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Namur

  • Regarde

    « On ne voit que ce que l’on regarde. »

    Merleau-Ponty

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    Michel Goulet, Les Espaces du dedans - Hommage à Henri Michaux - 2014 / Namur, VII/2025

    Parmi ces quatre chaises poèmes de Michel Goulet découvertes par hasard cet été près du Delta à Namur, voici celle dédiée à Henri Michaux dans sa ville natale.

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  • Le Marteleur

    Meunier Namur (54) Le Marteleur.jpg

    « Le Marteleur est contemporain de la révolte sociale de mars 1886, une vague d’émeutes et de grèves ouvrières insurrectionnelles dans les bassins industriels des provinces de Liège, de Hainaut et de Namur. Si le réalisme de son marteleur indique la difficulté du travail de l’ouvrier, la posture est plus « classique ». En effet, on retrouve le contrapposto emprunté à la sculpture de l’Antiquité classique et de la Renaissance italienne. Le rendu du corps, le geste et l’attitude de l’ouvrier au repos sont issus des observations in situ qu’a pu faire Meunier. Le réalisme est accentué par le port du vêtement caractéristique avec la visière, le tablier, les longues guêtres et les tenailles. Mais c’est surtout la posture plus classique, avec la main gauche posée sur la hanche qui donne au métallurgiste toute « la grandeur plastique de l’ouvrier industriel. » (Dossier pédagogique, page 7, où les deux gravures sont également commentées. Illustrations.)

    constantin meunier,la genèse d'une image,exposition,musée rops,namur,peinture,sculpture,gravure,dessin,illustration,mine,ouvriers,pays noir,travail,art,culture,le marteleurMarteleur : « Ouvrier chargé du cinglage, opération qui consiste, à l’aide d’un marteau pilon, à extraire les laitiers (scories pauvres en fer) de la loupe [masse de minerai mal fondu, renfermant des scories (TLF)] obtenue par le puddlage [brassage de la fonte] et de souder entre eux les grumeaux de fer qui la constituent. Le marteleur conduit ces boules spongieuses sous le marteau à l’aide d’une tenaille à coquille (comme celle sur laquelle s’appuie Le Marteleur de Meunier). Une fois martelées, elles s’agrègent en loupes affinées, pesant jusqu’à 200 kg, prêtes à être déroulées sous forme de barres plates dans les cylindres cannelés du laminoir. Le marteleur porte un large tablier de cuir, des brassards et des guêtres en tôle, ainsi qu’une visière en treillis métallique qui le protègent des projections de laitier brûlant. » (Lexique affiché à l’exposition & [ajouts])

    Constantin Meunier, Le Marteleur, 1886, bronze, Bruxelles, MRBAB et deux gravures au mur :

    A droite : Auguste Danse (d’après Constantin Meunier), Le Marteleur, 1911, eau-forte sur papier,
    1010 x 620 mm, Bruxelles, KBR

    A gauche : Daniel De Haene (inspiré par Constantin Meunier), Le Marteleur, 1888, eau-forte sur papier,
    545 x 360 mm, Bruxelles, KBR

    Constantin Meunier. La genèse d’une image, Namur, musée Félicien Rops > 07.09.2025

  • Meunier chez Rops

    Le sculpteur Constantin Meunier (1831-1905) était aussi peintre, comme l’a rappelé une belle rétrospective à Bruxelles il y a une dizaine d’années. A Namur, le musée Rops lui consacre une exposition temporaire : Constantin Meunier. La genèse d’une image (jusqu’au 7 septembre). Meunier a rencontré Félicien Rops (1833-1898) à l’Atelier Saint-Luc à Bruxelles et ils se sont retrouvés par la suite dans diverses associations artistiques.

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    Constantin Meunier, Le retour des mineurs, s.d., huile sur toile, 151 x 233 cm, Bruxelles, MRBAB
    (Un détail du trio central figure à l'affiche de l'exposition du musée Rops, où cette grande toile est exposée.)

