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peinture - Page 37

  • Un thriller énorme

    Enorme, c’est l’épithète qui convient au Chardonneret de Donna Tartt, dont j’avais dévoré Le maître des illusions. Ce roman-ci (traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Edith Soonckindt), qu’on ne lâche pas sans connaître le sort du petit tableau qui lui sert de titre et de fil conducteur, gêne parfois par sa profusion – il compte près de huit cents pages.

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    Carel Fabritius, Le chardonneret, 1654, La Haye, Mauritshuis

    La catastrophe initiale est fascinante : au Metropolitan de New York où il visite avec sa mère une exposition de peinture hollandaise, à un moment où ils se sont brièvement séparés, Theo Decker, treize ans, revient à lui après une terrible explosion, dans une atmosphère de catastrophe. Près de lui, un homme tient à lui parler durant le peu de temps qui lui reste. Ce vieux monsieur qu’il avait remarqué en compagnie d’une petite fille rousse le pousse à emporter pour le sauver un petit panneau tombé près d’eux : le fameux Chardonneret de Fabritius, une des rares œuvres de ce peintre du XVIIe siècle, dont l’atelier fut détruit par l’explosion d’une poudrière.

    Le vieux Welty, avant de mourir, a donné sa bague à Theo et une adresse où la porter de sa part. En état de choc, entouré de cadavres et de décombres, sans trouver sa mère, le garçon arrive à quitter les lieux avant l’arrivée des secours. Fidèle au code habituel entre eux, il rentre chez lui, l’attend – en vain. Quand il finit par appeler le numéro d’information sur le drame, c’est pour se retrouver quasi seul au monde, sans nouvelles de son père, dont le départ a été le début d’une vie plus heureuse avec sa mère, ni de ses grands-parents hostiles.

    Pour échapper aux services sociaux qui risquent de le placer dans une institution, Theo se rend chez son copain Andy, qui habite un luxueux appartement dans un vieil immeuble chic sur Park Avenue. Par chance, la riche Mrs. Barbour, sa mère, contente de leur amitié qui fait du bien à son fils, accepte de l’abriter le temps qu’il voudra et le protège des ennuis, particulièrement attentive, malgré ses quatre enfants.

    Quand il commence à émerger du traumatisme, Theo finit par appuyer sur la sonnette verte à l’adresse indiquée par le vieil homme du musée, apparemment une obscure boutique d’antiquaire : Hobie Hobart, restaurateur de meubles réputé, vit là et veille sur Pippa, la petite fille rousse du musée, la petite-fille de Welty, gravement blessée par l’explosion, qui a survécu.

    Autour des protagonistes, la romancière américaine tisse une toile de fond : New York, les endroits que Theo et sa mère fréquentaient, la haute bourgeoisie, l’atelier de restauration ; puis, quand le père de Theo réapparaîtra, la Californie où il se fait un ami pour la vie, Boris, un Ukrainien qui lui fait partager ses recettes pour supporter les cahots de l’existence, alcool et drogue, et qui l’entraînera un jour à Amsterdam.

    Donna Tartt maintient le suspense en ne parlant que par moments du petit tableau que Theo garde soigneusement caché sans oser en parler à personne, avec des sueurs froides chaque fois qu’il est question dans les médias de tableaux volés ou disparus. Quel sera son sort, se demande-t-on tout le long, et celui de son voleur ?

    La tentative de vie commune entre père et fils sera un fiasco. Theo reviendra à New York ; c’est auprès de Hobie et de Mrs. Barbour qu’il se sent chez lui. La romancière plonge son lecteur dans les dérives et les angoisses du héros durant quatorze ans, on se demande parfois comment il tient encore debout.

    Chacune des pistes ouvertes dans le roman est explorée à fond : commerce de meubles anciens, pratiques mafieuses, rituels mondains pour préparer un mariage dans la haute société... Trafics en tous genres, mensonges, coups foireux, violence, secrets, inquiétude, l’atmosphère est sombre le plus souvent. Heureusement les questions sur l’existence, les rapports entre les personnages, le goût du beau, l’érudition équilibrent le tout.

    Dona Tartt a remporté le prix Pulitzer 2014 avec Le Chardonneret : « maelström d'émotions, de sensations, de réflexions fondu dans les mots mêmes, sculpté dans une écriture violente, brutale et admirablement cinématographique » (Fabienne Pascaud, Télérama), « thriller littéraire d’une grande efficacité » (Bruno Corty, Le Figaro), « roman cathédrale » (Laurence Houot, Culturebox).

