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Boris Marina Rainer

L’amour des mots et les mots de l’amour dans les lettres de deux, et même trois poètes, voilà le thème de Est-ce que tu m’aimes encore ?, la correspondance entre Marina Tsvétaïeva et Rainer Maria Rilke (traduit de l’allemand par Bernard Pautrat). Le traducteur, dans sa préface intitulée « L’amour à distance », rappelle le contexte de 1925, la « large tache rouge » de l’URSS qui s’étend sur la carte de l’Europe, l’émigration russe, « souvent dans la misère » et les circonstances qui ont fait naître cette correspondance. 

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Marina Tsvétaïeva en 1925 / Rainer Maria Rilke en 1924

Leonid Pasternak – peintre russe, installé à Berlin avec une partie de sa famille – avait écrit à Rilke à l’occasion de ses cinquante ans, alors en clinique à Val-Mont, en Suisse. Ils s’étaient connus à Moscou, vingt-cinq ans plus tôt. Rilke, dans sa réponse, fait l’éloge des poèmes de son fils Boris et le père s’empresse d’en faire part à celui-ci. « 35 ans, marié, un enfant », Boris Pasternak s’est pris d’amitié puis d’amour fou pour Marina Tsvétaïeva, émigrée à Paris avec sa famille (son mari Sergueï Efron dont elle a eu deux filles (la seconde, Irina, morte en URSS) et un fils). Il lui écrit lettre sur lettre. Tous deux admirent « le grand Rilke », leur « Maître ». 

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Portrait posthume de Rilke par Leonid Pasternak, 1928

Boris, après avoir pris connaissance de la lettre du poète à son père, écrit à Rilke pour le remercier : « Je vous dois les grandes lignes de mon caractère, la manière de mon existence spirituelle. Ce sont vos créations. » Il lui parle de poésie et aussi de Marina, « poétesse-née », priant Rilke de lui envoyer un exemplaire dédicacé des Elégies de Duino, son dernier recueil paru. 

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De Rainer Maria Rilke à Marina Tsvétaïeva (1926)

En mai 1926, Rilke envoie à Tsvétaïeva une lettre chaleureuse, avec ses Elégies et Sonnets à Orphée. Il promet d’autres exemplaires à l’intention de Boris Pasternak et interroge : « Pourquoi ne m’a-t-il pas été donné de vous rencontrer, Marina Ivanovna Tsvétaïeva ? D’après la lettre de Boris Pasternak il me faut croire qu’une telle rencontre nous aurait jetés tous les deux dans la plus profonde et intime joie. » 

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La « très inflammable » Marina (dixit Bernard Pautrat) répond : « Rainer Maria Rilke ! Puis-je m’adresser à vous ainsi ? » Ce sera une très longue lettre, une succession de fragments sur ce qu’il est, lui, pour elle ; sur la poésie ; sur son propre parcours ; sur Boris Pasternak – « Le premier poète de Russie, c’est lui » – vouvoyant et tutoyant Rilke tour à tour. 

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Boris Pasternak en 1934 (au premier Congrès des écrivains soviétiques)

Ainsi démarre une correspondance passionnée, de part et d’autre. « Nous nous touchons. Par où ? Par des coups d’aile… » (Marina) Boris Pasternak et elle avaient projeté d’aller rendre visite à Rilke ensemble un jour. A présent le poète russe souffre de l’intimité grandissante qu’il devine entre Rilke et Marina, il se sent mis en retrait. 

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http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/L-Imaginaire/Correspondance-a-trois

Entre ces trois grandes sensibilités, c’est « une histoire comme on les aime, triste et belle. Une histoire d’amours. » (Préface) Elle se termine avec la mort de Rilke, le 29 décembre 1926. Le 31 décembre, Marina l’annonce par lettre à Pasternak en citant les mots quelle a adressés à leur maître en poésie sur une carte postale le 7 novembre : « Cher Rainer, C’est ici que je vis. – Est-ce que tu m’aimes encore ? »

 

Commentaires

  • Grand merci Tania; en lisant “7 femmes” de Lydie Salvayre et son magnifique chapitre consacré à Marina, je m'étais promis de lire cette correspondance. Tu m'en donnes encore plus envie!
    Le portrait de Rike est délicat, aux douces couleurs,l'homme séduisant.

