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Bruxelles - Page 24

  • Hugo à Bruxelles

    En rebroussant chemin dans le parc de la Senne jusqu’à notre point de départ, je découvre sur la barre métallique de la place Gaucheret, qui rappelle au sol l’ancien emplacement de la voie ferrée, un extrait du « Voyage en Belgique » de Victor Hugo : il s’émerveille en 1837 de son premier aller-retour en train entre Anvers et Bruxelles.

    Parc de la Senne (55) hugo.jpg

    « La rapidité est inouïe. Les fleurs du bord du chemin ne sont plus des fleurs, ce sont des taches ou plutôt des raies rouges ou blanches ; plus de points, tout devient raie ; les blés sont de grandes chevelures jaunes, les luzernes sont de longues tresses vertes ; les villes, les clochers et les arbres dansent et se mêlent follement à l'horizon (…) ».

  • Le Parc de la Senne

    Alerte aux averses orageuses le premier dimanche de juillet. Pas de chance pour cette « première » : première « estivale » schaerbeekoise 2021 et surtout première balade en compagnie d’Adrienne, retrouvée avec joie à la gare de Schaerbeek ! Heureusement l’orage éclate à l’heure du repas et à 15 heures, pas besoin d’ouvrir un parapluie au Parc de la Senne. Christophe Mouzelard, notre guide, a donné rendez-vous place Gaucheret, dans le quartier Nord.

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    Photo panoramique de la place Gaucheret en 2012 (Renovas)

    Cette place méconnue des Bruxellois, à cheval sur les communes de Bruxelles-Ville et de Schaerbeek, est située entre les tours d’un quartier d’affaires et un quartier résidentiel. La Senne, encore à ciel ouvert en 1951 comme il nous le montre sur une photo aérienne, marquait la frontière entre les deux. Elle sera voûtée et déviée vers le canal Bruxelles-Charleroi en 1955. (cf. « Un peu d’histoire » sur le site de Bruxelles-Environnement)

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    Source : Mapcarta (La coulée verte du parc est indiquée... en vert, entre chemin de fer et canal.)

    Les habitants de ce quartier populaire ont été expropriés pour le projet immobilier Manhattan dans les années soixante : on projetait de construire là, tout près du centre, pas moins de 70 tours dont la moitié dépasserait les 50 mètres. Des routes urbaines assureraient les jonctions nord-sud et est-ouest. Les piétons circuleraient sur des socles hauts de 13 mètres. On construit un héliport, l’hélicoptèrè étant vu alors comme le transport idéal (l’héliport servira de 1954 à 1966). La première crise pétrolière, en 1973, signe l’arrêt des constructions.

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    Il faudra attendre les années 1990 pour que les tours commencées et le boulevard Albert II soient achevés. De la place Gaucheret en contrebas, nous observons la tour Zénith, la dernière construite, et celle de l’Ellipse qui date de 1980, avec une façade plus originale en courbe. Nous en sommes séparés par ce qui était resté un terrain vague jusqu’en 2000, à présent des talus herbeux aménagés sur les buttes de remblai, bordés de murets en pierre bleue, une réalisation de l’architecte Erik Vandevelde, près d’immeubles à appartements récents.

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    Une Maison des Citoyens (briques et béton) aux volumes simples, conçue par l’architecte Pierre Hebbelinck (2000) divise la place en deux parties. Le guide en décrit les alentours et raconte comment la station de l’Allée verte, créée en 1835 pour la ligne Bruxelles-Malines puis Anvers, a été abandonnée. Au sol, une longue barre de bronze rappelle l’ancien tracé, elle est décorée de motifs ferroviaires et de noms (non identifiés).

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    en ajouré : le premier tronçon / la suite en pointillés

    A l’entrée du Parc de la Senne, avenue de l’Héliport, le portail s’ouvre tous les jours à huit heures du matin : haut de quatre mètres, il affiche en relief le plan de ce nouvel espace vert bruxellois dont trois tronçons sont déjà terminés. Cette friche à la lisière de Bruxelles-Ville et de Schaerbeek était restée à l’abandon depuis les années 1980, il a fallu les contrats de quartier Masui et Reine-Progrès pour créer ce nouveau parc – un appel d’offres gagné par la Compagnie du Paysage.