    De belles citations ouvrent chacune des parties, de « L’absurde ne délivre pas, il lie » (Camus) à « L’art et rien que l’art, nous avons l’art pour ne point mourir de la vérité » (Nietzsche). Les passages sur Le Chardonneret de Fabritius sont merveilleux, qu’il s’agisse de la peinture même ou de son sujet : un oiseau qui semble vivant, qui pourrait s’envoler, si une chaîne à la patte ne le retenait.

  • Echo poétique

    NM espagnoles Zóbel.JPG« La seconde moitié du XXe siècle s’ouvre sur la prédominance de l’abstraction, dans laquelle les thèmes traditionnels et les formes nettes de la nature morte n’ont plus leur place. Certains artistes en arrivent toutefois à se servir du genre comme d’un prétexte. C’est notamment le cas très particulier de Fernando Zóbel (1924-1984) chez qui la dissolution des formes conserve encore l’écho poétique des motifs propres à la nature morte. La recherche de la beauté dans la quiétude et l’ordre qui caractérisent Zóbel avait sa correspondance logique dans la disposition sereine des objets que les peintres de natures mortes cultivaient depuis des siècles. »

    La nature morte espagnole, Guide du visiteur, Bozar, Bruxelles, 23 février > 27 mai 2018

    © Fernando Zóbel, Nature morte en rose, 1968, huile sur toile, Collection particulière, New York

  • Choses sur une table

    L’exposition sur la nature morte espagnole au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles (Bozar), Spanish Still Life, à visiter jusqu’au 27 mai prochain, permet de parcourir toute l’histoire de ce genre longtemps considéré comme mineur (imitatif, peu ambitieux, décoratif), du XVIe au XXe siècle. En Espagne, on l’appelle « bodegón », du nom de ces auberges ou tavernes de bas étage, réduites ici à une table ou à une étagère portant aliments et boissons.

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    Juan Sánchez Cotán, Coing, chou, melon et concombre, Ca. 1602, The San Diego Museum of Art

    A l’origine, explique le Guide du visiteur (source des citations), fruits et légumes sont présentés comme vus par la fenêtre, à l’exemple de ces Coing, chou, melon et concombre de Juan Sánchez Cotán : le peintre les dispose et suspend « dans le cadre d’une sorte de fenêtre ou à un linteau de pierre ». Sur un fond sombre, l’éclairage et le souci du détail descriptif leur donnent une présence quasi réelle.

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    Juan van der Hamen y Léon, Nature morte : fruits et verres, Ca.1629 Huile sur toile 87,3 x 130,8 cm, Williams College Museum of Art

    Le genre de la nature morte pâtit du manque de raison apparente à représenter des objets, au contraire de ce qui motive la peinture de sujets religieux ou historiques, voire de portraits. Pourtant, les peintres sont sollicités par ceux « qui y trouvent d’intéressants jeux visuels » et par les amateurs de toiles décoratives où des objets raffinés et des mets délicats se côtoient sur une table bien remplie. Juan van der Hamen y León (né en Espagne d’une famille flamande) est un spécialiste en la matière très prisé à la cour de Madrid.

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    Diego Velázquez, Le Christ dans la maison de Marthe et Marie, Ca. 1618 Huile sur toile 60 x 103.5 cm, National Gallery, London

    Le Christ, dans la maison de Marthe et Marie, est relégué à l’arrière-plan de la peinture du jeune Diego Velázquez. A l’avant-plan, sur la table, un pilon, de l’ail, un piment, des poissons et deux œufs sur des assiettes attirent d’abord le regard. Montré depuis la cuisine où une jeune femme et une femme âgée sont au travail, le sujet religieux donne comme une dignité nouvelle aux aliments.

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    Miguel de Pret, Dos racimos de uvas con una mosca, 1630-1644, Museo del Prado, Madrid

    Parmi les fruits, les raisins réclament beaucoup d’habileté de l’artiste pour rendre leur éclat, la pruine. Deux petites toiles de Miguel de Pret côte à côte montrent des grappes de raisins blancs qui occupent à elles seules l’espace de la toile. La Nature morte aux raisins, pommes et prunes de Juan de Espinosa, plus recherchée, illustre la présentation traditionnelle du genre, sur le bois d’une table, ainsi que la Nature morte avec pains tresses de Francisco de Palacios.

