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  • Art belge, XXe

    « Il faut être absolument moderne. » La phrase de Rimbaud m’a trotté en tête pendant que je visitais au musée d’Ixelles l’exposition « Art belge. Un siècle moderne ». Près de deux cents peintures, sculptures et gravures d’une collection privée, celle de Caroline & Maurice Verbaet. Celui-ci l’a commencée en 1970, d’abord à Anvers  en salle des ventes ; l’art belge était alors moins cher et moins bien connu qu’aujourd’hui, c’était à sa portée et à la mesure de son « argent de poche ». Des achats instinctifs, pour le plaisir, par passion. 

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    Parcours atypique, indique le prospectus. En effet, l’accrochage ne suit pas la chronologie, les œuvres d’un même artiste sont rarement regroupées, « l’exposition privilégie des confrontations visuelles et des rapprochements plastiques inattendus. » Par exemple, un Paysage avec écriteau de Spilliaert (1904) voisine avec un grand Paysage nocturne de Jan Vanriet (2010) de même tonalité. On a rapproché Fabre d’Ensor, Dotremont de Michaux, Le Dirigeable de Spilliart (gouache) du Raven de Panamarenko, La notte de Serge Vandercam (bleus sombres) et un Soir à la mer de Permeke (bruns sombres)… Bref, la couleur, le thème, la manière ou la technique instaure une proximité. Au visiteur de chercher les rapports qui s’établissent.

    « Un siècle moderne » ? Le XXe siècle décline ici les différentes voies du modernisme. La sélection présente 79 artistes figuratifs ou abstraits – une grande huile de Luc Peire (Aleksandre, 1981) aux lignes verticales sur un bleu vibrant –, et se passe de fil conducteur. Un peu déroutée au départ, je me suis laissé guider par ma propre sensibilité, ce qui s’accorde avec la subjectivité inhérente à ce genre de collection. 

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    Marc Mendelson, Limites de la nuit, 1952 © SABAM, Belgium 2012 

    Les sculptures ont particulièrement retenu mon attention : pas les Plans mobiles de Pol Bury, malheureusement sous verre donc immobiles, mais de délicieuses figures d’Oscar Jespers (1887-1970) : au rez-de-chaussée, un Petit cavalier en céramique (dans un cadre en bois art déco) et un bronze noir intitulé Frieda. A l’étage, non loin d’une Tête de femme en pierre, ne manquez pas, si vous y allez, la bien nommée Perle fine : sculptée dans le marbre blanc, un visage aux traits délicats, un chignon très allongé vers l’arrière – elle aurait mérité d’être mieux placée, pour qu’on puisse en faire le tour. Cela rappelle un peu l’art d’un Brancusi, impossible de ne pas y penser devant une tête d’enfant, couchée, un petit plâtre présenté plus loin.

    Cette salle du musée d’Ixelles met particulièrement en valeur les œuvres disposées sur l’estrade du fond. Au pied de celle-ci, à gauche, voisinage incongru entre le Buste d’un débardeur signé Constantin Meunier et une sorte de robe du soir couverte des coléoptères fétiches de Jan Fabre, « Terre de la montée des anges (Mieux vaut un poisson sur la rive que dix en l’air) » – il y aurait une histoire de l’art à écrire d’après les titres, les « Sans titre » et « Composition » d’une part, de l’autre les énoncés déclaratifs, parfois prétentieux, parfois percutants comme « Si la vie était plus logique, elle serait encore moins vivable » (Dotremont). 

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    Fernand Khnopff, Portrait de Simone Héger (Source : Cultured)

    Sur l’estrade trône Passerelle I d’Alechinsky, ses cases en rouge sur fond écru entourées d’une bordure à l’encre noire inspirée des plaques d’égout dont les motifs l’ont inspiré tout un temps. Pour la regarder de près, montez les marches à droite près des deux superbes bronzes de Minne et arrêtez-vous en face de Dimanche des tourterelles, une grande toile de Marc Mendelson dont la matière blanc beige, presque un bas-relief de nacre, esquisse avec douceur un paysage.

    Le collectionneur Maurice Verbaet aime les arbres, ce qui lui a sans doute fait acquérir certaines toiles présentées ici, comme un beau fusain de Lismonde ou L’Arbre de Serge Vandercam, une photographie en noir et blanc qui pourrait passer de loin pour une gravure, gros plan sur un tronc aux branches dénudées. (Deux autres photos de lui à l’étage, La Remise et L’Escalier, aux beaux jeux de lumière.) 

