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Exposition - Page 39

  • Avant-Garde à Bozar

    5 octobre. Je traverse le Hall du Palais des Beaux-Arts en plein chantier : on prépare de nouvelles expositions et une réception pour le soir même, il faut se frayer un chemin à travers le remue-ménage pour accéder à l’exposition en cours : « The Power of the Avant-Garde. Now and Then ». Bozar se rénove : on achète désormais son billet d’entrée en face, de l’autre côté de la rue Ravenstein, et les anciennes vitrines du Palais à front de rue abritent un nouveau café-brasserie.

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    L’avant-garde, laquelle ? N’est-ce pas une notion périssable ? Le Guide du visiteur (compris dans l’entrée) parle de « rupture avec des traditions artistiques obsolètes », du « passage à une nouvelle compréhension de l’art ». Les artistes sont de « véritables sismographes » du monde qui les entoure, ils captent les bouleversements de la société et, sans cesse, innovent. L’exposition propose environ 120 œuvres qui témoignent « de la modernité artistique jusqu’à l’époque contemporaine ».

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    Rodin, Main droite crispée, 1885 / Ensor, Le salon bourgeois, 1881

    Dans la salle d’angle où elle débute, des techniciens s’affairaient pour réparer l’installation du Ventilateur d’Olafur Eliasson, un « ready-made » dont l’oscillation posait apparemment problème. Trop de bruit, entrons dans le parcours : Une Main droite crispée de Rodin près du Salon bourgeois de James Ensor illustre une tension encore plus perceptible au début du XXe siècle, quand la structure bourgeoise « commence à vaciller ». D’Ensor, qui n’était pas tendre avec les juges, à Laissés et accrochés de Marcel Odenbach, juste un espace ou plutôt un siècle : au bas des robes de magistrats accrochées à un portant métallique coulent des traînées d’encre rouge. Plus loin, un portrait de femme peint par Edvard Munch, près de ses lithographies pour l’album Alpha et Oméga, fable ironique et cruelle sur Adam et Eve.

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    Gino Severini, La danse de l’ours au Moulin Rouge, 1913,
    photo Centre Pompidou, MNAM-CCI, Philippe Migeat, © ADAGP

    Le parcours montre les mouvements d’avant-garde qui se succèdent en Occident au début du XXe siècle – Die Brücke et Le Cavalier Bleu, le Futurisme italien et l’Avant-Garde russe, le cubisme, le constructivisme, l’Avant-Garde belge, le cinéma comme nouvelle technique où s’incarne la modernité… – une grande variété d’œuvres. Et tout au long de ce va-et-vient entre cette époque et la nôtre, des « tandems » où des artistes contemporains dialoguent avec ces avant-gardes « historiques ». Peintures, sculptures, photographies, films, installations : la rupture avec l’art du passé mène à la recherche de nouvelles solutions formelles.

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    Gabriele Münter, Masque noir dans un environnement rose, ca. 1912

    Pour vous en donner un aperçu, focus sur quelques œuvres. Masque noir dans un environnement rose de Gabriele Münter : ce masque, visage d’homme noir, fait surgir la vie au milieu de la nature morte. Contraste maximum avec le blanc des yeux, des sourcils, des étoffes et des fleurs. Cette belle toile voisine avec deux œuvres d’August Macke, Figures colorées I et La cathédrale de Fribourg en Suisse : elles montrent le peintre en recherche de formes, de couleurs, de compositions nouvelles. Canal en hiver de Heckel, en bleu et noir, annonce l’abstraction.

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    August Macke, La cathédrale de Fribourg en Suisse, 1914 / Formes colorées I, 1914

    Les dialogues en « tandem » réclament souvent une explication qui me laisse parfois perplexe, et c’est inévitable, à lire ce commentaire de Baldessari (sur son oeuvre Téléphone (pour Kafka) et Odradek de Jeff Wall) : « Le but de l’art est de nous maintenir en perpétuel déséquilibre ». Il est plus facile de voir le lien entre un pastel de Spilliaert, Jeune fille et chien, et le jeune Rêveur à Tokyo de Koen Vermeule (ci-dessous), deux instants de solitude, que la raison qui les juxtapose avec une série de quatre photos identiques de Louise Lawler, Femme avec Picasso. Idem plus loin pour le rapport entre un Mondrian et Quatre personnes debout, une image projetée de David Claerbout.

