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Passions - Page 409

  • Au Musée olympique

    En se promenant le long du lac Léman, à Lausanne, sur le quai de Belgique (Ouchy), si joliment fleuri autour de remarquables vieux arbres, impossible de ne pas remarquer l’entrée du Musée olympique. Elle se trouve juste en face du bateau « Helvétie » qui a accueilli ses visiteurs durant les presque deux ans de rénovation du musée, rouvert en décembre 2013.

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    Cette fois, nous avons décidé de gravir les marches pour visiter le musée de l'olympisme (on peut emprunter un escalier roulant). Le parc-jardin en terrasses vers le lac comporte des sculptures dédiées aux athlètes, mais on y trouve aussi « La pluie » de Folon au bout d’un bassin.  

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    Tout près du sautoir à la perche impressionnant où la barre est mise au niveau du record du monde masculin (le record féminin est indiqué par une flèche un peu plus bas), deux jeunes filles asiatiques avaient décidé de se mesurer à Usain Bolt sur la piste du cent mètres : quand on s’élance de la ligne de départ, des balises lumineuses indiquent où se trouve déjà le prodigieux sprinter – au bout de la ligne quand elles n’étaient encore qu’à mi-course !  

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    Dès l’entrée, le musée olympique en jette plein la vue avec sa rampe d’accès et ses éclairages colorés. On y explique d’abord l’origine des jeux olympiques et leur esprit, selon la formule d’excellence soufflée à Pierre de Coubertin : « Citius, Fortius, Altius ».L’histoire des JO se décline au mur sur une ligne du temps, accompagnée d’objets d’époque et de tables virtuelles à consulter tout au long du parcours.  

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    Torche olympique, mascottes, tenues de sport, accessoires, photos, affiches, vaisselle, médailles – de nouveaux modèles sont créés pour chaque édition des JO, le design évolue – le musée expose tout ce qui participe à l’élaboration des jeux, et aussi les maquettes des stades olympiques.Le « nid d’oiseau » réalisé pour les JO de Pékin en 2008 est une des plus belles. Etonnante aussi cette robe décorée symbolisant la Suisse ? l'Autriche ?, portée lors d’une cérémonie d’ouverture. 

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    Grandes photos, grands événements des JO, magnifique diaporama sur un grand écran courbe où tous les détails de l’effort sportif apparaissent dans un superbe montage, on pourrait passer une journée entière au Musée olympique (plus de trois mille mètres carrés d’exposition permanente), mais en deux heures, il y a déjà moyen de s’en faire un bon aperçu. On peut aussi faire une pause sur la terrasse du TOM Café avec vue sur le lac. 

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    Le musée comporte trois niveaux. Au dernier, les aspects concrets de la vie d’athlète sont abordés de manière très ludique : exercices d’équilibre, jeux, quizz – celui sur l’alimentation met à mal bien des préjugés – etc. Pour les sportifs, la visite du Musée olympique s’impose, mais celui-ci a de quoi ravir tous les visiteurs et à tout âge. Et son site, si le sujet vous passionne, est plein de ressources. 

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    « Créer un monde meilleur par le sport » : l’esprit de l’olympisme porte de hautes valeurs. Reste à voir si l’évolution commerciale des JO, leur financement, les risques de dérive nationaliste et autres effets pervers du sport spectacle ne les mettent pas en péril. On voudrait croire, bien sûr, qu’ils contribuent à promouvoir « la compréhension mutuelle, l'esprit d'amitié, la solidarité et le fair-play ».

  • Menace

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    « Je ne puis plus me passer de les regarder vivre, de mesurer leurs gestes, de surprendre leur moindre déplacement dans le paysage. Leurs journées ont remplacé les miennes et l’écho de leurs voix résonne au fond de mes nuits. J’ai su dès le premier instant qu’une lancinante menace plane sur ce tableau de la jeunesse, de la beauté et du bonheur. Quelque chose va se passer ici, enfin, dont je serai le témoin inéluctable. »

     

    André-Marcel Adamek, Le maître des jardins noirs

     

  • Les jardins noirs

    André-Marcel Adamek signe avec Le maître des jardins noirs (1993) un « micro-roman ». Ce genre est né à Bruxelles en 1992, explique une note de l’éditeur Bernard Gilson (Pré aux sources), et se veut « rapide, efficace, se préoccupant des valeurs humaines », en cent vingt pages.

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    Paula Modersohn-Becker, Fossé dans le marais, vers 1900

    Rachel appelle son mari : « Viens vite, ils arrivent ! » Tous deux guettent derrière leur fenêtre aux vitres teintées l’arrivée inattendue de nouveaux voisins à Champleure, sous la pluie : l’homme d’abord, la quarantaine, puis sa femme, qui pose le pied dans une grande flaque d’eau boueuse qui l’éclabousse jusqu’aux cuisses – son mari l’essuie sous sa jupe. Trois enfants sortent ensuite de l’auto, une fillette pâle et rousse, deux gamins, l’un blond, l’autre noir de cheveux – pas du même père, déclare aussitôt Rachel. 

