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essai - Page 21

  • Questions

    adler,dans les pas de hannah arendt,essai,pensée,vie,oeuvre,hannah arendt,heidegger,jaspers,blücher,philosophie,nazisme,engagement,politique,antisémitisme,juifs,culture« En avril [1965], Heinrich échappe, par miracle, à la mort. Il rentrait avec des collègues de Bard College dans un taxi, sur l’autoroute, quand le chauffeur à ses côtés s’est effondré sur lui, mort : crise cardiaque. Heinrich a eu la présence d’esprit d’appuyer sur le frein. Hannah en tremble encore. Elle se réfugie avec lui en juin dans sa maison d’été pour nager et marcher dans la forêt. « Rester loyal envers le réel à travers vents et marées, c’est bien ce que réclame l’amour de la vérité ainsi que la gratitude d’avoir été mis au monde », écrit-elle à Jaspers. Elle travaille magnifiquement et transforme deux conférences en essais. La vérité et la politique, depuis l’aube de l’humanité, n’ont jamais fait bon ménage. Est-il de l’essence même de la vérité d’être impuissante et de l’essence même du pouvoir d’être trompeur ? Et une vérité impuissante n’est-elle pas aussi méprisable qu’un pouvoir insoucieux de la vérité ?

    Hannah Arendt formule avec acuité des questions fort embarrassantes que nous nous posons tous à un moment ou à un autre de notre existence. »

    Laure Adler, Dans les pas de Hannah Arendt

  • Suivre Hannah Arendt

    Sous le titre Dans les pas de Hannah Arendt, Laure Adler ne propose pas une biographie au sens strict. Elle veut la faire mieux connaître, « tenter de restituer sa force et son courage dans les combats qu’elle a menés durant toute son existence », donner envie de la lire, « tant sa pensée donne de l’élan, de la force, de l’énergie », écrit-elle dans l’introduction.

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    Laure Adler suit le parcours de cette intellectuelle juive allemande passionnée par la philosophie – elle sera toute sa vie liée à ses deux maîtres, Heidegger et Jaspers, dans une relation plus sereine avec celui-ci qu’avec le premier. L’étudiante de Heidegger lui gardera toujours son admiration, son amour même, malgré son égocentrisme et ses silences, malgré sa collaboration avec le nazisme, au grand étonnement de l’ami Jaspers. Hannah Arendt apparaît libre et déchirée, « partagée en deux » : entre langue allemande et culture juive, entre Heidegger et Blücher (son mari), entre philosophie et politique, entre vie contemplative et vie active.

    Née en 1906 à Linden, près d’Hanovre, elle doit à sa mère Martha, cultivée, engagée, une éducation dans le respect de son individualité. A son grand-père Max, favorable à l’intégration et opposé au sionisme, sa culture juive. Son père et son grand-père meurent en 1913. Comme sa mère, Hannah admire Rosa Luxembourg, un modèle.

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    Hannah Arendt (8 ans) et sa mère

    Quand Martha se remarie après la première guerre mondiale, Hannah, quinze ans, est forcée de la partager avec deux belles-filles de dix-neuf et vingt ans. A l’université de Berlin, où elle étudie le latin, le grec et la théologie chrétienne, elle a une première liaison amoureuse. Les cours d’Heidegger la passionnent, ils portent sur des questions existentielles. A dix-huit ans, Hannah comprend que « penser, c’est vivre. Vivre, c’est penser ». Elle suit aussi les cours d’Husserl, le maître d’Heidegger.

    Celui-ci publie en 1927 son fameux essai « Etre et Temps ». Ses critiques envers Husserl et son arrivisme déplaisent à Jaspers. Heidegger devient une sorte de gourou, ses cours ont un grand succès. La première trace écrite de la relation entre Hannah Arendt et Heidegger date de 1925 – il a 35 ans, elle 19. Si le professeur aime se retrouver avec femme et enfants dans son chalet de Todtnauberg, il se comporte volontiers en séducteur discret. Avec Hannah, les échanges sont intenses, l’entente profonde, sur tous les plans. Hannah voudrait vivre avec lui, ce n’est pas réciproque. Elle rompt en 1926, quitte Marbourg pour suivre à Fribourg les cours d’Husserl et de Jaspers (43 ans, elle en a 20).

