« J’allume une cigarette. Tout pèse soudain une tonne.
– En plus tu fumes. Tu fumes alors que tu es enceinte ?
Sa méchanceté est comme une aile qui bat au-dessus de ma tête.
– Tu es chouchoutée et tu ne t’en rends même pas compte. C’est ça, les filles de luxe, les jewish princesses, on est aux petits soins et elles se plaignent, c’est ce qu’on m’avait dit à ton sujet, mais je ne voulais pas le croire. Une bourge.
La question s’est encore coincée dans ma gorge, qui, on ?
Je m’accroche à cette fichue branche : la positive attitude.
– Non, je t’assure, ça me va très bien. J’aime beaucoup le gris des murs. On dirait… – les mots qui me viennent, je ne peux pas les dire. Je posais juste une question.
– Evite les questions, Nouk, tu ne t’en porteras que mieux, conclut-il, avant de filer vers l’autre monde, l’ensoleillé, le vrai, le paradis au bout du couloir, avec ses pluies de lumière.
Il repart, content de sa séance de dressage, et je commence à installer mes affaires. »
Geneviève Brisac, Les Enchanteurs