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évolution

  • Règle d'or

    rutger bregman,humanité,une histoire optimiste,essai,littérature néerlandaise,bien,mal,réalisme,nature de l'homme,confiance,cynisme,évolution,optimisme,pessimisme« Ne fais pas aux autres ce que tu ne voudrais pas qu’on te fasse. » Variante positive : « Traite les autres comme tu voudrais que l’on te traite. »

    « Néanmoins, j’ai fini par me convaincre que la Règle d’or était insuffisante. […] En effet, le problème, c’est que nous ne percevons pas toujours correctement ce que l’autre désire. D’innombrables managers, dirigeants, journalistes et politiciens sont convaincus d’en être capables, alors qu’en réalité ils bâillonnent les autres. »

    « Dans la pratique, il est toujours préférable de commencer par une question », de laisser l’autre, les autres s’exprimer, d’écouter leurs souhaits. 

    George Bernard Shaw : « Ne fais pas aux autres ce que tu voudrais qu’ils te fassent ; leurs goûts peuvent être différents. »

    Rutger Bregman, Humanité. Une histoire optimiste

    Max Morton était optimiste et accueillant, son nom a trouvé un bel emplacement au square Riga
    près du rond-point qui porte désormais son nom. Le tapis de pétales roses en prime (photo).

    Rond-point MAX MORTON Rotonde
    Liverpool 1943 – Schaerbeek 2021
    Hommage au peintre Schaerbeekois
    Hulde aan de Schaerbeekse schilder

  • Un optimisme fondé

    Humanité. Une histoire optimiste de Rutger Bregman est la traduction (du néerlandais par Caroline Sordia et Pieter Boeykens) de De meeste mensen deugen. Humankind ou « La plupart des gens sont des gens bien ».  Tchekhov est cité en épigraphe : « L’être humain deviendra meilleur lorsque vous lui aurez montré qui il est ».

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    Bregman monte à l’assaut d’un préjugé fort répandu selon lequel les gens seraient spontanément égoïstes et agressifs en général. Il va le montrer en s’appuyant sur des faits historiques, des événements dramatiques, des expériences scientifiques. Les exemples abondent qui mettent à mal ce que le biologiste Frans de Waal appelle « la théorie du vernis » selon laquelle « la civilisation ne serait qu’une mince couche qui se craquellerait à la moindre anicroche ».

    A la suite de l’ouragan Katrina en août 2005, « la plus grande catastrophe naturelle de l’histoire des Etats-Unis », la presse a diffusé des histoires sordides – viols, fusillades, bandes de gangsters… – et des déclarations publiques montrant que les désastres font souvent ressortir le pire chez les gens. Quelques mois plus tard, les autorités ont admis qu’elles n’avaient reçu aucun rapport de meurtre ou de viol, seulement des pillages en groupe « pour survivre, parfois avec l’aide de la police elle-même ». Dans l’ensemble, c’est au contraire le courage et l’amour du prochain qui ont prévalu.

    Impossible ici de détailler les cas ; les analyses prennent chaque fois plusieurs pages, avec des notes en bas de page pour citer les sources. L’auteur se sert de la notion de « placebo » pour attirer l’attention sur l’effet « nocebo » auquel il associe la vision négative de l’humanité : « Ce que l’on présuppose chez l’autre, c’est ce que l’on suscite. » Pour relever les grands défis de notre époque, selon lui, « la réponse commence par une autre perception du genre humain. » Et de rappeler la légende amérindienne des deux loups et sa conclusion : le loup qui l’emporte, c’est « Celui que tu nourris. »

    Pourquoi la suspicion, le cynisme sont-ils si fréquents ? Pour Bregman, « la drogue des infos » nuit à notre santé mentale en relayant les crimes, les malheurs, les événements exceptionnels, provoquant crainte, stress et dépression. Les optimistes sont peu entendus par rapport aux cyniques et aux puissants qui se prétendent « réalistes ». Ainsi, l’enquête sur le naufrage réel d’enfants à l’origine de Sa Majesté des mouches de William Golding raconte le contraire du roman : leur débrouille, une histoire d’entente et d’amitié.