    Artiste réaliste, Meunier « a marqué son époque en donnant une voix au monde ouvrier et en mettant en avant la noblesse du travail » (dépliant de présentation). Vers la fin des années 1870, il se met à peindre des scènes sociales, à dessiner la vie ouvrière – on en tirera des estampes – et aussi à illustrer des œuvres littéraires. Il influence d’autres artistes, également exposés ici.

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    Constantin Meunier, La descente des mineurs, s.d., huile sur toile, Bruxelles, MRBAB

    Dans la première salle, les œuvres témoignent des conditions du travail à la mine, rendent les couleurs sombres des charbonnages, comme dans sa spectaculaire peinture Descente des mineurs. Son fils Karl Meunier est l’auteur d’une eau-forte d’après Le Grisou, pour l’album Au pays noir. On verra plus loin un petit plâtre, d’une collection privée, d’après cette terrible sculpture d’une femme penchée vers son fils étendu, retrouvé parmi les morts (visible aux MRBAB).

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    Maximilien Luce, Les Bords de la Sambre, 1896, huile sur toile, 69,8 x 91,4, Bruxelles, MRBAB

    Parmi les artistes influencés par Constantin Meunier, qui joue un rôle important dans le renouveau artistique de son époque, beaucoup sont également fascinés par ce monde de la mine et les paysages industriels. Maximilien Luce peint Les Bords de Sambre avec leurs cheminées et leurs fumées. Karl Meunier grave un paysage de terril d’après une peinture à l’huile de son père.

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    Constantin Meunier, Autoportrait, huile sur toile, 1885, Bruxelles, MRBAB

    Pour son autoportrait de 1885, Constantin Meunier a choisi de se montrer devant le paysage de cette région, le pays noir. Sa Tête de paysan, gravée directement sur une plaque de cuivre, frappe par sa force expressive. Il a gagné le premier prix du journal L’Artiste avec Tête de femme de profil. D’autres estampes signées « C. Meunier » ont été gravées par son frère Jean-Baptiste Meunier. Sur une affiche lithographique réalisée pour les chemins de fer belges, un débardeur debout (travailleur du port d’Anvers) figure à l’avant-plan, sur quasi toute la hauteur, sous le nom ANTWERP, en lettres capitales.

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    Constantin Meunier, Tête de paysan, 1875, eau-forte sur papier,
    Namur, Musée Félicien Rops

    Meunier est aussi illustrateur. Notamment pour Un mâle, roman de Camille Lemonnier qui a fait scandale à sa parution en 1881. Meunier a réalisé un portrait très vivant du romancier à l’aquarelle, prêté par le musée d’Ixelles (dont la rénovation devrait se terminer l’an prochain). On découvre d’autres dessins au fusain pour Le Mort de Lemonnier, comme L’ombre de Hein qui hante Balt et Bast (ses meurtriers) ou La Glèbe, sujet qu’il reprendra dans un haut-relief en bronze. Un des atouts de l’exposition, c’est de montrer les variantes sur un même sujet et dans des techniques différentes.

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    Constantin Meunier, L’ombre de Hein qui hante Balt et Bast, maquette pour Le mort,
    vers 1902, fusain sur papier, Bruxelles, MRBAB

    Meunier revient à la sculpture vers 1885. Dans la salle du rez-de-chaussée où se dressent quelques beaux bronzes – Le Marteleur, Le Débardeur, Hiercheuse appelant… – sont exposées des gravures qu’ils ont inspirées à d’autres artistes du dix-neuvième siècle, parmi lesquels Auguste Danse, son beau-frère. Bonne idée d’afficher un « Lexique » caractérisant ces termes d’autrefois (débardeur, grisou, hiercheur, puddleur, marteleur, glèbe) dont nous ne connaissons pas toujours la signification précise.

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    Constantin Meunier, Hiercheuse appelant, Le Marteleur, Le Débardeur,
    sculptures en bronze (vue partielle) 

    Meunier ne s’est pas engagé politiquement, mais son œuvre révèle son soutien à la lutte ouvrière. Steinlen s’est inspiré de lui pour les lithographies de l’album Les gueules noires d’Emile Morel, « publié par un hebdomadaire français de tendance anarcho-syndicaliste » en 1896 (Dossier de presse).