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    © Koen Vermeule, Rêveur à Tokyo, 2010

    Place à la sculpture avec une monumentale Marionnette rouge en acier de Bogomir Ecker, « symbole de l’aliénation », érigée au milieu de la salle 7 où l’on découvre aussi un buste en bronze doré de Baudelaire par Duchamp-Villon, un Masque (masculin) d’Otto Freundlich (ci-dessous), une Sculpture abstraite (3) de Katarzyna Kobro, réplique d’une œuvre disparue lors de la seconde guerre mondiale et « reconstituée sur base de matériaux iconographiques ».

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    Otto Freundlich, Masque (masculin), 1911

    Il manque une banquette pour regarder le film de Marijke van Warmerdam Fast Forward, la longue glissade d’une valise rouge sur la neige dans un décor alpin – et à l’opposé, Nanouk l’Esquimau de Robert Flaherty, un extrait de trois minutes de son film de 1922 sur les Inuits. L’Avant-Garde belge, plus discrète et plus tardive, séduit ici avec une Tête cubiste de Marthe Donas, La Toilette animée de Prosper De Troyer, Frieda d’Oscar Jespers.

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    Marthe Donas, Tête Cubiste, 1917 © Cedric Verhelst
    (Autres illustrations : Mu in the City et le site de Bozar)

    Quelques installations et films plus loin – je vous renvoie au Guide du visiteur qui détaille la succession des salles et des œuvres marquantes –, on retrouve des peintres explorateurs des formes et des couleurs : Egon Schiele avec une impressionnante Ville morte, Fernand Léger, Robert Delaunay... Dans la dernière salle, de belles œuvres de Feininger en lien avec le Bauhaus.

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    Egon Schiele, Ville morte, 1912

    Vous vous en êtes rendu compte, l’exposition sur Le pouvoir de l’Avant-Garde, maintenant et alors (jusqu’au 22 janvier 2017, puis au Musée National de Cracovie), une des « dix expositions incontournables de l’automne » selon Guy Duplat dans La Libre, emmène ses visiteurs dans toutes les directions, intrigue, déroute. Quelle diversité ! La qualité des œuvres et des artistes exposés compense l’absence de contexte, les éclaircissements du petit guide m’ont paru indispensables. Quels artistes, dans un siècle, illustreront à leur tour pour la postérité l’avant-garde de notre temps ?

  • Représentation

    « La plupart du temps, l’artiste utilise des images qu’il a réalisées lui-même. Il exécute des mises en scène photographiques en mettant à contribution ses amis, sa famille, ou des anonymes qui acceptent de poser pour lui. Le peintre est donc également photographe et metteur en scène, gérant accessoires, éclairage, position des acteurs. Il sait évidemment, au moment de la prise de vue, que les images ne resteront pas des photographies, qu’il les utilisera comme points de départ pour sa peinture. Son regard de peintre se mêle à son regard de photographe, afin de former des photographies-futures-peintures. Franz Gertsch transfère ensuite l’image photographique en peinture, comme un traducteur ferait basculer un texte d’une langue à l’autre.

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    Franz Gertsch, Irene VIII, 1981- Private Collection
    Franz Gertsch Courtesy by Institute for Cultural Exchange, Tübingen, Germany, 2016

    Une fois les images choisies, Gertsch en tire des diapositives qu’il projette en très grand format sur une immense toile blanche. Traitant la surface zone après zone, l’artiste s’affaire à en peindre consciencieusement chaque centimètre carré. Il reste au plus près de la toile, les yeux accrochés aux minuscules détails qu’il réalise. Ce travail titanesque est qualifié de « chorégraphie » par la femme de l’artiste, qui a réalisé une vidéo permettant de saisir l’ascèse à laquelle il se soumet pour exécuter cette re-représentation, cette représentation puissance 2. (…) Franz Gertsch a mis au point ce mode opératoire au fil des années. Chaque geste est maîtrisé, la peinture est posée mécaniquement sur la toile : aucune variation n’intervient, aucun repentir n’est possible. Le geste de l’artiste est sûr, entraîné. La soumission à l’image est complète. »

