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Peinture - Page 28

  • Juan Gris 1887-1927

    C’est en ami que Daniel-Henry Kahnweiler (1884-1979), « l’homme de l’art », comme l’appelle Pierre Assouline, a rédigé Juan Gris, sa vie, son œuvre, ses écrits, publié en 1946. Par cet essai, « le plus grand marchand de tableaux de son temps » rend hommage au peintre espagnol qu’il considère comme « le plus pur » des cubistes.

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    Juan Gris, Violon et verre, 1913, MNAM, Paris

    La vie de Juan Gris, il la raconte en commençant par une visite à Picasso au Bateau-Lavoir en 1908. Rue Ravignan, le jeune marchand remarque un très beau jeune homme qui peint devant une fenêtre ouverte. Picasso lui apprend qu’il s’appelle Juan Gris. Celui-ci vivra plus de quinze ans dans cet atelier très pauvre : « son œuvre a été peint entre vingt-trois et quarante ans, et je n’ai connu qu’un jeune homme qui fut, malgré sa gravité foncière, sociable, gai, sauf aux heures atroces où le cafard le terrassait. »

    Né à Madrid en 1887 dans une famille aisée, José Victoriano Gonzales était le treizième enfant sur quatorze, la plupart morts jeunes. Il dessinait depuis l’enfance et a dû batailler contre ses parents pour étudier la peinture. Il adopte le pseudonyme de Juan Gris avant d’arriver à Paris en 1906 : « Il en était content et il me semble bien qu’il y a accord entre ce nom et l’œuvre. Est-ce à cause de la couleur, est-ce à cause de ce que ce nom peut avoir de modeste ? Je ne saurais le dire. »

    « La gloire naissante de son compatriote Picasso avait amené Gris au 13, rue Ravignan. » Pour gagner sa vie, il envoie des dessins à des journaux illustrés. Quatre ans plus tard, il commence à montrer ses toiles. Durant l’hiver 1912, Kahnweiler, convaincu de la grande valeur de l’artiste, convient avec lui d’acheter toute sa production, qu’il accroche en permanence dans sa galerie, rue Vignon. Parmi les premiers acheteurs, Gertrude Stein, Léonce Rosenberg, le sculpteur américain Brenner.

    Soulagé des soucis matériels, Juan Gris peut aller passer l’été à Céret, où Picasso et Braque ont déjà rejoint Manolo Hugué, artiste classiciste et « méditerranéen », qui y vit toute l’année. Gris le choque en « soutenant la nécessité d’un aspect nouveau comme conséquence inéluctable d’un état d’esprit nouveau ». Gris travaille bien, les discussions sur l’art soutiennent sa peinture et le font opter pour « une plus grande simplicité, une clarté accrue ». Kahnweiler aime ce garçon « modeste, mais intransigeant » et l’admire.

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    Juan Gris, Paysage à Céret, 1913, Moderna Museet, Stockolm

    En août 1914, Gris lui écrit de Collioure où il s’est installé juste avant que la guerre n’éclate, inquiet du sort de ses amis artistes ou poètes. Il voit souvent Matisse, comme lui enclin à réfléchir sur son art et à en parler. Mais sa situation matérielle l’oblige à rentrer à Paris. S’il peut travailler, c’est grâce à Léonce Rosenberg qui « assuma pendant la guerre – et ce sera son honneur durable – la tâche que [il / Kahnweiler] ne pouvai[t] plus remplir : la défense du cubisme. »

    A Paris, Juan Gris a pour voisins Max Jacob et aussi Reverdy, devenu un ami intime. Sa correspondance avec Kahnweiler reprend en 1919 : il y fait l’éloge de Reverdy, de Braque ou de Picasso, exprime des réserves sur Seurat ou Léger, s’étonne du succès de Metzinger. Gertrude Stein l’a touché en considérant un de ses tableaux comme le meilleur du Salon.

    Une pleurésie marque le début de ses ennuis de santé. Après une hospitalisation, il s’installe avec sa femme Josette à Bandol – « Quel beau soleil, mais quel pays sinistre ! » La joie de vivre revient : il a appris à danser, ils vont au bal tous les dimanches soir. C’est là-bas que Diaghilev le contacte pour un décor et des costumes de ballet, un travail qui va le fatiguer énormément.

    L’épouse de Kahnweiler lui trouve un petit appartement à Boulogne-sur-Seine, dans la rue où ils habitent. Gris rencontre leurs amis, les habitués du dimanche. Le reste du temps, il ne voit pas grand monde. Josette et lui passent souvent la soirée chez les Kahnweiler. « Cher Jean ! », écrit-il ; c’est ainsi que le peintre préférait qu’on l’appelle, par amour de tout ce qui était français.