  • Je lirai certainement ces "7 femmes", et pour ce qui est de cette correspondance-ci, je te la fais parvenir si tu veux. Bonne après-midi, Colo.

  • Bonsoir Tania, j'ai adoré les deux livres. Même si certains portraits dans 7 femmes sont assez succincts.
    à bientôt
    Claude

  • L'intimité de Rilke et Marina n'est restée "que" épistolaire ? Si à la fin de Rilke elle écrit à Pasternak, je suppose qu'elle a rejoint l'écrivain allemand.

  • En effet. Et avec Pasternak, les rencontres ont été rares, mais la correspondance intense. Très bien raconté ici : http://www.sitaudis.fr/Parutions/marina-tsvetaeva-boris-pasternak-correspondance.php

  • Je lis cette correspondance par bribes, je l'ai presque terminé, j'y ai pris grand plaisir. Finalement celle que je connaissais le mieux est Marina Tsvetaieva, sans doute grâce à quelques émissions de radio.

  • Ces sensibilités de poètes et d'écrivains font que l'amour n'est jamais plus grand que lorsqu'il s'écrit. Ce sont de grandes passions épistolaires plus que véritables. On ne se touche pas, on se rêve et c'est formidable, car cela dure.Il n'y a pas les trop rugueuses intimités de la vie quotidienne.

  • Ces sensibilités de poètes et d'écrivains font que l'amour n'est jamais plus grand que lorsqu'il s'écrit. Ce sont de grandes passions épistolaires plus que véritables. On ne se touche pas, on se rêve et c'est formidable, car cela dure.Il n'y a pas les trop rugueuses intimités de la vie quotidienne.

  • Ces sensibilités de poètes et d'écrivains font que l'amour n'est jamais plus grand que lorsqu'il s'écrit. Ce sont de grandes passions épistolaires plus que véritables. On ne se touche pas, on se rêve et c'est formidable, car cela dure.Il n'y a pas les trop rugueuses intimités de la vie quotidienne.

  • Vous résumez parfaitement l'esprit de cette correspondance poétique. Il y a quelque chose de magique - la littérature ? - à voir ce genre d'échanges transcender le passage du temps. (Désolée, Armelle, pour la lenteur du site à afficher les commentaires.)

  • Ah voilà, il me semblait bien être en territoire connu pour cette idylle avec Rilke, je l'avais sans doute entendu évoquer par quelqu'un(e) qui a lu "7 femmes". Colo peut-être, je ne me souviens pas exactement.
    Dominique peut-être également ? Je fais mon enquête.

  • Oui, Tsvétaïeva est une des "Sept femmes" de Lydie Salvayre et Dominique a lu en outre plusieurs biographies de la poétesse russe.

  • J'aime beaucoup ce genre non, non, ce n'est pas d'un genre d'article qu'il s'agit. Si je comprends bien, je dois reconnaître que j'ai toujours la nostalgie de ce type de correspondance que j'ai connu parfois, (pas nécessairement avec des personnes aussi connues), mais de ces correspondances qui mettent en joie quand on voit -un mail, l'ordinateur ayant remplacé la poste- arriver d'une personne avec qui l'on se sent en phase. Alors, quand cela s'arrête, c'est un peu triste, et on en garde (je) la nostalgie...

  • Le charme de ces correspondances, disons à l'ancienne, était aussi quelque chose de palpable - l'enveloppe, les timbres, le papier, l'écriture d'un être cher - beaucoup plus personnalisé que les échanges par courriel. Le support a changé, heureusement les échanges restent.

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