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Belgique - Page 34

  • Vieil or d'octobre

    Démenti à la mauvaise réputation du ciel belge, le soleil a brillé sur la dernière semaine d’octobre. Du temps idéal pour se promener au Rouge-Cloître paré de tout son vieil or. Ce site en forêt de Soignes, vous l’avez déjà vu ici, est remarquable à toutes les saisons.

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    Tandis que certains pêchent tranquillement et que d’autres font carrément la sieste, couchés sur la rive, nous prenons l’allée ensoleillée qui longe l’étang du Moulin, si belle sous la lumière d’automne filtrée par les feuillages.

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    Plus loin, une plate-forme en surplomb donne un excellent point de vue vers le grand étang des Clabots. Les arbres tombés ou chablis sont des refuges fort appréciés des canards et autres volatiles qui s’y reposent, sans être dérangés le moins du monde par les passants ou les photographes amateurs.

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    Devant nous, derrière, de quelque côté que l’on regarde, le festival des couleurs est bien lancé. La gamme des jaunes domine encore sur les arbres, mais les tapis de feuilles sous les hêtres annoncent déjà le rouge rouille caractéristique du sol de cette belle forêt.

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    En revenant par l’autre côté des étangs, on se rapproche peu à peu de la longue et superbe bâtisse blanche de la Maison du Prieur. Sa restauration est à présent terminée. On espère y retrouver l’an prochain une terrasse où se régaler peut-être, comme au siècle dernier, de tartines au fromage blanc et radis.

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    A l’arrière du prieuré, l’ancienne ferme et ses annexes accueillent des ateliers d’art et l’association Cheval et Forêt. Deux Brabançons étaient de sortie, on ne se lasse pas d’admirer ces fameux chevaux de trait qu’on voyait dans tous les villages quand nous étions enfants.

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    A droite des écuries, un chemin monte vers un beau talus champêtre, un côté du site souvent moins fréquenté, où le soleil jetait ses derniers feux. Puis on arrive à la plaine de jeux. En ce jour d’école, deux gamins avaient pour eux seuls le grand bateau-pirate en bois à explorer en tous sens.

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    En continuant vers la droite, on descend vers la passerelle entre les deux étangs du Lange Gracht. Les cygnes n’étaient pas les seuls à en fouiller la vase. Après avoir traversé, on retourne vers l’entrée par la rue pavée du Rouge-Cloître.

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    Du talus où prospèrent les prêles et les roseaux, on a une jolie vue sur le site et ses murs d’enceinte. Profitant du dernier soleil de la journée, un canard s’éclaboussait joyeusement sur le petit étang du Lange Gracht.

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    Pour cette semaine de congé, je signale l’exposition « Jojo en balade à Rouge-Cloître » présentée actuellement au Centre d’art (ancien prieuré), qui plaira aux enfants d’aujourd’hui comme à ceux d’hier qui lisaient Spirou : elle rend hommage au bédéiste André Geerts (1955-2010) et à son petit héros malicieux.

  • Le ciel

    le ciel,christophe van rossom,poésie,littérature française,belgique,poésies belges,la fureur de lire,2021,cultureLe ciel belge avait bien commencé. Il était bleu, comme beaucoup d’autres, avec çà et là, certes, quelques nuages de beau gabarit, et, même, certains assez sombres et gonflés de pluie ; mais, baste, il n’était pour autant pas si mal.

    Puis vint une sous-commission qui, pour d’obscures raisons, souhaita le repeindre en gris. Elle octroya à cette fin, mais, en raison de grèves, de dysfonctionnements et d’un manque de compréhension entre les vents du Nord et du Sud, les travaux ne purent être achevés dans les temps. Ils ne reprirent jamais d’ailleurs.

    C’est pourquoi l’on peut voir quelquefois une trouée de bleu dans le ciel belge, souverain et vide.

    Christophe Van Rossom, né en 1969
    Recueil Sous un ciel dévoyé, 2005

    Poésies belges, anthologie, La fureur de lire, Bruxelles, 2021

    Les tours de Notre-Dame de Laeken, matin gris, 26/9/2021

  • Festin de silence

    LOUIS THÉVENET 1874 - 1930 NM aux poissons.jpgSur la table
    Le pain le beurre l’eau
    Et le vin
    Le poisson
    Les pommes de terre
    Cuites sous la cendre
    Des secrets
    Les paroles bues
    Les mots avalés
    Nous avons toujours faim
    Nous avons toujours soif
    Nos gestes ne combleront jamais
    L’abîme de nos voix