    Bregman remonte aux origines de l’Homo Sapiens, le comparant aux singes et aux autres espèces du genre Homo. Pour l’auteur, c’est le passage d’une population de chasseurs cueilleurs à une population de paysans sédentaires qui serait à l’origine des conflits, du patriarcat et des premiers Etats esclavagistes. L’histoire est écrite par les vainqueurs : la civilisation garantirait la paix et le progrès, par opposition à la vie sauvage qui équivaudrait à la guerre et au déclin. « En réalité, pendant la majeure partie de notre histoire, cela a plutôt été le contraire. »

    Le livre est difficile à résumer sans tomber dans les généralités ou les raccourcis. Ce qui m’a surtout frappée, c’est comment Bregman prend à rebours des théories qui ont conditionné notre vision de l’humanité dans un sens négatif. Du mystère de l’Ile de Pâques aux expériences de psychologie sociale dont on a largement diffusé les conclusions pessimistes prétendument scientifiques, mais non leur remise en question par d’autres chercheurs révélant après coup des manipulations et leur caractère « bidon ».

    L’expérience de Milgram et de sa machine à électrochocs, selon laquelle 65% des individus obéissent aux ordres, même pour faire du mal à autrui, tout le monde la connaît. Très peu de gens savent qu’en réalité, il y eut beaucoup de résistance, le cadre universitaire et la confiance dans les chercheurs incitant à obéir « pour le bien » d’une meilleure compréhension de la nature humaine.

    Le nazisme est évidemment bien plus qu’un cas d’étude sur la capacité des hommes à faire le mal. A propos de la seconde guerre mondiale, Bregman rappelle que face au mal extrême, il importe de souligner les preuves de compassion et de résistance. Saviez-vous qu’au Danemark, 99% des Juifs furent sauvés ? Informés par un nazi d’une rafle imminente, les Danois ont averti leurs compatriotes et aidé à évacuer plus de sept mille personnes en Suède.

    « Comment l’empathie rend aveugle », « Comment le pouvoir corrompt » : ces chapitres montrent « pourquoi les gens bien agissent mal. » Le « nouveau réalisme » proposé dans Une histoire optimiste. Humanité est basé sur une attente plus positive vis-à-vis d’autrui et plus de confiance dans l’humanité. En épilogue, Bregman présente dix préceptes à suivre pour y arriver. Une lecture encourageante !

  • Circuiter

    cyrulnik,des âmes et des saisons,psycho-écologie,essai,littérature française,développement du cerveau,hommes et femmes,société,culture,langage,psychisme,environnement,évolution,petite enfance« Les êtres humains sont capables d’orienter les représentations mentales des autres avec des comportements de menace ou de séduction, avec des symboles de décorations vraies ou fausses, et surtout avec des mots. Dès le 4e mois, l’attention d’un bébé est capturée par des sonorités vocales particulières. La répétition de ces mots circuite la zone des sons sur son lobe temporal gauche, le transformant, jour après jour, en « zone du langage ». Ce qui revient à dire que parler à un bébé, c’est circuiter son lobe temporal gauche, lui faisant acquérir une facilité à reconnaître des mots pour exprimer ses émotions et agir sur le monde des autres.
    Dès que ces mots venus des autres ont circuité cette zone du cerveau, le bébé devient capable d’attribuer à autrui des émotions et des intentions, comme le fait mon chat
    [son « très beau chat noir aux yeux dorés »], mais aussi des croyances vraies ou fausses, comme ne le fait pas mon chat.
    A partir d’indices sensoriels perçus, la verbalité vient de créer une aptitude à se représenter un monde impossible à percevoir. »

    Boris Cyrulnik, Des âmes et des saisons

    Georges Lemmers (1871-1944), Berceau

  • Psycho-écologie

    Des âmes et des saisons, l’essai de Boris Cyrulnik publié l’an dernier, a pour sous-titre « Psycho-écologie ». « L’homme n’est pas séparable de son environnement dont son corps est un carrefour. Son âme, elle aussi, est à la croisée des contraintes. » S’appuyant sur des données scientifiques, ici souvent empruntées aux neurosciences, Cyrulnik examine le développement d’un être vivant dans une approche qui intègre « une cascade de causes hétérogènes qui convergent pour conjuguer l’âme et le corps : habitat climatique, ambiance affective, structure sociale, entourage verbal et récits culturels. »

