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Culture - Page 167

  • Une anti-héroïne

    La chance de leur vie d’Agnès Desarthe est un roman aux personnages étranges. Dès le début, pendant le vol qui emmène Hector et Sylvie avec leur fils Lester aux Etats-Unis, où Hector a été engagé comme professeur d’université pour un an, d’où le titre, le garçon de quatorze ans pense à leur mort possible et s’exerce à la sérénité. A l’hôtesse qui s’excuse d’avoir renversé de l’eau sur lui et s’enquiert de son nom, il répond « Absalom Absalom ». Hector, plongé dans un journal, n’a rien entendu. Sylvie s’en tient à la devise de sa belle-mère : « S’étonner toujours, se démonter jamais. »

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    © Edward Hopper, Matin à Cap Cod

    Quand ils arrivent à leur résidence, celle d’un professeur en année sabbatique à Aix-en-Provence, Lester s’obstine à vouloir qu’on l’appelle de son nouveau nom, déclare avoir été baptisé dans l’avion, son « baptême de l’air ». Il a un sens aigu de la repartie, ce n’est pas un adolescent comme les autres. Non seulement, il connaît Faulkner, mais il lit déjà Les confessions de Saint Augustin. En lui-même, il appelle Dieu « mon chéri » : « Protégez mes parents » est son mantra.

    D’emblée, Sylvie ressent sa singularité – « Personne ne me ressemble. » Contrairement à Hector, elle est timide, réservée, appréhende les nouvelles rencontres. Elle a toujours soutenu son mari et décidé de surmonter ses appréhensions ; elle s’inquiète pour son fils devenu adolescent, l’âge de tous les dangers. Un jour, dans le bus, quelqu’un l’avait prise pour la grand-mère de Lester ; ni lui ni elle n’ont protesté. Cela convient à Sylvie de « se contenter de l’observer sans se fatiguer à l’éduquer ».

    Mère et fils sont très proches, se devinent l’un l’autre. Elle s’intéresse à ce qu’il lit, à ses jeux, à ce qu’il fait, se contente de ses réponses. Quand il l’appelle « Sylvie », elle lui demande de l’appeler « maman ». Elle s’étonne de le voir depuis l’enfance frayer avec une troupe de « bras cassés, d’idiots du village ». A présent, elle redoute qu’au collège, on s’en prenne au petit Français qui porte des espadrilles et non des baskets. Agnès Desarthe a l’art de révéler ses personnages à travers des détails concrets et surtout à travers des gestes, des attitudes.

    Hector trouve dans le dépaysement une légèreté nouvelle : « On est bien ici. On est mieux ici. » Il suggère à sa femme de se rendre à l’Alliance française, d’en ramener des brochures qui lui donneront des idées d’activités possibles, puisqu’elle ne travaille pas. Sylvie ne se sent à l’aise nulle part, ne sait jamais que dire ou comment se comporter en société, même pas chez Farah Asmantou, la directrice du département de langues romanes, qui les reçoit gentiment chez elle. Zlatan lui manque, le beau Yougoslave que sa belle-mère lui a envoyé quand elle a su qu’elle était enceinte, quinze ans plus tôt, si serviable et attentionné. Il baragouinait, elle lui avait appris à parler un français correct. Hector, lui, le tenait à distance ; dans sa famille, on ne fraie pas avec les domestiques.