    Béatrice Libert, née en 1952
    Recueil Etre au monde, 2004

    Poésies belges, anthologie, La fureur de lire, Bruxelles, 2021

    Louis Thévenet, Nature morte aux poissons, 1925

  • Questions

    Moreau editionsfdeville-la-complainte-disabeau-brigitte-moreau-9782875990464.jpg« Huguette fulmine. Elle reste silencieuse quelques instants, fait tourner le petit verre en cristal entre ses doigts d’un air distrait et prend une gorgée de sherry sans quitter des yeux la photo de son mari.
    – Qu’allons-nous faire maintenant ? Je connais Aurore, c’est une vraie tête de mule. Elle ne s’en tiendra pas là. Elle va revenir à la charge avec ses questions, elle va fouiner jusqu’à ce qu’elle trouve des réponses. C’est ce que tu aurais fait, toi aussi, Hubert, tu sais à quel point je l’aime, notre petite-fille, elle est tout ce qu’il me reste de… mais je ne veux pas… le passé doit rester enfoui… dans un carton avec les vieilles photos. Je ne le supporterais pas, je… »

    Brigitte Moreau, La Complainte d’Isabeau

  • Complainte d'Isabeau

    Brigitte Moreau signe avec La Complainte d’Isabeau, titre aux douces sonorités moyenâgeuses, un deuxième roman, après Le choix d’Agnès et des nouvelles. C’est l’histoire d’Aurore, étudiante en lettres à la Sorbonne, qui retrouve sa mère et sa grand-mère à la campagne pour l’été et reprend là « le rôle de la jeune fille polie, serviable et aimante qu’on lui a appris à devenir ».

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    Georges Lemmers (1871-1944), Femme dans un intérieur

    Heureuse de les retrouver, elle est surprise d’entendre à nouveau, la nuit venue, cette berceuse que sa mère lui chantait nuit après nuit durant son enfance, qu’elle écoutait sans ouvrir les yeux. Elle n’est plus une enfant, il faudra qu’elle le dise à sa mère, sans la blesser – elle sait qu’elle lui a manqué depuis son départ pour Paris.

    Peu à peu, le plaisir des retrouvailles cède la place à une observation plus critique des deux femmes qui l’ont élevée : Madeline, sa « mère poule », est toujours le « bon petit soldat » aux ordres d’Huguette, la grand-mère exigeante et stricte, souvent cassante, qui se retranche tous les soirs dans sa chambre pour boire un verre à la santé de son mari décédé.

    A dix-neuf ans, Aurore a l’habitude d’avoir un petit carnet avec elle pour écrire, une passion des mots qu’elle partage avec son petit ami, Alexis, dont elle n’a jamais parlé dans sa famille. Tous deux veulent devenir écrivains. Ici, elle a l’impression que la vie stagne, que l’endroit manque d’animation. Elle a besoin de faire un tour à vélo, de marcher, de s’éloigner de cette maison où tout reste à sa place. Le grand air la fatigue, mais quand la nuit ramène la voix douce aux paroles inaudibles et qu’elle ouvre les yeux, « une lumière diaphane, là, au pied de son lit », s’enfuit par la fenêtre. Plus moyen de se rendormir.

    Au téléphone, Alexis, resté à Paris, s’étonne qu’Aurore s’intéresse aux « Dames blanches » et envisage d’écrire une histoire fantastique inspirée par cette berceuse qui hante ses nuits. Lui voudrait raconter une histoire en lien avec le terrorisme, une histoire bien plus de leur temps.

    La Complainte d’Isabeau prend l’allure d’un conte lorsqu’Aurore, bravant l’interdit familial, s’aventure sur une colline voisine qu’on dit dangereuse – « des failles » – et y découvre une chaumière où habite une vieille femme que son apparition effraie. Celle-ci lui crie : « Non, Isabeau, non. Me fais pas de mal, pitié ! » Qui est Isabeau ? Le recul de sa mère et la colère de sa grand-mère quand elle leur demande si elles connaissent cette « petite vieille qui boite » vont attiser sa curiosité pour cette colline aux secrets dont elles ne lui ont jamais parlé.

    On comprend très vite que la grand-mère et la mère d’Aurore lui ont caché beaucoup de choses et que la jeune fille ne va pas en rester là, dans cette maison trop bien rangée à son goût. On comprend moins qu’Alexis lui-même cherche à la détourner de cette vieille qui passe pour folle. Aurore voudrait trouver des réponses à ses questions, notamment sur son père qu’elle n’a jamais connu.

    Dans ce roman, Brigitte Moreau mêle à l’atmosphère d’un été à la campagne le thème douloureux des secrets de famille et aussi les choix à faire dans une vie de femme. Aurore « la sent revenir, cette morsure venimeuse qui creuse dans le cœur le gouffre du manque. Et aujourd’hui, elle n’est plus une petite fille qui se satisfait d’une demi-explication. »

    Contre les silences béants de la mémoire familiale surgit la quête nécessaire des origines et de la vérité. J’aurais préféré pour ce sujet moins de romanesque, plus de nuances dans l’analyse des sentiments. Peut-être faut-il être plus jeune pour ne pas deviner entre les lignes à quoi s’attendre. Même si l’ambiance fantasmagorique m’a gênée, La Complainte d’Isabeau est bien une histoire contemporaine, où plusieurs générations se confrontent, à la fois berceuse et drame.

    (Merci aux éditions F. Deville pour cet envoi.)