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tradition

  • Différence

    abdennour bidar,self islam,essai,islam,foi,religion,mysticisme,soufisme,tradition,modernité,spiritualité,liberté,culture,histoire d'un islam personnel,témoignage,littérature française« Quelle est la valeur la plus partagée ? C’est précisément le désir de voir sa différence reconnue par autrui. L’aspiration et le droit à la différence. Chaque individu, chaque culture veut aujourd’hui avant tout avoir un droit d’expression, d’épanouissement, de développement égal à celui de tous les autres. Si l’humanité est « une », c’est donc à présent par son « vœu de diversité », son vœu de « multiplicité ». Ce qui nous rassemble, ce n’est donc plus ce qui nous unit – une même religion, une même langue, etc. –, mais la volonté de voir reconnu et protégé ce qui nous distingue. Ce désir d’une reconnaissance de notre différence fait que nous nous rassemblons tous à présent sur ce point : l’humain en nous-mêmes veut exprimer ce qu’il est individuellement, montrer aux autres ce qu’il porte en lui d’unique, et se faire accepter et aimer précisément pour cette singularité. On ne veut jamais être aimé que pour sa différence. Que l’autre nous trouve unique, irremplaçable. Si nous méditions plus là-dessus, nos différences nous rapprocheraient au lieu de nous diviser. »

    Abdennour Bidar, Self islam

  • Un islam personnel

    Le nom d’Abdennour Bidar m’était inconnu avant qu’un ami me prête Self islam (2006, 2016 pour la postface), sous-titré « Histoire d’un islam personnel ». Ce Français dont la mère s’est convertie à l’islam avant sa naissance (en 1971) a grandi « entre les vignes et la mosquée » dans la région de Clermont-Ferrand. Il aimait comme un père son grand-père athée et communiste, que la chute du mur de Berlin avait perturbé et qui aimait parler de Dieu avec son petit-fils, un de ces êtres qu’on aime « pour la liberté qu’ils vous laissent d’être ce que vous êtes. »

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    Odilon Redon

    L’auteur appartient à la génération Mitterand. L’islam, il l’a d’abord nourri dans son cœur uniquement, puis à la mosquée où il ne comprenait rien, mais trouvait « paix, force, présence ». Ce « musulman auvergnat » qui ne porte l’islam ni sur son visage, ni sur ses vêtements, ni dans son mode de vie, a très tôt voulu détruire le mur entre deux mondes. Abdennour et Pierre sont ses deux prénoms. « Abdennour », qui signifie « serviteur de la Lumière », étonne les autres qui ne lui voient rien d’arabe (et il ne connaît pas l’arabe) ; ce prénom inattendu qu’il doit constamment justifier est bien le sien, en recherche de lumière intérieure. Le second le rattache au Christ. Il a des amis des deux côtés.

    Sa mère, médecin, pratique un islam discret, mystique. Son père marocain, au contraire, appartient au « tabligh », un mouvement piétiste d’origine pakistanaise, très conservateur et « ostentatoire », toujours à prier et à prêcher, une sorte de fanatisme « pacifique et joyeux ». C’est sa mère qui l’a éduqué sur le plan spirituel, avec ses frère et sœurs qu’elle a élevés seule, en insistant toujours sur la quête de sens, le sens apparent et le sens caché des versets du Coran qu’elle leur enseignait.

    Abdennour Bidar ne veut pas parler ici de ses parents mais de son propre cheminement entre Occident et Orient pour lesquels il rêve d’une « civilisation de la réconciliation à venir ». Il raconte son enfance modeste en banlieue, en HLM, entre pauvres et immigrés ; son éducation « à la droiture, au désintéressement, à la sollicitude envers autrui et à l’exigence envers nous-même ».

    Pour lui, Allah désigne un « grand courant de vie, d’énergie, de lumière », dans une optique humaniste où les hommes sont avant tout reliés aux autres, à la nature, à la vie. La religion propose des moyens qu’il ne faut pas sacraliser selon lui, qui se situe à l’opposé d’un islam indiscutable et intouchable jouant trop souvent le jeu de la division et s’appuyant sur l’ignorance spirituelle.