    Sylvie s’inscrit à un atelier de poterie. Pétrir la terre, en faire sortir les bulles d’air exige de la force, c’est comme un combat. Lauren, qui anime l’atelier, l’encourage et s’accommode de ses silences. A la première soirée avec Hector et ses collègues, elle observe les minauderies des femmes qui trouvent son mari très séduisant. Au professeur de littérature espagnole venu faire connaissance, elle se présente comme « la femme d’Hector » ; il lui répond « Andromaque, la fidèle ». Elle ajoute, quand il l’interroge sur sa profession, « Je ne suis rien. » « « Je ne suis rien », se répète-t-elle en silence et cette phrase l’apaise, l’isole et la protège. »

    Dans sa chambre, pendant ce temps-là, Lester continue son dialogue avec Dieu, ses prières obsessionnelles. Il entraîne ses camarades dans des rituels fantasques. La situation de cette famille est banale, la suite en partie prévisible : Hector aime son épouse, mais ce séjour à l’étranger, comme une parenthèse, lui donne l’occasion de laisser libre cours à ses désirs. Une bonne âme se chargera d’en informer Sylvie, qui n’en dira mot. Lester, que sa mère croyait connaître, va s’attirer des ennuis. C’est lui qui va secouer ses parents si préoccupés d’eux-mêmes qu’ils ne remarquent pas ses dérives.

    La chance de leur vie raconte l’histoire d’une famille transplantée dans une culture étrangère. Ce n’est pas une comédie à la David Lodge, même si l’ironie est présente, les remarques sur le langage savoureuses – plutôt un drame du quotidien. Si Hector l’égocentrique s’épanouit, il n’en va pas de même pour Sylvie, toujours en retrait des autres, aux réactions déroutantes. Pendant leur séjour, le terrorisme frappe au Bataclan et ils s’inquiètent pour leurs amis parisiens. Le roman d’Agnès Desarthe délivre peu à peu leurs « errements intimes » comme l’écrit Claire Julliard dans l’Obs. Le silence ou la passivité de son anti-héroïne semble délétère. Quant à Lester, aussi solitaire qu’elle dans le fond, c’est le personnage le plus émouvant de cette histoire au goût amer.

  • Postérité

    Dali Magritte (93).jpg« La postérité a donné raison à Magritte même si de leur vivant, Dalí fut la star jusqu’à New York alors que la reconnaissance de Magritte n’arriva que très tard. Mais Dali n’a pas eu de suivants en art, alors que Magritte reste très contemporain. Toute sa vie, il a peint la pensée et le mystère. Son interrogation sur la dissociation entre le mot et la chose, entre l’image et la réalité, entre nos sens et le monde reste d’une stupéfiante modernité. C’est d’ailleurs ce Magritte-là, conceptuel, qui séduisit après-guerre, les grands peintres américains comme Jasper Johns, Warhol, Rauschenberg qui achetèrent Magritte. Aux Etats-Unis, il est d’abord un conceptuel dans la continuité de la peinture comme « cosa mentale » disait Léonard de Vinci. »

    Guy Duplat, Magritte et Dali : le choc de deux icônes à Bruxelles, La Libre Belgique, 10/10/2019.

    Exposition Dalí & Magritte, Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, Bruxelles > 9/2/2020

    © Magritte, Le beau langage, 1952 (Collection privée)

     

  • Dalí & Magritte

    « A l’occasion des dix ans du Musée Magritte, les Musées royaux des Beaux-Arts ont réuni une centaine d’œuvres qui invitent à la fois à voyager dans l’univers de Salvador Dalí et à creuser le dialogue avec le travail de René Magritte. L’un et l’autre ancrent le surréalisme dans une recherche fondée sur l’exploration de la représentation mimétique. » (Michel Draguet)

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    Entrée des Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique (au bout de la rue, le Palais de Justice)

    Ainsi s’exprime le conservateur des MRBAB dans le Guide du visiteur disponible à l’entrée de l’exposition Dalí & Magritte. Cette brochure d’une trentaine de pages (à télécharger) reprend toutes les étapes du parcours bien conçu autour de points de rapprochement ou d’opposition entre les deux peintres : « œil & avant-garde, portraits & choses, dedans & au-delà… »

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     © Dalí /  © Magritte, Le conquérant, 1926 (Leslee & David Rogath)

    A l’entrée, La lunette d’approche de Magritte (1898-1967) introduit avec humour au brouillage logique des surréalistes. Une ligne du temps relate les relations entre Magritte et Dalí : en 1925, Magritte peint à Bruxelles ses premières œuvres surréalistes et Dalí (1904-1989) a sa première exposition personnelle à Barcelone. Ils se rencontrent à Paris en 1929. Invité à Cadaquès, Magritte y peint Le Temps menaçant : il faut entrer dans le cube où une projection s’en inspire, à 360°. En plus du mouvement des nuages dans le ciel, on y verra lentement apparaître puis disparaître les motifs du tableau (resté en Ecosse).