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    Le neuropsychiatre aborde dans leur évolution historique la manière dont se distribuent les rôles des hommes et des femmes, d’une part, et la façon dont le cerveau se développe, d’autre part. Pour ce qui est des rôles masculin et féminin, ses raccourcis stéréotypés me laissent souvent perplexe. Par exemple quand il fait dire aux femmes à l’époque des « chasseurs musclés » : « OK, je serai ta femelle servante et tu seras mon mâle protecteur. » Il constate que la domination « qui a été une adaptation pour survivre » ne produit que du malheur aujourd’hui, dont nous ne sortirons qu’en prenant une nouvelle direction « vers l’unité de la Terre et du monde vivant ».

    J’ai été plus intéressée par ses explications sur le cerveau humain « sculpté différemment selon les pressions des milieux précoces », Dans l’utérus puis dans le foyer, la construction du cerveau est influencée par les émotions ressenties dans un milieu sécurisant ou adverse. On a mesuré, par exemple, que la réception de la douleur est plus ou moins tolérée selon qu’on a acquis ou pas un facteur de protection dans les premières années de sa vie, étant donné que le cerveau est « circuité par le milieu ».

    Un bon départ dans la vie renforce la résistance « aux inévitables agressions de l’existence », mais un mauvais départ ne signifie pas que ce soit perdu pour toujours – « le cerveau se transforme sans cesse selon les apprentissages et les expériences de la vie » (I. Mansuy). Après un traumatisme, certains se servent de la parole pour atténuer leur douleur quand d’autres « aggravent leurs souffrances en ruminant » (syndrome post-traumatique). Pour un psychologue, « ce qui est vrai n’est vrai que pour chacun d’entre nous ».

    Cyrulnik évoque aussi la résilience dont peuvent faire preuve les plantes et les animaux, mais il s’attache surtout au développement humain en interaction avec les autres et avec le monde : « L’esprit des êtres humains organise le milieu qui sculpte le corps et l’âme de ceux qui y vivent. Depuis les chasseurs-cueilleurs, nous avons incroyablement modifié le milieu, qui nous a incroyablement modifiés. » Le cerveau ne cesse de changer sous les pressions naturelles et culturelles toujours en changement.

    Après avoir montré à l’aide de nombreux exemples à quel point la « niche affective » joue un rôle positif ou négatif sur l’avenir d’un bébé – les mille premiers jours de la vie sont la période où le cerveau est le plus sensible –, l’auteur se penche sur la période critique de l’adolescence. Il n’y a pas pour autant de déterminisme social dans l’évolution d’un individu, ce sont des probabilités et non des certitudes, des cas contraires en témoignent.

    A l’adolescence, le cerveau réduit ses circuits mais améliore ses performances. Pourquoi tant de souffrance chez un tiers des moins de dix-huit ans ? se demande-t-il. Cela l’amène à examiner les effets secondaires indésirables du progrès : surpopulation, dilution affective, perte de sens. Boris Cyrulnik décrit les problèmes d’une société où, de plus en plus souvent, on naît hors mariage, on se sépare, on postpose la maternité ou on la refuse, où on ne voit plus bien quel rôle est le sien, où on prend conscience que l’homme n’est pas au-dessus de la nature mais dans la nature...

    Deux citations de Cyrulnik que j’ai trouvées encourageantes pour conclure cet aperçu d’un livre stimulant, qui souligne l’importance des débuts de la vie et de l’éducation. D’abord, ce qui peut paraître une évidence, mais qui n’en est pas une : « Ceux qui meurent sont ceux qui ont eu la chance de vivre. » Et puis celle-ci : « Les catastrophes écologiques et sociales sont souvent l’occasion de nouvelles directions. »

  • Harmonisation

    Maalouf Le naufrage.jpg« Je suis effectivement de ceux qui pensent que lorsqu’on investit intelligemment dans l’harmonisation sociale, on peut atténuer les tensions entre les différentes composantes d’une nation. Je suis même tenté de redire ici ce que j’ai dit à propos de Mandela et de sa manière de remédier aux tensions raciales dans son propre pays : il arrive que la générosité soit la moins mauvaise solution ; et il arrive qu’une bonne action soit aussi une bonne affaire. »

    Amin Maalouf, Le naufrage des civilisations