    Bon élève, lecteur de Jules Verne, souvent distrait parce qu’il est absorbé par ses pensées, Bidar passe souvent pour un « mauvais musulman » dans une religion « où le jugement de l’autre, apparent ou sournois, est une pratique si courante ». Le « self islam », au contraire, appelle à la responsabilité spirituelle de chacun et à une vie libre par rapport aux lois religieuses. Le mot « islam » ne signifie pas « soumission forcée » mais « obéissance choisie ». Bidar est allergique au « djihad », il veut dissocier le sacré et la violence.

    Il lui a fallu du temps pour arriver à cet islam personnel. Poussé par un professeur à étudier à Paris, il prend conscience de sa vocation : « montrer qu’il y a de la lumière dans la caverne de l’existence ». Sa vie d’interne au lycée Henri IV a été une période « extrêmement difficile ». De bon élève, il devient « moyen » et surtout, il se sent différent : « Ils avaient lu l’Occident, j’avais médité l’Orient ». Aussi vit-il son islam clandestinement, comme exilé dans son propre pays. La rencontre en terminale de sa future femme, Laurence, va le soutenir. Attentive à ce qu’il vit et croit, elle finira par se convertir. Leurs trois fils seront élevés dans cette optique spirituelle, sans contraintes autres que le questionnement : qui suis-je ? que puis-je faire pour les autres ? comment se préparer à mourir ?

    A vingt ans, il ressent de la tristesse et de la colère contre le matérialisme occidental. Ecœuré, épuisé par le travail scolaire, il est pris dans le conflit entre philosophie et religion – philosophie le jour, soufisme le soir. Enfermé dans cette opposition, il décide de ne pas suivre les cours à l’Ecole Normale Supérieure malgré son admission. Il travaille en solitaire, s’inscrit à la Sorbonne pour une licence et une maîtrise de philosophie, un DEA de culture et civilisation islamiques. Pendant sept ans, sa femme et lui ont adhéré à la « tariqa », une « éminente confrérie soufie du Maroc » qui appelle au respect des obligations religieuses et aux méditations fréquentes – une expérience libératrice, dans un premier temps.

    Puis c’est la descente aux enfers : achat collectif d’une propriété, réunions, dérive sectaire, fanatisme et hystérie. La lutte continuelle contre l’ego, un djihad moral condamnant les fréquentations extérieures au mouvement et le questionnement finissent par l’isoler de tous, lui qui s’y refuse. Le voilà grandement déçu par rapport au soufisme en Europe qui, presque partout, cultive une fausse image d’ouverture et de paix. Trop personnel dans ses réflexions, il est rappelé à l’ordre, puis c’est la rupture, le vide autour d’eux, quelques amis exceptés. Sa femme et lui se font alors muter en Corrèze, ils achètent une maison près des bois et y trouvent l’apaisement. Sauvé par son sens critique, le philosophe entre en dépression, ressent un « vide absolu » durant deux, trois ans – à 26 ans, il le vit comme un échec personnel.

    La troisième partie de Self islam raconte sa renaissance et son engagement. Abdennour Bidar se dit l’enfant de deux mondes agonisants où il observe la perte du sacré : celui « de la personne humaine » en Occident et celui de la « Grande Vie d’Allah » en Orient. Sa conception d’un islam personnel se fait jour, il l’explique. A partir de l’an 2000, il s’implique dans le débat sur l’islam en Occident, contre la menace et la terreur islamistes, contre l’hypocrisie d’un Tariq Ramadan dont il dénonce le double langage, usant des moyens démocratiques pour diffuser un islam antidémocratique, traditionnel, au nom du multiculturalisme.

    Abdennour Bidar a écrit Lettre d’un musulman européen dans la revue Esprit, plus récemment Un islam pour notre temps : il veut promouvoir un nouvel islam, qu’il voit déjà en marche dans de nombreux pays. Chargé de cours à l’Université des sciences humaines à Nice, il considère l’Europe comme un terrain propice pour cette transformation. Il a fondé le cercle Al Mamoun, avec des intellectuels, des hommes et des femmes de bonne volonté, pour un « observatoire de l’évolution de l’islam ». Sur son site, où il résume son parcours, il se présente comme un « méditant engagé ».