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    Expérience immersive 360° à partir du Temps menaçant de Magritte

    Chez les deux peintres, l’œil joue un rôle central ; l’un et l’autre sont attachés au rendu réaliste des figures reconnaissables dans leurs toiles, bien que celles-ci ne visent pas à la représentation pure et simple. Magritte cherche à rendre les idées visibles, Dalí peint avec réalisme des visions fantasques. Ses premières toiles comme le Portrait de Maria Carbona révèlent une technique formidable, on verra plus loin un ravissant petit portrait de Gala (1932).

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    © Dalí, Portrait de Maria Carbona, 1925 (Musée des Beaux-Arts de Montréal)

    Dalí cherche à séduire ; Magritte ne cherche pas à plaire et opte pour l’artifice afin de susciter, par un sentiment d’étrangeté, l’interrogation sur les images. De nombreuses œuvres exposées viennent de musées étrangers (américains surtout) et de collections particulières. On connaît bien La magie noire (1945) du Musée Magritte, où le corps d’une femme (Georgette M.) bleuit au-dessus de la taille sur fond d’azur et de nuages, on s’amuse à la comparer avec La magie noire (1934) d’une collection privée, un autre nu avec une colombe sur l’épaule.

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    © Magritte, La magie noire, 1934 (Collection privée)

    Le motif du feu, qui apparaît déjà en 1925 dans une toile de Magritte où une maison brûle (tableau dans le tableau Nocturne), est particulièrement spectaculaire dans La découverte du feu, un tuba enflammé qu’on pourrait associer à la crinière en feu d’une tête de cheval (en réalité il fondrait). Dalí, en pleine guerre d’Espagne, s’en est-il inspiré pour ses girafes en feu qui éclairent un dîner dans le désert (dessin au fusain de 1937) ? La girafe apparaît aussi chez Magritte, qui lui fait prendre un bain de cristal (gouache de 1946).

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    © Dalí, Dîner dans le désert éclairé par les girafes en feu, 1937, fusain sur papier
    (Dalí Museum, St Petersburg, Floride, USA)

    Quand l’heure sonnera, ou la rencontre d’une statue et d’une montgolfière, a trouvé place dans une salle sur les « détournements et célébrations ». Les deux surréalistes ont transformé  une petite Vénus de Milo : Magritte lui donne des couleurs, Dalí y ouvre des tiroirs ! Tous deux, comme Arp ou Max Ernst, utilisent des formes biomorphes (Magritte, Le sang du monde) ou molles. Par exemple dans les paysages imaginaires de Dalí : La mémoire de la femme-enfant, L’énigme du désir ou Ma mère, ma mère, ma mère. Dans Les idées de l’acrobate, Magritte relie différentes contorsions avec un fusil et un tuba.

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    © Magritte, Le sang du monde, 1927 (Collection privée)

    Tout un mur pour le Couple aux têtes pleines de nuages de Dalí : les panneaux reprennent en silhouette les formes du couple dans L’Angélus de Millet, tableau culte de Dalí. La tête de la femme, à gauche de l’homme, s’incline vers lui. Les paysages désertiques avec une table à l’avant-plan sont typiques du peintre espagnol, avec une précision incroyable dans les détails de l’arrière-plan. Il partage avec Magritte le goût de peindre des nuages dans un ciel bleu, de jouer sur intériorité et extériorité, entre autres.

