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art - Page 31

  • G. Van de Woestyne

    Gustave Van de Woestyne, par Robert Hoozee et Cathérine Verleysen, est un bel ouvrage paru au Fonds Mercator en 2010, à l’occasion d’une rétrospective au Musée des Beaux-Arts de Gand (MSK). Il me semble que c’est au musée Van Buuren, qui possède trente-deux toiles du peintre gantois, que j’ai découvert son nom en premier, notamment sous La table des enfants dont j’aime la clarté, l’angle de vue, la lumineuse simplicité – cinq enfants au regard sérieux.

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    Gustave Van de Woestyne, La table des enfants, 1919, Uccle, Musée Van Buuren © SABAM Belgium

    Né à Gand, il est le frère cadet d’un écrivain belge de langue néerlandaise, Karel Van de Woestijne, qui a choisi une graphie plus flamande pour son patronyme. Après cinq ans à l’Académie de Gand, Gustave Van de Woestyne (1881-1947) détruit presque tout ce qu’il y a fait avant de s’installer à Laethem-Saint-Martin chez son frère aîné. Celui-ci y fonde un cercle artistique, avant de se marier et de quitter Laethem. Une exposition sur les Primitifs Flamands à Bruges en 1902 les a beaucoup marqués, ainsi que le travail de George Minne, leur voisin.

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    Gustave Van de Woestyne, Autoportrait à Laethem-Saint-Martin, 1900, collection privée
    © SABAM Belgium (couleurs peu fidèles)

    Le jeune peintre est attiré très tôt par la spiritualité, et par deux fois, il se tourne vers la vie monastique, mais à l’abbaye bénédictine de Louvain, on lui conseille de « rentrer dans le monde » et c’est dans son atelier que Gustave VdW va mener sa vie de « créativité contemplative ». A la différence des autres peintres du premier groupe de Laethem-Saint-Martin, il ne peint pas le paysage, la nature, la beauté des saisons. Ce qu’il préfère, ce sont les figures, et en particulier peindre des paysans, des humbles, des déshérités. Dans ces portraits individuels, le visage occupe la toile en gros plan, le décor est présent, mais secondaire, plutôt symbolique.

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    Gustave Van de Woestyne, Le berger, 1910, Uccle, Musée Van Buuren © SABAM Belgium

    En 1908, il épouse Prudence De Schepper. Leur premier enfant meurt l’année suivante, à l’âge d’un mois. Ils quittent alors le village de Laethem pour Louvain, mais Gustave VdW continuera à s’en inspirer. Ils auront cinq autres enfants. Dans la couleur, il se distingue par une palette « plus proche du fresquiste du Quattrocento que des peintres médiévaux de son propre pays ». Ses portraits de femmes privilégient « le raffinement formel, la sérénité et la pudeur spiritualisée ».

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    Gustave Van de Woestyne, Dimanche après-midi, 1914, Bruxelles, MRBAB © SABAM Belgium (source) 

    Pendant la première guerre mondiale, il se réfugie en Grande-Bretagne, comme beaucoup d’artistes belges. Au Pays de Galles puis à Londres, il rencontre des exilés, comme Emile Claus qu’il admire, et un mécène et collectionneur d’art, Jacob de Graaff, avec qui il correspondra pendant vingt ans, « une des principales sources écrites pour l’étude de l’artiste ». Ce qu’il peint en Angleterre diffère du « réalisme de détail » d’avant-guerre, la texture de la toile y est traitée dans une manière plus proche de la fresque.

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    En couverture du catalogue : Gustave Van de Woestyne, Gaston et sa sœur, 1923, KMSK

    Au retour, il reste sous l’influence des primitifs flamands – réalisme, simplicité, clarté – alors que l’expressionnisme flamand bat son plein. Il déclare dans un entretien son goût pour « un classicisme en rapport avec les idées de notre temps », son horreur des grands gestes et des poses, de l’emphase : « La vie intérieure ne se révèle jamais aussi intensément que dans le silence. » (1929)

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    Gustave Van de Woestyne, Le Christ offrant son sang, 1925, Bruxelles, MRBAB
     © SABAM Belgium

    Pourtant il peint aussi des tableaux religieux pleins de souffrance et d’angoisse, qui sont critiqués. Quels sont alors ses tourments ? Il regrette d’avoir trop peu de temps pour peindre comme il veut, vu le temps qu’il consacre à enseigner à Malines, Anvers, Bruxelles. En tout cas, il cherche à créer un art religieux moderne qui ne soit ni mou, ni sucré – « des œuvres d’art sincères et authentiques ». Il se sent des affinités avec Maurice Denis.