    « Nous n’avons pas besoin de chefs ni d’imams, mais de penseurs. » Bidar s’appuie sur de nombreuses lectures, celles des grands penseurs de l’islam comme Ibn Arabi, celle de Blaise Pascal aussi. Il dénonce la propagande religieuse dans les librairies remplies de codes de conduite, à travers les vidéos et les cassettes, téléguidée du Moyen Orient. Self islam est un témoignage et un appel à la responsabilité spirituelle, au progrès spirituel, et non au laisser-aller, à un islam self-service ou à la carte, comme le lui reprochent ses détracteurs. Aux catégories traditionnelles comme l’obligatoire, le licite et l’illicite, des concepts du passé, il oppose la nécessité d’une liberté totale. « Le texte propose, l’homme dispose. »

    Cet essai offre en deux cents pages un point de vue original, « non conforme » comme le nom de la collection où il a paru en 2006, avant de sortir en format de poche (Points essais) l’an dernier. Une postface d’une vingtaine de pages y fait le point, dix ans plus tard. L’auteur a reçu beaucoup de courrier et de témoignages de lecteurs qui, quelle que soit leur croyance ou leur opinion philosophique, ont été sensibles à la « spiritualité libre » à laquelle il invite. En 2015, il a créé avec la psychologue Inès Weber l’association Sésame, « une maison des cultures spirituelles » à Paris, qui offre des ressources en ligne, des textes et musiques de diverses traditions culturelles.

  • Fenêtres

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    Dedans, dehors.

    Les fenêtres sont à la fois frontières et passerelles.

    Elles laissent entrer la lumière.

    Elles ouvrent l’espace.

     

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    Quelqu’un m’a dit un jour :

    un tableau doit être une fenêtre,

    le regard doit pouvoir y entrer.

    Parfois la fenêtre est un tableau.

      

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    Près de la fenêtre, on écrit, on coud,

    on travaille, on lit

    – ou bien sous la lampe.

    Lumière du jour.

    Lumière du soir.

     

     

     

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    Je lève les yeux vers la fenêtre :

    je suis ici,

    je suis ailleurs.

     

    Photos prises à La Granja (mai 2016)

  • La Granja d'Esporles

    De Puigpunyent, c’est par une belle route montagneuse qu’on arrive à Esporles (à quinze kilomètres de Palma) et au superbe domaine de La Granja. Au cœur de la Serra de Tramuntana (paysage culturel classé au Patrimoine mondial de l’Unesco), La Granja (la ferme) est aujourd’hui le musée de la tradition et de l’histoire de Majorque.

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    A hauteur des ginkgos bilobas de l’entrée, le regard cherche à cerner les bâtiments dont on aperçoit de loin une élégante galerie couverte aux fines arcades, mais d’ici ce sont les jardins et les arbres qui dominent le décor, en particulier deux araucarias superbes, la pointe d’un cyprès dans le ciel, ou encore, se découpant sur la montagne, un magnifique pin parasol.

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    Un bouc et des chèvres, des ânes, des moutons, des lapins, une basse-cour… Les animaux de la ferme accueillent les visiteurs dans cette ancienne exploitation agricole, tant ceux qui servaient pour le travail de la laine, la fabrication du fromage, que ceux destinés à l’alimentation.

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    Lieu privilégié grâce à une source locale, La Granja a connu divers occupants : des Maures (Arabes) se servaient de son eau pour irriguer et alimenter les moulins, des moines cisterciens y ont construit un couvent et cultivé les terres, puis une famille aristocratique s’y est installée. Cette ferme, je l’ai découvert en préparant ce billet, sert même de support à un jeu de société !  