    Hélène Carbonell, Franz Gertsch. Le peintre du présent (Document pédagogique, Toulouse, Les abattoirs, 2014)

    PHOTOREALISM. 50 years of Hyperrealistic Painting, Musée d'Ixelles, 30.06 > 25.09.2016

  • Les expos d'Ixelles

    « PHOTOREALISM. 50 Years of Hyperrealistic Painting » : la grande exposition d’été au musée d’Ixelles présente trois générations de peintres américains pour la plupart, des années 1960 à 2010. Leur défi ? Peindre de façon aussi réaliste qu’une photographie la société de consommation pour la célébrer – ou en dénoncer les excès ? Je vous parlerai ensuite de l’exposition bis, « Rien ne va plus ! Tableaux d’une exposition », une installation très originale de Juan d’Oultremont.

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    Des voitures et des motos, des carrosseries, des chromes, des jouets, des bars, des restaurants, des maisons, des intérieurs, des portraits, des nus… Dans le sillage du Pop-Art, les hyperréalistes dépeignent et critiquent l’« american way of life ». Je vous renvoie au site du musée pour la description de ce courant pictural qui opte pour une vision « documentaliste » du monde. A distance aussi bien de l’abstraction que de la subjectivité, ces peintres partent de photographies qu’ils transposent sur la toile en grand format.

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     Tjalf Sparnaay, Fried Egg, 2015 © Private Collection of Tjalf Sparnaay

    La froideur des images qui en résultent est plutôt déconcertante, mais au fur et à mesure qu’on les découvre – certaines sont époustouflantes comme cet œuf sur le plat du Hollandais Tjalf Sparnaay –, on regarde, on s’étonne et on se pose plein de questions sur la démarche de ces peintres. En plus de l’aspect technique, au résultat forcément spectaculaire, le choix des sujets, le cadrage, la disposition des objets révèlent des orientations diverses et on finit par deviner parfois, d’une toile à l’autre, qu’il s’agit de la même signature.

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    Ben Schonzeit, Poivrons (Source)

    Remington#5 de Robert Cottingham montre une prédilection pour la typographie qui se confirme quand on google son nom à la recherche d’images. Ici la machine à écrire est coupée par le bord de la toile, manière de casser l’illusion. On trouve des natures mortes tout au long du parcours, comme ces Poivrons jaunes et rouges de Ben Schonzeit qui a souvent peint des légumes et des aliments. Audrey Flack rassemble des objets pour créer des « vanités » contemporaines.

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    Tom Blackwell, Sequined Mannequin, 1985, Collection of Susan P. and Louis K. Meisel, New York
    © Tom Blackwell, Courtesy by Institute for Cultural Exchange, Tübingen, Germany, 2016

    Il s’agit donc bien de peinture et je l’ai perçu davantage devant un arrière-plan flou, des jeux de reflets dans une vitrine de magasin, des ombres, un visage sans contour… Les vues urbaines et les paysages sont particulièrement troublants de réalisme, mais quand nous regardons autour de nous en nous promenant, et même à l’intérieur, voyons-nous aussi net que sur ces peintures ? Ou le regard sélectionne-t-il toujours un point d’appui, laissant le reste dans le vague ?

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    Anthony Brunelli, Main Street, 1994, Courtesy of Louis K. Meisel Gallery, N.Y., image
    © Anthony Brunelli photo, Institut für Kulturaustausch, Tübingen, Germany, 2016.

    La lumière se joue des choses, elle est bien sûr à l’œuvre sur ces toiles, particulièrement dans les représentations d’objets en verre (qui m’ont fait penser à Ken Orton, bien qu’il ne soit pas exposé ici). Les peintures de Richard Estes montrent les métamorphoses dues à la réflexion.

