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bozar - Page 9

  • Borremans au Palais

    « As sweet as it gets » : la grande rétrospective consacrée au peintre belge Michaël Borremans (né en 1963) attire du monde au Palais des Beaux-Arts (Bozar) de Bruxelles, où se poursuit la belle exposition Zurbarán. Reconnu sur la scène internationale, l’artiste, qui a son atelier à Gand, offre un aperçu de son travail des vingt dernières années, qui sera montré ensuite à Tel-Aviv puis à Dallas. 

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    Michaël Borremans, The Avoider, 2006 
    360 x 180 cm Oil on canvas The High Museum of Art Atlanta
    Courtesy Zeno X Gallery, Antwerp and David Zwirner New York/London © Photographer Ron Amstutz

    On est accueilli par The Avoider (tous les titres sont en anglais exclusivement), un portrait en pied haut de presque quatre mètres ! En face, une toute petite toile, Homme tenant son nez. La figure humaine, le corps, c’est le thème privilégié par Borremans, qui s’inscrit de manière originale dans cet éternel sujet de la peinture. L’illusion réaliste (l’œuvre renvoie à La Rencontre de Courbet) disparaît à l’observation : les ombres de la tête et du bâton ne correspondent pas.

    Dans chaque toile, quelque chose trouble. Les petits formats, dans les premières salles, impressionnent par leur présence. Sleeper, une tête d’enfant blond couchée : est-ce une image du sommeil ou de la mort ? Le visage s’arrête à la ligne du menton ; ni cou, ni buste, juste une courbe. Les personnages de Borremans sont ailleurs, montrés de dos ou les yeux baissés, dans des vêtements d’autrefois ou plutôt sans époque, le peintre évitant toute indication de contexte. Pour lui, « le sujet est toujours un objet – et non pas une représentation d’un être vivant » (Guide du visiteur). 

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    Michaël Borremans, Sleeper, 2007-2008
    40 x 50 cm Oil on canvas Private Collection
    Courtesy Zeno X Gallery Antwerp © Photographer Peter Cox

    Certaines œuvres rendent hommage aux maîtres anciens. Deux oiseaux contre un mur, 10 et 11, rappellent le chardonneret de Fabritius. La nature morte est un autre genre exploré par le peintre : un poulet mort, un canard, un masque, une figurine. The Garment, une sorte de cape en tissu gris bleu transparent – on pense aux petites natures mortes de Manet : simplicité, matière, présence.

    Borremans, qui admire Velasquez et Goya, pratique la technique baroque, « par couches transparentes de peinture à l’huile sur un fond brun clair ou rouge » (Hans Theys, Le mystère Michaël Borremans, OKV). Anna, une femme en corsage rouge, regarde ses bras et ses mains comme ensanglantés. Tout ici est jeu perpétuel sur la présence et l’absence, la solitude, voire la souffrance. Des imperfections, des traînées, des taches rappellent la matérialité de la peinture. 

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    Michaël Borremans, The Branch, 2003
    80 x 60 cm Oil on canvas Private Collection
    Courtesy Zeno X Gallery Antwerp © Photographer Peter Cox

    La Branche, un rameau dressé contre un mur : de petits points blancs marquent le relief des bourgeons, et quelque chose de fort se dégage comme par magie de ce sujet tout simple, grâce aux ombres qui créent volume, profondeur, vie.

    Borremans aime cadrer une partie du corps, comme dans Blue : d’un buste en blouse blanche, bras et mains posés sur une table, le haut a disparu. Une très belle toile, The Ear, montre une femme de dos, de la tête aux épaules ; sous son chignon, le col droit dune blouse ; les cheveux sont dégagés autour d’une oreille. Le plus souvent, ce sont les mains qui attirent le regard. Main rouge, Main verte est une des œuvres les plus représentatives de l’artiste : tenues à plat à petite distance d’une surface, enduites de couleurs complémentaires jusqu’au poignet. 

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    Michaël Borremans, The Angel, 2013
    300 x 200 cm Oil on canvas
    Courtesy Zeno X Gallery Antwerp © Photographer Dirk Pauwels

    Dans la salle des grandes toiles, la plus spectaculaire, on reste baba devant The Angel, silhouette androgyne en longue robe rose à volants, debout les bras le long du corps, le visage couvert de peinture sombre (à la manière dont on se noircit le visage au carnaval) – un ange de la mort ? The Pendant n’est pas moins ambigu : une femme debout semble pendue par les cheveux au moyen d’une corde rouge.