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    Dans une cour pas encore ombragée par les platanes, une visite guidée commence, mais nous ne sommes pas trop nombreux à l’heure de l’ouverture et c’est bien à l’aise que nous visitons les ateliers extérieurs (un numéro permet de les identifier, une soixantaine de points à voir sur le parcours) : coupe de paille, moulin de potier, buanderie, etc. Les outils anciens y sont rassemblés, la façon de travailler évoquée d’une manière ou d’une autre, tout un trésor de savoir-faire ancestral.

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    Un bel escalier d’eau couvert de céramiques descend entre deux murs de pierres sèches, bordé de terres cuites. L’eau est ici magnifiée, et aussi les jeux d’ombre et de lumière, au milieu d’une végétation abondante, de plantes en pots. Plus loin on verra de magnifiques cascades moussues, des grottes, l’eau est partout à La Granja – richesse du lieu et bonheur des visiteurs.

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    L’atelier de teinturerie montre pigments et écheveaux colorés, pilons et mortiers, pochoirs anciens, et illustre la teinture traditionnelle pour la fabrication des tissus majorquins qu’on reconnaîtra plus loin sur le métier à tisser. Juste avant d’entrer dans la résidence seigneuriale, voici un joli motif de coquillages sur un muret, non loin d’une grotte en rocaille et coquillages dans le goût du XVIIIe siècle.

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    Le salon à fresques (source)

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    A l’intérieur, après un salon où une grande fresque murale reprend une vue de La Granja en pleine verdure, les pièces de réception sont décorées de meubles, tentures et objets témoignant de modes de vie anciens. Il y a tant de choses à regarder, comme cette nappe aux broderies typiquement majorquines ou une jolie lampe suspendue, les coiffes en dentelle des tenues traditionnelles.

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    Sur le parcours, la lingerie, l’ermitage des moines, des chambres, une salle de bain avec un sèche-cheveux assez effrayant (on dirait un instrument de torture, il y en a de véritables dans une inattendue salle de torture au sous-sol), une bibliothèque, une salle de jeux, et j’en passe. Bien sûr, une salle à manger, une cuisine majorquine avec four, et toutes sortes d’ateliers pour les préparations traditionnelles – olives, huile, vin, liqueurs – et l’artisanat – menuiserie, tannerie, bijouterie, tissage, entre autres.

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    Le portique de style florentin entre patio et jardins, bien plus large qu’une galerie, qu’on admire de loin en arrivant à La Granja, est une merveille : l’endroit idéal pour s’asseoir dans les fauteuils d’osier, écouter de la musique, lire, rêver en s’appuyant à la balustrade, observer le jet d’eau qui fuse à proximité. Au plafond, de jolies guirlandes peintes entourent les lanternes.

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    Au jardin, les deux araucarias sont tout aussi impressionnants de près que de loin. Allées de roses, allées couvertes, plantes grasses fleuries, vieux arbres, que c’est beau ! La prochaine fois, il faudra se promener plus longuement, suivre la rivière, explorer la forêt même.

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    J’imagine qu’en été, il passe ici beaucoup de monde. Visiter La Granja avec une amie par une belle journée de printemps a été un des temps forts de mon séjour.

  • Comment lui dire

    « Comment lui dire que déjà maintenant, ici, dans sa cuisine, j’ai l’impression
    de trahir mes parents, ma famille, mes origines ? Que depuis des semaines j’ai l’impression de faire quelque chose d’interdit, de pas bien ? Qu’en moi bouillonnent des sentiments confus, mêlés de révoltes et de remords ? Comment lui faire comprendre que ce n’est pas bien pour une musulmane de sortir avec
    un non-musulman ? J’essaie de le lui expliquer, mais il refuse d’accepter ce que je dis. « Nora, je ne crois pas que l’amour peut être une chose contraire à la religion, peu importe laquelle. Ca ne peut pas être un péché d’aimer quelqu’un qui, par hasard de naissance, n’a pas la même religion. Il faut se libérer de ces pensées-là, de ces règles qui excluent, qui interdisent, qui blessent et séparent. » J’ai les larmes aux yeux, je serre sa main. Au fond de moi, je sais qu’il a raison, mais mes parents, ils ne comprendront pas. »

    Verena Hanf, Les vendredis de Vincent

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