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    Gustave Van de Woestyne, Paysanne, 1926, Bruxelles, Musée Van Buuren © SABAM Belgium

    Si Van Buuren lui commande des natures mortes pour décorer sa maison (aujourd’hui musée), Gustave VdW reste avant tout un portraitiste. Beaucoup lui demandent de peindre leur portrait, c’est une source de revenus constante, mais il se plaint du temps passé à ces « stupides portraits ». Lui peint de préférence un « type humain introverti », des aveugles, des visages impénétrables.

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    Gustave Van de Woestyne, Le Christ dans le désert, 1939, Gand, MSK
     © SABAM Belgium

    Impossible de résumer l’évolution de Gustave Van de Woestyne de façon linéaire, son œuvre est éclectique. Son frère Karel y distinguait trois groupes : « les paysans, les scènes religieuses et les expériences personnelles ». J’aurais aimé vous montrer beaucoup plus de peintures, il y en a tant de belles ! La Collection d’art flamande présente 40 œuvres, à agrandir sur son site.

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    Gustave Van de Woestyne, Fugue, 1925, Gand, MSK © SABAM Belgium 

    Si le nombre de sujets est limité, on peut y trouver des liens avec le symbolisme, l’art nouveau, le modernisme, l’expressionnisme, mais sa peinture est profondément originale – « Le mystère Gustave Van de Woestyne », titrait Guy Duplat en 2010. Parfois serein, parfois tendu, son monde est intériorisé et c’est sans doute pourquoi, encore aujourd’hui, il nous interpelle d’une manière singulière, et avec force.

  • Beaux-Arts de Gand

    Le musée des Beaux-Arts (MSK) de Gand résume bien sur son site l’esprit de ses collections permanentes : « un aperçu de l’art, du Moyen-Âge jusqu’à la première moitié du 20e siècle. » On y voit bien sûr des peintres des Pays-Bas méridionaux, mais aussi la sculpture et la peinture européenne – principalement française. L’art de la fin du XIXe siècle y est particulièrement bien représenté, et celui du début du XXe. L’art d’après 1950 se trouve au S.M.A.K. (Stedelijk Museum voor Actuele Kunst, Musée municipal d’art actuel), juste en face.

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    "L'Adoration de l'Agneau mystique", chef-d'oeuvre de la peinture primitive flamande, lors de sa présentation
    après sa restauration le 12 octobre 2016 à la cathédrale Saint Bavon à Gand / AFP (source)

    Après avoir visité l’exposition sur Verhaeren, nous avons traversé le hall d’entrée et jeté un coup d’œil à l’atelier de restauration de L’agneau mystique des frères Van Eyck, dont certains panneaux latéraux ont déjà retrouvé leur éclat d’origine. Commencée en octobre 2012, cette restauration du chef-d’œuvre de la cathédrale Saint-Bavon se déroule sous les yeux des visiteurs, derrière une vitrine. Puis nous avons continué vers les salles des XIXe et XXe.

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    Albert Bartsoen (1866-1922), Nuages sur la mer, Gand, MSK. 

    Quelques arrêts sur image, cela vous tente ? Commençons par un Gantois, Albert Bartsoen, et ses Nuages sur la mer. Il a vécu toute sa vie dans sa maison natale où il avait son atelier, près de la Lys qu’il a souvent peinte. La Lys et sa région inspiraient aussi Emile Claus, déjà présenté ici, et dont j’ai revu avec plaisir Journée ensoleillée et surtout Les Patineurs, sublime tableau d’hiver.

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    Vue d'ensemble : Emile Claus (Les patineurs), Constantin Meunier (Le faucheur), Anna Boch (Falaise à Sanary), Gand, MSK.