    La fillette d’Une jupe en bois regarde vers le bas, torse nu, les bras devant elle, comme aveugle. Derrière, les bords de grands panneaux posés contre le mur de l’atelier jouent avec les autres droites du tableau. Et voici la fameuse Robe du diable, où un homme nu couché a le corps glissé dans un étui en bois rouge qui s’évase aux genoux. Borremans construit ses images en mêlant le familier et létrange, lesthétique et le malaise.

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    Michaël Borremans, The Devil’s Dress, 2011
    203 x 367 cm Oil on canvas Dallas Museum of Art, DMA/amfAR Benefit Auction Fund
    Courtesy Zeno X Gallery Antwerp and David Zwirner New York/London © Photographer Ron Amstutz

    Des vidéos de lartiste – encore et toujours des corps immobiles sur lesquels la lumière varie ou qui tournent sur eux-mêmes comme des statues – font la transition vers son œuvre dessinée et ses sculptures. Une petite huile, The Neck, révèle à nouveau la virtuosité technique remarquée dans The Ear pour rendre le bas des cheveux, la nuque, le haut d’une chemise blanche.

    Les dessins sont présentés par séries : une fillette dont les mains glissées dans des cornets prennent différentes positions ; un homme en veston bleu assis à une table, des ronds rouges en suspension devant ses mains (The German) ; des étagères où une main retire puis repose des arbres miniatures. Borremans met aussi ces sujets en scène dans des boites où il réunit vidéos, éléments de maquette et minuscules personnages. 

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    Michaël Borremans, The Bodies (I), 2005
    60 x 80 cm Oil on canvas
    Courtesy David Zwirner New York/London ©Photographer Ron Amstutz

    Cette partie de l’exposition est parfois ludique. Mais l’inquiétant n’est jamais loin: sur un buste d’homme, quatre trous noirs, une main achève d’y peindre l’inscription « People must be punished » ; sous cette image, une scène de piscine, avec de tout petits baigneurs, un moment de détente (The Swimming Pool). On a rapproché ce dessin de La Colonie pénitentiaire de Kafka. Changement d’échelle, contradictions, de quoi égarer le spectateur. 

    Si comme moi, vous n’aviez encore rien vu de Michaël Borremans, « le peintre de l’énigme » (Guy Duplat), ne manquez pas cette rétrospective. Avec ses Laquais accrochés au Palais Royal de Bruxelles (une commande de la reine Paola) et l’émission d’un timbre-poste en son honneur, l’exposition assure une plus large reconnaissance au peintre belge dans son pays. Son savoir-faire impressionne, et on n’a pas fini d’interpréter ses intentions. Selon Hans Theys, « les essais consacrés à son œuvre ont souvent tendance à renforcer la confusion que l’artiste suscite déjà lui-même. » Contre ceux qui le considèrent comme « un démiurge démoniaque évoluant dans un univers sadique autocréé », lui décèle dans son oeuvre « comme une ode à la naïveté et au jeu ». A voir.

    ***

    P.-S. Michaël Borremans à écouter dans "Le grand charivari" sur Musiq3 (15/3/2014) :
    http://www.rtbf.be/radio/player/musiq3?id=1902768

     

  • L'âme des objets

    « À travers la description minutieuse des textures, des couleurs, des matériaux, le peintre plonge dans l’âme des objets les plus humbles et leur insuffle une dignité particulière. » (Guide du visiteur) 

    Zurbarán, maître de l’âge d’or espagnol, Palais des Beaux-Arts, Bruxelles, 29/1/2014 – 25/5/2014. 

    Zurbarán_détail_de_la_Maison_de_Nazareth.jpg
    Francisco de Zurbarán, La maison de Nazareth (détail)

     

  • Zurbarán, un Maître

    De Zurbarán, « Maître de l’âge d’or espagnol », je me réjouissais de revoir une Nature morte aux poteries contemplée au Prado. L’exposition qui vient de s’ouvrir au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles (Bozar) montre toutes les facettes d’un peintre majeur du XVIIe siècle (1598-1664), qui poursuit à travers des sujets religieux une exploration fascinante de l’intériorité. 

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    Francisco de Zurbarán, Nature morte aux poteries, 46 x 84 cm, Inv. 2803, Madrid, Musée du Prado.

    J’ai aimé l’installation de la sculptrice espagnole Cristina Iglesias à l’entrée de l’exposition. Impression d’Afrique II : de hautes grilles dont les éléments dessinent des lettres, des mots, extraits du livre éponyme de Raymond Roussel. Ces « jalousies » captent le regard et laissent transparaître, occupent l’espace en jouant avec la lumière (regardez aussi sur le sol). 