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    © Dalí, Couple aux têtes pleines de nuages, 1936
    (Museum Boijmans Van Beuningen, Rotterdam)

    L’exposition se termine sur des toiles tardives, comme ce Magritte représentant deux jeunes filles qui se promènent en ville, l’une habillée, l’autre nue. A la fin de leur vie, les deux peintres étaient sollicités pour des portraits. Une photographe professionnelle capturait les détails du fascinant portrait d’Enid Haldorn. Dalí a aussi peint Mme Isabel Styler-Tas (Mélancolie), une composition inspirée par Piero della Francesca : l’étonnante combinaison de formes humaines, minérales et végétales y est assez fascinante.

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    Affiche à l'entrée de l'exposition (au-dessus de la Diane d'Ossip Zadkine, 1937)

    « Flirts surréalistes », titre L’Echo. Bien plus passionnante que je ne l’imaginais, l’exposition Dalí & Magritte réussit à associer ces deux « monstres sacrés » de manière convaincante. Le parcours bien balisé et le petit Guide aident les visiteurs (nombreux) à regarder et à comparer leurs oeuvres. A voir aux Musées royaux des Beaux-Arts jusqu’au 9 février 2020.

  • Carnet de jardin

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    « Quand on aime quelque chose, on regrette toujours de ne pas avoir planté suffisamment ce qu’on aime. Voilà qui est peut-être mal dit, mais c’est un bon avis de jardinage. »

    Mai

    « Un conseil en passant : dépouillez de leurs feuilles les branches coupées d’un seringat, elles tiendront beaucoup plus longtemps et seront d’autant plus belles. Essayez. Sans oublier d’écraser les tiges avec un marteau. »

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    « Si vous avez pris l’habitude d’avoir toujours sur vous un crayon et un carnet de notes, c’est une bonne époque pour jeter sur le papier les effets de lumière d’un soir d’été. »

    Octobre

    « Il me semble que c’est là un point très important que tous les jardiniers sensibles aux coloris d’automne devraient observer : la transparence au soleil. »  

    Vita Sackville-West, Journal de mon jardin

  • Au jardin avec Vita

    Journal de mon jardin de Vita Sackville-West (Illustrated Garden Book, 1989, traduit de l’anglais par Patrick Reumaux) est publié chez Klincksieck dans la collection De Natura Rerum, c’est un vrai livre de jardinage. De janvier à décembre, la fameuse amie-amante de Virginia Woolf raconte ses plantations et prodigue ses conseils aussi bien dans le choix des végétaux, l’arrangement d’un jardin ou l’art de planter, de tailler, d’accorder arbustes et plantes, formes et couleurs.

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    Arthur Harry Church, Aquilegia vulgaris, The National History Museum
    "Qui pourrait résister à une chose surnommée bonnet de grand-mère ou gant de bergère ? " (Vita)

    De très jolies planches anatomiques de fleurs du botaniste Arthur Harry Church et quelques aquarelles du célèbre jardin de Sissinghurst par Xavier Carteret illustrent cette chronique d’horticulture « d’une romanichelle sensible à la morsure des couleurs, à l’incendie des épines » (P. Reumaux dans la préface). « Un jardin et un mari. Elle se met en tête de faire de son jardin un chef-d’œuvre, non d’architecture – l’idée (l’idéal) de Harold, qui va le concevoir – mais une mosaïque de couleurs, une jungle asymétrique, une orgie. » (P. R.)