    Simon est souvent exaspéré par les bêtises que dit sa femme, mais lui aussi, en suivant les allées et venues du déménagement, pense que leurs voisins ont été bien naïfs en achetant cette vieille ferme aux murs suintant d’humidité en hiver. Pour en savoir plus, il ordonne à sa femme de leur porter du lait et des œufs le lendemain matin, et de bien ouvrir ses oreilles.

     

    Le récit alterne les points de vue : en écho aux observations de Simon, revoici au chapitre deux l’arrivée dans la maison, cette fois vécue par Anaïs, la mère. Quentin et elle espéraient un temps plus clément pour faire découvrir leur nouvelle maison aux enfants ; heureusement la découverte du grenier les enchante, et tant pis si l’eau ruisselle du toit sur le mur d’ouest.

     

    A sa première visite, Rachel constate que la petite Yolande est « idiote » et ne sait dire que « lalalalala ». Elle trouve que la nouvelle voisine, bien que maquillée et parfumée « comme une cocotte », s’occupe bien de tout et de tous, elle juge Quentin plus taiseux, pas moyen de lui tirer les vers du nez. De son côté, Maurice, le fils aîné, trouve que Rachel, petite et boulotte, ressemble à la « femme d’un Indien » avec ses cheveux poivre et sel rassemblés en longue natte « jusqu’à la croupe ».

     

    Bientôt Quentin ramène avec les courses un chiot « redoutable ennemi des rats » (ils en ont vu passer dans le grenier), blanc et noir, « un des derniers survivants de la race des terriers champenois », lui a-t-on dit. Pour que Yolande puisse l’apprivoiser, ils le nomment « Lala ». Il aura son rôle à jouer.

     

    Rachel et Simon continuent leur guet à la fenêtre, critiquent le choix du chien, décortiquent la lessive qui ne cache rien du linge intime, observent l’ardoisier appelé à la rescousse. Simon pense aux « jardins noirs », deux cents hectares à trois kilomètres du hameau, de l’autre côté de la vallée, des terres laissées en friche depuis la peste qui a ravagé le village en 1709. Rien ne pousse aux alentours, personne ne s’en approche par crainte de vieilles malédictions et des vipères qui logent dans les décombres.

     

    Le décor ainsi planté, Adamek peut tisser son histoire où se mêlent les événements joyeux, comme l’épanouissement de Yolande dont Lala a fait sa favorite et sa protégée, les beaux mois d’été, les promenades, l’enthousiasme des garçons au contact de la nature, et les motifs d’inquiétude : l’ardoisier mécontent de leur projet d’installer deux ânes dans la pâture qu’il convoitait, la santé de Quentin qui doit se ménager en attendant qu’il se présente un cœur à lui greffer, le regard de M. Simon sur Anaïs qui se sent observée, surtout le soir.

     

    Les nouveaux venus s’étonnent de l’intérêt de leurs voisins, alors qu’on dit les gens plutôt fermés et méfiants dans la région. Par petites touches, au travers des activités quotidiennes des uns et des autres, le lecteur va en apprendre davantage sur les secrets, les obsessions, les fantasmes, jusqu’à découvrir au-delà des légendes locales quel est Le maître des jardins noirs. Ecrivain belge, André-Marcel Adamek (1946-2011) réussit dans ce roman court à semer peu à peu le trouble et à nous attirer dans les filets du conte, mêlant réalisme et tension psychologique.

  • L'affaire du peintre

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    « Je n’ai besoin ni d’une nature riche, ni d’une composition admirable, ni d’une lumière sensationnelle […] Donnez-moi juste une flaque boueuse, mais il faut qu’il y ait en elle de la vérité et de la poésie. La poésie peut être en toutes choses, ça c’est l’affaire du peintre. »

    Pavel Tretiakov à Apollinari Goravski (cité dans le catalogue Magie du paysage russe, Musée cantonal des Beaux-Arts, Lausanne, 2014)

    Alekseï Savrassov, Chemin vicinal, 1873, Galerie Tretiakov, Moscou.

  • Paysagistes russes

    Une bonne surprise nous attendait à Lausanne cet été : « Magie du paysage russe » au Musée cantonal des Beaux-Arts, une septantaine d’œuvres de la Galerie nationale Tretiakov (Moscou). Le Palais de Rumine qui abrite le musée (place Riponne, avec parking souterrain et Museum Café à proximité) a été construit grâce à un don de Catherine et Gabriel de Rumine, « mécènes russes qui demeuraient à Lausanne dans la seconde moitié du XIXe siècle » (toutes citations extraites du catalogue). 

