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  • Vu à Carmona

    Avouons-le, le gros dossier des photos prises lors de notre voyage en Andalousie nous attire irrésistiblement. Voici donc le début d’une petite chronique du lundi pour partager avec vous des choses vues, parfois inattendues. Commençons par Carmona.

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    C’est dans cette très belle ville ancienne, à une demi-heure de Séville, que j’ai remarqué pour la première fois ces palmes accrochées devant des fenêtres. Je savais que la Semaine Sainte est célébrée de façon très fervente et spectaculaire en Espagne, mais j’ignorais que les palmes des processions du dimanche des Rameaux se conservent une année durant et ornent ainsi les maisons. J’avais aimé découvrir dans le Midi qu’on bénissait à la messe des Rameaux non pas des branches de buis – qui seraient ensuite accrochées au crucifix dans la chambre – mais de vraies palmes et des branches d’oliviers. Ici, les palmes sont joliment tressées, à la fois protectrices et décoratives.

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    Maria Gavira est-elle couturière ? Le dessin de la faïence près de la porte d’entrée semble l’indiquer. Quel regard coquin, non ? Et le slogan anglais apposé tout près est encore plus drôle : « Oh no not you again ! »

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    Vous savez que j’adore m’arrêter à ces détails offerts à ceux qui passent. A Carmona, le nom des rues est indiqué à l’ancienne, sur des carreaux de faïence, bleu sur blanc. En observant de plus près cette photo prise à l’entrée de la rue du Soleil, j’ai découvert aussi en haut de la curieuse pierre d’angle sculptée les noms des deux rues gravés sur fond blanc : Calle de San Ildefonso, Calle del Sol.

  • Comme des rois

    Le Cortijo Torre de la Reina, à une douzaine de kilomètres de Séville, n’est pas un hôtel, c’est un lieu exceptionnel. Nous nous sommes sentis comme des rois dans cette superbe demeure historique, « occupée tour à tour aux XIIIe et XIVe par le roi Fernando III le Saint (lors de la conquête de Séville) et par la reine Doña María de Molina » (Guide 2003 des hôtels de charme en Espagne). C’est elle qui a donné son nom – Tour de la Reine – à la localité.

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    Cortijo Torre de la Reina, vu de l'entrée

    L’hôtel affichait « complet » sur le site de réservation en ligne et je n’imaginais pas, en téléphonant par curiosité, que l’on nous proposerait pour trois nuits une « suite junior » à un tarif extra de dernière minute. (En y croisant un Australien venu supporter les Rangers, nous prendrions conscience de la présence de nombreux supporters à Séville pour la finale d’une coupe de football européenne.)

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    Sur le Paseo de la Alameda, un long bâtiment blanc discret, mais une fois la porte franchie, quelle merveille ! Une tour crénelée domine la cour où des orangers se dressent autour d’un puits fleuri – des fleurs partout et des arbres, des chants d’oiseaux : bienvenue au paradis ! « Le jardin abondamment fleuri entoure une succession de bâtiments très différents reliés entre eux par des galeries, des arcades, des patios… tout le registre de l’architecture arabo-andalouse » (Guide).

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    Cortijo Torre de la Reina, vu du jardin

    Oui, comme je l’avais lu, l’intérieur est à la fois « luxueux et intime ». Pas besoin de climatisation entre ces murs épais qui gardent la fraîcheur. Notre chambre s’ouvrait sur un jardin – un arbre portait encore quelques fleurs d’un bleu soutenu – et la piscine n’était pas loin, entre soleil et ombre, l’idéal pour se détendre le soir ou un jour de canicule. Les hirondelles frôlaient l’eau. Les pigeons guettaient notre départ pour venir se rafraîchir sur la première marche.

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    Pas de restaurant au Cortijo Torre de la Reina, où se donnent parfois de belles réceptions, mais à deux pas, une sympathique Casa Esteban où nous nous sommes familiarisés soir après soir avec la carte des tapas. Le Cortijo est plus qu’un hôtel aussi grâce à ses hôtes d’une grande et courtoise affabilité, que je tiens à remercier pour leur accueil, leur prévenance, leur aide. Si vous allez ou retournez un jour à la découverte du triangle andalou***, tentez votre chance. C’est le plus bel endroit où j’aie jamais séjourné de ma vie.