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    Francisco de Zurbarán, La guérison miraculeuse du bienheureux Réginald d’Orléans (détail)

    Zurbarán a grandi à Séville : il y peint ses premières œuvres, des commandes pour des couvents qui feront de lui « le peintre de la vie monastique ». Dans La guérison miraculeuse du bienheureux Réginald d’Orléans, son art de montrer les textures et la beauté des choses simples, apparaît déjà. Voyez sur la table près du lit : une pêche, une tasse, une rose sur un plat. Ce détail reviendra seul dans la salle des natures mortes. 

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    Francisco de Zurbarán, La vision de Saint Pierre Nolasque, 1629,
    Oil on canvas, 179 x 223 cm 
    Inv. P1236, Madrid, Museo Nacional del Prado. 

    Après son travail pour les Dominicains, Zurbarán est engagé au couvent des Mercédaires, aujourd’hui Musée des beaux-arts de Séville. On exige du peintre qu’il travaille sur place, il y installe son atelier et ses assistants pour réaliser une série sur le fondateur de l’ordre. La vision de saint Pierre Nolasque le montre en songe près d’un livre ouvert, un ange habillé de rose et de bleu tend le bras vers des nuées qui s’ouvrent sur la Jérusalem céleste. 

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    Francisco de Zurbarán, Frère Jerónimo Pérez, ca. 1632-1634, Oil on canvas, 193 x 122 cm, Inv. 667, 

    Madrid, Museo de la Real Academia de Bellas Artes de San Fernando 

    Ce qui frappe dans cette œuvre, c’est l’éclairage : une lumière forte vient de gauche illuminer la robe blanche du saint et celle de l’ange. Zurbarán rend les tissus de façon exceptionnelle, de couleurs claires le plus souvent, en contraste sur des fonds sombres. Quels blancs lumineux sur les habits d’un Vénérable et d’un Frère, un livre, un cahier, une plume à la main – hommage aux Ecritures. Les fleurs ont une place de choix dans la symbolique religieuse : des roses jonchent le sol autour de saint François en extase dans Le miracle de la Portioncule, des lys blancs dans le portrait de saint Antoine de Padoue. 

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    Francisco de Zurbarán, Saint François d'Assise dans sa tombe, ca. 1635,

    Oil on canvas, 204.8 x 113.35 cm Inv M1958.70 Milwaukee Art Museum

    Le Saint François dans sa tombe de Zurbarán (Francisco de son prénom) prêté par le Milwaukee Art Center est une peinture marquante et inoubliable, d’une beauté austère mais profonde : quand on s’approche de la silhouette en robe de bure, capuche sur la tête, on distingue le visage barbu de François d’Assise penché vers le crâne qu’il tient dans les mains. Les plis du vêtement, la figure centrée, la lumière, la verticalité, tout converge vers cette méditation sur la mort imprégnée d’une grande paix, image puissante de l’introspection. 

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    Francisco de Zurbarán, Une tasse d'eau et une rose, ca. 1630
    Oil on canvas, 21,2 x 30,1 cm Inv. NG6566 London, The National Gallery
     

    Presque toutes les œuvres sont des grands formats, sauf les natures mortes. Deux paniers de pommes, dont l’un voisine avec des fleurs dans un vase en verre et un plateau de grenades – jeu merveilleux de la lumière et des reflets. La fameuse rangée de poteries du Prado (on comprend qu’elle ait fasciné Morandi). La reprise du détail mentionné plus haut – on pense à Chardin : une tasse de porcelaine blanche à deux anses, remplie d’eau, sur un plat d’argent, le doux éclat d’une rose posée sur le bord. 

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    Francisco de Zurbarán, Agnus dei, ca. 1635-1640 Oil on canvas, 35,56 x 52, 07cm, Inv. 1947.36, The San Diego Museum of Art

    Que dire du fameux Agnus Dei du musée de San Diego, l’agneau aux pattes entravées couché sur une table, prêt pour le sacrifice ? Sa toison finement bouclée attire la main, l’auréole – une fine ligne dorée au-dessus de sa tête – rappelle qu’il symbolise la passion du Christ. Un point d’orgue avant de passer aux peintures de cour. 

