« Ainsi, peut-être qu’au moment où Hitler jette à la tête de Schuschnigg son ultimatum, au moment où le sort du monde, à travers les coordonnées capricieuses du temps et de l’espace, se retrouve un instant, un seul instant, entre les mains de Kurt von Schuschnigg, à quelques centaines de kilomètres de là, dans son asile de Ballaigues, Louis Soutter était peut-être en train de dessiner avec les doigts sur une nappe en papier une de ses danses obscures. Des pantins hideux et terribles s’agitent à l’horizon du monde où roule un soleil noir. Ils courent et fuient en tous sens, surgissant de la brume, squelettes, fantômes. Pauvre Soutter. Il avait déjà passé plus de quinze ans dans son asile, quinze ans à peindre ses angoisses sur de mauvais bouts de papier, des enveloppes usagées, dérobés à la corbeille. Et, à cet instant où le destin de l’Europe se joue au Berghof, ses petits personnages obscurs, se tordant comme des fils de fer, me semblent un présage. »
Eric Vuillard, L’ordre du jour
Louis Soutter, Si le soleil me revenait
© Elizabeth Legros Chapuis, "Soutter à la Maison Rouge" (Sédiments)
Commentaires
j'ai été voir le lien que tu donnes... quel destin tragique!
La façon dont Vuillard le présente m'a donné fort envie de "voir" les œuvres de cet artiste que je ne connaissais pas et j'ai découvert du même coup cette vie de douleur et de création.
Bonne journée, Adrienne - bon repos du 15 août ?
J'avais oublié de passage ; j'étais allée voir qui était cette artiste lors de ma lecture, je ne le connaissais pas. Dure traversée d'une vie ..
Une bonne manière d'attirer l'attention sur Louis Soutter. J'ai lu qu'à la fin du XIXe siècle, il est devenu à Bruxelles l'élève du violoniste Eugène Ysaÿe, au Conservatoire royal.
J'ai déjà entendu parler de ces Danses obscures, peut-être sur un autre blog. Bon après midi Tania
Entre nuages et soleil, ce sera encore une belle après-midi d'été, merci.