    Journal de mon jardin est un recueil de textes courts (deux à trois pages) qui portent tous un titre très clair, ce qui permet de retrouver facilement un sujet dans la table des matières. Ouverture et clôture hivernales donc, de « Fleurs d’hiver » (elle recommande les chimonanthes et les hamamélis) à « Après le pic de l’hiver » (quand fleurit le jasminum nudiflorum). Vita veille à ce que le jardin soit beau toute l’année, elle aime y avoir à toutes les saisons des fleurs ou du moins des rameaux à couper pour qu’ils fleurissent dans un vase – « Pour moi, une pièce sans fleurs est une pièce sans âme. Mais même un seul petit vase solitaire contenant une fleur vivante peut sauver la situation. »

    La prose de Vita Sackville-West est plaisante à lire, elle s’adresse à ses lecteurs comme à des correspondants familiers. Parfois, d’ailleurs, elle répond à une lettre, une demande de renseignements ou de conseils, comme le ferait une chroniqueuse dans un magazine de jardinage. Elle appelle les plantes par leurs petits noms et mentionne en latin la variété précise la plus satisfaisante à ses yeux, ou celle à éviter, pour des raisons qu’elle explique.

    « On m’a suppliée de dire du bien de l’églantier rouge. Je le fais volontiers, car une haie de rosiers rouillés est l’un des plus beaux ornements d’un jardin. » Elle fait d’ailleurs l’éloge des jardins « unicolores », une de ses spécialités, comme en témoigne le succès du jardin blanc de Sissinghurst auprès des visiteurs (elle le décrit). Le château et le domaine appartiennent depuis 1967 au National Trust, par décision de Harold Nicolson après la mort de son épouse en 1962.

    Le charme des roses, le feuillage de certains rosiers, leur parfum, Vita y revient souvent. Les variétés sont si nombreuses ; elle citera ses favorites. Elle aime les hellébores, les regarde, les décrit. Elle prend aussi la défense de plantes jugées ordinaires comme les lobélias, encourage à oser une pelouse de thym. Quand une fleur rare la séduit, elle veut la faire connaître aussi.

    Jardins de rocaille, jardins de dalles où l’on autorise des plantes basses « à pousser toutes seules », pergolas, serres, tous les arrangements de jardin sont abordés par cette jardinière qui disposait de tant d’espace pour essayer, changer, innover. « Faire pousser des fleurs dans les arbres ». Elle n’hésite pas à changer ce qui ne va pas, épluche les catalogues d’horticulture, rêve des effets à produire. Elle a aussi plein d’idées pour un petit jardin, propose trois plans qu’elle a en tête.

    A la fin de chaque saison, Vita Sackville-West la résume en vers – « Rêve, et imagine ». Deux leitmotivs dans ce Journal. D’abord la prodigalité : « J’aime la générosité là où je la trouve, dans les jardins ou ailleurs. Je déteste les économies de bout de chandelle et le petit côté des choses. Même le jardin le plus exigu peut être prodigue à son échelle (…) ». Ensuite l’attention à l’endroit le plus favorable au développement d’un végétal, au temps à lui laisser pour s’épanouir.

    « Il arrive de temps en temps que les jours soient émaillés d’incidents agréables, que les choses tournent merveilleusement bien au lieu de mal tourner, et il faut se rappeler ces moments rares avant qu’ils se perdent dans l’oubli. » Voilà le type d’entrée en matière (« Une après-midi de printemps ») qui illustre une autre fonction de ce Garden Book : noter la beauté d’un jour, comme cette traversée du Kent quand les pommiers commencent à fleurir, la grâce d’une fleur, l’émotion d’une vision.

    Vita partage volontiers ses erreurs, ses trucs, ses recettes, ses préférences. Ce n’est pas une aristocrate qui donne ses ordres au jardinier, elle est la jardinière, elle prépare ses propres mélanges de terreau, de tourbe et de sable, elle taille, divise, bouture… « Il y a des moments où je suis comblée par mon jardin, d’autres où je désespère. »

    Journal de mon jardin a de quoi frustrer quand on n’a pas de jardin, mais si l’on aime imaginer et rêver, il y a des pages où revenir à chaque saison pour en recueillir les vibrations. Un livre à offrir, certainement, à celles et ceux qui, comme Vita Sackville-West, sont passionnés de jardinage et amoureux des fleurs.