  • Vêpres à Zenarruza

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    Jean-Christophe Rufin, Immortelle randonnée

  • Vers Compostelle

    Beaucoup d’entre vous ont déjà lu Immortelle randonnée de Jean-Christophe Rufin. J’étais intriguée par ce « Compostelle malgré moi » (en sous-titre) et curieuse, bien sûr, de ce célèbre chemin de pèlerinage ou de randonnée qui ne cesse d’attirer du monde, croyant ou pas.

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    Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/P%C3%A8lerinage_de_Saint-Jacques-de-Compostelle

    Ce qui m’a plu tout de suite, c’est le ton du récit. Rufin dit les choses telles qu’il les a vécues, ressenties, en s’appuyant d’abord sur les aspects concrets de l’entreprise. Comment s’inscrire et obtenir la « credencial », le carnet à faire tamponner aux étapes, le choix du point de départ et du chemin – pour lui, en partant d’Hendaye, ce seront huit cents kilomètres – « environ quarante jours » – vers Compostelle par le nord (en passant par Irun, Bilbao, Santander, Oviedo).

    Bien sûr, l’état d’esprit diffère d’un marcheur-pèlerin à l’autre et aussi selon qu’on marche seul ou à deux voire en groupe. Si l’auteur a choisi cet itinéraire, c’est parce qu’il est moins fréquenté que le Camino frances. Il tient à cheminer seul et surtout, autant que possible, à dormir seul – impossible pour lui de trouver le sommeil en collectivité. Il emporte une tente légère dans son sac à dos.

    Lire Immortelle randonnée, c’est donc l’accompagner dans cette entreprise et découvrir avec Rufin, de son point de vue forcément, en quoi consiste ce « pèlerinage » ancien vers Saint Jacques, sur les traces du roi Alfonse II qui le premier s’est rendu à Compostelle pour voir les reliques du saint, pour les « Jacquets » des temps contemporains. Le récit en aborde tous les aspects : chaussures, ravitaillement, balises, auberges, rencontres, solitude, météo, motivations, fatigue, religion, commerce, tourisme, beautés et laideurs.

    Le plus fascinant, qui se dessine peu à peu à la lecture, c’est la transformation qui se produit à la longue, décrite avec simplicité et sincérité, m’a-t-il semblé. La réalité des paysages traversés s’écarte du chemin imaginé, les motivations de départ font place à d’autres. Non seulement le corps se façonne aux aléas du chemin, mais l’esprit aussi, l’idée qu’on se faisait du chemin, des autres et de soi-même. On croit faire le chemin et c’est le chemin qui vous façonne. « Le Chemin est une alchimie du temps sur l’âme. »

    Ainsi cette confidence : « Sans doute ne suis-je pas le seul à goûter les choses et les êtres au moment où ils nous quittent. Mais j’ai poussé plus que d’autres le vice ou la gourmandise jusqu’à m’éloigner souvent de ce que j’ai de plus cher, pour en mesurer le prix. Jeu dangereux où l’on peut gagner beaucoup, mais où il y a encore plus à perdre. » Ou encore « Le Chemin réenchante le monde. »

    Comme il l’explique à la fin, Jean-Christophe Rufin n’a pas pris de notes en chemin, ce n’est que bien plus tard qu’il cèdera à la demande de deux amis éditeurs de mettre par écrit ce qu’il leur racontait. Ce n’est donc ni un carnet ni un guide de voyage sur le chemin de Saint Jacques de Compostelle. L’écrivain ne recourt à l’histoire ou ne décrit un lieu que parce qu’il y a mis les pieds, sans se donner en exemple ni prétendre à une quelconque performance. Immortelle randonnée est le partage d’une aventure personnelle. 

  • Echo poétique

    NM espagnoles Zóbel.JPG« La seconde moitié du XXe siècle s’ouvre sur la prédominance de l’abstraction, dans laquelle les thèmes traditionnels et les formes nettes de la nature morte n’ont plus leur place. Certains artistes en arrivent toutefois à se servir du genre comme d’un prétexte. C’est notamment le cas très particulier de Fernando Zóbel (1924-1984) chez qui la dissolution des formes conserve encore l’écho poétique des motifs propres à la nature morte. La recherche de la beauté dans la quiétude et l’ordre qui caractérisent Zóbel avait sa correspondance logique dans la disposition sereine des objets que les peintres de natures mortes cultivaient depuis des siècles. »

    La nature morte espagnole, Guide du visiteur, Bozar, Bruxelles, 23 février > 27 mai 2018

    © Fernando Zóbel, Nature morte en rose, 1968, huile sur toile, Collection particulière, New York