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enquête - Page 3

  • Faye et Le Labyrinthe

    « Et un jour l’œuvre meurt, comme meurent toutes les choses, comme le Soleil s’éteindra, et la Terre, et le Système solaire et la Galaxie et la plus secrète mémoire des hommes. » (Roberto Bolaño, Les Détectives sauvages) Cette phrase termine l’épigraphe choisie par Mohamed Mbougar Sarr pour son roman La plus secrète mémoire des hommes, prix Goncourt 2021, que vous avez peut-être découvert parmi les invités de François Busnel à La Grande Librairie.

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    Manguier au Sénégal (source)

    C’est en m’informant sur ce livre source que je fais enfin le lien avec le poète chilien Roberto Bolaño dont je relis les derniers vers de Sale, mal vêtu traduits par Colo sur Espaces, instants : « Seules la fièvre et la poésie provoquent des visions. / Seuls l’amour et la mémoire. / Ni ces chemins ni ces plaines. / Ni ces labyrinthes. / Jusqu’à ce qu'enfin mon âme rencontra mon cœur. / J’étais malade, certes, mais j’étais vivant. » Des vers aussi en résonance avec ce gros roman qui tourne autour de la fascination d’un jeune écrivain africain pour un livre culte introuvable, Le Labyrinthe de l’inhumain.

    Voici le début de La plus secrète mémoire des hommes : « 27 août 2018. D’un écrivain et de son œuvre, on peut au moins savoir ceci : l’un et l’autre marchent ensemble dans le labyrinthe le plus parfait qu’on puisse imaginer, une longue route circulaire, où leur destination se confond avec leur origine : la solitude. 
    Je quitte Amsterdam. Malgré ce que j’y ai appris, j’ignore toujours si je connais mieux Elimane ou si son mystère s’est épaissi. »

    Le narrateur, Diégane Latyr Faye, avait découvert Le Labyrinthe de l’inhumain de T.C. Elimane en classe de première au Sénégal, dans un Précis des littératures nègres, en même temps que les remous suscités par ce « chef-d’œuvre » publié à Paris en 1938, primé d’abord puis retiré de la vente à la suite d’une polémique. Elimane avait alors disparu. En 1948, une journaliste, Brigitte Bollème, avait publié une enquête sur ce « Rimbaud nègre ». Installé à Paris pour ses études, le narrateur désire plus que tout devenir romancier. Son premier livre, Anatomie du vide, a fait un four, mais récolté des encouragements dans Le Monde (Afrique) : « promesse à suivre ».

    C’est dans un bar que Faye a reconnu « l’ange noir de la littérature sénégalaise », Marème Siga D., une écrivaine dans les soixante ans, et osé l’approcher, d’abord avec un éloge convenu puis en lui parlant de sa poitrine entrevue (elle-même en a beaucoup parlé dans son œuvre). Elle finit par l’inviter à l’hôtel où elle le laisse embrasser ses seins mais rien de plus. Elle a deviné qu’il rêve d’écrire et lui fait remarquer qu’ « On ne peut pas vivre l’instant et l’écrire en même temps. » Après avoir fumé un joint, Siga D. lui lit des passages d’un livre qu’elle lui prête : Le Livre de l’inhumain« Lis-le, puis viens me voir à Amsterdam. »

    Après avoir lu toute la nuit ce texte si longtemps cherché, il le relit encore et encore, et se met à tenir un journal. Que ce soit avec son colocataire polonais Stanislas, traducteur, avec Musimbwa, son ami congolais, avec Béatrice Nanga, camerounaise, sa préférée dans leur bande de jeunes écrivains africains, la discussion porte inévitablement sur Elimane et le désir d’écrire « un bon livre ». Une autre femme lui plaît : Aïda, une photojournaliste qu’il a rencontrée dans un square et avec qui il passe une nuit d’amour. Mais elle ne veut pas s’attacher, son métier peut l’appeler ailleurs et elle partira bientôt pour l’Algérie où éclate une « révolution historique ».

    Aux archives de la presse, Faye lit tout ce qui a été publié sur le cas Elimane, dont un entretien entre Brigitte Bollème et les deux éditeurs du Labyrinthe de l’Inhumain. Certains critiques tiennent des propos haineux, mais le pire vient d’un membre du Collège de France qui accuse l’auteur de plagiat. Stanislas qui traduit le Journal de Gombrowicz y a lu que celui-ci déplorait chez Elimane les « inutiles virtuosités de premier de classe qui a tout lu ». « Tu voudrais n’écrire qu’un livre », peut-on lire dans des extraits du Journal de T.C. Elimane insérés à la fin du premier livre de La plus secrète mémoire des hommes.