    Centrée sur l’image, cette facette méconnue de l’œuvre de Constantin Meunier, l’exposition restitue tout un monde. « Il a affirmé qu’il avait beaucoup de compassion pour ces ouvrières et ces ouvriers, pour toutes ces personnes qui étaient exploitées. Et sur base de ce constat, on peut faire deux choses. On peut montrer la souffrance, les traces d’exploitation sur le corps, dans un moment de vérisme ou de naturalisme, ou on peut rendre justice d’une autre manière, en glorifiant le travail et en présentant ces personnes comme des êtres qui sont dignes et beaucoup plus philosophes d’une certaine manière. Cette seconde manière est celle que Constantin Meunier va privilégier » (Filip Dorssemont, commissaire de l’exposition).

  • Pimpant Namur

    Une belle expo au musée Rops, c’était bien sûr aussi l’occasion d’une promenade dans Namur. J’ai trouvé la ville particulièrement pimpante sous le soleil de juillet (une date bien choisie, le lendemain il pleuvait). Au-dessus de la Meuse, les flâneurs apprécient l’Enjambée, cette passerelle ouverte en 2020 qui relie Jambes et Namur.

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    Namur : l'Enjambée sur la Meuse

    Cet été, on peut découvrir à Namur « Le jardin extraordinaire de Kalbut ». L’artiste wallon conçoit ses œuvres à partir de matériaux de récupération et représente des animaux de la région. Juché sur une branche d’arbre près de l’église Saint-Loup (église baroque qui a fasciné entre autres Victor Hugo et Baudelaire), Martin le pêcheur nous a séduits par son allure et ses couleurs. (Les maquettes des neuf sculptures sont exposées à l’Office du tourisme.)

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    Namur : Martin le pêcheur © Kalbut

    En plus du grand patrimoine architectural namurois, c’est un plaisir, en se promenant dans la vieille ville, d’observer des détails aux façades des maisons comme ce bas-relief « A la maison blanche » au-dessus de la porte d’un établissement désaffecté.

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    Namur : Agrandir pour voir "A la maison blanche" au-dessus de la porte

    Dans la rue Haute Marcelle, une fresque de Kahef rend hommage au folklore local : « Vive Nameur po tot » (Vive Namur pour tous) peut-on lire près du gamin ouvrant un livre d’où sortent deux échasseurs (« du wallon namurois « chacheu » qui désigne le jouteur sur échasses » dixit Wikipedia). Les échasseurs namurois, qui ont plus de six siècles d’existence, sont aussi représentés par une statue en bronze (au rond-point des Échasseurs). 

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    Namur : street art signé Kahef

    De nombreuses potales (« du wallon potè, qui signifie petit trou ») ont survécu aux façades, ces niches qui abritent une statue de la Vierge ou d’un saint. Celle de « La vieille maison », sur une façade datée de 1775, est mise en valeur entre deux lanternes au-dessus de la porte de ce café-bar et de la jolie croix ouvragée de l’imposte.

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    Namur : L'ancienne maison

    Il y a des boutiques attrayantes dans les ruelles, comme la sympathique enseigne d’« Il fera beau demain » où nous sommes entrés, juste pour ressentir cette ambiance de caverne d’Ali Baba qui contribue « à entretenir un petit coin de rêve, de charme, de poésie au sein du vieux Namur » (site). J’y ai photographié cette vaisselle Copenhague que nous utilisions chez ma grand-mère, un classique qui garde la cote, apparemment.

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    Namur : vaisselle Copenhague (Il fera beau demain)

    Voici le merveilleux Gérard le renard de Kalbut, sur une place dont je vous parlerai prochainement. Son socle accueillait quelques amatrices de crèmes glacées, d’autres passants cédaient à l’envie de se faire tirer le portrait en sa compagnie. Ses couleurs sont bien choisies et ses griffes semblent redoutables.