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    Les sœurs Beerwald et Hannah Arendt (15 ans)

    L’année précédente, Hannah a rencontré Günther Stern, « jeune et brillant » intellectuel. Elle s’installe avec lui à Berlin, ils se marient en juin 1929. Tous deux rejettent d’emblée le nazisme, alors que Heidegger y adhère. Hannah s’intéresse au sionisme, uniquement dans la perspective d’un Etat binational en Palestine. Choquée par la nomination de Heidegger comme recteur par le régime nazi, suivie de l’exclusion des professeurs juifs, elle milite contre la « propagande de l’horreur ». Sa mère et elle sont arrêtées, interrogées, relâchées. Lucide, Hannah se décide à quitter l’Allemagne sans attendre.

    Laure Adler raconte leur vie d’exilées, la dérive de Heidegger, les petits boulots pour Hannah qui étudie le français et l’hébreu. Elle cherche à aider les Juifs de toute origine, un premier voyage en Palestine lui ôte ses illusions. A trente ans, elle s’installe à Paris avec Heinrich Blücher, 37 ans, l’épouse après son divorce. De nouveau, elle connaît la vie de paria en France : arrestation, camp d’internement. Elle s’enfuit de Gurs, prend à Marseille un train pour Lisbonne d’où elle embarque pour l’Amérique.

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    Hannah Arendt en 1924

    Etre libre, pour Hannah, c’est se battre. Elle devient journaliste pour vivre, pour défendre l’œuvre de Walter Benjamin, mort en 1940. Elle écrit et enseigne à mi-temps. Indignée par le silence autour du sort des Juifs d’Europe, elle lutte contre le défaitisme et dénonce chez Hitler « l’éloquence du diable » : dès 1941, le régime nazi, en décidant l’extermination, change de nature en se basant sur l’antisémitisme. C’est sa conviction.

    Même aux Etats-Unis, elle est isolée en refusant qu’Israël s’approprie la Palestine ; elle n’admettrait qu’une fédération respectueuse des Palestiniens, basée sur une coopération entre Juifs et Arabes. Antisioniste, antifasciste, elle est soulagée d’apprendre après la guerre que Jaspers et sa femme juive sont sains et saufs. En 1946, Heidegger est mis à la retraite et interdit d’enseigner.

    Hannah Arendt construit sa vie à New York avec Heinrich Blücher, dans une complicité totale qui survivra même à ses infidélités. Elle veut comprendre et décrire le totalitarisme. Elle questionne l’attitude des Juifs durant l’extermination. Elle lit Kafka ; avec Max Brod, elle fait publier son Journal. Son premier voyage en Europe après la guerre, à Paris puis en Allemagne, dans les villes détruites, la convainc que sa patrie est désormais aux Etats-Unis. Elle revoit Jaspers, en toute confiance ; et aussi Heidegger qui va la présenter à sa femme antisémite !

    Laure Adler raconte Hannah Arendt : ses amours et ses amitiés, sa vie professionnelle, sa pensée, ses cours, ses conférences, ses combats, son audace à contredire, son courage à défendre ses idées. Les polémiques seront nombreuses autour de ses livres et de ses articles. Celui sur le procès d’Eichmann à Jérusalem en 1961 lui vaudra de profondes inimitiés, on lui reprochera – même ses amis parfois – son agressivité, son radicalisme, ses exagérations. (En 2013, le film de Margarethe von Trotta est revenu sur ce sujet.)