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    © Richard Estes, Car Reflections, 1969 (Private Collection)

    Bref, le photoréalisme, tout compte fait, donne beaucoup plus à voir que les choses mêmes ! « I’m not duplicating life, I’m making a statement about human values » déclarait le sculpteur hyperréaliste Duane Hanson, exposé ici en 2014.

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    Juan d'Oultremont, Dresser le tableau, 2016
    © 
    Juan dOultremont photo Cissiste international

    « RIEN NE VA PLUS ! Pictures at an exhibition. Juan d’Oultremont » : il vous faut traverser les collections permanentes – leur nouvelle présentation est très belle – pour visiter la deuxième exposition d’été au musée d’Ixelles. J’ai eu la chance de la découvrir en compagnie de Juan d’Oultremont, un artiste bruxellois qui aime surprendre et qui le fait bien, fondateur du mouvement Cissiste International 

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    Palette de nettoyage 2013 atelier Francis Alys © photo Juan d'Oultremont - Cissiste International

    Au départ, une pochette 33 tours des Tableaux d’une exposition de Moussorgski décorée d’une palette. 63 artistes belges et étrangers à qui il en a envoyé un exemplaire ont accepté d’utiliser cette pochette comme leur propre palette et ces 63 palettes contemporaines forment une des pistes du grand jeu musical et pictural auquel nous sommes invités ici : les connaisseurs reconnaîtront peut-être tel ou tel peintre avant de chercher à quel nom correspond le numéro sur la liste (elle-même présentée sur une pochette à prendre à l’entrée du parcours). Michaël Borremans a couvert presque toute la surface de tons bruns, Annick Leizin y a formé des bulles de couleurs diverses, d’autres se sont limités aux contours de la palette initiale ou ont carrément tout recouvert.

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    Palette Annick Lizein ©  photo Juan d'Oultremont - Cissiste International

    A côté de ces variations sur un même thème, des toiles – surprenante Charlotte Beaudry –, quelques sculptures, et même une voiture peinte par un système de car-wash reconverti ! Sur des tables, Juan d’Oultremont a disposé par « familles » une collection de 250 pochettes, autant de versions discographiques différentes des Tableaux d’une exposition. (Lui-même a dessiné des pochettes pour certains chanteurs, comme vous pouvez vous en rendre compte sur le site de cet artiste pluridisciplinaire.)

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    Palette Stephan Balleux © photo Juan d'Oultremont - Cissiste International

    Les diverses façons dont le titre suggestif de Moussorgski a été illustré sur les pochettes de disques reflètent une évolution visuelle, des choix d’illustrateurs : déambulation dans une salle d’exposition, portraits d’interprètes, paysages, graphismes attendus ou inattendus. J’ai pensé d’abord à chercher Ekaterina Novistkaya qui avait gagné en 1968, le Reine Elisabeth de piano en jouant Moussorgski à seize ans – elle m’avait épatée – et je l’ai trouvée ! Une bande-son accompagne évidemment cette installation pleine de fantaisie. « L’art est-il un jeu ? » titrait déjà Juan d’Oultremont en 2002.

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    Catalogue Rien ne va plus Tableaux d'une exposition Juan d'Oultremont

    J’ai malheureusement oublié de me procurer le catalogue original de « Rien ne va plus ! » au format livre de poche, qui m’aurait permis de vous en dire davantage, mais au fond, c’est aussi bien : allez-y, le musée d’Ixelles vous invite à ces deux expositions jusqu’au 25 septembre. Et en prime, celle d’Oriol Vilanova, lauréat Art’Contest 2015 (dont je ne vous dis rien, ne l’ayant pas vue).

  • Umbra / Vertige

    Pour la première fois, je suis allée jusqu’au monument érigé au bout de la plage d’Ostende et de la promenade Roi Baudouin, à la limite de Mariakerke.

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    Umbra, un bronze de 2002 signé Herlinde Seynaeve, est un hommage à Léon Spilliaert.

