Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

art - Page 51

  • Epigramme

    mlm,musée des lettres et manuscrits,belgique,bruxelles,exposition,des lettres et des peintres,rops,ensor,magritte,correspondance,art,peinture,dessin,histoire de l'art,graphie,culture

    James Ensor (Ostende, 1860 - id., 1949) Épigramme autographe signée*. (droits réservés)

     

    « Cette courte épigramme de James Ensor est révélatrice* à la fois de sa détestation de ses contemporains et des conventions sociales. Dans sa période la plus créatrice, Ensor s’est construit en réaction contre ses contemporains, il décrit alors la société comme un carnaval absurde, révolutionnant l’art graphique en méprisant les conventions. »

    (Dossier du Musée des Lettres et des Manuscrits, exposition Rops, Ensor, Magritte - Des lettres et des peintres, Bruxelles, 2013.) [* correctif de la rédaction]

  • Lettres de peintres

    « Rops, Ensor, Magritte », c’est le trio d’affiche pour l’exposition du Musée des Lettres et Manuscrits à la Galerie du Roi (jusqu’au 13 octobre), un bon prétexte pour se rendre aux Galeries Royales Saint-Hubert dont les enseignes continuent à se renouveler – les vitrines des chocolatiers y rivalisent à qui mieux mieux. 

    mlm,musée des lettres et manuscrits,belgique,bruxelles,exposition,des lettres et des peintres,rops,ensor,magritte,correspondance,art,peinture,dessin,histoire de l'art,graphie,culture

    « Des lettres et des peintres » propose une centaine de lettres « des plus grands peintres des XIXe et XXe siècles ». A l’accueil, une toile de Constant Montald qui correspond au dessin vu à Saint-Amand montre Verhaeren en veste jaune lisant une lettre, une main levée comme dans la célèbre « Lecture » de Van Rysselberghe. Dans la brochure remise aux visiteurs, chaque lettre est commentée en trois langues (français, néerlandais, anglais).

    Au mur, une reproduction picturale ou graphique, une présentation du thème des lettres exposées dans une vitrine table : il en ira ainsi tout au long du parcours, à part les trois vitrines réservées aux peintres belges cités en titre. L’agrandissement d’une lettre de Leonor Fini agrémentée de croquis de chats laisse espérer un compagnonnage entre mots et dessins, mais la sélection proposée est surtout invitation à découvrir la calligraphie des peintres, la manière et la matière de leur correspondance.

    mlm,musée des lettres et manuscrits,belgique,bruxelles,exposition,des lettres et des peintres,rops,ensor,magritte,correspondance,art,peinture,dessin,histoire de l'art,graphie,culture
    Francis Picabia (Paris, 1879 - id., 1953) — 
    Lettre autographe signée, avec dessin original, adressée à « Ma petite Méraud », Lundi [novembre 1947]. (droits réservés)

    Ils confient à l’encre noire, plus rarement en bleu, leurs soucis d’argent, de santé, leurs amours contrariées, leurs impressions de voyages, parlent dart ou damitié. Une brève missive de Modigliani vaut d’être citée intégralement : « Chérissime astrologue, Je t’écris pour ne rien te dire. Je continue, je continuerai. J’écris pour écrire. Adieu. » Ce « tweet » avant la lettre (si j’ose dire) est adressé à Conrad Moricand le 8 novembre 1916.

    A côté, une lettre de Miró à en-tête de « Son Abrines Calamayor ». Il y parle d’accueil à l’aéroport de Palma de Majorque et d’une bonne paella, voilà qui évoque de bons souvenirs. Degas, Van Gogh, Juan Gris, Mondrian… Autant d’écritures à découvrir, à déchiffrer parfois, et de mises en page personnelles. Mondrian couvre de grandes feuilles sur toute leur largeur, la page de Max Ernst se révèle claire et aérée. 

    mlm,musée des lettres et manuscrits,belgique,bruxelles,exposition,des lettres et des peintres,rops,ensor,magritte,correspondance,art,peinture,dessin,histoire de l'art,graphie,culture

