Journal de mon jardin de Vita Sackville-West (Illustrated Garden Book, 1989, traduit de l’anglais par Patrick Reumaux) est publié chez Klincksieck dans la collection De Natura Rerum, c’est un vrai livre de jardinage. De janvier à décembre, la fameuse amie-amante de Virginia Woolf raconte ses plantations et prodigue ses conseils aussi bien dans le choix des végétaux, l’arrangement d’un jardin ou l’art de planter, de tailler, d’accorder arbustes et plantes, formes et couleurs.
Arthur Harry Church, Aquilegia vulgaris, The National History Museum
"Qui pourrait résister à une chose surnommée bonnet de grand-mère ou gant de bergère ? " (Vita)
De très jolies planches anatomiques de fleurs du botaniste Arthur Harry Church et quelques aquarelles du célèbre jardin de Sissinghurst par Xavier Carteret illustrent cette chronique d’horticulture « d’une romanichelle sensible à la morsure des couleurs, à l’incendie des épines » (P. Reumaux dans la préface). « Un jardin et un mari. Elle se met en tête de faire de son jardin un chef-d’œuvre, non d’architecture – l’idée (l’idéal) de Harold, qui va le concevoir – mais une mosaïque de couleurs, une jungle asymétrique, une orgie. » (P. R.)
Journal de mon jardin est un recueil de textes courts (deux à trois pages) qui portent tous un titre très clair, ce qui permet de retrouver facilement un sujet dans la table des matières. Ouverture et clôture hivernales donc, de « Fleurs d’hiver » (elle recommande les chimonanthes et les hamamélis) à « Après le pic de l’hiver » (quand fleurit le jasminum nudiflorum). Vita veille à ce que le jardin soit beau toute l’année, elle aime y avoir à toutes les saisons des fleurs ou du moins des rameaux à couper pour qu’ils fleurissent dans un vase – « Pour moi, une pièce sans fleurs est une pièce sans âme. Mais même un seul petit vase solitaire contenant une fleur vivante peut sauver la situation. »
La prose de Vita Sackville-West est plaisante à lire, elle s’adresse à ses lecteurs comme à des correspondants familiers. Parfois, d’ailleurs, elle répond à une lettre, une demande de renseignements ou de conseils, comme le ferait une chroniqueuse dans un magazine de jardinage. Elle appelle les plantes par leurs petits noms et mentionne en latin la variété précise la plus satisfaisante à ses yeux, ou celle à éviter, pour des raisons qu’elle explique.
« On m’a suppliée de dire du bien de l’églantier rouge. Je le fais volontiers, car une haie de rosiers rouillés est l’un des plus beaux ornements d’un jardin. » Elle fait d’ailleurs l’éloge des jardins « unicolores », une de ses spécialités, comme en témoigne le succès du jardin blanc de Sissinghurst auprès des visiteurs (elle le décrit). Le château et le domaine appartiennent depuis 1967 au National Trust, par décision de Harold Nicolson après la mort de son épouse en 1962.
Le charme des roses, le feuillage de certains rosiers, leur parfum, Vita y revient souvent. Les variétés sont si nombreuses ; elle citera ses favorites. Elle aime les hellébores, les regarde, les décrit. Elle prend aussi la défense de plantes jugées ordinaires comme les lobélias, encourage à oser une pelouse de thym. Quand une fleur rare la séduit, elle veut la faire connaître aussi.
Jardins de rocaille, jardins de dalles où l’on autorise des plantes basses « à pousser toutes seules », pergolas, serres, tous les arrangements de jardin sont abordés par cette jardinière qui disposait de tant d’espace pour essayer, changer, innover. « Faire pousser des fleurs dans les arbres ». Elle n’hésite pas à changer ce qui ne va pas, épluche les catalogues d’horticulture, rêve des effets à produire. Elle a aussi plein d’idées pour un petit jardin, propose trois plans qu’elle a en tête.
A la fin de chaque saison, Vita Sackville-West la résume en vers – « Rêve, et imagine ». Deux leitmotivs dans ce Journal. D’abord la prodigalité : « J’aime la générosité là où je la trouve, dans les jardins ou ailleurs. Je déteste les économies de bout de chandelle et le petit côté des choses. Même le jardin le plus exigu peut être prodigue à son échelle (…) ». Ensuite l’attention à l’endroit le plus favorable au développement d’un végétal, au temps à lui laisser pour s’épanouir.
« Il arrive de temps en temps que les jours soient émaillés d’incidents agréables, que les choses tournent merveilleusement bien au lieu de mal tourner, et il faut se rappeler ces moments rares avant qu’ils se perdent dans l’oubli. » Voilà le type d’entrée en matière (« Une après-midi de printemps ») qui illustre une autre fonction de ce Garden Book : noter la beauté d’un jour, comme cette traversée du Kent quand les pommiers commencent à fleurir, la grâce d’une fleur, l’émotion d’une vision.