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    Anonyme espagnol, Nature morte aux livres et au sablier, vers 1635-1640, huile sur toile, Staatliche Museen zu Berlin

    Les livres peuvent suffire à incarner un univers, en compagnie d’un sablier et d’une plume plongée dans l’encrier : cette nature morte anonyme rend hommage à l’activité intellectuelle. Dans Le songe du gentilhomme, une grande toile signée Antonio de Pereda, maître du baroque, la nature morte devient « vanité », invitation à réfléchir sur « le caractère fugace et illusoire des choses », comme l’illustre le crâne sur le livre ouvert. Au-dessus de cet amas de richesses, un ange rappelle au rêveur la futilité des biens terrestres par rapport à l’éternité. Même message dans la belle Allégorie du Salut de Juan de Valdés Leal.

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    Antonio de Pereda, Le Songe du gentilhomme, vers 1640, huile sur toile 152 × 217 cm, Académie San Fernando, Madrid

    On revient à la vie dans la salle d’angle consacrée aux « fleurs et cuisines ». Tomás Hiepes excelle dans la représentation de fruits et de fleurs sur une table : bouquet, plantes en pot ou cache-pot de céramique au joli décor. Francisco Barrera s’inspire de gravures flamandes ou italiennes en incluant des figures allégoriques. Dans L’Eté, la surabondance des motifs permet d’observer là un chat intéressé par la volaille, ici différentes sortes de pains avec à l’arrière-plan des paysans dans un champ de blé, entre autres.

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    Tomás Hiepes, Nature morte avec fruits et pots de fleurs de Manises, 1654, huile sur toile, Collection Arango

    Cette fois, on célèbre les nourritures terrestres et parmi elles, la viande, le gibier, les poissons morts rendus avec réalisme – ce ne sont pas mes sujets de prédilection. Mais j’ai admiré ce Dindon mort de Goya. Ses natures mortes étaient accrochées dans sa propre maison et sont restées longtemps dans sa famille, des « visions très rapprochées d’animaux morts, exécutées avec une touche enlevée, violente, très éloignée de la minutie habituellement déployée par les spécialistes du genre ». Peintes pendant l’invasion napoléonienne, elles illustrent à leur manière le tragique de la guerre.

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    Francisco de Goya, Dindon mort, 1808-1812, huile sur toile, Musée national du Prado, Madrid

    J’aime ces natures mortes où une porcelaine délicate, l’éclat d’un cuivre suffisent à conjuguer la sensualité et l’esthétique (ci-dessous). Dans une grande composition de Francisco de Zurbarán, La Vierge enfant endormie, voyez près d’elle ces fleurs dans un pot évasé. Ou cette tasse et sa soucoupe fleuries dans la Nature morte aux friandises de Pedro de Peralta.

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    Luis Egidio Melendez, Nature morte avec service de chocolat et brioches, 1770, huile sur toile, Musée national du Prado, Madrid

    Trompe-l’œil, branches de cerisiers, ustensiles de cuisine, garde-manger, chacun peut trouver quelque chose d’intéressant dans ces incarnations variées de la nature morte espagnole. Puis on aborde le XXe siècle : la nature morte n’est pas morte mais elle se transforme, s’éloigne de la volonté de représenter pour incarner la nouveauté picturale, avec Picasso, Maria Blanchard, Dalí, Miró

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    © Miquel Barceló, Le grand dîner espagnol, 1985, technique mixte sur toile, Musée national Centre d’art Reine Sofía, Madrid
    (détail ci-dessous)

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    Le grand dîner espagnol de Miquel Barceló offre une belle conclusion à ce parcours parmi des peintres connus et moins connus : sa matière épaisse qui prend la lumière, les couleurs de terre, les jaunes et les blancs font ressentir avec force ce qu’est avant tout ou après tout la nature morte : de la peinture.

  • Contempler

    corbin,alain,histoire du silence,essai,littérature française,silence,littérature,peinture,culture,société,histoire« Pour ma part, je me souviens d’une expérience qui prouve que le silence d’un lieu permet de mieux se laisser pénétrer par celui des œuvres. Par je ne sais quel hasard, je me suis retrouvé seul, pendant une heure, dans une petite salle d’un musée de Harvard, à contempler une série de Cézanne bien connue, représentant des pommes. Je ne sais par quelle négligence on m’a laissé là sans être interrompu par quiconque, dans une solitude et un silence absolus, face aux tableaux. Alors que j’avais bien des fois contemplé des reproductions de ces mêmes œuvres, j’ai ressenti qu’une communication de silence s’était instaurée qui en modifiait et approfondissait l’appréciation. »