    René Magritte (Lessines, 1898 - Bruxelles, 1967) 
    Page d'une Lettre au marchand d’art Iolas (droits réservés)

    Echanges entre peintres et marchands, entre peintres, entre peintres et écrivains, lettres familiales, amicales, les genres sont variés. Magritte expose ses « tableaux de comptabilité » sur chevalet, encadrés comme des toiles. Sa lettre à Eluard (1846) parle de poésie, de Picasso et se termine par le dessin de deux mains qui se serrent. Redon invite Vuillard à déjeuner, Dali – grande écriture fantasque – propose à Eluard de l’accueillir dans sa villa, Van Rysselberghe répond à sa femme à propos d’un piano, Rodin écrit à Monet…

    Le parcours se veut thématique. Pas de chronologie, des lettres d’un même artiste dispersées dans des vitrines différentes, on perd parfois le fil conducteur. Un album de croquis de Delacroix, un dessin de Courbet, une aquarelle de Gauguin offrent de temps à autre une respiration. Ecritures fines, épaisses, droites, penchées, c'est sans nul doute une mine pour les graphologues.

    mlm,musée des lettres et manuscrits,belgique,bruxelles,exposition,des lettres et des peintres,rops,ensor,magritte,correspondance,art,peinture,dessin,histoire de l'art,graphie,culture

     

    Pierre Alechinsky (Schaerbeek, 1927 - ) Faon sur une table, dessin sur manuscrit du XVIIIe siècle. (droits réservés)

    Une lettre de Grenade adressée par Van Rysselberghe à son épouse semble à l’encre de Chine tellement l’écriture est nette, fraîche – elle date du 4 avril 1913. Le peintre est déçu : d’abord de la pluie et du froid (ah, ces destinations méditerranéennes qu’on imagine perpétuellement à l’abri des intempéries !) et puis de sa visite à l’Alhambra. Trop de monde, écrit-il, trop de gardiens, d’ouvriers, de visiteurs, déjà (il y a cent ans) les inconvénients du tourisme de masse.  

    Dans la section « Mot et image », j’ai noté ce passage d’une lettre de Paul Delvaux à Claude Spaak (13/1/1948), illustrée d’une tête de femme : « J’ai passé douze jours à Westende chez André, le littoral est magnifique l’hiver : c’est la mer absolument solitaire et au fond plus belle que l’été. » Curiosités, deux dessins d’Alechinsky sur des manuscrits anciens (XVIIIe) achetés aux puces à Aix-en-Provence : une tête d’homme de profil, un « Faon sur une table ».

    mlm,musée des lettres et manuscrits,belgique,bruxelles,exposition,des lettres et des peintres,rops,ensor,magritte,correspondance,art,peinture,dessin,histoire de l'art,graphie,culture

    Félicien Rops (Namur, 1833 - Corbeil [Essonnes], 1898)

    Van Dongen à Carco, Degas à sa sœur, Monet à Mallarmé, Miró à Queneau, Picabia… Une formidable assemblée de grands artistes belges et européens. Terminons par les trois vitrines monographiques » : pour Magritte, des lettres à en-tête de sa maison schaerbeekoise à la rue des Mimosas, des missives assorties de croquis décrivant ses toiles et aussi des photos jointes en vue d’une exposition. Ensor s’exprime tantôt avec politesse, tantôt avec une verve moqueuse impitoyable. Rops enfin : des pattes de mouche, un humour satirique et mordant : « Quand l’on songe que vous êtes trois millions d’imbéciles qui tripotaillez dans le corps humain depuis dix siècles & que vous n’êtes pas encore arrivés à guérir un homme brun d’une femme blonde » (ci-dessus). 

    Le ticket d’entrée donne accès à la collection permanente à l’étage : lettres et manuscrits d’artistes, d’écrivains, de personnages historiques, de savants, en rapport avec la Belgique surtout. Mais après deux heures de lecture pas toujours aisée, les yeux se fatiguent, ce sera pour une autre fois. Ma première visite à cette antenne bruxelloise du mlm m’a laissée un peu sur ma faim, j’espérais plus de peintures ou de croquis. La muséographie, assez monotone, manque de moyens techniques – loupes, écrans peut-être – pour rendre plus accessibles ces lettres d’autrefois, témoignages précieux pour l’histoire de l’art.