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    Léon Spilliaert, La Rapace, 1902 © SABAM Belgium 2012
    Firmin Baes, La petite fille au chou, s.d. © SABAM Belgium 2012
    (Source :  
    http://www.agendamagazine.be)

    Les galeries du premier étage proposent des regroupements plus lisibles : des compositions géométriques, dont celle de Guy Vandenbranden reprise sur l’affiche, aux couleurs primaires, puis des natures mortes, des personnages. De  Jane Graverol, surréaliste belge, une nature morte avec canard empaillé, plante fleurie et globe terrestre, des livres sur une table ronde, juste à côté d’une autre table ronde, celle du petit déjeuner de Van de Woestijne avec le moulin à café et les pistolets du dimanche. 

    Vous serez peut-être ravi comme moi de rencontrer là une fillette en robe bleu ciel nouée sur les épaules, le Portrait de Simone Héger signé Khnopff ; une étonnante Fillette au chou de Firmin Baes, assise sur une chaise, un énorme chou vert sur les genoux ; Trois sœurs, de Léon Frédéric, en robes rouges, épluchant des pommes de terre ; un Jeune garçon de Louis Buisseret, vêtu de clair, délicat, posé sur un canapé. Cet ensemble figuratif va du réalisme social de Laermans (Les derniers croyants) au symbolisme de Montald ou Delville, Spilliaert surtout, très bien représenté avec des encres fantastiques. 

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    Jules Schmalzigaug, Volume + Lumière, 1914 © SABAM, Belgium 2012

    Beaucoup d’œuvres de Schmalzigaug, de René Guiette (un étonnant Saint-Tropez), d’Antoine Mortier. Plus que de Magritte ou Delvaux (à qui est consacrée une petite exposition que je n'ai pas vue dans une autre salle), mais vous l’avez compris, cette exposition ne résume pas l’art belge au XXe siècle, même si «  pratiquement toutes les « cases » des mouvements artistiques du XXe siècle belge sont remplies » (Estelle Spoto).  Elle emprunte des sentiers divers, confronte des créateurs de premier et de second plan, au plaisir de collectionner.

  • Circuler

    « Les idées et les images sont faites pour circuler, être empruntées, revenir et disparaître. Elles n’appartiennent qu’à ceux qui un moment les chevauchent. »

    Joëlle Busca, Miquel Barceló – Le triomphe de la nature morte 

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    Détail de la couverture (incipit)


  • Un texte sur Barceló

    Lorsqu’après avoir visité une exposition, on en découvre le catalogue, aller de ses souvenirs aux mots, puis des mots aux images, donne souvent envie de retourner devant les œuvres, pour mieux les regarder. Lire Miquel Barceló – Le triomphe de la nature morte, un texte d’une trentaine de pages (suivi de quelques illustrations) de Joëlle Busca (La lettre volée, 2000), c’est entrer par le discours, de biais, dans lunivers dun artiste que je connais peu – dessins, peintures, sculptures – et qui est surtout matière. Je pense à la fameuse chapelle décorée par le peintre catalan dans la cathédrale de Palma de Majorque.

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    Chapelle Sant Père (cathédrale de Palma de Majorque) 

    « Il serait l’un des artistes les plus importants de la scène contemporaine »« il arrive avec la vague néo-expressionniste dans les années quatre-vingts », écrit la critique d’art pour le situer d’abord. Né aux Baléares en 1957, Barceló, nomade, se partage entre plusieurs ateliers à Paris, New York, Majorque, quand il n’est pas ailleurs, en Europe ou en Afrique, au Mali en particulier. L’artiste se veut « sous le joug de la nature », affronte les éléments naturels, pour lui-même comme pour ses œuvres.

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    Miquel Barceló devant une œuvre (2010) © CaixaForum Madrid

    Un thème permanent : la mort, « muette ou proclamée, toujours présente ». Busca décèle dans ses peintures « de piété mélancolique, de désolation paysagère, de ruine dévote »  des « in situ de natures mortes ». Barceló aime inclure l’objet dans l’œuvre, incorporé ou moulé, travailler la surface où il intègre « carcasses, branchages, poissons séchés piqués au formol, choux, papayes… » Si les caractéristiques classiques de la nature morte sont absentes de sa peinture, elle se relie pourtant aux maîtres espagnols de la vanité par « la précision inouïe des détails », « l’isolement spectaculaire des objets et des fruits », « la rigueur de la spatialisation ».

