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confrontation

  • Postérité

    Dali Magritte (93).jpg« La postérité a donné raison à Magritte même si de leur vivant, Dalí fut la star jusqu’à New York alors que la reconnaissance de Magritte n’arriva que très tard. Mais Dali n’a pas eu de suivants en art, alors que Magritte reste très contemporain. Toute sa vie, il a peint la pensée et le mystère. Son interrogation sur la dissociation entre le mot et la chose, entre l’image et la réalité, entre nos sens et le monde reste d’une stupéfiante modernité. C’est d’ailleurs ce Magritte-là, conceptuel, qui séduisit après-guerre, les grands peintres américains comme Jasper Johns, Warhol, Rauschenberg qui achetèrent Magritte. Aux Etats-Unis, il est d’abord un conceptuel dans la continuité de la peinture comme « cosa mentale » disait Léonard de Vinci. »

    Guy Duplat, Magritte et Dali : le choc de deux icônes à Bruxelles, La Libre Belgique, 10/10/2019.

    Exposition Dalí & Magritte, Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, Bruxelles > 9/2/2020

    © Magritte, Le beau langage, 1952 (Collection privée)

     

  • Dalí & Magritte

    « A l’occasion des dix ans du Musée Magritte, les Musées royaux des Beaux-Arts ont réuni une centaine d’œuvres qui invitent à la fois à voyager dans l’univers de Salvador Dalí et à creuser le dialogue avec le travail de René Magritte. L’un et l’autre ancrent le surréalisme dans une recherche fondée sur l’exploration de la représentation mimétique. » (Michel Draguet)

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    Entrée des Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique (au bout de la rue, le Palais de Justice)

    Ainsi s’exprime le conservateur des MRBAB dans le Guide du visiteur disponible à l’entrée de l’exposition Dalí & Magritte. Cette brochure d’une trentaine de pages (à télécharger) reprend toutes les étapes du parcours bien conçu autour de points de rapprochement ou d’opposition entre les deux peintres : « œil & avant-garde, portraits & choses, dedans & au-delà… »

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     © Dalí /  © Magritte, Le conquérant, 1926 (Leslee & David Rogath)

    A l’entrée, La lunette d’approche de Magritte (1898-1967) introduit avec humour au brouillage logique des surréalistes. Une ligne du temps relate les relations entre Magritte et Dalí : en 1925, Magritte peint à Bruxelles ses premières œuvres surréalistes et Dalí (1904-1989) a sa première exposition personnelle à Barcelone. Ils se rencontrent à Paris en 1929. Invité à Cadaquès, Magritte y peint Le Temps menaçant : il faut entrer dans le cube où une projection s’en inspire, à 360°. En plus du mouvement des nuages dans le ciel, on y verra lentement apparaître puis disparaître les motifs du tableau (resté en Ecosse).

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    Expérience immersive 360° à partir du Temps menaçant de Magritte

    Chez les deux peintres, l’œil joue un rôle central ; l’un et l’autre sont attachés au rendu réaliste des figures reconnaissables dans leurs toiles, bien que celles-ci ne visent pas à la représentation pure et simple. Magritte cherche à rendre les idées visibles, Dalí peint avec réalisme des visions fantasques. Ses premières toiles comme le Portrait de Maria Carbona révèlent une technique formidable, on verra plus loin un ravissant petit portrait de Gala (1932).

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    © Dalí, Portrait de Maria Carbona, 1925 (Musée des Beaux-Arts de Montréal)

    Dalí cherche à séduire ; Magritte ne cherche pas à plaire et opte pour l’artifice afin de susciter, par un sentiment d’étrangeté, l’interrogation sur les images. De nombreuses œuvres exposées viennent de musées étrangers (américains surtout) et de collections particulières. On connaît bien La magie noire (1945) du Musée Magritte, où le corps d’une femme (Georgette M.) bleuit au-dessus de la taille sur fond d’azur et de nuages, on s’amuse à la comparer avec La magie noire (1934) d’une collection privée, un autre nu avec une colombe sur l’épaule.

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    © Magritte, La magie noire, 1934 (Collection privée)

    Le motif du feu, qui apparaît déjà en 1925 dans une toile de Magritte où une maison brûle (tableau dans le tableau Nocturne), est particulièrement spectaculaire dans La découverte du feu, un tuba enflammé qu’on pourrait associer à la crinière en feu d’une tête de cheval (en réalité il fondrait). Dalí, en pleine guerre d’Espagne, s’en est-il inspiré pour ses girafes en feu qui éclairent un dîner dans le désert (dessin au fusain de 1937) ? La girafe apparaît aussi chez Magritte, qui lui fait prendre un bain de cristal (gouache de 1946).

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    © Dalí, Dîner dans le désert éclairé par les girafes en feu, 1937, fusain sur papier
    (Dalí Museum, St Petersburg, Floride, USA)

    Quand l’heure sonnera, ou la rencontre d’une statue et d’une montgolfière, a trouvé place dans une salle sur les « détournements et célébrations ». Les deux surréalistes ont transformé  une petite Vénus de Milo : Magritte lui donne des couleurs, Dalí y ouvre des tiroirs ! Tous deux, comme Arp ou Max Ernst, utilisent des formes biomorphes (Magritte, Le sang du monde) ou molles. Par exemple dans les paysages imaginaires de Dalí : La mémoire de la femme-enfant, L’énigme du désir ou Ma mère, ma mère, ma mère. Dans Les idées de l’acrobate, Magritte relie différentes contorsions avec un fusil et un tuba.

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    © Magritte, Le sang du monde, 1927 (Collection privée)

    Tout un mur pour le Couple aux têtes pleines de nuages de Dalí : les panneaux reprennent en silhouette les formes du couple dans L’Angélus de Millet, tableau culte de Dalí. La tête de la femme, à gauche de l’homme, s’incline vers lui. Les paysages désertiques avec une table à l’avant-plan sont typiques du peintre espagnol, avec une précision incroyable dans les détails de l’arrière-plan. Il partage avec Magritte le goût de peindre des nuages dans un ciel bleu, de jouer sur intériorité et extériorité, entre autres.

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    © Dalí, Couple aux têtes pleines de nuages, 1936
    (Museum Boijmans Van Beuningen, Rotterdam)

    L’exposition se termine sur des toiles tardives, comme ce Magritte représentant deux jeunes filles qui se promènent en ville, l’une habillée, l’autre nue. A la fin de leur vie, les deux peintres étaient sollicités pour des portraits. Une photographe professionnelle capturait les détails du fascinant portrait d’Enid Haldorn. Dalí a aussi peint Mme Isabel Styler-Tas (Mélancolie), une composition inspirée par Piero della Francesca : l’étonnante combinaison de formes humaines, minérales et végétales y est assez fascinante.

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    Affiche à l'entrée de l'exposition (au-dessus de la Diane d'Ossip Zadkine, 1937)

    « Flirts surréalistes », titre L’Echo. Bien plus passionnante que je ne l’imaginais, l’exposition Dalí & Magritte réussit à associer ces deux « monstres sacrés » de manière convaincante. Le parcours bien balisé et le petit Guide aident les visiteurs (nombreux) à regarder et à comparer leurs oeuvres. A voir aux Musées royaux des Beaux-Arts jusqu’au 9 février 2020.