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art - Page 52

  • Cerveaux

    « Dans une autre série, des cerveaux – qui ont peut-être un jour habité ces crânes – sont dépeints de manière clinique, à mi-chemin entre l’organique et le végétal. Certains voient leur présence rehaussée par un texte calligraphié sur un fond bleu : le cerveau humain et « l’intelligence » des insectes… La morphologie de l’organe, sa rigoureuse symétrie dissimulant une asymétrie des sens (hémisphère gauche contre hémisphère droit), prolonge le principe de dualité cher à l’artiste. » 

    « Le droit à l’image » par P-Y Desaive, octobre 2009      
    A propos des peintures de MH Vander Eecken / expo en cours       

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    MH Vander Eecken, Chapeau ! (détail)
    2009
    Acrylique sur toile 
    40 x 30cm


  • Les regards de MH

    JEA l’avait annoncé : MH expose, du 10 au 17 mars. Vous avez une semaine pour pousser la porte des Ecuries de la Maison Haute à Boitsfort (place Gilson, 3). Samedi, au vernissage, j’ai découvert en vrai les images d’une poseuse d’énigmes : MH Vander Eecken peint sans complaisance, ses images nous posent des questions et s’attaquent avec un humour féroce aux évidences.

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    Dès l’escalier qui mène à la salle d’exposition sous le toit, de drôles de bêtes : Le chien linguistiqueun piercing à la langue, a vraiment du chien. Les animaux cohabitent avec les humains dans cette exposition, mais ne vous attendez pas à de la peinture animalière. Un poulet porte une feuille de vigne, le canard de Marche blanche se remonte avec une clé ! Autruche, coq ou cheval, ce sont avant tout des têtes et surtout un œil : MH peint le regard et on ne peut s’empêcher de frissonner un peu. Qui regarde, qui est regardé ?

    « C’est le regardeur qui fait le tableau », une petite toile le dit textuellement, c’est une des clés (voir The Best Is Yet To Come) proposées par l’artiste. Les mots ont une place dans son univers et les formules de MH font mouche. Mais avant de nous confronter aux insectes, regardons ce bel ensemble de quatre toiles : Apparition unique d'un lointain, si proche soit-il (2012). Troncs et branches dénudés étirent leurs lignes graphiques, cela m’a fait penser aux arbres de Spilliaert dans ses dernières années. Ici, leur noirceur d’encre de Chine conduit l’œil plus loin, jusqu’à la douceur de bandes nuageuses où bleus, gris et roses sont d’une délicatesse rare à l’acrylique.

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    Sur le portail de MH Vander Eecken, une femme en robe rouge (Hurlevent) serre les poings et sa bouche crie dans un sourire, voilà qui donne le ton. Rouges aussi, le Bouton de rose et sa larme de sang. La douleur s’invite au cœur du monde. Cette toile est accrochée près de La forme, où un cœur (lorgane) pousse en pot. Rouge : un voile enveloppe complètement une tête, partie d’un ensemble avec entre autres Langue, où le bas du visage se dévoile, un papillon posé sur la langue. 

    Les papillons ! Il y en a beaucoup dans l’univers de cette peintre, en série ou en solo. Papillons gris, papillons de nuit, papillons morts aux ailes plus ou moins déchirées, aux antennes mutilées. Ils sont les rois d’une entomologiste qui fait à ses visiteurs une proposition honnête, à côté d’une trentaine d’insectes en gros plan sur fond gris bleu : « Pour cinquante euros, payez-vous un petit cafard et gagnez un bout de survie. »

    Mais le papillon qui m’a le plus subjuguée, au bout d’un mur où cette belle toile respire à laise, c’est celui de I like Butterflies and Butterflies Like Me : sur un fond très pâle, deux personnages en gris sombre – un combat ? A l’avant, un papillon sest posé sur le sol, frémissant, dans une lumière si forte que son ombre (pas d’ombre sur les autres toiles exposées, il me semble) s’étire jusquau bord de la toile. Face à lui, quelqu’un s’est enveloppé de tissu, de la tête aux pieds, et de cette forme accompagnée elle aussi de de son ombre, dont on ne sait si elle exprime la peur ou la menace, émerge une canne brandie contre l’insecte : pour s’en défendre ? pour l’écraser ? Mystère. Impression puissante.

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    Photos prises au vernissage, par courtoisie de MH.

    A vous de découvrir cette exposition pleine de surprises, loin du convenu et du mièvre. MH y joue avec les mots – « Nos rêves les plus flous » – et lécriture, parfois. La fusée de Tintin se pose sur une toile où se répète à l’infini la phrase : « But The Struggle Is Not Yet Over ».