    A Amsterdam où Faye la retrouve, Siga D. lui raconte comment elle n’a connu son père Ousseynou Koumakh que vieux – elle avait vingt ans, lui nonante-deux. Sa mère est morte à sa naissance, elle hait ce père qui l’a toujours rejetée, peut-être pour cette raison, et qui avait d’autres femmes. Ousseynou et son frère jumeau Assane, l’aîné, étaient tous deux amoureux de sa mère, la belle Mossane. Devenu aveugle à vingt-deux ans, Ousseynou, élevé dans la connaissance des traditions et qui possède un don de voyance comme son père, s’est vu évincer par Assane, formé à l’école des Blancs, qu’elle a choisi d’épouser. Quand Assane s’est engagé en 1914 pour se battre en France, il a confié Mossane enceinte à son frère. Elle a donné naissance à Elimane en mars 1915. 

    Emouvant personnage que cette femme « esclave de l’attente » sous un manguier. Siga D. voulait écrire sur son histoire, mais elle n’y est pas arrivée. Son premier livre, « Elégie pour nuit noire », autobiographique, raconte sa vie d’étudiante en philo, sa vie sexuelle, sa solitude. Elle a failli sombrer dans le désespoir ou dans la folie, mais une poétesse haïtienne rencontrée à Dakar l’a aidée à reprendre des études à Paris.

    Dans ce roman foisonnant, les parties et chapitres ne se suivent pas chronologiquement mais sont autant d’entrées dans la double histoire de La plus secrète mémoire des hommes : celle d’Elimane et du Labyrinthe de l’inhumain, celle de Faye possédé par le désir d’écrire lui aussi un chef-d’œuvre. Les deux s’entremêlent comme le passé et le présent.

    Y a-t-il moyen de cerner qui était vraiment Elimane, quelle est la signification profonde de son livre, en remontant la piste de tous ceux qui l’ont rencontré ou se sont mêlés à son destin ? Ce sera en tout cas l’occasion de découvrir et leurs histoires respectives et la grande histoire, que ce soit en Afrique ou en Europe. Des drames personnels, des conflits politiques, des scènes cruelles, des morts troublantes.

    La plus secrète mémoire des hommes correspond à ces mots de Mohamed Mbougar Sarr, dans une réponse de Stanislas à Diégane : « Un grand livre n’a pas de sujet et ne parle de rien, il cherche seulement à dire ou découvrir quelque chose, mais ce seulement est déjà tout, et ce quelque chose aussi est déjà tout. » Il a dédié son roman à Yambo Ouologuem, un écrivain malien qui lui a inspiré le personnage d’Elimane. Je vous recommande ce roman « étourdissant, hymne d’amour à la puissance de la littérature » (Guy Duplat dans La Libre Belgique).

  • Annotations

    christophe boltanski,les vies de jacob,récit,littérature française,photos,enquête,photomaton,culture« Je ne me souviens plus si la photo est tombée d’elle-même ou si je l’ai décollée par mégarde en soulevant le papier transparent qui la protégeait. C’était la première de la série. Celle qu’il avait choisie pour inaugurer son album. Celle où il posait en costume-cravate et étalait ses dents blanches. Au verso, je vis des annotations rédigées à la main en hébreu, précédées d’une date. Par curiosité, je retournai le portrait suivant et découvris au dos la même écriture carrée qui emplissait l’espace. J’en détachai trois autres, délicatement, avec le pouce, en prenant soin de ne pas déchirer la page, sans rien trouver, puis j’exultai : encore un message derrière la photo du bas. Il avait disséminé ses petits mots un peu partout. »

    Christophe Boltanski, Les vies de Jacob

  • L'album de Jacob

    Avec Christophe Boltanski, j’en étais restée à La Cache, son fameux premier roman, autobiographique. Dans Les vies de Jacob (2021), il mène l’enquête à partir de l’étonnant album photo trouvé aux puces par une productrice de cinéma ; elle voudrait qu’il en tire un synopsis. Dans les premières pages, et puis régulièrement, il s’adresse à Jacob B’chiri, cet inconnu qui soulevait régulièrement le rideau d’une cabine de photomaton pour se faire tirer le portrait : il y a 369 « selfies » dans l’album à couverture verte.

