Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Quel musée ?

Le Musée Fin de siècle s’est enfin ouvert à Bruxelles, à la place du musée d’art moderne fermé en 2011 et dont l’absence continue à inquiéter les amis des arts : « une section réussie dans un musée en déshérence », titre La Tribune de l’Art. Je vous présenterai ce nouveau parcours dans les collections des MRBAB dès que je l’aurai visité, mais c’est sur l’évolution générale du musée que j’aimerais partager quelques interrogations avec vous. 

musée,fin de siècle,bruxelles,musées royaux des beaux-arts,belgique,bozar,art ancien,art moderne,bâtiments,architecture,etat,négligence,culture
Ouverture du Musée Fin de Siècle au sein des Musées Royaux des Beaux-Arts
Photo RTBF - Françoise Brumagne – 2013 

« Musée sans musée » a attiré l’attention sur un communiqué de l’Atelier de Recherche et d'Action Urbaines (Arau) daté du 5 décembre 2013, sous un titre sans appel : « Musées Royaux des Beaux-Arts : la Régie des Bâtiments de l’État et l’État sont responsables ». On y décrit avec précision les dégâts survenus le mois dernier lors de l’installation d’une bâche sur la grande verrière du musée, provoquant la fermeture inopinée et catastrophique de l’exposition « Rogier van der Weyden ». D’où cette première question : pourquoi occulter un puits de lumière ?

Serais-je un peu claustrophobe ? J’aime trouver des fenêtres dans un musée ou une verrière qui dispense cet éclairage dit « zénithal ». Au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles (Bozar, à ne pas confondre avec les Musées Royaux cités plus haut), il existe deux parcours d’exposition : celui du bas, auquel on accède au fond du grand hall Horta, et celui du haut, qu’on atteint par un escalier sur le côté, une succession de salles sans lumière naturelle. En parcourant un jour celui-ci dans une atmosphère surchauffée, j’ai fini par presser le pas vers la sortie ; quand  je me suis retrouvée enfin dans un espace plus ouvert, aéré, lumineux, quelle sensation de délivrance ! Vous avouerai-je que j’ai déjà renoncé à visiter l’une ou l’autre expo là-haut pour ne pas renouveler l’expérience ?

Pouvoir de temps à autre jeter un coup d’œil dehors, quand on visite un musée, rafraîchit le regard. Dans le Musée d’art moderne tel que nous l’avons connu à Bruxelles de 1984 à 2011 – un quart de siècle à peine –, le puits de lumière de larchitecte Roger Bastin compensait heureusement l’impression de s’enfoncer dans le sous-sol où avaient été creusés les niveaux destinés aux collections des XIXe et XXe siècles, de - 4 à - 8. Pourquoi occulter ? Pour permettre des projections, ai-je lu, « choix muséographique qui révèle que l’espace est peut-être mal adapté à la destination décidée… » (Arau – plan des lieux en page 4) 

musée,fin de siècle,bruxelles,musées royaux des beaux-arts,belgique,bozar,art ancien,art moderne,bâtiments,architecture,etat,négligence,culture
Une belle carte postale coloriée de la rue de la Régence vers 1900, vue vers la place Royale.
Les taxis d'antan attendent devant les "Musées royaux de Peinture et de Sculpture" (Photo eBru, Bruxelles d’antan)

Nos Musées Royaux souffrent aussi du côté du Musée d’art ancien, dont les extensions restent fermées, où l’on n’accède plus à la galerie des sculptures, où les réserves ont connu de gros dégâts, entre autres problèmes. Il ne convient donc pas de prendre leur directeur actuel comme bouc émissaire : « c’est la Régie des Bâtiments (de l’État) qui est responsable des bâtiments qui abritent les Établissements Scientifiques Fédéraux (ESF), dont font partie les Musées Royaux des Beaux-Arts et c’est l’État qui a la tutelle sur ceux-ci. »

Selon l’Arau, cette incurie, ce pourrissement montre que « l’État a d’autres projets. » Partout les États ont jeté les grands musées « dans des démarches managériales, axées sur l'attractivité internationale, le tourisme, le marketing. » L’État belge n'assume plus ses responsabilités à l'égard des musées et du public. Le malaise croissant des MRBAB est donc une « affaire d’Etat », et non celle du directeur seul, souvent cité dans les médias.

