Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Un optimisme fondé

Humanité. Une histoire optimiste de Rutger Bregman est la traduction (du néerlandais par Caroline Sordia et Pieter Boeykens) de De meeste mensen deugen. Humankind ou « La plupart des gens sont des gens bien ».  Tchekhov est cité en épigraphe : « L’être humain deviendra meilleur lorsque vous lui aurez montré qui il est ».

rutger bregman,humanité,une histoire optimiste,essai,littérature néerlandaise,bien,mal,réalisme,nature de l'homme,confiance,cynisme,évolution,optimisme,pessimisme

Bregman monte à l’assaut d’un préjugé fort répandu selon lequel les gens seraient spontanément égoïstes et agressifs en général. Il va le montrer en s’appuyant sur des faits historiques, des événements dramatiques, des expériences scientifiques. Les exemples abondent qui mettent à mal ce que le biologiste Frans de Waal appelle « la théorie du vernis » selon laquelle « la civilisation ne serait qu’une mince couche qui se craquellerait à la moindre anicroche ».

A la suite de l’ouragan Katrina en août 2005, « la plus grande catastrophe naturelle de l’histoire des Etats-Unis », la presse a diffusé des histoires sordides – viols, fusillades, bandes de gangsters… – et des déclarations publiques montrant que les désastres font souvent ressortir le pire chez les gens. Quelques mois plus tard, les autorités ont admis qu’elles n’avaient reçu aucun rapport de meurtre ou de viol, seulement des pillages en groupe « pour survivre, parfois avec l’aide de la police elle-même ». Dans l’ensemble, c’est au contraire le courage et l’amour du prochain qui ont prévalu.

Impossible ici de détailler les cas ; les analyses prennent chaque fois plusieurs pages, avec des notes en bas de page pour citer les sources. L’auteur se sert de la notion de « placebo » pour attirer l’attention sur l’effet « nocebo » auquel il associe la vision négative de l’humanité : « Ce que l’on présuppose chez l’autre, c’est ce que l’on suscite. » Pour relever les grands défis de notre époque, selon lui, « la réponse commence par une autre perception du genre humain. » Et de rappeler la légende amérindienne des deux loups et sa conclusion : le loup qui l’emporte, c’est « Celui que tu nourris. »

Pourquoi la suspicion, le cynisme sont-ils si fréquents ? Pour Bregman, « la drogue des infos » nuit à notre santé mentale en relayant les crimes, les malheurs, les événements exceptionnels, provoquant crainte, stress et dépression. Les optimistes sont peu entendus par rapport aux cyniques et aux puissants qui se prétendent « réalistes ». Ainsi, l’enquête sur le naufrage réel d’enfants à l’origine de Sa Majesté des mouches de William Golding raconte le contraire du roman : leur débrouille, une histoire d’entente et d’amitié.

Bregman remonte aux origines de l’Homo Sapiens, le comparant aux singes et aux autres espèces du genre Homo. Pour l’auteur, c’est le passage d’une population de chasseurs cueilleurs à une population de paysans sédentaires qui serait à l’origine des conflits, du patriarcat et des premiers Etats esclavagistes. L’histoire est écrite par les vainqueurs : la civilisation garantirait la paix et le progrès, par opposition à la vie sauvage qui équivaudrait à la guerre et au déclin. « En réalité, pendant la majeure partie de notre histoire, cela a plutôt été le contraire. »

Le livre est difficile à résumer sans tomber dans les généralités ou les raccourcis. Ce qui m’a surtout frappée, c’est comment Bregman prend à rebours des théories qui ont conditionné notre vision de l’humanité dans un sens négatif. Du mystère de l’Ile de Pâques aux expériences de psychologie sociale dont on a largement diffusé les conclusions pessimistes prétendument scientifiques, mais non leur remise en question par d’autres chercheurs révélant après coup des manipulations et leur caractère « bidon ».

L’expérience de Milgram et de sa machine à électrochocs, selon laquelle 65% des individus obéissent aux ordres, même pour faire du mal à autrui, tout le monde la connaît. Très peu de gens savent qu’en réalité, il y eut beaucoup de résistance, le cadre universitaire et la confiance dans les chercheurs incitant à obéir « pour le bien » d’une meilleure compréhension de la nature humaine.

Le nazisme est évidemment bien plus qu’un cas d’étude sur la capacité des hommes à faire le mal. A propos de la seconde guerre mondiale, Bregman rappelle que face au mal extrême, il importe de souligner les preuves de compassion et de résistance. Saviez-vous qu’au Danemark, 99% des Juifs furent sauvés ? Informés par un nazi d’une rafle imminente, les Danois ont averti leurs compatriotes et aidé à évacuer plus de sept mille personnes en Suède.

« Comment l’empathie rend aveugle », « Comment le pouvoir corrompt » : ces chapitres montrent « pourquoi les gens bien agissent mal. » Le « nouveau réalisme » proposé dans Une histoire optimiste. Humanité est basé sur une attente plus positive vis-à-vis d’autrui et plus de confiance dans l’humanité. En épilogue, Bregman présente dix préceptes à suivre pour y arriver. Une lecture encourageante !

Commentaires

  • N'est-ce pas ? Bonne journée, Dominique.