    Alain Corbin, Histoire du silence

  • Tous les silences

    Histoire du silence, de la Renaissance à nos jours : d’emblée, Alain Corbin présente le silence comme « presque oublié » aujourd’hui, voire objet de crainte, alors que dans le passé, « les hommes d’Occident goûtaient la profondeur et les saveurs du silence. » Celui-ci était « la condition du recueillement, de l’écoute de soi, de la méditation, de l’oraison, de la rêverie, de la création ; surtout comme le lieu intérieur d’où la parole émerge. » L’évoquer dans cet essai « peut contribuer à réapprendre à faire silence, c’est-à-dire à être soi. » (Prélude)

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    Fernand Khnopff, Du silence, pastel sur papier, 1890
    Musées Royaux des Beaux-Arts de Belgique, Bruxelles

    Corbin se tourne vers la peinture, vers la littérature surtout. Il se réfère souvent au Monde du silence de Max Picard. Les lieux intimes privilégient le silence, « un bruit doux, léger, continu et anonyme ». Les maisons et les intérieurs peints par Hopper l’expriment, comme certaines demeures décrites dans les romans. Les objets y « parlent silencieusement à l’âme ». Le chat en particulier « sait habiter le silence qu’il semble symboliser. » Tout différents sont le silence d’une église ou celui d’une prison.

    Pour décrire les « silences de la nature », l’auteur convoque l’hiver, la nuit, la lune, les canaux et les déserts, la montagne et la haute mer, la forêt, la campagne, les villes de province au XIXe siècle. Difficile d’échapper à l’énumération pour présenter cet essai qui cherche à nommer tous les silences ou toutes les conditions qui lui sont propices. Aux XVIe et XVIIe siècles, le silence est indispensable pour entrer en relation avec Dieu, les mystiques en témoignent et aussi les ordres silencieux comme celui des Chartreux.

    Quelques peintures, au milieu de l’essai, l’illustrent magnifiquement, comme « Le silence » de Fernand Khnopff, « Les Yeux clos » d’Odilon Redon ou « Saint Joseph charpentier » de Georges de La Tour. Corbin commente en particulier le silence du père adoptif de Jésus dans les Ecritures. Il consacre des pages intéressantes à la peinture, à son « éloquence muette », au regard de « contemplation fervente » des Anciens sur les images, notamment sur les « vanités », alors que le nôtre se limite souvent « à une réflexion d’ordre esthétique ».

    « La langue de l’âme est le silence », écrit Alain Corbin, citant à l’appui Maeterlinck, Hugo, Claudel, Mauriac (les multiples silences dans Thérèse Desqueyroux), entre autres. Il existe aussi des « tactiques du silence » : se taire, ne pas parler de soi, ne pas se plaindre, c’est une vertu, un art même. Homme de cour, du jésuite Baltasar Gracián, traduit en français en 1684, a été le grand classique de la meilleure éducation au XVIIe siècle ; d’autres « arts de se taire » ont paru à cette époque dans le but de « former l’honnête homme à la française ».

    Il existe tant de sortes de silences : celui-ci peut exprimer la prudence ou la patience, la timidité ou l’ignorance. Le silence invite à l’écoute, exprime le respect, signale la maîtrise de soi – être capable de faire silence appartient au code des bonnes manières. Il fait partie de l’art de la conversation quand il permet la réflexion et l’échange. Il appartient aux amants, aux amis qui se taisent ensemble.

    Mais le silence détruit quand il est refus de l’échange, quand dans un couple, par exemple, on n’a plus rien à se dire ou qu’on ne veut plus se parler. Dans un « postlude » intitulé « Le tragique du silence », Alain Corbin évoque le silence de Dieu, qui peut paraître indifférent aux malheurs du monde, et la peur du silence qui est fuite de l’intériorité.

    Tous les silences ont droit de cité dans cet essai et cette volonté de les inventorier, jusqu’au silence de la mort et de la tombe, m’a semblé parfois sa limite. Ce sont les séquences plus approfondies que j’ai préférées dans Histoire du silence. De multiples citations y invitent à la lecture. L’objectif est atteint : Alain Corbin rappelle comment le silence a été et reste une richesse, une vertu, une force.

    L’auteur est conscient de n’avoir fait qu’esquisser le sujet : « J’ai voulu montrer l’importance qu’avait le silence, et les richesses qu’on a peut-être perdues. J’aimerais que le lecteur s’interroge et se dise : tiens, ces gens n’étaient pas comme nous. Aujourd’hui, il n’y a plus guère que les randonneurs, les moines, des amoureux contemplatifs, des écrivains et des adeptes de la méditation à savoir écouter le silence... » (Le Point)