Dernière question, celle du titre. Qu’attendons-nous, aujourd’hui, d’un musée ? Peut-il, mutatis mutandis, demeurer « un lieu accessible, qui a pour vocation d'éduquer le public, par la présentation chronologique des œuvres, au sein des aires géographiques, des écoles et des courants artistiques qui les ont suscitées, à la beauté, à l'esthétique, au civisme » ? Les nouvelles et futures appellations des MRBAB ciblent les touristes sans assumer pleinement cette vocation.  

musée,fin de siècle,bruxelles,musées royaux des beaux-arts,belgique,bozar,art ancien,art moderne,bâtiments,architecture,etat,négligence,culture

En présentant lancien Musée d’art moderne dans la collection « Musea nostra » (éditée par le Crédit Communal, autre institution belge qui appartient désormais au passé) en 1988, Phil Mertens (je corrige) attirait l’attention sur la salle des Magritte – à présent au musée Magritte de la place Royale – et ajoutait ceci : « La présentation des œuvres est importante car elle permet de faire comprendre au public les intentions scientifiques poursuivies. L’architecture très sobre, mais ouverte et parfaitement éclairée, contribue à l’efficacité d’une présentation qui va de James Ensor aux tendances contemporaines (…) » (c’est moi qui souligne). 

Comprenez-moi bien, ce n’est pas de nostalgie qu’il s’agit. Je ne conteste pas la pertinence de nouveaux accrochages qui répondent davantage aux attentes et aux regards actuels. J’applaudis à la mise en valeur de l’effervescence artistique en Belgique autour de 1900. Mais qu’un siècle d’art, que les beaux-arts de 1915 à nos jours aient été remisés pour une durée indéterminée, avant qu’un nouvel espace ou musée ne leur soit octroyé, voilà ce qui me choque et que ne compense pas un temporaire « choix des conservateurs ». L’ancien directeur des MRBAB, Philippe Robert-Jones, regrette cette décision prise « dans la précipitation et l’enthousiasme pour de nouvelles idées ».

Je vous invite, si ces questions vous intéressent, à lire in extenso le document de l’Arau (11 pages) et à réagir chaque fois qu’un site, un blog, un article de presse vous en donne l’occasion. L’avenir des Musées Royaux des Beaux-Arts de Belgique nous concerne : les œuvres qui n’y sont plus exposées nous manquent ; les professeurs, les élèves, les étudiants, les Amis des Musées rebaptisés Friends n’y ont plus accès. Au cœur de l’Europe, dont elle est fière d’être la capitale, Bruxelles mérite mieux.

Commentaires

  • je suis désolée de lire ici ce que j'y lis...
    (et je suis d'accord avec toi pour l'importance de la lumière naturelle!)

  • Espérons que cette "affaire d'État" finisse par trouver de l'air libre et frais et que ton billet d'humeur (comme on les appelle) si documenté trouve des échos positifs dans ton pays.

  • Comme toi, je déplore souvent le côté fermé et étouffant de certains musées, on dirait qu'il y a une mode, qui n'incite pas à y retourner pourtant. Quant à l'orientation actuelle .. il suffit de voir les grands musées à Paris qui deviennent tous progressivement de grands bazars sans âme.

  • @ Adrienne : L'ouverture du Musée d'art moderne de Bruxelles en 1984 a tant signifié pour moi que j'enrage, je l'avoue, de cet escamotage.

    @ Colo : Heureusement la presse belge revient régulièrement sur le sujet, la blogosphère aussi. Espérons qu'aux prochaines élections de 2014, la création d'un nouveau musée d'art moderne mobilise aussi les énergies, et pas seulement un nouveau stade de football ou un nouveau centre commercial. Merci, Colo.

    @ Aifelle : Trouver l'équilibre entre de nouvelles dispositions des oeuvres, mais garder l'âme d'un musée, laisser s'y déposer la patine du temps, qui fait l'élégance dit-on, ce n'est pas une mince affaire, par les temps qui courent.