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    Posé sur des gradins circulaires, il s’inspire de son fameux Vertige (1908) où une femme en noir, son long foulard flottant sous le vent, affronte le vide du haut d’un escalier monumental.

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    A l’arrière-plan, les galeries royales et l’Hôtel Thermae Palace d’Ostende

     

  • Spilliaert à Ostende

    Depuis longtemps, j’ai envie de vous parler de Spilliaert, un peintre belge pour qui j’ai une admiration particulière. Vendredi premier juillet : pas encore la foule à Ostende, nuages et pluie assombrissent le début de l’été. Un bon jour pour découvrir la nouvelle aile du Mu.ZEE consacrée à « Deux grands maîtres ostendais : Ensor et Spilliaert » puis Het Spilliaert Huis (La Maison Spilliaert), ouvertes depuis mai 2016.

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    Cabines de bain sur la plage d'Ostende

    « Ensor et Spilliaert ont beau être ‘le jour et la nuit’, leur œuvre témoigne de la même fascination pour la lumière d’Ostende, le rythme de la mer, les pêcheurs et la vie sur la plage. » (Brochure du Mu.ZEE) James Ensor (1860-1949) et Léon Spilliaert (1881-1946) y sont nés, y ont vécu, y ont peint. Tous deux étaient fils de commerçants : on peut encore visiter la Maison Ensor où sa mère vendait coquillages, masques et objets exotiques ; en revanche, la Grande parfumerie Spilliaert n’existe plus – sa devanture annonçait « Fleurs des Flandres », « Brise d’Ostende », des parfums fabriqués par le père de Spilliaert.

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    http://www.visitoostende.be/fr/het-parfum-van-oostende

    Deux grandes photos à l’entrée des nouvelles salles du « Musée d’art-sur-mer » au rez-de-chaussée montrent l’une, Ensor contemplant la plage noire de monde de la terrasse du Kursaal (casino) en 1926 et l’autre, Spilliaert en compagnie d’Oscar Jespers, également sur le balcon du casino (ils y ont exposé ensemble en 1925) devant la plage et ses cabines de bains. On verra de nombreuses photos des peintres, des affiches, des livres, des lettres qui les montrent en relation avec d’autres artistes et amis, des écrivains, des galeristes... Une lettre d’Ensor à Eugène Demolder, juge de paix, montre leur amitié – comparée à celle de Don Quichotte et Sancho Panza. Celui-ci a écrit la première biographie d’Ensor en 1882.

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    http://www.muzee.be/fr

    Le parcours présente leurs liens avec la ville et leurs points communs : Ensor peint Ostende encore provinciale, la ville de pêcheurs que le roi Léopold Ier va choisir comme villégiature et transformer en ville mondaine ; l’insomniaque Spilliaert, de vingt ans son cadet, peint les galeries royales (édifiées sous Léopold II au début du XXe siècle, aujourd’hui décrépites), la plage, la mer au clair de lune, les rues désertes, des silhouettes solitaires.

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    Ensor, Les toits d'Ostende, 1901 (Mu.ZEE, Ostende) © SABAM BELGIUM 2016

    Ensor n’a pas quinze ans quand il peint une toute petite toile lumineuse que je connaissais pas, Couple de pêcheurs. Après l’orage (1880) montre sa fascination pour les nuances du ciel, on y voit déjà sa palette de tons nacrés qui feront merveille sur de nombreuses toiles. Une composition de coquillages du magasin Ensor est présentée près de la grande tapisserie de la fameuse Entrée du Christ à Bruxelles en 1889 – la toile originale est au Getty Museum de Los Angeles. Elle a été réalisée en 2010, grâce à un mécène, sur un projet de tapisserie colorié par Ensor lui-même. Des écouteurs permettent de l’entendre discourir, déclamer, et commenter la composition de cette toile, qu’il met en rapport avec le montage de coquillages.