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    Livre sur Il Cristo della Vucciria

    Les plus grands peintres ont illustré le genre de la nature morte, considéré comme mineur : Chardin, Cézanne, Picasso, ou encore Warhol et ses Peach Halves en boîte. « Rien n’est plus trompeur que ces épithètes de mort (nature morte) ou de tranquille (still life), le genre est au contraire bavard et remuant : il y demeure un souffle de vie qui se débat pour être encore et que sauve la peinture. » Barceló peint l’instant, fasciné par le « spectacle de la désintégration toujours triomphante ». Peindre la vie « jusqu’à la mort et au-delà, jusqu’à la décomposition », comme il l’a fait dans une église abandonnée de Palerme avec Il Cristo della Vucciria.

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    Vers 1987, Barceló choisit l’Afrique pour se régénérer, renouveler son imaginaire, se mettre en danger. C’est l’expérience du désert, de la sécheresse, du vide, de l’inconfort. « Il montre tout de ses périodes africaines, les lieux communs, les brouillons d’esquisses, les petits croquis, les aquarelles noyées, il entend ne rien jeter, à la manière africaine. » Il en ressort « une sorte de maniérisme qui se superpose à un matiérisme ». Depuis l’Afrique, Joëlle Busca voit dans le travail de l’artiste « un aspect d’inachevé, d’esquisse qui domine toute autre considération. »

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    Sous le plafond de la salle des Droits de l’homme (Palais des Nations, Genève, 2009)

    Si comme dans toute œuvre, il y a dans celle de Barceló des hauts et des bas, Joëlle Busca constate que l’artiste catalan ne cesse de mettre le spectateur « dans une position instable » et s’interroge : « Où cela va-t-il s’arrêter ? » Miquel Barceló – Le triomphe de la nature morte donne à penser sur l’art contemporain et l’engagement de l’artiste, dans son corps à corps avec la matière, avec le temps.

  • Tambouille générale

    « Aux murs, des toiles : Chagall, Léger, Modigliani. Au sol, quelques tapis effrangés. Sur les étagères, les poupées-portraits en feutre que Marie Vassilieff fabriquait puis vendait au couturier Poiret ou aux bourgeois de la rive droite qui les empilaient dans les angles droits de leurs cosy-corners. Partout, des chaises dépareillées, des poufs décousus, des centaines d’objets glanés aux Puces. 

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    Figures-sculptures de Marie Vassilieff (Photo Rouillac)

    Derrière le bar, à la vaisselle, haute comme une demi-pomme et plus vivace encore qu’un ludion, officiait le phénix des hôtes de l’endroit. Sur deux réchauds, Marie et une cuisinière préparaient la tambouille générale. Il en coûtait à chacun quelques dizaines de centimes pour un bol de bouillon, des légumes, parfois un dessert. Les plus riches avaient droit à un verre de vin et trois cigarettes de Caporal bleu. »

     

    Dan Franck, Bohèmes

     

  • Bohèmes à Paris

    « La bohème, la bohème / Ça voulait dire on a vingt ans / La bohème, la bohème / Et nous vivions de l'air du temps… » Qui n’a pas joint sa voix à celle de Charles Aznavour ? Dan Franck a composé Bohèmes (1998) pendant qu’il écrivait un roman, Nu couché : « l’un est roman, l’autre est chronique ». Bateau-Lavoir, La Ruche, Montparnasse… Paris, de 1900 à 1930, était la capitale des avant-gardes qui dérangent toujours, avant que la société finisse par les intégrer, le plus souvent.

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    Paris 1910, ateliers d'artistes à Montmartre © Albert Harlingue / Roger-Viollet

    Pour distinguer les artistes des artisans, l’auteur cite Soulages : « L’artiste cherche. Il ignore le chemin qu’il empruntera pour atteindre son but. L’artisan, lui, emprunte des voies qu’il connaît pour aller vers un objet qu’il connaît également. » Dans Bohèmes, le romancier se fait le conteur des artistes de Montmartre et de Montparnasse, ces « deux collines d’où vont naître les beautés du monde d’hier, et aussi celles d’aujourd’hui » – les « anartistes » de la Butte, pour commencer.

    On ne connaît pas le père de Maurice Utrillo, l’artiste qui a immortalisé les rues de Montmartre, mais bien sa mère célibataire, indépendante et de mœurs et d’esprit. Pour empêcher son fils de boire, Suzanne Valadon l’encourageait à peindre d’après des cartes postales. La suite est connue. C’est un Espagnol qui va faire davantage encore pour la réputation de Montmartre. Picasso arrive à Paris pour l’Exposition universelle de 1900 et décide d’y rester. Il a des amis à Montmartre. Le suicide de Casamegas l’année suivante marquera un tournant dans son œuvre. Picasso ne reste pas longtemps dans la dèche, très vite on lui achète ses toiles. Berthe Weil est sa première marchande véritable. Cette « amoureuse des arts » prend peu de bénéfices, elle aide Picasso et beaucoup d’autres.