    Travail, œuvre, action, ce sont les trois piliers de ce que Hannah Arendt appelle la « vita activa ». Cette infatigable penseuse, décédée d’une crise cardiaque en 1975, a de quoi intimider par l’exigence avec laquelle elle incarne la nécessité de « penser ce que nous faisons ».

  • Révélation

    Atlan Miroku-Bosatsu 2.jpg« Mais, curieusement, je ne me rappelle ni les traits de son visage, ni les circonstances dans lesquelles nous avions fait connaissance, alors que je me remémore avec une extrême précision cette première rencontre avec Miroku-bosatsu, l’une des trois statues bouddhiques les plus anciennes et les plus précieuses du Japon. Ce fut pour moi ni plus ni moins que la révélation de la Beauté. Plus encore que la statue réelle, peut-être est-ce aujourd’hui sa représentation mentale, le souvenir sublimé de sa stupéfiante beauté et de l’émotion intense que j’ai ressentie en la découvrant qui en font pour moi une sorte de « chef-d’œuvre absolu ». »

    Corinne Atlan, Un automne à Kyoto

    Miroku Bosatsu, Koryu-ji Temple, Nara (source)

     

    Au plaisir de lire vos commentaires à mon retour.
    Bonnes lectures & activités printanières.
    Bonne fête de Pâques !

    Tania

  • Un automne à Kyoto

    Corinne Atlan connaît Kyoto depuis quarante ans. Traductrice française d’écrivains japonais classiques et contemporains, elle offre dans Un automne à Kyoto (2018) bien davantage que la description d’une saison. C’est pour moi la troisième fois, après l’Eloge de l’ombre de Tanizaki et les Chroniques japonaises de Nicolas Bouvier, que j’effleure de si près l’atmosphère du Japon de l’intérieur – on peut dire cela de Corinne Atlan qui connaît la langue et la culture de son pays d’élection, qui s’y montre respectueuse des us et coutumes, des rituels. Un bijou.

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    « Nagatsuki : Septembre, le mois des longues nuits ». Après un été en France, elle retrouve à Kyoto son quartier aux ruelles en pente, sa maison au pied de la colline de Yoshida et se fixe pour objectif de « traduire en mots [sa] perception intime de Kyoto. » Au premier « Moment de la saison » qu’elle décrit, à la mi-septembre – « Les bergeronnettes se mettent à chanter » –, ce sont «  Mille nuances de vert, de la teinte fraîche des feuilles d’érable à la luminescence des mousses, de l’émeraude tendre des fougères à l’impérial des grandes feuilles d’aralia, tendues comme des mains fantomatiques. »

    Pour une aube pluvieuse, mieux vaudrait prendre « un bâton d’encre noire, frotté d’un peu d’eau transparente au creux d’une pierre grise ». Parfois un souvenir de voyage dans un autre pays lui revient, elle rapproche Kyoto et Katmandou, deux villes « habitées par le sacré », deux villes ordonnées autour d’un palais central, à l’abri de montagnes, mais c’est à Kyoto, dans sa maison de « murs sablés, nattes, plancher noirci, cloisons de papier » qu’elle a tissé son cocon : « je rencontre ici quelque chose qui m’accueille, me guérit. »

    En contrebas de la venelle où elle habite, « une avenue animée, avec arrêts de bus et supermarchés », mais l’arrière de la maison « donne sur l’enceinte peu fréquentée d’un temple de quartier ». Chaque jour, en empruntant cette direction, la joie l’envahit d’être aussi proche de ce « temple paisible entouré d’érables », son préféré « parmi les milliers que compte Kyoto ». Cela relève d’un « lien » de longue date avec le Japon, avec cette première ville japonaise qu’elle a visitée à vingt ans. Elle ressent une harmonie profonde dans ce quartier quasi « hors du monde, hors du temps ». « Ni ce lieu ni moi-même n’échapperons à l’impermanence. »