    Je ne me souvenais pas de Torajiro Kojima, un peintre japonais qui s’est inscrit à l’Académie des Beaux-Arts de Gand en 1909. Influencé par Claus, avant de retourner au Japon en 1912, il peint cette Femme lisant en jouant des couleurs complémentaires et des ombres colorées. Un Autoportrait illustre bien son évolution de l’impressionnisme vers le fauvisme. Falaise à Sanary, une toile signée Anna Boch, m’a donné fort envie de retourner dans cette région du Midi qui m’est chère.

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    Torajiro Kojima (1881-1929), Femme lisant, 1921, Gand, MSK.

    Un portrait de Victoria Dubourg, son épouse, par Fantin-Latour, celui de sa fille par Xavier Mellery, illustrent l’art d’éclairer un visage, la douceur de la peau, de rendre l’expression malgré les yeux baissés. Ceux de la nymphe qui cueille des fleurs le sont aussi sur la grande toile décorative, Le Printemps de René Menard, qui donne des couleurs à la belle salle hémisphérique où sont exposées principalement des sculptures : au mur, un grand relief en plâtre, une étude pour les Passions humaines de Jef Lambeaux ; sur leur socle, des marbres, des bronzes, notamment d’Egide Rombaux (Les filles de Satan).

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    Au fond : Haut-relief de Jef Lambeaux, Les Passions humaines (étude, 1897)

    Tout près, dans l’allée vitrée en arc de cercle, un de mes endroits préférés dans ce musée, des chefs-d’œuvre : Le fils prodigue et Ecce homo de Constantin Meunier, la fameuse Fontaine des agenouillés de George Minne. Une monumentale Tête de Pierre Wissant d’Auguste Rodin (un des Bourgeois de Calais), autour de laquelle il faut absolument tourner pour mesurer à quel point son modelage est expressif en tous points, créant la vie.

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    Auguste Rodin, Tête de Pierre Wissant, 1909, Gand, MSK.

    Passons au XXe siècle avec la Femme assise à une table de jardin d’un peintre méconnu, Bernard Boutet de Monvel. Une jolie vue du Port d’Ostende a été peinte par Constant Permeke juste avant la Grande Guerre, encore sous l’influence des luministes. Le Diabolo d’Henri Lebasque montre une fillette à son jeu dans un jardin ou un parc, tandis qu’à l’arrière-plan, une femme tricote sur un banc. Dans la même veine paisible, une Idylle printanière d’Edward Atkinson-Hornel.

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     Edward Atkinson-Hornel, Idylle printanière, 1906, Gand, MSK. 

    J’ai choisi des oeuvres paisibles, les peintures du moins. Après 1914-1918, tout va changer, place à l’expressionnisme, l’abstraction, le surréalisme. Mais j’arrête là l’énumération, sans autre but que de vous inciter à découvrir ou redécouvrir un jour ce musée à l’atmosphère intimiste où chacun peut trouver de quoi se réjouir les yeux.

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    © Gustave Van de Woestyne, Fermière, Gand, MSK.

    Le MSK possède plusieurs belles œuvres de Gustave Van de Woestyne : je vous en parlerai une autre fois, après avoir lu le catalogue de la rétrospective qui lui a été consacrée ici en 2010. Ce peintre est vraiment à part, et son œuvre, parfois jugée inégale, comporte des toiles magnifiques, vous verrez.

  • L'entretien

    MRBAB Axell L'entretien (2).jpgAprès sa première exposition individuelle en 1967, au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles, les Musées royaux des Beaux-Arts ont acquis L’entretien d’Evelyne Axell (1935-1972), une œuvre de 1966 visible actuellement (« Moderniteit à la belge »).

    Il y a un an, l’exposition « Pop impact Women artists » à Namur mettait à l’honneur cette artiste namuroise à la vie si brève, ainsi que six autres femmes artistes marquantes du Pop Art.

    « Les figures féminines reviennent régulièrement dans l’oeuvre d’Axell.
    Elles sont ses sujets de prédilection. Il s’agit en fait pour l’artiste, de réfléchir à l’image de la femme qui était jusqu’alors dictée par le regard masculin. »

    (Alicia Hernandez-Dispaux).