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    Ilia Repine, Dans un champ, V. Repina et ses enfants,, 1879 Galerie Tretiakov, Moscou

    J’ignorais tout des liens entre les peintres suisses et russes au XIXe siècle, développés dans la seconde partie du catalogue par Catherine Lepdor, « De l’Oural au Léman. La peinture de paysage à l’Exposition universelle de 1878 ». Tatiana Karpova, commissaire de l’exposition, situe les paysages russes présentés (de 1820 à la Révolution d’octobre) « entre l’universel et le national ». Sous l’impulsion du courant réaliste, les paysagistes russes rompent avec le classicisme et peignent leur pays tel qu’ils le voient, tel qu’ils l’habitent. J’ai aimé la présentation thématique, annoncée simplement d’un mot à l’entrée de chaque salle, en français et en russe : forêt, mer, montagne, ciel, chemin, ville, nocturnes, et la succession des saisons. 

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    Isaak Levitan, Le bois de bouleaux, 1889, Galerie Tretiakov, Moscou

    Dans la forêt, les personnages semblent petits à l’échelle de la nature, à l’exception de la Petite fille dans l’herbe d’Olga Lagoda-Chichkina, avec son fichu rouge au milieu des ombellifères, près d’un enfant blond caché par la végétation, et de la jeune femme qui ramène un fagot sur le dos dans De retour de la forêt, signé Nikolaï Pimonenko. Mais dans cette première salle, c’est devant Le bois de bouleaux d’Isaak Lévitan que je m’attarde, subjuguée : un sous-bois où joue la lumière, rythmé par les troncs clairs, une toile horizontale où le regard plonge et capte le génie du lieu. 

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    Ivan Aïvazovski, Mer agitée, 1868, Galerie Tretiakov, Moscou

    « La Russie est un pays de forêts et de steppes, qui a longtemps rêvé de la mer. » La réputation des marines d’Ivan Aïvazoski a dépassé les frontières de la Russie, il a souvent peint la mer dans ses accès sauvages, comme dans Mer agitée où d’un voilier secoué par la houle, une chaloupe s’éloigne à grands coups de rames, sous un ciel de tempête où une trouée laisse voir au loin des sommets enneigés.  

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    Nikolaï Kouznetsov, Jour de fête, 1879, Galerie Tretiakov, Moscou

    Pour les paysages de montagne, les peintres choisissent souvent un format vertical, mais ce n’est pas le cas de Kisséliov dans une toile magistrale, L’ancien col de Sourami, où des nuages s’effilochent entre les roches et se mêlent à la fumée d’un petit train à vapeur. Nuages, c’est le titre d’une œuvre de Fiodor Vassiliev qui a mis la ligne d’horizon au plus bas de sa toile, nous livrant tout entier à la contemplation du ciel, comme cette jeune femme en tenue traditionnelle couchée dans l’herbe parmi les fleurs, dans Jour de fête (Kouznetsov). 

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    Fiodor Vassiliev, Nuages, 1869-1871, Galerie Tretiakov, Moscou

    La salle des « chemins » illustre très bien l’immensité du paysage russe – Chemin dans un champ de seigle, de Grigori Miassoïédov – et montre aussi la vie difficile des campagnards livrés à la boue du dégel, des rouliers menant leurs bœufs dans la gadoue, des paysans revenant d’un enterrement en hiver. Si vous avez visité Saint-Pétersbourg et Moscou, vous les retrouverez dans de belles vues de ville où l’on reconnaît le monastère Smolny, les colonnes rostrales ou le Kremlin avec ses cathédrales. 

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    Alekseï Bogolioubov, Vue du monastère Smolny depuis la Bolchaïa Okhta, 1875, Galerie Tretiakov, Moscou

    Je pourrais vous parler encore des magnifiques paysages d’hiver glacé (Le givre, de Vassili Bakchéïev), de printemps – Dans un champ, V. Répina et ses enfants d’Ilia Répine, la toile impressionniste choisie pour l’affiche de l’exposition –, d’été à l’ombre des arbres, mais je préfère terminer sur deux coups de cœur : L’or de l’automne de Lévitan, l’ami de Tchekhov, le génie des atmosphères silencieuses, et le luxuriant Joukovski, Un lac dans la forêt (début des années 1910). Pas d'illustration disponible pour ces deux-ci, à mon grand regret.

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    Vassili Bakcheïev, Le givre, 1900, Galerie Tretiakov, Moscou

    « Magie du paysage russe » : quarante-deux peintres sont représentés à Lausanne, dont les célèbres Chichkine et Kouïndji, et ceux qu’on appelait les « Ambulants », artistes membres d’une « Société des expositions artistiques ambulantes » créée en 1870 qui a dominé la vie artistique russe pendant une trentaine d’années. L’exposition dure jusqu’au 5 octobre.