mais aussi d’autres thèmes très actuels qui intéresseront ceux qui s’inquiètent des menaces de black-out électrique ou numérique, voire de l’avenir des villes et de la planète.

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    Au coeur du palais de justice de Bruxelles, l’équipe du "Dernier Pharaon"
    De g. à d. : Thomas Gunzig, Jaco Van Dormael, François Schuiten et Laurent Durieux © 2019 MD | Photo.

    S’il faut croire le dessinateur qui a annoncé la fin de sa carrière de bédéiste avec Le Dernier Pharaon, ce dernier album permet d’apprécier une fois encore son art d’articuler les cases et les plans, d’architecturer l’espace, d’inventer des atmosphères à la fois réalistes et étranges. Avec ses couleurs et ses éclairages magnifiques, Laurent Durieux magnifie le trait de François Schuiten et participe à la dramatisation de l’histoire. Entre Le Caire, Bruxelles et Londres, laissez-vous entraîner dans cette aventure. Quant à moi, je compte aller voir les planches originales, exposées à la maison Autrique à Schaerbeek.

  • A la maison Autrique

    J’y allais pour Ghelderode, j’en suis revenue surtout avec des atmosphères. La Maison Autrique, construite par l’architecte phare de l’art nouveau en Belgique, Victor Horta, vaut assurément la visite. Ne la manquez pas, si par exemple il vous reste du temps après un repas de midi dans l’un des agréables restaurants de l’avenue Louis Bertrand à Schaerbeek. Remontez-la jusqu’à la chaussée de Haecht, au 266. Sonnez, on vous ouvrira.

     

    Derrière sa façade élégante et sobre, c’est une demeure bourgeoise typique de la Belle Epoque à Bruxelles. Du sous-sol jusqu’aux combles, elle est meublée dans l’esprit du temps, éclairée comme un théâtre, avec des surprises qui guettent les visiteurs dans ses recoins. L’hôtel de Ville de Schaerbeek n’est pas loin, où Adhémar Martens a travaillé en tant que commis d’administration communale tout en écrivant, caché derrière un mur d’archives. De son nom de plume Michel de Ghelderode, ce Schaerbeekois qui ne se reconnaissait qu’une seule patrie, la Flandre, habitait rue Lefrancq. 

    Maison Autrique, un lustre.JPG

     

    A l’accueil, on m’avait gentiment prévenue : c’est l’homme qui fait ici l’objet d’une exposition – Le mystère Ghelderode, jusqu’à la fin du mois d’avril  – et non son œuvre. Dans la pièce qui donne sur le jardin à l’arrière, clos par une grille au « A » gracieux, une fantastique chauve-souris sculptée par un artiste serbe (Prédan, si j’ai bien entendu) donne le ton, près d’un piano noir. Il fait office de "Grand Macabre", en quelque sorte.

     

    Dès le hall d’entrée, l’association entre Ghelderode et Jean-Jacques Gailliard, son ami, saute aux yeux. Affiches, correspondance, portraits, tout indique entre eux une grande complicité. « Cher grand artiste… », « Cher Ami… », « Cher et Illustre, universellement… » : Gailliard y met beaucoup de majuscules et ses lettres sont comme ses peintures, un étonnant fouillis baroque et animé. Ses missives ostendaises sont surmontées d’un dessin de paquebot, d’un voilier ou d’un fiacre découpé en silhouette. Sur un palier, un sonnet intitulé Miroir : Ghelderode l’a écrit en rouge sur un dessin de Gaillard à l’encre de Chine. 

    Maison Autrique, Cage d'escalier.JPG

    Dans le salon-bibliothèque, à l’étage, un film de Luc de Heusch et Jean Raine, en noir et blanc, passe en boucle. On y voit Ghelderode allumant sa pipe au long tuyau, marchant dans les rues de Bruxelles. On l’entend parler du « secret du grand art, la cruauté ». Bruges est sa ville fétiche, l’ancien port dont la mer s’est retirée et où l’on comprend sans peine, dit-il, que la mort est « le comparse obligé du poète dramatique ». L’écrivain est filmé chez Toone, le fameux marionnettiste bruxellois, qui anime ses figures de bois rien que pour lui. On peut lire par ailleurs une belle lettre d’hommage de Ghelderode à Toone, « le seul directeur de théâtre de Bruxelles à qui j’ose serrer la main ; le seul à qui j’ose confier mes pièces ; ses artistes sont parfaits. »

    C’est dans les chambres du haut que la vie personnelle de Ghelderode est surtout illustrée. Quelques portraits de lui sont présentés sur un chevalet. Un bureau couvert d’objets (main, crâne, machine à écrire, chandelier, buste de femme en bronze affublé d’un masque d’âne…) évoque le décor chargé dans lequel l’écrivain évoluait, lui, l’amoureux des objets « inactuels » pour qui les choses ont une âme, ne vous abandonnent jamais, « remèdes contre le vide, le néant, la solitude ». Un cheval de bois, des marionnettes, assurent cette présence. 

     Maison Autrique, Marionnettes.jpg

    Des documents administratifs, près de quelques éditions anciennes et de coquillages, rappellent sa naissance à Schaerbeek, le 3 avril 1898, son engagement à la maison communale en 1923, des avertissements pour retards répétés en 1939, sa révocation en 1945. Plus étonnants, des extraits de délibérations sur les remous provoqués par Martens-Ghelderode : il avait répondu « Merde » à des collègues qui l’accusaient de faire jouer ses pièces par la Jeune Garde libérale, on l’avait traité de « calotin » dans les couloirs, etc.

    Plus que d’une véritable exposition, il s’agit donc bien, comme stipulé sur le document donné à l’accueil, d’un Itinéraire pour une visite de la Maison Autrique. Le visiteur qui connaît déjà l’œuvre ghelderodienne y verra davantage que le non initié. Pour ceux qui n’ont jamais franchi le seuil de la maison Autrique, ce parcours original dans l’univers du grand écrivain belge (dont il faut lire, au moins, les somptueuses nouvelles du recueil Sortilèges) constitue en tout cas une excellente occasion de la découvrir.