    Evelyne Axell, L’entretien, 1966, MRBAB © ADAGP, Paris - SABAM - Belgium 2016.

  • Aux Musées royaux

    Que peut-on voir aux Musées royaux des Beaux-Arts (MRBAB) en ce moment ? La modernité « à la belge », une petite expo autour de 14-18, des « Iconotextures » récentes de Thierry De Cordier. Tout cela ne nous rendra pas le Musée d’Art moderne, mais les deux premières expositions revisitent les collections du XXe siècle, c’est l’occasion de revoir des œuvres sorties des réserves.

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    A l’entrée de « 14-18. Rupture ou Continuité ? », Marthe Donas, avec Nu couché n° 1-4, illustre le cheminement de la peintre vers l’abstraction. Du dessin de nu académique, elle passe au dessin stylisé, puis à ses lignes de force, jusqu’au dessin abstrait – démonstration. Cette sélection de peintures et sculptures explore les « changements et constantes de l’art belge entre 1910 et 1925 » autour d’un espace multimédia, Digital Experience : des écrans tactiles sur table permettent, en sélectionnant une vignette (détail), de détailler chaque oeuvre et de se renseigner sur son contexte, de manière interactive.

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    George Minne, Mère et enfant IV

    Derrière un buste du premier conservateur du musée, une grande photo montre comment des œuvres pillées dans des musées français ont été entreposées pendant la grande guerre à Bruxelles. Un visage de soldat, L’église de Nieuport en ruines (Achille van Sassenbrouck), un dessin terrible de La Cathédrale de Reims (Jules De Bruycker) évoquent la guerre, mais la plupart des œuvres illustrent surtout la diversité des choix artistiques belges au début du XXe siècle. Mère et enfant, un marbre de George Minne (ci-dessus), peut encore être relié au contexte historique de 14-18. La simplification des formes donne sa force à cette œuvre symboliste où une mère et son enfant s’étreignent. A côté, une tragique Pietà d’Albert Servaes.

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    Gustave De Smet, L'été (détail), ca. 1925

    Après la guerre, l’expressionnisme flamand s’épanouit : voici L’été de Gustave De Smet, L’étranger de Constant Permeke. Et, plus d’avant-garde, l’abstraction avec Marthe Donas, Karel Maes, des objets-collages de Paul Joostens et une grande huile géométrique de Jozef Peeters, entre autres. Si certains peintres belges sont influencés alors par le futurisme italien (Prosper de Troyer, Jules Schmalzigaug), d’autres suivent la voie du fauvisme : La femme au piano de Ferdinand Schirren ; le Portrait de Simon Lévy par Rik Wouters, que je ne me souvenais pas d’avoir vu, près de son fameux Flûtiste.

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    Rik Wouters, Portrait de Simon Levy (1913), MRBAB, Bruxelles

    En descendant vers l’autre exposition, « Moderniteit à la belge », je me suis arrêtée au passage devant Hommage rendu à Charles Quint enfant (1886) d’Albrecht de Vriendt pour admirer cette grande scène historique : personnages, décor, vêtements, bijoux, attitudes…

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    Albrecht De Vriendt, Hommage rendu à Charles-Quint enfant (détail), 1886, MRBAB, Bruxelles

    Et voici le fémur tricolore (photo 1) de Marcel Broodthaerts à l’affiche d’une exposition plus ambitieuse que la précédente : « Moderniteit à la belge ». A la façon des « petits journaux » où écrivait Baudelaire, celle-ci offre une approche subjective de la modernité à travers les collections et même, en seconde partie, pose la question d’une modernité spécifiquement belge. Pour Michel Draguet, l’Art belge, « ironique et critique », « a installé dès la fin-de-siècle une forme de distance à l’égard d’une dynamique linéaire et univoque qui s’est parfois perdue en autoritarisme sinon en fascisme. » (Guide du visiteur, pour toutes les citations.)

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    Félicien Rops, frontispice pour Les Epaves de Charles Baudelaire, 1866

    Pour ouvrir le débat, Eve à la pomme, un bronze de Jef Lambeaux, donne la réplique à l’Eve d’Evenepoel, accompagnée du serpent et d’un paon. Nettement plus irrévérencieux, le frontispice de Rops pour illustrer Baudelaire (Les Epaves, ci-dessus), et, devant le Christ aux outrages d’Henry De Groux, la double hélice de crucifix comme une couronne d’épines de Wim Delvoye. Modernité et provocation.