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    Christian Boltanski, Chance (détail), 2014, Carriageworks, Sydney. Image: Zan Wimberley

    « Vous ne choisissez pas une histoire. Elle s’impose à vous. Elle déboule sans prévenir, l’air de rien. Vous la chassez. Elle revient. A priori, elle ne vous concerne pas. Elle semble même assez éloignée de vos préoccupations, et pourtant elle vous touche. Vous essayez de comprendre pourquoi sans y parvenir. Vous ne savez pas par quel bout la prendre, jusqu’au moment où vous percevez une note familière, comme un écho assourdi de votre musique intérieure, et, doucement, vous vous laissez gagner. Elle vous trotte dans la tête, pareille à une rengaine. Vous êtes fatigué de la ressasser, mais impossible de s’en défaire. Elle finit par vous obséder. Il n’existe alors plus qu’un seul moyen pour s’en débarrasser : l’écrire. »

    Le narrateur recueille des indices, comme cette note finale sur une étiquette, demandant de contacter le consulat d’Israël en cas d’accident. L’homme des photos est-il mort ou vivant ? Comment son album a-t-il échoué entre les mains d’un brocanteur ? Les étiquettes à son nom, « B’chiri Jacob », indiquent différentes adresses. Du papier adhésif au logo d’El-Al. En trois ans et demi, dans les années ’70, vingt-quatre étapes entre Israël, l’Italie, la Suisse, la France – Jacob était-il un espion ?

    Peu à peu, le lecteur découvre des pistes avec l’enquêteur. Aux adresses mentionnées, celui-ci espère trouver quelqu’un qui l’aurait connu, qui pourrait lui en dire davantage. Quand il découvre des notes et des dates au dos des photos, c’est un grand pas vers des réponses à ses questions, bien que ce ne soit pas évident. « Face, tu te tais et te surexposes. Pile, tu te livres et te dissimules. »

    A l’ambassade d’Israël à Paris, d’abord il n’apprend rien, ni en appelant un cinéaste qui s’intéresse à un homonyme, Jacob B’chiri, un chanteur tunisien. Les vies de Jacob est un récit à suspens, plein de questions, de fausses pistes, et même quand sa famille sera identifiée, les mystères, les secrets, les non-dits ne manqueront pas. L’acharnement du narrateur, obsessionnel, aboutira-t-il au synopsis commandé ? La productrice s’impatiente.

    Christophe Boltanski réussit à nous intéresser à son enquête sur l’homme aux 369 visages dont il devine, touche après touche, la personnalité – une sorte de Juif errant auquel il s’est tellement attaché qu’il lui restitue non pas une mais des histoires, un « drôle de fantôme » (Le Monde). Il y a quelque chose de Perec dans l’allure de ce récit, l’inventaire d’un album photos devenant comme l’inventaire d’une vie.

    En nous emmenant à la rencontre de Jacob, en tutoyant celui qu’il n’a pas connu, voilà qu’il réalise cette conviction exprimée au début de son récit, composé durant une période de confinement : « Je me méfie des images, des écrans, de tout ce qui fait obstacle entre moi et les autres. […] Sans même attendre cette virtualisation forcée du monde, j’ai toujours été convaincu que rien ne remplace une rencontre. »

    Neveu de l’artiste plasticien Christian Boltanski, qui a si souvent utilisé des photographies anonymes dans son travail, décédé il y a un an, Christophe Boltanski s’est éloigné ici du thème familial de ses premiers récits (La cache, Le guetteur). D’une certaine manière, tout de même, comme l’écrit Sophie Joubert en tête d’un entretien avec l’auteur dans l’Humanité, « Entre enquête et fiction, Les Vies de Jacob fait écho aux précédents livres de l’écrivain et journaliste. »

  • Rituel

    philippe sands,retour à lemberg,enquête,droit international,crime contre l'humanité,génocide,nuremberg,léon buchholz,hersch lauterpacht,raphael lemkin,hans frank,histoire,shoah,famille,nazisme,culture« Leon reçut les nouvelles du jugement [Nuremberg] à Paris. Le lendemain, Lucette, la jeune voisine, vint chercher ma mère, la fille de Leon, âgée de huit ans, pour l’accompagner à l’école. Elle vit Leon prier, un rituel qu’il accomplissait tous les matins pour être avec les siens, « pour appartenir à un groupe qui a disparu », dira-t-il à ma mère.
    Leon ne m’a jamais dit ce qu’il avait pensé du procès ou du jugement, s’il pouvait d’une quelconque manière compenser les actes commis. Il était ravi, en revanche, de mon choix de carrière. »

    Philippe Sands, Retour à Lemberg

    La famille Buchholz, Lemberg, vers 1913
    (de gauche à droite : Pinkas, Gusta, Emil, Laura et Malke, Leon au premier plan) (source : Die Presse)

  • Lviv Lvov Lemberg / 2

    Retour à Lemberg (suite)

    « A l’été de 1919, après la fin des cours, Lauterpacht quitta Lwów alors que l’on redessinait les frontières de l’Europe et que le destin de la ville devenait incertain. » Des massacres de Juifs, « coincés » entre les factions polonaise et ukrainienne, inquiètent. Le président américain Woodrow Wilson se souciait des aspirations des « peuples d’Autriche-Hongrie »  et la Société des Nations voulait garantir « le traitement égalitaire des minorités raciales et nationales », mais les Français et les Britanniques divergeaient à ce sujet.