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    Francisco de Zurbarán, L'archange Saint Gabriel, ca. 1631-1632, Oil on canvas,

    146.5 x 61.5 c, Inv. 852.1.2, Montpellier, Musée Fabre 

    De la section intitulée « mystique du quotidien », je retiens une Fuite en Egypte pleine de tendresse, La Vierge enfant endormie (petite nature morte incluse), le gracieux Archange Gabriel. La Maison de Nazareth, une grande scène d’intérieur : Jésus se pique aux épines enroulées sur ses genoux ; Marie, pensive, plie du linge près d’un bouquet de fleurs. Sur la table, des livres, des poires. A leurs pieds, une terre cuite, une corbeille, deux colombes. De petits anges dorés dans une nuée. Une peinture emblématique de la douceur de Zurbarán, de son approche humaine et familière des figures de la sainte famille. 

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    Francisco de Zurbarán, Sainte Casilde, ca. 1635 oil on canvas, 171 x 107 cm, Inv. 448 (1979.26),

    Madrid, Museo Thyssen-Bornemisza.

    Très différents, spectaculaires, les grands portraits de femmes qui ont subi le martyre – Sainte Engrâce, Sainte Casilde choisie pour l’affiche de l’exposition, Sainte Ursule – attirent davantage par le rendu exceptionnel des vêtements et des parures que par leur destin. Elles appartiennent à une série décorative destinée à l’exportation dans le « Nouveau Monde ». 

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    Francisco de Zurbarán, Christ en croix contemplé par saint Luc, peintre, ca 1660 oil on canvas, 

    105 x 84 cm Inv. P2594 Madrid, Museo Nacional del Prado

    Le parcours (guide du visiteur à télécharger) se termine avec la dernière toile de Zurbarán : Christ en croix contemplé par saint Luc, peintre, celui-ci lève les yeux vers le Christ et entre dans sa lumière. On serait tenté d’y voir un autoportrait, mais il est plus probablement un dernier témoignage de l’échange spirituel qui a nourri l’œuvre du grand peintre. Ne manquez pas cette exposition, visible à Bozar jusqu’au 25 mai prochain.

  • Usine à gaz

    « La situation des Établissements Scientifiques Fédéraux (ESF) à Bruxelles est un vaste débat et Michel Draguet, même s’il a des manières péremptoires, ne doit pas servir de paratonnerre à la Régie des Bâtiments, une usine à gaz opaque et sclérosée, qui méprise Bruxelles. En matière de culture, de patrimoine, de transmission de l'histoire du pays, du récit de cette histoire, et donc du sens à y donner, l'État n'assume pas ses responsabilités vis-à-vis de la société. En témoignent l’état du Palais de justice, du Conservatoire, du fantomatique Cinquantenaire, les musées Wiertz et Meunier quasi inaccessibles, la piscine et le théâtre du Résidence Palace fermés au public, etc. »

    « Musées Royaux des Beaux-Arts : la Régie des Bâtiments de l’État et l’État sont responsables », Arau, Bruxelles, 5/12/2013. 

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  • Quel musée ?

    Le Musée Fin de siècle s’est enfin ouvert à Bruxelles, à la place du musée d’art moderne fermé en 2011 et dont l’absence continue à inquiéter les amis des arts : « une section réussie dans un musée en déshérence », titre La Tribune de l’Art. Je vous présenterai ce nouveau parcours dans les collections des MRBAB dès que je l’aurai visité, mais c’est sur l’évolution générale du musée que j’aimerais partager quelques interrogations avec vous. 

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    Ouverture du Musée Fin de Siècle au sein des Musées Royaux des Beaux-Arts
    Photo RTBF - Françoise Brumagne – 2013 

    « Musée sans musée » a attiré l’attention sur un communiqué de l’Atelier de Recherche et d'Action Urbaines (Arau) daté du 5 décembre 2013, sous un titre sans appel : « Musées Royaux des Beaux-Arts : la Régie des Bâtiments de l’État et l’État sont responsables ». On y décrit avec précision les dégâts survenus le mois dernier lors de l’installation d’une bâche sur la grande verrière du musée, provoquant la fermeture inopinée et catastrophique de l’exposition « Rogier van der Weyden ». D’où cette première question : pourquoi occulter un puits de lumière ?

    Serais-je un peu claustrophobe ? J’aime trouver des fenêtres dans un musée ou une verrière qui dispense cet éclairage dit « zénithal ». Au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles (Bozar, à ne pas confondre avec les Musées Royaux cités plus haut), il existe deux parcours d’exposition : celui du bas, auquel on accède au fond du grand hall Horta, et celui du haut, qu’on atteint par un escalier sur le côté, une succession de salles sans lumière naturelle. En parcourant un jour celui-ci dans une atmosphère surchauffée, j’ai fini par presser le pas vers la sortie ; quand  je me suis retrouvée enfin dans un espace plus ouvert, aéré, lumineux, quelle sensation de délivrance ! Vous avouerai-je que j’ai déjà renoncé à visiter l’une ou l’autre expo là-haut pour ne pas renouveler l’expérience ?