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    Namur : Gérard le renard © Kalbut

    Autre personnage du folklore namurois, le Molon, un coq à la main gauche et une boîte de quête à la main droite. Avec un « 40 » au-dessus du « M » de son chapeau, la statue se dresse devant la maison natale de Nicolas Bosret, auteur de l’hymne namurois « Li Bia Bouquet », le premier directeur « des 40 molons ». La royale société Moncrabeau, « probablement la plus ancienne société folklorique de Wallonie », à vocation philanthropique et musicale, organise un concours de menteries au monument dédié à Nicolas Bosret, un buste à l’arrière duquel se trouve le siège où doit s’asseoir le candidat menteur (détails ici).

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    Namur : Le Molon ©  Vinciane Renard

    Parmi les animaux figurés par Kalbut, les oiseaux ont ma préférence. Voici Léon le héron, un poisson dans le bec, sur l’esplanade de la Confluence où arrive l’Enjambée et où les enfants peuvent se rafraîchir aux jets d’eau aléatoires. Un peu plus loin, un autre volatile, Victor le pic-vert : il a l’air malicieux, non ?

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    Namur : Léon le héron & Victor le pic-vert © Kalbut
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    Namur : Vue de la Confluence vers la Citadelle (la Tortue brille sur l'herbe, à droite)

    Nous montons là les escaliers pour admirer d’en haut le confluent de la Sambre et de la Meuse. On se retourne vers l’esplanade pour admirer, au-dessus des briques rouges du Parlement wallon, la citadelle de Namur où brille désormais la Tortue dorée de Jan Fabre, Searching for Utopia, posée là lors d’une exposition en 2015 et conservée depuis lors. Nous irons la voir de plus près à l’occasion d’une autre balade namuroise en bonne compagnie.

  • Gommes & linos

    Dans le catalogue de l’exposition Le Cercle des femmes peintres & Kikie Crêvecoeur, Margaux Van Uytvanck présente une belle synthèse de son travail et de son parcours d’artiste : « Kikie Crêvecoeur et la gravure. Voyage imaginaire au pays des mille et une gommes ».

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    © Kikie Crêvecoeur, Conte(s) à rebours, 2008-2009,
    impressions de gommes gravées sur post-it, 150 x 150 cm. Collection de l'artiste

    Les « gommes » de Kikie Crêvecoeur, dont j’ai retrouvé au musée Rops une série d’œuvres vues à la Bibliotheca Wittockiana, restent un axe essentiel de son travail de gravure. Ci-dessus un détail d’une spirale, Conte(s) à rebours, pour vous permettre d’apprécier la diversité des estampes avec lesquelles elle raconte le fait marquant du jour : un mot, un dessin, une date, une trace de son quotidien mêlé à l’actualité du monde.

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    © Kikie Crêvecoeur, Tapis Boud'rikiki (détail), installation, 2024

    Au pied d’un mur où sont accrochées les « Trognes », l’artiste a étalé une bordure florale, un « Tapis d’Boudrikiki » où des impressions recto verso et en couleurs composent une installation éphémère mêlant les mots et les images. En agrandissant la photo, vous y trouverez des fleurs, des cœurs, des aphorismes, des clins d’œil au visiteur...

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    © Kikie Crêvecoeur, Nzomba (détail), 1995, 100 x 200 cm,
    estampe marouflée sur toile, linogravures, gommes et empreintes, tirage unique.
    Collection de l'artiste.

    L’exposition montre de beaux ensembles comme « Elles viennent dans la nuit » pour illustrer un texte de Corinne Hoex. « Nzomba », une œuvre dans les tons bleu-vert réalisée en écoutant des polyphonies des pygmées Aka, évoque la forêt et leur mode de vie : l’œuvre est composée de six reproductions d’une linogravure sur lesquelles Kikie Crêvecoeur est intervenue avec des impressions de gommes, les doigts, les couleurs. (Dans leur langue bantou, « nzomba » veut dire « forêt » et « nzombi », l’esprit de la forêt.)

    Le Cercle des femmes peintres & Kikie Crêvecoeur, Musée Rops, Namur > 08.09.2024