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    A la faculté de droit de Lemberg, certains professeurs excluent les étudiants juifs et ukrainiens de leurs cours. Lauterpacht s’inscrit à l’université de Vienne où le professeur Hans Kelsen enseigne l’idée, nouvelle en Europe, « selon laquelle les individus possèdent des droits constitutionnels inaliénables et peuvent les faire valoir devant une cour de justice ». Sous sa protection, Lauterpacht se plonge dans l’étude du droit international. En 1922, il obtient son diplôme de docteur en science politique et se fiance avec une étudiante en musique, Rachel Steinberg. Après leur mariage à Vienne l’année suivante, ils prennent le bateau pour l’Angleterre, afin qu’elle puisse étudier au Royal College of Music.

    La création de la première Cour internationale de justice internationale, à la suite du traité de Versailles, va orienter le travail de Lauterpacht : d’autres doctorats, une reconnaissance plus large, un poste de maître de conférences en droit, lui permettent d’aller de l’avant. La protection des droits humains lui paraît une nécessité vitale – ce qui ne l’empêche pas de reprocher à sa mère venue voir son premier petit-fils à Londres de vernir ses ongles et à son épouse de s’être fait couper les cheveux à la Louise Brooks : « Des droits individuels, oui, mais pas pour la femme ou la  mère », note l’auteur.

    Des photographies en noir et blanc permettent de se représenter les personnes, les lieux, tout au long de Retour à Lemberg. L’accès d’Hitler au pouvoir en 1933 pousse Lauterpacht à écrire sur « la persécution des Juifs en Allemagne » et à inciter ses parents à quitter Lwów pour Londres, mais ils refusent. Eli, le fils de Lauterpacht, interrogé par Sands, dira n’avoir jamais parlé de ces choses avec son père ; ce qui se passait en Pologne était tabou chez eux, il ne parlait que de son travail.

    On découvrira comment le juriste sera présenté en décembre 1940, lors d’une tournée de conférences en Amérique, au procureur général des Etats-Unis Robert Jackson, nommé par Roosevelt, et comment la seconde guerre mondiale oblige à avancer au sujet des « crimes contre l’humanité », dont la définition est âprement discutée. Un point-virgule sera remplacé par une virgule, ce qui aura des conséquences importantes.

    Après un chapitre sur les recherches concernant Miss Tilney, dont l’adresse se trouvait dans les papiers du grand-père Leon, l’histoire étonnante d’une femme de conviction et d’action, c’est le parcours de Raphael Lemkin, l’inventeur du terme « génocide », que Philippe Sands retrace, de Lwów à Varsovie, de Vilnius en Suède d’où il gagne l’Union soviétique, de Vladivostok en bateau jusqu’au Japon, puis Vancouver, Seattle, Chicago, la Caroline du Nord.

    Invité à parler de la situation en Europe, Lemkin écrit plus de sept cents pages sur l’Occupation et renonce aux mots « barbarie » et « vandalisme » pour intituler un chapitre de son livre « Génocide ». Cette analyse « détaillée et inédite » est publiée en novembre 1944. Quand après la guerre, Lemkin est consulté pour fixer les termes de l’acte d’accusation à Nuremberg, il sera soulagé d’y avoir fait entrer, malgré certaines réticences, le crime de « génocide ».

    On découvrira dans la seconde moitié de l’essai-récit-enquête de Philippe Sands d’autres intervenants liés à Lemberg, qui est l’homme d’une photo gardée par son grand-père, et puis surtout Hans Frank, ami de Richard Strauss, avocat d’Hitler, l’un des principaux juristes du national-socialisme, « le roi » pendant cinq ans d’une Pologne occupée – avec une femme, une maîtresse, cinq enfants, un  Journal détaillé (38 volumes) et une collection de toiles dont La dame à l’Hermine de Léonard de Vinci.

    On retrouvera Frank sur le banc des accusés à Nuremberg. Philippe Sands décrit les préparatifs du procès, le lobbying de Lauterpacht et les efforts de Lemkin, chacun défendant leur concept, le premier avec pragmatisme et discrétion, le second avec passion et acharnement. Fruit de six années de recherche et d’écriture, mêlant les récits personnels, les rencontres parfois improbables, à une histoire plus vaste, Retour à Lemberg de Philippe Sands est un livre de référence, qui a reçu le prix du Livre européen 2018, entre autres. Comme l’ont été pour moi, mutatis mutandis, Voyage au pays des ze-ka de Julius Margolin  et Terres de sang de Timothy Snyder, c’est une lecture majeure.