  • J'ai lu ce livre dont le titre m'avait attirée, et c'est vrai qu'il est réconfortant. Simplement, il y a l'épineuse question du pouvoir : il semble que les violents soient plus malins pour le prendre et surtout le garder.. C'est Woody Allen je crois qui dit : "les méchants savent quelque chose que les bons ne sauront jamais." Alors reste à lui répondre : on peut décider de penser que l'inverse est vrai.

  • Oui, Ariane, le problème du pouvoir est crucial, Bregman parle des personnalités narcissiques voire sociopathes qui le prennent si souvent, de Machiavel et de la violence... Rien n'est simple à ce niveau. Disons que son essai encourage surtout à éviter les généralisations abusives.

  • A peu près l'inverse de ce que l'on entend tous les jours ; J'ai déjà écouté des émissions qui reviennent sur des expériences bidon en effet, mais ce n'est pas assez connu et surtout les medias se nourrissent essentiellement de négatif, je pourrais même dire se repaissent. Un livre qui doit rassurer et faire du bien. Je suis curieuse des dix préceptes.

  • Le premier : "En cas de doute, partez du principe que l'autre vous veut du bien." L'un des plus difficiles à respecter, ajoute-t-il.

  • Je l'ai lu il y a deux ou trois ans et je l'ai beaucoup apprécié. Cette lecture m'avait été conseillée par une de tes compatriotes rencontrée sur la montagne de Lure un soir... C'est terrible de constater les manipulations de masses, il nous faut être sans cesse vigilants.
    Doux premier mai Tania, à bientôt. brigitte

  • En avais-tu cité des extraits ? Je ne sais plus où j'ai noté ce titre, peut-être est-ce chez toi.

  • Ce genre d'analyses et d'optimisme dans l'humanité sont absolument nécessaires pour contrecarrer toutes les infos négatives dont on nous bombarde. Faire la juste part des choses....
    Bonne soirée Tania

  • Voilà. Un livre qui équilibre, disons. Bonne soirée à toi.

  • oui en Flandre aussi nous avons quelques philosophes et scientifiques de cette veine, comme Maarten Boudry, leur démarche est scientifique, basée sur des statistiques etc. et les lire rend un peu plus optimiste :-)

  • Je ne le connais pas, j'irai voir ce qu'il raconte sur son site. Merci & bonne soirée.

  • Formidable analyse; pour ma part, je confirme: regarder le moins possible les infos, ce sont des drogues, qui tuent l'optimisme! Il me semble que face à la manipulation des masses, il n'y a qu'un truc: la culture qui permet de juger et la passion qui nous éloigne du péril.

  • Pour moi, ce n'est pas si facile de se passer des infos, même si je reconnais leurs effets nuisibles. Comme l'auteur l'a fait lui-même, j'ai longtemps considéré que bien s'informer était fondamental pour développer son esprit critique et j'encourageais mes élèves à lire la grande presse d'information. Avant je regardais même plusieurs JT en suivant pour les comparer, aujourd'hui je me limite à un seul.
    Il me semble que la dérive des journaux télévisés vers la dramatisation est accentuée par celle des réseaux sociaux, on voit de plus en plus de vidéos "virales" montrées lors des JT, par exemple. Lire le journal permet plus de recul ; on y trouve encore des analyses et pas seulement le tamtam médiatique.
    D'accord avec toi : se cultiver est la meilleure manière de développer l'ouverture d'esprit et de se ressourcer (là aussi en faisant des choix).

  • Un titre qui interpelle et donne envie de se plonger dans cette lecture. Je fuis les médias pour le côté négatif qu'ils entretiennent en permanence sur la vie, les gens, notre société...ils poussent à la révolte, la télé aussi qui ne montre que des rêves inaccessibles pour la plupart des gens. Je retiens cette citation qui me plait beaucoup "Ce que l’on présuppose chez l’autre, c’est ce que l’on suscite". J'ai eu l'occasion de la tester maintes fois lorsque je travaillais avec des ados. Quand on les respecte, il nous respecte, quand on s'intéresse à eux avec sincérité ils font de même...et tout cela est fort réconfortant. Je note ce titre !

  • Ton commentaire est complètement dans la ligne de ce que défend l'auteur. Bonne lecture si tu te plonges dans cet essai.

  • Titre très très intéressant Tania.
    J'avais lu qu'une communauté de sœurs conseillaient un bon hebdomadaire de la presse écrite, plutôt qu'un JT quotidien. Les nouvelles étaient généralement délivrées avec plus de recul et moins de dramatisation.
    Ayant travaillé avec des jeunes aussi, comme Manou, je suis totalement d'accord avec le cercle vertueux qu'elle décrit.
    Bonne journée Tania !

  • Exactement. La grande presse prend du recul et joue moins sur les émotions, même si la une des journaux les utilise aussi davantage qu'avant pour accrocher au premier regard.
    Bonne après-midi, Claudie, très ensoleillée ici comme hier.

  • Je suis sûre que ce livre va me plaire ! Je l'ai mis dans mon panier d'envies de la médiathèque - pour l'instant, je suis prise par Steinbeck. Merci pour cette belle suggestion de lecture.
    Bon week end.

  • Merci, Marie, j'espère qu'il te plaira - une bonne lecture à rebours du pessimisme ambiant.

Écrire un commentaire

Optionnel