  • je suis invitée à le découvrir au début du mois de janvier, mais j'ai déjà quelques "a priori" ayant lu des articles négatifs sur la mise en évidence des oeuvres superbes mis en exposition mais très mal mises en valeur en raison des couleurs des murs - à vérifier donc

  • L'époque illustrée par ce musée Fin de siècle me passionne, j'espère y aller bientôt et je le visiterai sans a priori. C'est surtout l'effacement des oeuvres du XXe siècle que j'ai voulu souligner, peut-être temporaire mais pour combien d'années ? - et l'urgence d'un nouvel écrin pour les rendre au public.

  • Malgré mon intérêt pour les arts plastiques, la peinture et la photographie, je visite très peu les musées. Je note néanmoins vos remarques, souhaits et regrets, d'une habituée et connaisseuse visiblement.

    Prochainement dans la région lilloise, que ne devrions-nous pas rater questions visites ? Lens bien sûr mais encore ?

  • « Ce qui a vraiment un sens dans l’art, c’est la joie. Vous n’avez pas besoin de comprendre. Ce que vous voyez vous rend heureux ? Tout est là. » (Brancusi)

    Rien ne vaut le contact direct avec l'oeuvre, c'est si différent de la contemplation d'une reproduction. Je n'ai pas encore vu l'exposition sur les Etrusques au Louvre-Lens. Avez-vous vu "Le siècle d'or de la peinture danoise" à La Piscine de Roubaix ?

  • Non rien vu de cela et j'en prends bonne note. Merci.

    Je ne doute pas que le contact avec l'œuvre est préférable. Il y a beaucoup de circonstances qui font que je ne puis visiter plus de musées autres que ceux de la région liégeoise (et encore). Ma compagne, mes proches, ne s'y intéressent pas du tout, m'y accompagnent sans déplaisir mais sans vraiment vibrer. Il en va de même pour l'opéra, par exemple, qu'ils/elle ne savent entendre alors que j'en écoutais volontiers beaucoup auparavant.
    L'art du compromis aussi est un art également...

    Enfin comprendre l'art ne m'a jamais paru important, il faut surtout que je ressente une émotion.

    Bonne soirée !

  • Heureuse que ces infos vous soient utiles, Christw. C'est vrai que partager le plaisir de la découverte en bonne compagnie le redouble, mais visiter seule un musée ou une expo ne me déplaît pas. Et quand je me mets à prendre des notes, c'est même un avantage : je vais à mon rythme sans me préoccuper d'être à la traîne. Et parfois cela facilite aussi le dialogue avec l'un ou l'autre solitaire.
    Pour ce qui est de l'opéra, je n'y ai pas été initiée, j'en écoute rarement bien que j'aime les belles voix, et je ne suis allée qu'une fois ou deux à La Monnaie - regrets.
    Bonnes vibrations un jour ou l'autre !

  • ton excellent billet est réellement interpelant, je me sens très en colère/frustrée par ce qui se passe au niveau artistique à bruxelles

  • Cela prend de telles proportions qu'il faudra se joindre aux actions proposées par les associations, d'autant plus qu'il y a des élections l'année prochaine.

  • Oui, en effet, j'ai aussi des doutes sur les volontés politiques quant aux musées (finalement, les directeurs, comme les Travaux Publics, sont des outils aux mains des politiques). Ce qui s'est passé à l'art moderne est scandaleux. Un musée d'art moderne au Cinquantenaire? Mais où... Je ne vois pas vraiment de place. (Ou alors, je connais vraiment mal les lieux). Et moi aussi j'aime "mes" musées, ce sont des lieux à être heureux...

  • Je partage cette conclusion !
    M. Draguet espérait la construction d'un tout nouveau musée sur le site du Cinquantenaire, mais la Région bruxelloise a choisi la zone du Canal pour ce futur musée qui paraît encore fort hypothétique.
    Un lien : http://gerarddewallens.blogspot.be/2013/06/un-musee-dart-moderne-ou-contemporain.html#more

Écrire un commentaire

Optionnel