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    Juan Gris, Les cerises, 1915, Guggenheim Museum, New York (Collection Thannhauser)

    Juan Gris lisait beaucoup : Gongora, Valle-Inclán, Rubén Darío ; Mallarmé, Reverdy, Radiguet… L’hiver 1925-1926, il s’installe à Toulon où il se plaît et travaille bien. En février, il commence à avoir de la température, des crachements de sang, puis de l’asthme. Il souffrira beaucoup, avant de mourir d’une crise d’urémie le 11 mai 1927, à quarante ans.

    La seconde partie de l’essai explique les principes du cubisme, son évolution, les chemins différents empruntés par les artistes que Kahnweiler a côtoyés de près, l’œuvre de Juan Gris surtout, du cubisme analytique au cubisme synthétique. Les écrits du peintre constituent la dernière partie : notices, réponses, notes sur la peinture. Avec une vingtaine d’œuvres illustrées, l’essai se révèle au total une formidable exploration de l’œuvre d’un peintre que Kahnweiler situe ainsi : « Je vois Gris en face de Picasso comme Raphaël en face de Michel-Ange. »

  • Médecin du foyer

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    La connaissiez-vous ? C’est ce bel exemplaire art nouveau déposé dans le salon intime de Madame à la Villa Empain, qui me l’a fait découvrir.

  • Eclat des années 30

    L’éclat des années 30, c’est le thème de « Flamboyant », l’exposition conçue par Louma Salamé, la directrice de la Villa Empain (construite de 1931 à 1934, mais quasi pas habitée par son propriétaire, Louis Empain). Après la grande guerre se manifeste alors une « soif d’amusement, de distraction et de loisirs » (Guide du visiteur, source des citations). Le sous-titre de l’exposition – « Un art de vivre dans les années trente » – renvoie aussi aux innovations artistiques de ces années-là.

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    Vues partielles du grand salon et de la salle à manger

    On découvre donc la Villa Empain meublée comme pour un collectionneur d’art (imaginaire), avec des objets et des œuvres des années 1920 et 1930. Au rez-de-chaussée, des meubles et du papier peint Art déco ornent les pièces côté jardin. Des peintures de Van de Woestijne et d’Anto Carte sont accrochées dans le grand salon. De l’autre côté, la table de la salle à manger est dressée dans le style de l’époque et au-dessus du buffet, je retrouve ce beau Portrait des enfants Y. Peters par Rodolphe Strebelle (admiré au musée d’Ixelles), près de meules de foin peintes par Spilliaert.

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    Lumière née de la lumière
    de Bang Hai Ja / Franz van Holder, Lumière

    J’ai déjà dit mon coup de cœur pour Lumière née de la lumière, l’œuvre de Bang Hai Ja, à la fenêtre de l’escalier ; cette fois, une grande toile de Franz van Holder, Lumière, y est associée – c’est beau. Il y a beaucoup à voir dans les différentes chambres à l’étage, en commençant par la chambre d’enfant remplie de jouets de l’entre-deux-guerres. Aux murs, Picabia, Strebelle et une gouache de Van de WoestyneLa petite Annonciation ; au sol, un tapis de Miró.

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    Chambre d’enfant / Rodolphe Strebelle, Portrait d'Olivier, s.d.,
    Province du Brabant wallon © Lola Pertsowsky

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    Van de Woestyne, La petite Annonciation

    Le fumoir, tapissé de motifs végétaux stylisés, est transformé en cabinet de curiosités : objets africains, faïences et céramiques… L’intérêt pour les contrées exotiques se manifeste aussi dans une peinture de Van Dongen, Femme debout dans le jardin, « une femme mystérieuse, à la fois parée et voilée, orientale et baudelairienne ».

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    Fumoir L'Oasis / Kees Van Dongen, Femme debout dans le jardin, 1912-13
    Huile sur toile. Private collection, Geneva © Lola Pertsowsky

    A côté de la salle de bain bleue, qui abrite deux vitraux du « Perroquet », un bar à vins qui était situé avenue de la Reine, le bureau restitue bien l’esthétique moderniste qui marque à cette époque le mobilier, l’architecture, avec des plans d’intérieurs et d’extérieurs. Une étonnante affiche du Palais des Beaux-Arts annonce une exposition sur Le bon goût et le mauvais goût (mars 1930). Dans la vitrine-bibliothèque, près d’une grande sculpture de serpent dressé, on peut admirer une collection de gracieux petits nus féminins en ivoire typiques de l’Art déco.