    Pouvoir de temps à autre jeter un coup d’œil dehors, quand on visite un musée, rafraîchit le regard. Dans le Musée d’art moderne tel que nous l’avons connu à Bruxelles de 1984 à 2011 – un quart de siècle à peine –, le puits de lumière de larchitecte Roger Bastin compensait heureusement l’impression de s’enfoncer dans le sous-sol où avaient été creusés les niveaux destinés aux collections des XIXe et XXe siècles, de - 4 à - 8. Pourquoi occulter ? Pour permettre des projections, ai-je lu, « choix muséographique qui révèle que l’espace est peut-être mal adapté à la destination décidée… » (Arau – plan des lieux en page 4) 

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    Une belle carte postale coloriée de la rue de la Régence vers 1900, vue vers la place Royale.
    Les taxis d'antan attendent devant les "Musées royaux de Peinture et de Sculpture" (Photo eBru, Bruxelles d’antan)

    Nos Musées Royaux souffrent aussi du côté du Musée d’art ancien, dont les extensions restent fermées, où l’on n’accède plus à la galerie des sculptures, où les réserves ont connu de gros dégâts, entre autres problèmes. Il ne convient donc pas de prendre leur directeur actuel comme bouc émissaire : « c’est la Régie des Bâtiments (de l’État) qui est responsable des bâtiments qui abritent les Établissements Scientifiques Fédéraux (ESF), dont font partie les Musées Royaux des Beaux-Arts et c’est l’État qui a la tutelle sur ceux-ci. »

    Selon l’Arau, cette incurie, ce pourrissement montre que « l’État a d’autres projets. » Partout les États ont jeté les grands musées « dans des démarches managériales, axées sur l'attractivité internationale, le tourisme, le marketing. » L’État belge n'assume plus ses responsabilités à l'égard des musées et du public. Le malaise croissant des MRBAB est donc une « affaire d’Etat », et non celle du directeur seul, souvent cité dans les médias.

    Dernière question, celle du titre. Qu’attendons-nous, aujourd’hui, d’un musée ? Peut-il, mutatis mutandis, demeurer « un lieu accessible, qui a pour vocation d'éduquer le public, par la présentation chronologique des œuvres, au sein des aires géographiques, des écoles et des courants artistiques qui les ont suscitées, à la beauté, à l'esthétique, au civisme » ? Les nouvelles et futures appellations des MRBAB ciblent les touristes sans assumer pleinement cette vocation.  

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    En présentant lancien Musée d’art moderne dans la collection « Musea nostra » (éditée par le Crédit Communal, autre institution belge qui appartient désormais au passé) en 1988, Phil Mertens (je corrige) attirait l’attention sur la salle des Magritte – à présent au musée Magritte de la place Royale – et ajoutait ceci : « La présentation des œuvres est importante car elle permet de faire comprendre au public les intentions scientifiques poursuivies. L’architecture très sobre, mais ouverte et parfaitement éclairée, contribue à l’efficacité d’une présentation qui va de James Ensor aux tendances contemporaines (…) » (c’est moi qui souligne). 

    Comprenez-moi bien, ce n’est pas de nostalgie qu’il s’agit. Je ne conteste pas la pertinence de nouveaux accrochages qui répondent davantage aux attentes et aux regards actuels. J’applaudis à la mise en valeur de l’effervescence artistique en Belgique autour de 1900. Mais qu’un siècle d’art, que les beaux-arts de 1915 à nos jours aient été remisés pour une durée indéterminée, avant qu’un nouvel espace ou musée ne leur soit octroyé, voilà ce qui me choque et que ne compense pas un temporaire « choix des conservateurs ». L’ancien directeur des MRBAB, Philippe Robert-Jones, regrette cette décision prise « dans la précipitation et l’enthousiasme pour de nouvelles idées ».

    Je vous invite, si ces questions vous intéressent, à lire in extenso le document de l’Arau (11 pages) et à réagir chaque fois qu’un site, un blog, un article de presse vous en donne l’occasion. L’avenir des Musées Royaux des Beaux-Arts de Belgique nous concerne : les œuvres qui n’y sont plus exposées nous manquent ; les professeurs, les élèves, les étudiants, les Amis des Musées rebaptisés Friends n’y ont plus accès. Au cœur de l’Europe, dont elle est fière d’être la capitale, Bruxelles mérite mieux.