Vita partage volontiers ses erreurs, ses trucs, ses recettes, ses préférences. Ce n’est pas une aristocrate qui donne ses ordres au jardinier, elle est la jardinière, elle prépare ses propres mélanges de terreau, de tourbe et de sable, elle taille, divise, bouture… « Il y a des moments où je suis comblée par mon jardin, d’autres où je désespère. »
Journal de mon jardin a de quoi frustrer quand on n’a pas de jardin, mais si l’on aime imaginer et rêver, il y a des pages où revenir à chaque saison pour en recueillir les vibrations. Un livre à offrir, certainement, à celles et ceux qui, comme Vita Sackville-West, sont passionnés de jardinage et amoureux des fleurs.
Commentaires
ahlala! ce jardin m'a loooooongtemps fait rêver!
Un domaine merveilleux à visiter, un jour ?
D'elle, j'ai beaucoup aimé toute passion abolie; d'ailleurs, n'était- ce pas toi qui en avais parlé? C'est fin, intelligent! Celui- ci fait rêver……...
Oui, j'avais aussi aimé ce roman. Ici, c'est forcément plus terre à terre.
Ça fait rêver.....toi d'avoir un jardin, moi de ne pouvoir cultiver certaines espèces trop peu amoureuses de la chaleur et de la sécheresse.
Mais, je vais l’acheter, le lire et puis l'offrir à une personne qui habite plus au nord:-))
Merci, merci.
Ce n'est pas un bel album comme "Le jardin de Virginia Woolf", mais c'est d'un grand intérêt pour jardiner ! Bonne après-midi, Colo.
Un univers merveilleux, je retiens cette idée de cadeau, un livre qui semble plein de poésie et de justes observations. Le vocabulaire floral est un délice ! Bises, merci Tania. brigitte
Un chouette cadeau pour qui aime les fleurs, c'est sûr, écrit par une bonne plume. Bonne soirée, Brigitte, bises.
Je le retiens aussi comme idée cadeau. Merci Tania ! Vita ( quel beau prénom ! ) semble très inventive...une pelouse de thym, quelle merveille odorante cela doit être ! Bises et bonne fin de semaine. Claudie.
J'aime beaucoup ce prénom aussi, c'est la seule Vita que je connaisse. Du thym, du romarin, j'en ai (un peu) dans un bac sur la terrasse et j'aime, en plus de les utiliser, m'y frotter les mains et puis sentir leur parfum. Bonne fin de semaine, Claudie.
Avant ta conclusion, je me demandais justement si ce n'était pas trop frustrant lorsque l'on n'a pas de jardin, mais tu as raison, rien n'empêche le rêve et l'imagination. D'autant plus que j'ai grandi à la campagne et ai toujours vu les hommes de mon entourage faire leur jardin.
J'ai eu grand plaisir à lire ce Journal, même sans y trouver d'idées pour mon jardin en pots. Vita S.-W. est une jardinière enthousiaste.
un petit livre qui est dans ma bibliothèque et dans lequel je pioche, je n'ai pas fait la lecture complète, je picore au gré des humeurs, des couleurs et du temps qu'il fait
Très bonne formule pour ce petit livre de bonne compagnie.
j'aime énormément sissinghurst, j'y suis déjà allée plusieurs fois et je rêve d'y retourner - je regrette ne pas avoir acheter son "Garden Book" - une autre fois peut-être
Ah, c'est donc chez toi, Niki ! Je me souvenais avoir lu de beaux billets sur Sissinghurst, mais je ne savais plus où. J'ajoute donc le lien ici et plus haut. Tu liras son "Garden Book" dans l'original, certainement. Merci de m'avoir rafraîchi la mémoire.
http://sheherazade2000.canalblog.com/tag/sissinghurst
merci à toi tania pour le lien
Je me dis que ce livre et Vita jardinier plairaient peut être à Bonheur du Jour, qui parle si bien des plantes. Mon frère (ancien architecte paysagiste, passionné de nature et de jardins) et feu ma belle soeur, qui était une extraordinaire fleuriste, avaient visité et aimé Sissinghurst- que je ne connaissais pas. Pas plus que Vita d'ailleurs (j'avais 18 ans )... ... je retiens ce livre...
Si je comprends bien, ce serait pour toi une lecture pleine de souvenirs personnels, Pivoine. Bonne soirée.
Je crois bien l'avoir lu il y a longtemps. Je le note sur ma liste des prochains achats à la librairie. Merci !
A offrir ou à s'offrir, bien sûr. Bonne après-midi, Marie.
Quand on n'a plus de jardin, eh oui... cet automne, j'essaie de produire sur balcon des pensées d'hiver à partir de graines de fleurs qui avaient duré toute le saison froide. et auxquelles nous nous étions attachés.
Pas beaucoup d'expérience, mais ça pousse.
Pas sûr que ce livre soit pour moi aujourd'hui, mais, si l'on veut, il fait rêver.
Bravo pour le semis réussi, j'espère qu'elles fleuriront bien. Je penserai aussi ;-) aux pensées d'hiver quand les bidens, brachycomes et autres géraniums ne fleuriront plus dans leurs pots.
Un livre que j'avais beaucoup aimé pour sa science, sa poésie... et son pragmatisme !
Voilà qui est bien résumé. Merci, Annie.
Je viens de feuilleter un aperçu de ce livre sur le net, je suis très intéressée.
Merci
Bonne lecture un jour ou l'autre, Maïté. C'est d'ailleurs un livre à lire au jour le jour.