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    Vues partielles du bureau / Bahut d'Oscar Jespers (en haut)

    Au-dessus du lit dans la chambre à coucher, une Composition abstraite de Marthe Donas, qui signait alors Tour Donas, au masculin. La pièce est consacrée à la naissance de l’abstraction en Europe, avec entre autres une huile de Kandinsky, Contact (1924). Dans le boudoir, une coiffeuse basse Art déco au miroir rond invite à s’asseoir entre un beau Batelier d’Anto Carte et une peinture de Gustave De Smet – les artistes belges sont à l’honneur. Deux vitrines renferment de jolis accessoires de dames : minaudières, jumelles, réveil… Je craque pour une petite boîte turquoise d’inspiration japonaise.

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    Chambre à coucher ou Chambre de Monsieur
    Marthe Donas, Composition abstraite, 1920, Huile sur bois
    Private collection, Gent © Lola Pertsowsky

    Le « salon intime de Madame », à l’angle, est souvent la pièce la plus envoûtante des expositions organisées à la Villa Empain. Tendue de rouge et or, éclairée de façon spectaculaire, elle contient deux œuvres très séduisantes : le Matisse au-dessus du canapé, Jeune fille à la Mauresque, robe verte, et un superbe paravent de Max Ingrand, le créateur de la Voie lactée au plafond du rez-de-chaussée : La naissance de Vénus. On y voit aussi une aquarelle où Spilliaert a peint sa chambre – draps blancs, lavis de noir pour les murs. Le dressing n’est pas en reste avec de jolis dessous, robes et chapeaux. « Flamboyant » offre une plongée dans l’ambiance et l’esthétique des années trente, avant que l’Europe ne sombre dans la seconde guerre mondiale.

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    Le salon intime de Madame / Max Ingrand, La naissance de Vénus (paravent, détail)

    La visite se prolonge au sous-sol avec Heliopolis. La ville du soleil, une seconde exposition. « Des liens historiques étroits lient la Villa Empain / Fondation Boghossian de Bruxelles à la « Villa hindoue », aussi appelée « The Hindou Palace » ou « Qasr al Baron » d’Héliopolis en Égypte. La première a été une demeure de Louis Empain (1908-1976) ; la seconde avait été voulue par son père, Édouard Empain (1852-1929), entrepreneur belge hors du commun, dans la ville qu’il a contribué à créer dans le désert au nord-est du Caire. » (Catalogue)

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    Couverture du catalogue (à télécharger en ligne

    Cette exposition très intéressante (photographies interdites) présente l’histoire du site égyptien depuis l’Antiquité jusqu’à la création de la Nouvelle Héliopolis au début du XXe siècle : plans, objets, photographies, sculptures, documents divers évoquent la cosmogonie du dieu solaire, la fuite de la Sainte Famille en Egypte, ainsi que « l’Héliopolis du baron Empain et du pacha Boghos Nubar », une incroyable affaire immobilière qui a vu naître dans le désert une nouvelle ville Art déco destinée aux habitants du Caire à la recherche de plus de confort et d’espace. Les deux expositions seront visibles à la Villa Empain jusqu’au mois d’août.

  • Devant la glace

    chefs-d'oeuvre du guggenheim,de manet à picasso,la collection thannhauser,exposition,aix-en-provence,hôtel de caumont,peinture,art moderne,cultureScène intime. Une femme tire sur le lacet de son corset devant un miroir. Sur le site du musée Guggenheim de Bilbao, je lis ceci : « Manet fut l’un des artistes à aborder la mode de l’époque, mais il décrivait aussi avec audace l’espace privé. Son modèle, à moitié habillée dont on voit la peau, est une représentation qui subvertit le nu classique. »

    Ce serait le portrait d’une prostituée, d’une facture beaucoup plus libre que celui de Nana, dont on le rapproche. Femme à sa toilette de Berthe Morisot pourrait y répondre : on y voit une femme devant un miroir, la main dans les cheveux – pour se coiffer ou défaire sa coiffure avant de se déshabiller ?

    Femme au miroir : un beau thème pour traverser l’histoire de la peinture et de la représentation féminine, vous ne trouvez pas ?

    Manet, Devant la glace, 1876
    (Solomon R. Guggenheim museum, New York, Thannhauser Collection)

  • Collection Thannhauser

    A Aix-en-Provence, l’Hôtel de Caumont présente une belle exposition : « Chefs-d’œuvre du Guggenheim. De Manet à Picasso, la collection Thannhauser ». Dès l’ouverture de sa Moderne Galerie à Munich en 1909, Heinrich Thannhauser a pris l’option de « l’audace artistique » en montrant « de nouveaux talents et des artistes expérimentaux » (les citations sont extraites du catalogue). Son fils Justin, son successeur, a fait une donation importante de 75 tableaux de sa collection au musée Guggenheim en 1963, après avoir perdu ses deux fils puis sa femme. Ainsi, selon lui, « l’œuvre de [sa] vie trouvait enfin son sens. »

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    Seurat, Paysanne assise dans l’herbe, 1883 (Solomon R. Guggenheim museum, New York)

    Dès l’entrée de l’exposition, j’ai été touchée par les trois toiles lumineuses et paisibles de Seurat : Paysanne assise dans l’herbe, Paysannes au travail, Paysan à la houe. Encore sous influence impressionniste en 1882-1883, il peint déjà par petites touches de couleurs complémentaires (vert, bleu, jaune). Leur atmosphère contraste avec un portrait de Cézanne, Homme aux bras croisés, mis à l’honneur dans sa ville.