    « La modestie – qualité japonaise » : rien de voyant, « des teintes émoussées : gris, parme, ocre, jaune pâle. » Le gris japonais diffère de la pesante grisaille occidentale par sa « luminosité subtile » peut-être liée aux cloisons de papier. Une promenade sur la colline « déserte et silencieuse », vouée au culte shintô et classée « zone naturelle protégée », donne l’occasion d’évoquer les pratiques dans la ville ancienne, les chemins jalonnés de « torii » rouges, portiques des terres sacrées, les petits autels, les statues, les arbres. Puis c’est un pavillon de thé, avec sa pierre ronde ficelée de chanvre devant la porte – « un lieu réservé aux seuls initiés ».

    Corinne Atlan n’édulcore pas le tableau pour autant. Le « formalisme exacerbé » (courtoisie, sourires obligés) lui est parfois insupportable, revers d’un mode de vie agréable « dans un environnement pensé pour éliminer toute interrogation superflue ou situation conflictuelle ». C’est aussi parce que les Japonais n’aiment pas se promener dans les cimetières que son quartier est si peu fréquenté. « L’éternité ici n’est pas une ligne tracée vers l’infini, mais un cercle, auquel est soumis tout ce qui vit (…) ». Leçon de finitude et d’impermanence.

    Les quartiers sont divisés en îlots, ce qui signifie à la fois entraide et surveillance entre habitants de maisons voisines. Les formules polies sont à décrypter : ce qu’on dit, ce qu’il faut comprendre. Certains sujets sont tabous, comme la catastrophe de Fukushima. Dans Un automne à Kyoto, Corinne Atlan décrit et raconte, en même temps que ses journées ou ses promenades, un mode de vie marqué de plus en plus par une double culture, à la japonaise et à l’occidentale, même dans les pâtisseries.

    Ce qui rend son essai passionnant, ce sont les impressions personnelles mêlées au récit, aux descriptions de jardins, de sanctuaires, d’endroits divers. Observation et introspection y font bon ménage. Les écrivains japonais y sont invités – la première romancière du monde, Murasaki Shikibu (Le Dit du Gengi) et Sei Shônagon, Murakami, entre autres –, les Français aussi qui ont su capter l’âme du Japon (Bouvier, Butor – Michaux pas du tout, il l’a d’ailleurs reconnu). A la manière de Sei Shônagon (Notes de chevet), l’autrice dresse de temps à autre des listes :
    « Choses agréables » – « Se lever à cinq heures et voir le jour se lever », « Odeurs », « Choses lues », « Saveurs »…

    Rites religieux, rituels du thé, fêtes, symbolique des jardins, Corinne Atlan raconte et explique, décrit l’attitude qu’elle adopte au Japon à travers les mots d’Olivier Germain-Thomas : « Se soumettre à un rituel est un acte de modestie. Un esprit moderne se trompe en y voyant une atteinte à la liberté. » (Le Bénarès-Kyôto) Lisez ce « journal de bord poétique » (Arnaud Vaulerin, Libération) qui parle du Japon, à moins que ce soit de l’existence.

     

  • Dieu psychothérapeute

    En écoutant Boris Cyrulnik présenter son dernier livre à La Grande Librairie, je me suis dit que je préfère généralement l’écouter que le lire ; sa pensée me semble plus fulgurante quand il parle. Il n’est pas écrivain, mais neuropsychiatre, il est vrai. J’étais en pleine lecture de Psychothérapie de Dieu (2017), dont le sens du titre s’éclaire dans l’avant-propos : « Dieu psychothérapeute ou l’attachement à Dieu ».