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    Ensor, Autoportrait au chapeau fleuri, 1883 (Mu.ZEE, Ostende) © SABAM BELGIUM 2016

    Ensor s’est moins souvent représenté que Spilliaert. Son célèbre Autoportrait au chapeau fleuri a été peint d’abord sans chapeau, ajouté quelques années plus tard ainsi que des traits bleus au-dessus de sa moustache, une façon géniale d’instiller fantaisie et humour dans ce chef-d’œuvre. Un petit autoportrait plus tardif du Baron Ensor avec son diable et son blason affiche la devise : « Pro luce nobilis sum ».

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    Un chat dans les dunes, extrait des Images d'Ostende de Henri Storck

    Un autre Ostendais célèbre a rencontré Ensor et Spilliaert : le cinéaste Henri Storck, dont on peut regarder « Images d’Ostende », premier film centré sur l’eau, l’écume, les ancres, le vent, les reflets, les dunes, souvent des gros plans, des vues en plongée, et d’autres films sur la vie à Ostende, les passants, la plage, des documents précieux.

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    Spilliaert, Le hibou (collection particulière)

    Anne Adriaens-Pannier, spécialiste de Spilliaert, avait donné pour titre au catalogue de la rétrospective bruxelloise en 2006, « Léon Spilliaert, un esprit libre ». Passionné de littérature et de philosophie, Spilliaert reçoit sa première boite de pastels à Paris en 1900 (elle est exposée), où il visite avec son père l’Exposition Universelle. Il travaille d’abord comme illustrateur pour l’éditeur Deman et entre ainsi en contact avec Maeterlinck (Serres chaudes) et Verhaeren qui l’introduit dans les cercles parisiens. Verhaeren et Zweig ont été parmi les premiers à lui acheter des œuvres.

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    Spilliaert, La digue d'Ostende vue depuis l'estacade, vers 1910  (La Libre Culture) © SABAM BELGIUM 2016

    Léon Spilliaert souffrait de maux d’estomac et d’insomnie, il a longtemps vécu chez ses parents à Ostende où il se promenait le soir, noctambule solitaire attentif aux lumières crépusculaires et nocturnes. Ses nombreux autoportraits où le noir et le blanc dominent révèlent une personnalité inquiète, introspective, d’une part, et aussi sa fascination pour les objets, les plantes, les miroirs, les éclairages, les ombres. Peintre symboliste, il annonce l’expressionnisme.

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    © Spilliaert, Le nuage, 1902 © SABAM BELGIUM 2016

    Ensor et Spilliaert n’avaient pas vraiment de sympathie l’un pour l’autre. Spilliaert a des amis poètes – son mariage en 1916 avec Rachel Vergison est endeuillé par la mort accidentelle de Verhaeren. Le couple s’installe à Bruxelles, où leur fille Madeleine naît l’année suivante. L’œuvre de Spilliaert devient plus sereine. Quand il revient à Ostende à la demande de sa mère, en 1922, ses rapports avec Ensor s’améliorent. Il est à présent reconnu, exposé, des collectionneurs français achètent ses œuvres. 

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    Spilliaert, Femme au bord de l’eau © SABAM BELGIUM 2016

    Comme Ensor, il peint la vie des pêcheurs, leurs femmes, les quais, et aussi des promeneurs, des baigneuses. Et toujours des marines, dans de magnifiques couleurs où le ciel et l’eau se confondent. Ses diagonales ouvrent l’espace de la toile jusqu’à l’infini. Le dessin de Spilliaert est très graphique, il a le sens de la ligne, du cadrage. Sa technique est très variée : encre de Chine, lavis, pastel, gouache, crayons de couleur, aquarelle, huile…

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    Het Spilliaert Huis (ce n’est ni sa maison, ni un musée) tout au bout des galeries royales (entrée par le 7, Koningin Astridlaan), propose depuis deux mois une très belle sélection (par Anne Adriaens-Pannier) de 32 œuvres issues de collections privées. A ne pas manquer si vous allez à Ostende : l’exposition est ouverte tous les jours pendant les vacances scolaires. Vous y verrez aussi la passion plus tardive de Spilliaert pour les arbres, leurs troncs, leurs branches entrelacées. Vous m’en direz des nouvelles.