     

    Riche en anecdotes, l’essai de Dan Franck fait revivre ceux dont le nom figure aujourd’hui en bonne place dans l’histoire de l’art moderne, mais aussi les quartiers du Paris d’antan et les nombreuses figures parisiennes qui ont croisé leur route : marchands, galeristes, collectionneurs, commerçants, tenanciers de bar ou de brasserie, modèles, concierges… Vollard est en bonne place, avec ses manières de rustre. Dan Franck s’amuse à nous décrire la première visite que lui font Gertrude et Léo Stein, « deux Américains à Paris ».

     

    Dans l’entourage des peintres, bien sûr des gens de plume. Max Jacob partage tout ce qu’il possède avec Picasso, « la personne la plus importante de son existence », qu’il servira avec passion. Du poète, cette autre distinction : « Le romancier écrira : Une robe verte et un poète écrira : Une robe d’herbes. » Max Jacob et Picasso rencontrent dans un bar un jeune homme d’une grande élégance, cultivé, séduisant, curieux : Guillaume Apollinaire. « Kostro » est l’autre personnage-clé de Bohèmes.

     

    Et les femmes ? Fernande Olivier, grande amoureuse de Picasso, habite aussi le Bateau-Lavoir. Elle accompagne son amant jaloux au Lapin agile. Marie Laurencin, la muse d’Apollinaire, prendra elle-même les pinceaux. Gertrude Stein, quand elle reçoit, laisse à Alice Toklas le rôle de maîtresse d’accueil. La riche protectrice de Picasso aime beaucoup Matisse, elle les invite ensemble – « Pôle sud et Pôle nord ». Les demoiselles d’Avignon sont une réponse au Bonheur de vivre. « Personne ne comprend. »

     

    Désaccords, disputes, ruptures. Ainsi va aussi la vie d’artiste. Derain, Braque, Le Douanier Rousseau, Juan Gris… Chacun a son chapitre dans la chronique de Dan Franck. Le vol de la Joconde jette un froid. Le cubisme fait scandale, Kahnweiler défend ses artistes. La guerre de 1914 sépare les uns et les autres. L’association « La Peau de l’Ours », dont les onze membres versent une cotisation annuelle pour l’achat groupé d’œuvres d’art, organise dix ans après sa fondation une grande vente le 2 mars 1914 à l’Hôtel Drouot. Cent cinquante œuvres et des adjudications qui montrent quelle réputation ont acquise les peintres et sculpteurs de Montmartre. Jour de gloire pour Picasso, il fait mieux que Matisse. Il n’est plus alors au Bateau-Lavoir, Picasso s’est installé à Montparnasse.

     

    Des photos s’intercalent à deux endroits du livre : portraits, groupes, artistes à l’atelier ou en uniforme militaire, Closerie des Lilas, Bal Bullier. Le beau Modigliani, un charme fou ; Jeanne Hébuterne à vingt ans, la photo est floue. Foujita coud à la machine. Séance de rêve éveillé, signée Man Ray.

     

    Jarry meurt en 1907. Vers et Prose, la revue créée par Paul Fort en 1910, ne survit pas à la guerre. « Paris misère. » Marie Vassilieff peint et sculpte, ouvre une académie impasse du Maine. Sa cantine est connue de tout Montparnasse. On vient y manger, y chanter, après s’être chauffé le jour dans un café. Soutine (le peintre préféré de Dan Franck) apprend à lire à la Rotonde. Son visage s’éclaire quand il voit entrer Modigliani, si généreux, offrant à boire, à manger, l’ami de tous.

     

    Apollinaire et Cendrars. Cocteau et Diaghilev. Braque et Picasso. Duchamp et Picabia. Amitiés et rivalités. C’est bientôt l’heure de Dada, puis des surréalistes. Breton intimide la jeune libraire de la Maison des amis des livres, Adrienne Monnier. Amours et demandes en mariage – ou non. Kiki de Montparnasse prend la pose pour Van Dongen, pour Kisling, pour Foujita.

     

    Le seigneur de Montparnasse s’appelle Jules Pascin, « roi de toutes les fêtes », toujours entouré de filles. D’aucune école, comme Modigliani, le peintre reste à la marge des bandes d’artistes qu’il fréquente. Comme lui, il se montre généreux avec tous. C’est avec le suicide du « dernier des bohèmes » que Dan Franck termine sa chronique, le 11 juin 1930. Vies flamboyantes, légendes majeures et mineures – et à jamais vivantes, les œuvres d’art.