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    © Taf Wallet, Lumière de Dieu

    « Six petits vieux âgés de 12 ans avaient été des enfants-soldats ». Un de ces enfants broyés par la guerre du Congo lui a demandé « pourquoi il ne se sentait bien qu’à l’église ». Elie Wiesel, plongé dans l’enfer d’Auschwitz à 14 ans, y a survécu « avec une déchirure intime » : pourquoi Dieu avait-il permis cela ? Cyrulnik, incapable de leur répondre, a mené une enquête – « ce livre voudrait bien éclairer ce qui, dans l’âme humaine, tisse l’attachement à Dieu. »

    Tout part du socle familial : « un enfant qui n’a jamais été aimé ne peut réactiver la mémoire d’un bonheur qu’il n’a jamais connu ». Une famille aimante ou un substitut affectif constitue une « base de sécurité ». Définissant l’extase, qui peut être « déclenchée par une substance chimique autant que par une représentation mentale », comme la sensation intense de « se sentir hors de soi, transporté », Cyrulnik tente de définir le profil neurophysiologique des « âmes troublées » qui s’apaisent en s’élevant vers Dieu.

    Selon lui, les athées ont le lobe gauche du cerveau dominant et plutôt euphorisant, un fait peut-être lié à un développement paisible, ce qui expliquerait qu’ils aient moins besoin de « la réaction spirituelle de défense ». Les croyants, face à la guerre ou à la précarité sociale, doivent s’entraîner pour développer un mécanisme de défense et, quand ils trouvent dans ce contexte « une spiritualité et une religiosité », arrivent à vaincre leur difficulté à vivre.

    « La religion est un phénomène humain majeur qui structure la vision du monde, sauve un grand nombre d’individus, organise presque toutes les cultures… et provoque d’immenses malheurs ! » D’où l’intérêt de « comprendre cette terrifiante merveille », d’étudier « l’attachement à Dieu » à l’aide de la psychologie « développementale », des expériences psychosociales et des découvertes récentes du fonctionnement cérébral.

    « La religion est un phénomène relationnel et social, alors que la spiritualité est un prodige intime. » Le premier attachement d’un être humain va, par imprégnation, à sa langue maternelle et au Dieu de sa famille ou bien à autre chose, par exemple une utopie sociale ou un « éden matérialiste ». « Les milieux qui n’offrent rien à leurs enfants les privent de tuteurs de développement, ils en font des errants sans rêves et sans projets dans un désert de sens où les gourous viennent faire leur marché. »

    On comprend rapidement pourquoi Cyrulnik considère Dieu comme un thérapeute, la religion fonctionnant comme une niche mentale affective sécurisante, « une aide paisible pour ceux qui avaient acquis un attachement sécure ». Ceux qui « aiment gaiement Dieu comme ils aiment les hommes » sont apaisés par la relation d’aide. La forme que Dieu prend diffère selon les religions. Le travail psychique modifie le fonctionnement et la structure de certaines zones du cerveau.

    « La tolérance parentale, en supprimant les cadres, désoriente les jeunes. » Cyrulnik observe que les parents « démocratiques » qui veulent laisser leurs enfants complètement libres les voient parfois se convertir à une religion totalitaire ou extrême, souvent à travers la rencontre d’un gourou. Le milieu social joue aussi un rôle important : au Danemark « où chacun est attentif à l’autre », l’athéisme règne, la religion est inutile. Dans un milieu rude, la religion sécurise.

    Psychothérapie de Dieu explore les situations diverses, les liens entre les croyances et les émotions, la manière d’affronter la souffrance, qu’on soit croyant ou non-croyant. Sur la terre, l’extension discrète de la minorité de 500 millions de non-croyants (pour 7 milliards de croyants) coexiste aujourd’hui avec l’affirmation voyante de toutes les religions.

    Certaines généralités font réagir. « La religion calme la peur de vivre », « Les sans-dieu acceptent volontiers l’incertitude »… Boris Cyrulnik aborde son sujet sous de nombreux angles, s’appuyant le plus souvent sur des études et sur l’observation : mariages arrangés ou non, bénéfices des rituels religieux, santé mentale… Son essai montre que la relation avec Dieu « aide à affronter les souffrances de l’existence et à mieux profiter du simple bonheur d’être ».