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    Inspirée par l’atmosphère de la High Line de New York (ici au niveau du sol) ou de la Promenade plantée de Paris (à partir de Bastille), la promenade linéaire suit un ancien lit du bras de la Senne, bordée d’une végétation abondante, étagée, adaptée au terrain et favorable à la biodiversité. Son premier tronçon (Héliport-Masui) a été aménagé en 2014-2016, le deuxième (Masui-Reine) en 2020, le troisième (Reine-Palais) n’a pas encore été inauguré. La suite, via une passerelle au-dessus du canal, aboutira au square du 21 juillet à Laeken.

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    Dès qu’on marche sur cette bande verte assez étroite, de cinq à treize mètres de large, souvent délimitée par des murs à l’arrière d’anciennes entreprises installées en bord de Senne, on ressent le changement d’ambiance. On oublie la ville, on est environné de verdure, plantée sur une nouvelle couche de terre (dépolluer le sol aurait été trop coûteux). Déjà on s’émerveille d’y apercevoir des fleurs d’acanthe.

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    Nous nous asseyons de part et d’autre du chemin pour écouter le guide. Il a fallu trois ans pour éradiquer la dangereuse renouée du Japon. Veiller à l’écoulement du trop-plein d’eau en cas d’orage par un pertuis. Négocier avec les riverains pour refaire ou rehausser des murs, placer du treillage en inox antieffraction à certaines fenêtres, du treillage pour les plantes grimpantes. Les matériaux sont de qualité : béton, inox, acier et bois dur (afzélia). L’éclairage comporte des lumières bleues pour rappeler l’eau de la Senne. Des drains récoltent l’eau de pluie dans une citerne de dix mille litres.

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    La ligne de marche en béton de trois mètres de large est bien équipée tout au long de la promenade. Banquettes, bancs à dossier, et même chaises-longues où une participante s’allonge avec plaisir. Sur le mur, des traces de dessins de l’ancienne école de l’Allée verte. Des plantes à fleurs, de beaux feuillages attirent le regard, et de fins bouleaux aux écorces lumineuses, comme ceux-ci près d’un potager confié aux bons soins de la maison ABC (Art Basics for Children). De l’autre côté, la sortie de secours d’une mosquée. Plus loin, des équipements sportifs, une place ouverte…

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    Christophe Mouzelard est intarissable et nous parle des bâtiments anciens et nouveaux entre lesquels s’étire ce nouveau jardin public bruxellois, de tronçon en tronçon. Près de la rue de l’Eclusier Cogge, où se trouve une école maternelle du même nom, il nous rappelle qui fut ce héros de 1914 chargé d’ouvrir et fermer les sept écluses pour inonder la plaine de l’Yser. Il nous parle aussi de Sainte-Adresse, près du Havre, où le gouvernement belge en exil a pu loger dans des hôtels tout neufs. (Le roi Philippe s’y est rendu pour le centenaire en 2018.)

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    Au bout d’une heure et demie, cette belle balade du patrimoine se termine à la rue des Palais où débouche le troisième tronçon du Parc de la Senne. En revenant sur mes pas, j’apprécie une nouvelle fois ce joli passage sur une passerelle entre des bouleaux. Je retournerai avec plaisir dans ce jardin public et j’espère que son extension vers Laeken sera aussi réussie !

  • Parti

    Alechinsky (125) Le temps qui nous est parti.jpgParmi les dons récents d’Alechinsky aux MRBAB, ce message tracé de droite à gauche et inversement : « Le temps / qui nous / est parti ». Ce peintre ambidextre « possède et entretient cette double dextérité de la main qui peint et de celle qui dessine », rappelle Johan-Frédérik Hel Guedj dans L’Echo.