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    © Marthe Donas, Verreries, 1919, MRBAB, Bruxelles

    Rugby par Lhote et Le joueur de tennis par Baugniet sont sages en comparaison, et aussi par rapport à Verreries, une autre belle composition abstraite de Marthe Donas (ci-dessus). Je ne vous décrirai pas les 17 étapes de l’exposition (à voir jusqu’au 22 janvier), je préfère pointer quelques accrochages que j’ai aimés, comme ces portraits de femmes signés Rik Wouters, Gustave Van de Woestyne, Brusselmans, Stobbaerts ou Floris Jespers : « Avec la modernité, la question du portrait devient problématique : la nécessité de reconnaître le sujet s’oppose à une recherche de plus en plus éloignée de la figuration. »

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    "Promesses de visages" (vue d'ensemble)

    Passons devant une nature morte de Marie Howet (délicate et d’« arrière-garde ») puis admirons, face à face, La Vague de Constant Permeke (1924), et Mer du Nord, étude n° 1 de Thierry De Cordier (2011). Gaston Bertrand, dans La grande plage, dissout les promeneurs dans le jaune du sable. Mer du Nord, orage (vers 1886) de Guillaume Vogels, n’est pas en reste, lui qui fut membre des XX, une avant-garde plus ancienne. 

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    Guillaume Vogels, Mer du Nord, orage (désolée pour les reflets), ca. 1886, MRBAB, Bruxelles

    Trois toiles de Louis Buisseret et de Léon Navez « témoignent d’une réaction classique à l’intérieur de la modernité. Comme s’il s’agissait de créer un antidote à l’Avant-Garde. » Un bel ensemble. Le parcours montre ensuite les surréalistes, le groupe Cobra, la culture pop – tout en proposant d’illustrer ici les « vicissitudes du nu classique », là les « obsolescences industrielles » –, et enfin « l’abstraction minimaliste ».

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    © Englebert Van Anderlecht et Jean Dypréau, Traduire la lumière, 1959, MRBAB, Bruxelles

    J’ai aimé Hommage au carré. Signal de Josef Albers – rouge sur rouge – et aussi cette « peinture partagée » bleue (ci-dessus) signée Englebert Van Anderlecht et Jean Dypréau, Traduire la lumière, où « peinture et écriture sont désormais liées dans un geste spontané qui fait jaillir de l’informe une signification première. » Sur la dernière des quatre feuilles de Lorsque je rentre du village…, Christian Dotremont a écrit à la main le texte qu’il y a transformé en logogrammes.

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    © Gaston Bogaert, Capouillard, lithographie, 1951

    J’y ai repensé devant les « Iconotextures » de Thierry De Cordier : sur douze papiers de 300 x 150 cm, celui-ci a écrit/dessiné à l’encre bleu roi toutes sortes de définitions de dieu (sic). « À travers cette calligraphie possédée par son propre épanchement, Thierry De Cordier témoigne de l’absurdité que constitue l’idée même de définir dieu. » Bref, cet hiver, les MRBAB vous offrent un peu de tout, sans oublier les riches collections permanentes – ne vous en privez pas, surtout si vous êtes en congé !

  • Histoire de fantôme

    Ukiyo-e 13.jpg« Les « contes de fantômes » renvoient à un passe-temps populaire durant la période d’Edo, pour lequel on se réunissait le soir avant d’allumer cent bougies. Chaque participant racontait à son tour une histoire de fantôme. Après chaque récit, une bougie était mouchée, jusqu’à ce qu’il fasse complètement noir et que l’on attende dans l’angoisse l’arrivée d’un véritable esprit. » (N. V.)

    Ukiyo-e, les plus belles estampes japonaises, Musées royaux d’Art et d’Histoire, 21/10/16 > 12/2/2017

    Katsushika HOKUSAI (1760-1849), Le spectre de la résidence aux assiettes,
    Suite : Cent contes de fantômes, vers 1831-1832