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photographes contemporains

  • Avec de la lumière

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    « En laissant le soleil projeter son ombre sur un morceau d’histoire grecque, il nous dit quelque chose de sa propre histoire et du processus photographique. Photographier signifie en grec écrire avec de la lumière ; c’est ce qu’Ignatiadis réalise ici littéralement. »

    Faces Then / Faces Now, Guide du visiteur, Bozar, Bruxelles, 6/2 > 17/5/2015

    © Konstantinos Ignatiadis, Autoportrait à Nikopolis, août 1999

  • Visages en images

    Au bout du grand hall Horta, au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles (Bozar), on prend à gauche pour l’exposition Faces Now, « Portraits photographiques européens depuis 1990 » (31 artistes). Ces portraits sous verre, ces visages en images font un effet très différent des peintures de Faces Then, place ici à l’impression au sens photographique. 

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    Palais des Beaux-Arts (Bozar), hall Horta

    Une première série en noir et blanc porte un titre significatif : « L’autre » de Luc Delahaye. Le catalogue cite à propos Susan Sontag : « Il y a dans les visages des gens qui ne se savent pas observés quelque chose qui n’apparaît jamais quand ils en sont conscients. » Le photographe a pris ces clichés à l’insu de ces personnes qui ne sourient pas et ne regardent pas l’objectif.

    C’est le contraire pour les séries en couleurs « Exactitudes » (pour « exact » et « attitude ») d’Ari Versluis & Ellie Uyttenbroek, conçues à partir de codes vestimentaires, gestuels et sociaux : hommes mûrs en pardessus ; noirs bien sapés ; femmes en manteau beige ; « Rebels » en jean, pouces en poche ; Africaines enturbannées portant sur leur boubou un châle de grande marque. Conséquence : on retient des attitudes, pas des visages.

    Ces poses façon « gravure de mode » contrastent à l’extrême avec cinq grands formats de Boris Mikhaïlov, « Case history », portraits d’Ukrainiens que la fin de l’URSS a plongés dans la misère : couple avec hareng et vodka, homme en uniforme brandissant une hache, couple aux visages contusionnés, femme âgée contre un arbre dans la neige, homme à moitié nu sur les genoux d’une femme – impressions de désastre. 

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    Case history © Boris Mikhailov

    Cette première salle reflète la diversité des approches montrées dans Faces Now, diversité due aux choix des artistes dans leur travail et bien sûr à la sélection du commissaire de l’exposition, Frits Gierstberg (Nederlands Fotomuseum, Rotterdam), qui illustre la variété du genre et préserve les visiteurs de l’ennui que peut engendrer la succession du même. 

    Les notices individuelles du catalogue (à disposition sur les banquettes) résument la démarche de chaque photographe – dommage qu’on ne les ait pas reprises près des cartels. Pour Anders Petersen, « l’essentiel, c’est la rencontre ». Ses portraits de femmes, parfois flous, n’ont pas un but esthétique, mais expressif, les attitudes sont très personnelles.

    La plupart des figures exposées sont anonymes, d’autres ont un nom mais aucune expression : Thomas Ruff affiche en grand format des visages impassibles (affiche). On peut voir aussi des célébrités : portraits d’artistes par Anton Corbijn, de personnalités politiques (Christian Courrèges), et plus loin un très émouvant portrait de Jan Hoet mort (il avait donné son accord à Stephan Vanfleteren) – j’en reparlerai. 

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    Café Lehmitz © Anders Petersen

    Certains, certaines photographes travaillent comme des documentalistes de notre époque : intérieurs, vêtements, objets… Une mise en scène et un cadrage peuvent donner  aux portraits de famille un effet de naturel très travaillé. Dérangeante, la série « Kids » de Sergey Bratkov : ce « réaliste radical » a photographié des enfants mannequins russes dans des poses et des tenues qui ne sont pas de leur âge.

    D’autres imposent une vision personnelle, comme pour ces jeunes en vêtements contemporains placés devant une toile paysagère à la manière du XIXe siècle (Clare Strand) ou pour ces paysans de la série « Karczeby » (Adam Panczuk a repris le nom d’un dialecte de l’Est de la Pologne) : des photos carrées en noir et blanc où les gens paraissent viscéralement liés à leur terre.

    Les lieux ont aussi de l’importance pour Jitka Hanzlová retournée dans sa ville natale fuie à l’âge de 24 ans (« Rokytnik »). Paola De Pietri, « Io Parto » : trois femmes enceintes posent dans des environnements urbains (Milan et environs) qui occupent beaucoup plus de place qu’elles sur le cliché – une façon pour la photographe de conjuguer paysage et portrait. 

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    © Alberto Garcia-Alix, Autorretrato. Mi lado femenino, 2002, Gelatin silver print, 110 cm x 110 cm, Courtesy the artista

    Bien sûr, il y a des autoportraits – Jorge Molder, le visage et les mains blanchis, s’expose comme un acteur de théâtre, sans cadre ni verre, ce qui crée un contact particulier. Des coups de cœur ? Le portrait de sa mère par Koos Breukel, d’une présence incroyable. L’autoportrait d’Alberto García-Alix, « Mi lado feminino » (mon côté féminin). De Jitka Hanzlová encore, la série « There is something I don’t know » à la manière des peintures anciennes.

    J’ai été surprise par l’art caméléon de Dita Pepe, « Self-portrets with Men », où elle pose en famille ou en couple comme si elle en faisait partie. Et impressionnée par les portraits de pêcheurs au visage buriné par Stephan Vanfleteren – il scrute le travail du temps sur la peau. Enfin je n’oublierai pas sa photographie en noir et blanc de Jan Hoet les yeux clos, vêtu d’une chemise blanche sous un gilet sombre, un superbe hommage à cet homme qui n’est plus mais dont le visage irradie encore : lumière, paix, sagesse.