    « Parti » n’est pas seulement le participe passé de partir au sens de s’en aller, il signifie aussi, dans un usage archaïsant, partagé ou divisé en parties ; « imparti » est plus courant aujourd’hui. Avons-nous assez conscience du temps qui nous est accordé ? La question se pose à chacun, la question se pose à tous.

    alechinsky-A la ligne.jpg

    Pour partager un peu de bleu, en plus des sinuosités à partir du « A » (initiale vue aussi dans « Mesure battue »), voici une eau-forte qui m’a également retenue à l’exposition : elle s’intitule « A la ligne ». Point.

    © Pierre Alechinsky / Sabam,
    Le temps / qui nous / est parti, 2004,
    Gomme du Sénégal, encre et lavis sur vergé du XVIIIe siècle, Bruxelles, MRBAB

    © Pierre Alechinsky / Sabam, À la ligne, 1973,
    Eau-forte couleur sur papier Japon fait main, Bruxelles, MRBAB

    Exposition Pierre Alechinsky, Carta canta > 01.08.2021

     

  • Alechinsky, encres

    « Aujourd’hui, Pierre Alechinsky a 93 ans et continue à faire « chanter le papier » », écrit Géraldine Barbery dans le Guide du visiteur (source des citations) de  « Carta canta », l’exposition proposée aux Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique jusqu’au premier août prochain. Ou « comment un artiste qui aura maintes fois réinventé l’art graphique au fil de son exploration créative, ouvre le chant de tous les possibles », peut-on lire sur le site des MRBAB.

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    A consulter ou télécharger ici

    Près de 150 œuvres ont été choisies dans les collections qui comportent « plus de 270 dessins, tableaux, estampes, sans compter les livres illustrés », rappelle Michel Draguet. On découvre en trois temps ces œuvres sur papier : au rez-de-chaussée, en bas des escalators et au niveau -3. Plus de noir et blanc que de couleur, peu de grands formats (aux dimensions précisées sous les illustrations), mais une diversité qui rend compte du parcours d’un gaucher magnifique dont une belle rétrospective a eu lieu ici en 2008. Ne pas manquer les deux œuvres monumentales exposées dans le forum, dont « Passerelle II ».

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    © Pierre Alechinsky, Coiffeur, 1948, Eau-forte sur papier Arches, Bruxelles, MRBAB
    (Photos prises sans flash)

    Neuf eaux-fortes de 1948 figurant des métiers sont les premières œuvres exposées et les plus anciennes : des bonshommes faits d’objets assemblés, « à la fois enfantins et sophistiqués ». « Soleil » relève déjà d’un geste plus souple, comme celui de Walasse Ting (1929-2010) qui apprend à Alechinsky « la manière chinoise » de dessiner au pinceau, « le papier au sol, le bol d’encre à la main, le corps entier mobilisé ». Dès lors, la création spontanée s’éloigne de la représentation sans pour autant devenir abstraite.

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    © Pierre Alechinsky, Soleil, 1950, lithographie sur vélin d’Arches, Bruxelles, MRBAB

    « Cadeau » : le peintre a peint son fameux pinceau trésor, en « poils de chèvre soyeux sur bambou de première qualité », un cadeau reçu du grand calligraphe Shyriu Morita (1912-1998) à Kyoto. Alechinsky est revenu bouleversé d’un voyage au Japon en 1955 : « L’encre prend bientôt définitivement la place de l’huile, le papier, posé à plat dans l’atelier, remplace désormais la toile sur châssis et chevalet. Le pinceau prolonge le corps […] ».

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    © Pierre Alechinsky, Cadeau, 1993, Encre de Chine sur vergé du XIXe siècle, Bruxelles, MRBAB

    Partages artistiques, participation au mouvement CoBrA, tout concourt à la grande puissance expressive de « La Nuit polaire », le premier grand format de l’exposition. Cette « nuit d’encre » peinte sur papier (marouflé sur toile) impressionne par sa noirceur, son dynamisme, ses figures monstrueuses, comme un « magma » monumental.