    Parmi les éléments d’un imaginaire où l’étrange s’invite dans ce qu’il y a de plus quotidien, MH Vander Eecken accorde une grande place à la figure humaine. Inspirée par la Dame de Brassempouy, elle en a multiplié le visage – pour elle, plutôt le visage d’un guerrier sous sa coiffe que d’une femme (cf. commentaires) – sur une grande toile très forte, dans le fond de la salle, intitulée Expériences. Ses représentations de femmes ou de fillettes sont souvent empreintes de violence. La palette des diverses émotions humaines se livre dans Je tu il (ci-dessus) : neuf visages d’hommes, ouverts, fermés, du sourire aux larmes, regards échangés ou masqués. Les regards sont le « terrain d’exploration » de MH. Allez-y voir.

  • A quoi rime

    « Quand on entend ou lit que l’expo Hopper du Grand Palais, à Paris – au demeurant très belle, et nous en avons parlé dans La Libre en temps voulu – s’est conclue sur trois jours d’entrée non-stop pour clamer, à l’arrivée, ses 784 269 visiteurs, à quoi rime la performance, sinon pour comparer ce qui ne se compare pas et mesurer des enthousiasmes qui, à ce niveau de popularité tronquée par la pub, faussent toute évaluation sereine ? Est-il nécessaire de savoir qu’une expo Picasso en 2009 a, dans les mêmes conditions, aligné 783 500 amateurs et qu’une autre de Monet, en 2011, a fait mieux avec 900 000 convertis ? Des convertis à quoi et comment ? Evoquant ces trois jours et nuits de visite non-stop avec une attente fébrile dans la froidure pour mériter le saint des saints, la haute instance organisatrice osait cette assertion : « Pour favoriser l’accès à la culture ! » On se moque du monde et l’art est un otage déplacé ! »

    Roger Pierre Turine, Allez, qui dit mieux !
    (fin d
    un Commentaire dans Arts Libre,
    supplément à La Libre Belgiquedu 15 au 21 février 2013)

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  • Art belge, XXe

    « Il faut être absolument moderne. » La phrase de Rimbaud m’a trotté en tête pendant que je visitais au musée d’Ixelles l’exposition « Art belge. Un siècle moderne ». Près de deux cents peintures, sculptures et gravures d’une collection privée, celle de Caroline & Maurice Verbaet. Celui-ci l’a commencée en 1970, d’abord à Anvers  en salle des ventes ; l’art belge était alors moins cher et moins bien connu qu’aujourd’hui, c’était à sa portée et à la mesure de son « argent de poche ». Des achats instinctifs, pour le plaisir, par passion. 

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    Parcours atypique, indique le prospectus. En effet, l’accrochage ne suit pas la chronologie, les œuvres d’un même artiste sont rarement regroupées, « l’exposition privilégie des confrontations visuelles et des rapprochements plastiques inattendus. » Par exemple, un Paysage avec écriteau de Spilliaert (1904) voisine avec un grand Paysage nocturne de Jan Vanriet (2010) de même tonalité. On a rapproché Fabre d’Ensor, Dotremont de Michaux, Le Dirigeable de Spilliart (gouache) du Raven de Panamarenko, La notte de Serge Vandercam (bleus sombres) et un Soir à la mer de Permeke (bruns sombres)… Bref, la couleur, le thème, la manière ou la technique instaure une proximité. Au visiteur de chercher les rapports qui s’établissent.

    « Un siècle moderne » ? Le XXe siècle décline ici les différentes voies du modernisme. La sélection présente 79 artistes figuratifs ou abstraits – une grande huile de Luc Peire (Aleksandre, 1981) aux lignes verticales sur un bleu vibrant –, et se passe de fil conducteur. Un peu déroutée au départ, je me suis laissé guider par ma propre sensibilité, ce qui s’accorde avec la subjectivité inhérente à ce genre de collection. 

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    Marc Mendelson, Limites de la nuit, 1952 © SABAM, Belgium 2012 

    Les sculptures ont particulièrement retenu mon attention : pas les Plans mobiles de Pol Bury, malheureusement sous verre donc immobiles, mais de délicieuses figures d’Oscar Jespers (1887-1970) : au rez-de-chaussée, un Petit cavalier en céramique (dans un cadre en bois art déco) et un bronze noir intitulé Frieda. A l’étage, non loin d’une Tête de femme en pierre, ne manquez pas, si vous y allez, la bien nommée Perle fine : sculptée dans le marbre blanc, un visage aux traits délicats, un chignon très allongé vers l’arrière – elle aurait mérité d’être mieux placée, pour qu’on puisse en faire le tour. Cela rappelle un peu l’art d’un Brancusi, impossible de ne pas y penser devant une tête d’enfant, couchée, un petit plâtre présenté plus loin.