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    Cézanne, Bibémus, vers 1894-1895 (Solomon R. Guggenheim museum, New York, Thannhauser Collection)

    Les peintures suivantes, de Manet et de Renoir, sont antérieures ; de grands peintres se côtoient ici avec bonheur. Des paysages de Cézanne retrouvent leur région natale, comme Bibémus, affiche de l’exposition, accompagnés de natures mortes aux fruits et objets mis en valeur sur une nappe blanche. Celles-ci font l’objet d’une intéressante analyse dans le catalogue, « Le pouvoir d’étonner » par Sasha Kalter-Wasserman.

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    Va, Gogh, Montagnes à Saint-Rémy, 1889 (Solomon R. Guggenheim museum, New York, Thannhauser Collection)

    Van Gogh est bien représenté avec trois toiles : Le Viaduc (Asnières, 1887), Paysage enneigé (Arles, 1888) et surtout Montagnes à Saint-Rémy (1889). Sur trois ans, quelle évolution ! Après avoir quitté Paris pour Arles en février 1888, ses couleurs changent, sa palette devient « nettement plus colorée », comme il l’écrit à son frère Théo. L’année suivante, à la suite de plusieurs crises, Vincent trouve refuge à l’asile de Saint-Rémy-de-Provence et y peint des paysages tourbillonnants. Il faut s’attarder devant ces montagnes mouvementées, ces arbres et cette maison à leur pied, ces fleurs au bord du chemin – comment ne pas s’émouvoir ? Un beau Gauguin est accroché non loin, Haere Mai.

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    De nombreuses photographies en noir et blanc sont présentées tout au long du parcours, on y voit les membres de la famille Thannhauser et des documents, des vues d’expositions où figuraient les artistes exposés. Certaines photos en grand format donnent l’impression de côtoyer les visiteurs d’alors, la scénographie est soignée. On en trouve plus encore dans le catalogue, pour un tiers consacré à l’histoire du galeriste et de la collection. Dans une vitrine, près de trois petites danseuses de Degas en bronze, j’ai aimé cette petite sculpture de Maillol, Femme au crabe.

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    Maillol, La Femme au crabe, vers 1902-1905 (Solomon R. Guggenheim museum, New York, Thannhauser Collection)

    Un portrait de Mistinguett par Picabia, des Picasso du début –Justin K. Thannhauser a été en relation étroite avec l’artiste espagnol, dont trente œuvres ont été léguées au Guggenheim – font la transition vers la seconde partie de l’exposition à l’étage supérieur. Coup de cœur pour La montagne bleue de Kandinsky, un festival de couleurs dans ce paysage et les tenues des cavaliers ! L’énorme Vache jaune de Franz Marc explose aussi de vitalité, en contraste avec une belle toile de Robert Delaunay, La Ville, aux petites touches rouges, bleues, turquoises, entre les gris et les beiges de ce beau paysage urbain.

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    Kandinsky, La montagne bleue (détail), 1908-1909 (Solomon R. Guggenheim museum, New York)

    Sans pouvoir ni vouloir tout énumérer, je vous signale les très amusants Joueurs de football d’Henri Rousseau qui lancent un ballon ovale, des joueurs de rugby en fait. Place au cubisme ensuite, avec de beaux Juan Gris comme Les Cerises. De Braque, je ne connaissais pas ce goût des couleurs chaudes révélé dans Théière sur fond jaune, une peinture plus tardive.

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    Picasso, Femme aux cheveux jaunes, 1931(Solomon R. Guggenheim museum, New York, Thannhauser Collection)

    Le parcours se termine avec une belle série de Picasso, notamment une toile malicieuse offerte à Justin et à sa femme pour leur mariage, Le Homard et le Chat. Femme aux cheveux jaunes est un merveilleux portrait de Marie-Thérèse, d’une grande douceur. Cette cinquantaine de Chefs-d’œuvre du Guggenheim ont quitté pour la première fois le musée Guggenheim de New-York. Après Bilbao et avant Milan, ils sont exposés à Aix-en-Provence jusqu’au 29 septembre.