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    © Pierre Alechinsky, La Nuit polaire, 1964, Encre sur papier marouflé sur toile, 151 x 236, Bruxelles, MRBAB

    Une autre rencontre inspirante se produit quand il travaille avec son ami le sculpteur Reinhoud dans l’Oise. « Sur une table, ce dernier abandonne des pelures d’oranges « scalpées » d’une seule venue. Sculptures à part entière, volutes naturelles, leurs lignes serpentines serviront de modèles aux deux artistes. » On en trouve de nombreuses variations, dont ces pelures en grand format dans « Rein comme si de rien », encre entourée de taches de couleurs (ci-dessous), comme dans « De toutes parts » avec sa bordure « all-over ».

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    © Pierre Alechinsky, Rein comme si de Rien, 2004-2007,
    Encre sur papier marouflé sur toile, bordure à l’acrylique, 189 x 185, Bruxelles, MRBAB
    (Reinhoud est décédé en 2007)

    Beaucoup d’humour aussi dans cette expo, voyez « Profil couchant, soleil levant » avec une tête au chapeau qui disparaît peu à peu dans le haut. A New York en 1965, Alechinsky a vu dans Central Park, du cinquantième étage, « une gueule débonnaire de monstre » prêt à dévorer ce qui l’entoure, et il a décidé de nourrir ce monstre des histoires dessinées autour : ce sont ses premières « remarques marginales »,  sa première acrylique dans l’atelier de Walasse Ting et son premier marouflage. Avant-après : une « nouvelle impulsion » est donnée à son travail. Il va faire peau neuve.

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    © Pierre Alechinsky, Central Park, 1965, Encre et lavis sur papier du XIXe, Bruxelles, MRBAB

    Au bas des escalators, de grandes eaux-fortes verticales témoignent de choix divers : « Case par case » ou en deux parties, inégales, ou encore laisser courir le « pinceau voyageur » sur toute la feuille. Chacune de ces œuvres comporte, tel un cachet de calligraphe sur une estampe, un peu de rouge qui fait signe : lignes ou petit motif circulaire.

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    © Pierre Alechinsky, Sphinge se demandant quoi, 1980, Lithographie et eau-forte (couleur) sur papier Japon, Bruxelles, MRBAB
    (à droite et détail ci-dessous)

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    © Pierre Alechinsky, A propos de Binche (II), 1967, Encre de Chine et lavis sur vergé ancien, Bruxelles, MRBAB

    Peu à peu, on reconnaît les motifs de prédilection d’Alechinsky : la spirale, le serpent, la pelure d’orange – et voici le chapeau de plumes d’autruche du Gille de Binche, qui deviendra volcan à l’occasion, dans la dernière partie de l’exposition.

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    © Pierre Alechinsky, Labyrinthes d’apparat, 1973, cinq lithographies sur vélin d’Arches, Bruxelles, MRBAB

    Des couleurs acryliques, des lithographies, des estampages… On y montre des peintures à l’encre sur ces vieux papiers qui passionnent le peintre, ce qui me rappelle la splendide exposition de La Louvière, « Palimpsestes ».

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    © Pierre Alechinsky, Parfois c’est l’inverse, 1970, Acrylique sur papier collé sur toile ;
    le papier de la prédelle provient d'un registre du XVIIe siècle, 183 x 298, Bruxelles, MRBAB

    « Parfois c’est l’inverse », une œuvre-phare de la collection des MRBAB, peinte à l’acrylique, comporte une prédelle à l’encre sur un registre ancien, le tout marouflé sur toile. Sous l’illustration de cette peinture-encre, à la fin du Guide du visiteur, Géraldine Barbery reprend la définition du dessin par Christian Dotremont : « C’est de l’écriture dénouée et renouée autrement. »

  • Propreté

    Varia d'été (1).jpgSi j’aime vous montrer les beaux côtés de Schaerbeek, les façades pimpantes plutôt que les maisons négligées, la commune connaît aussi des problèmes difficiles à régler. Celui de la propreté, par exemple. Je dois reconnaître que la Flandre fait beaucoup mieux que la région bruxelloise en cette matière.

    On a beau décourager les dépôts sauvages d’une manière ou d’une autre, certains continuent à se débarrasser de leurs déchets n’importe où, en particulier près des bulles à verre, même près des nouvelles bulles enterrées. Ce panneau planté au square Huart Hamoir a le mérite d’informer sur les solutions pratiques.