    Cette salle du musée d’Ixelles met particulièrement en valeur les œuvres disposées sur l’estrade du fond. Au pied de celle-ci, à gauche, voisinage incongru entre le Buste d’un débardeur signé Constantin Meunier et une sorte de robe du soir couverte des coléoptères fétiches de Jan Fabre, « Terre de la montée des anges (Mieux vaut un poisson sur la rive que dix en l’air) » – il y aurait une histoire de l’art à écrire d’après les titres, les « Sans titre » et « Composition » d’une part, de l’autre les énoncés déclaratifs, parfois prétentieux, parfois percutants comme « Si la vie était plus logique, elle serait encore moins vivable » (Dotremont). 

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    Fernand Khnopff, Portrait de Simone Héger (Source : Cultured)

    Sur l’estrade trône Passerelle I d’Alechinsky, ses cases en rouge sur fond écru entourées d’une bordure à l’encre noire inspirée des plaques d’égout dont les motifs l’ont inspiré tout un temps. Pour la regarder de près, montez les marches à droite près des deux superbes bronzes de Minne et arrêtez-vous en face de Dimanche des tourterelles, une grande toile de Marc Mendelson dont la matière blanc beige, presque un bas-relief de nacre, esquisse avec douceur un paysage.

    Le collectionneur Maurice Verbaet aime les arbres, ce qui lui a sans doute fait acquérir certaines toiles présentées ici, comme un beau fusain de Lismonde ou L’Arbre de Serge Vandercam, une photographie en noir et blanc qui pourrait passer de loin pour une gravure, gros plan sur un tronc aux branches dénudées. (Deux autres photos de lui à l’étage, La Remise et L’Escalier, aux beaux jeux de lumière.) 

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    Léon Spilliaert, La Rapace, 1902 © SABAM Belgium 2012
    Firmin Baes, La petite fille au chou, s.d. © SABAM Belgium 2012
    (Source :  
    http://www.agendamagazine.be)

    Les galeries du premier étage proposent des regroupements plus lisibles : des compositions géométriques, dont celle de Guy Vandenbranden reprise sur l’affiche, aux couleurs primaires, puis des natures mortes, des personnages. De  Jane Graverol, surréaliste belge, une nature morte avec canard empaillé, plante fleurie et globe terrestre, des livres sur une table ronde, juste à côté d’une autre table ronde, celle du petit déjeuner de Van de Woestijne avec le moulin à café et les pistolets du dimanche. 

    Vous serez peut-être ravi comme moi de rencontrer là une fillette en robe bleu ciel nouée sur les épaules, le Portrait de Simone Héger signé Khnopff ; une étonnante Fillette au chou de Firmin Baes, assise sur une chaise, un énorme chou vert sur les genoux ; Trois sœurs, de Léon Frédéric, en robes rouges, épluchant des pommes de terre ; un Jeune garçon de Louis Buisseret, vêtu de clair, délicat, posé sur un canapé. Cet ensemble figuratif va du réalisme social de Laermans (Les derniers croyants) au symbolisme de Montald ou Delville, Spilliaert surtout, très bien représenté avec des encres fantastiques. 

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    Jules Schmalzigaug, Volume + Lumière, 1914 © SABAM, Belgium 2012

    Beaucoup d’œuvres de Schmalzigaug, de René Guiette (un étonnant Saint-Tropez), d’Antoine Mortier. Plus que de Magritte ou Delvaux (à qui est consacrée une petite exposition que je n'ai pas vue dans une autre salle), mais vous l’avez compris, cette exposition ne résume pas l’art belge au XXe siècle, même si «  pratiquement toutes les « cases » des mouvements artistiques du XXe siècle belge sont remplies » (Estelle Spoto).  Elle emprunte des sentiers divers, confronte des créateurs de premier et de second plan, au plaisir de collectionner.

  • Circuler

    « Les idées et les images sont faites pour circuler, être empruntées, revenir et disparaître. Elles n’appartiennent qu’à ceux qui un moment les chevauchent. »

    Joëlle Busca, Miquel Barceló – Le triomphe de la nature morte 

    Barcelo couverture (3).JPG

    Détail de la couverture (incipit)