  • Pourquoi moi ?

    « – Pourquoi moi ?
    – Parce que vous êtes complètement inconnu, expliqua le colonel Massinger. Genève ressemble à un cloaque d’espions, d’informateurs, d’agents, et autres émissaires. Buzz, buzz, buzz. Tout Anglais, quelle que soit son histoire, est enregistré dans les minutes qui suivent son arrivée. Noté, étudié, examiné et, tôt ou tard, exposé.
    – Je suis anglais 
    », rétorqua en toute logique Lysander, s’efforçant de garder un visage impassible. « Il est donc évident que cela se produira aussi pour moi. 
    – Non, déclara le colonel avec un léger sourire qui découvrit ses dents jaunies. Parce que vous aurez cessé d’exister. 
    – En fait, j’aimerais bien une tasse de thé, après tout. »

    William Boyd, L’attente de l’aube

    boyd,l'attente de l'aube,roman,littérature anglaise,suspense,espionnage,théâtre,vienne,londres,genève,art,psychanalyse,sexe,culture


  • Acteur et espion

    Excellent cru dans l’œuvre de William Boyd, L’attente de l’aube (Waiting for Sunrise, 2012, traduit de l’anglais par Christiane Besse) raconte les aventures de Lysander Rief, acteur et espion malgré lui, entre Vienne, Genève et Londres, de 1913 à 1915. 

    boyd,l'attente de l'aube,roman,littérature anglaise,suspense,espionnage,théâtre,vienne,londres,genève,art,psychanalyse,sexe,culture

    A Vienne, en août 1913, un jeune dandy se rend à son premier rendez-vous chez le Dr Bensimon. Dans la salle d’attente, il se laisse persuader par une jeune femme elle aussi « à l’évidence anglaise malgré son teint exotique », de la laisser passer en premier, « une urgence ». Quand la porte du cabinet s’ouvre, un homme grand et mince en sort et Miss Bull, s’y précipite en pleurnichant. « Elle m’a l’air un peu dangereuse », dit le lieutenant Alwyn Munro après s’être présenté.

    Rief consulte pour un problème d’ordre sexuel. Fiancé à une grande et belle actrice, il n’ose fixer la date de leur mariage à cause de ses ennuis. Bensimon lui conseille en premier lieu de noter ses rêves, ses pensées furtives, « tout et rien ». Au magasin de fournitures qu’il lui a recommandé, Lysander choisit un carnet à son goût juste avant de se retrouver en face de la petite Miss Bull, à présent souriante – sculpteur, pas sculptrice, insiste-t-elle. Elle vit à Vienne avec le peintre Udo Hoff et lui demande son adresse pour l’inviter à l’une de leurs soirées. 

    boyd,l'attente de l'aube,roman,littérature anglaise,suspense,espionnage,théâtre,vienne,londres,genève,art,psychanalyse,sexe,culture

    Dans ses « Investigations autobiographiques », Lysander Rief note le trouble né de cette rencontre. A Vienne, il préfère éviter les contacts et en particulier avec l’un des « êtres blessés, imparfaits, déséquilibrés, déréglés, malades » qui vont chez le Dr Bensimon. A la pension de Frau K, il prend des leçons d’allemand chez un vieux professeur de musique. Un lieutenant qui loge là aussi lui signale qu’il peut coucher avec la servante pour vingt couronnes. Si leur logeuse, qui classe tout en « bien » ou « agréable », représente la Vienne de surface, polie avant tout, en dessous « le fleuve coule, sombre et puissant – Quel fleuve ? – Le fleuve du sexe. » 

    Tôt ou tard, quand il rencontre quelqu’un, Lysander est amené à reconnaître qu’il est le fils de Halifax Rief, acteur connu, mort quand il avait treize ans. Sa mère, Lady Anna Faulkner, 49 ans, s’est remariée. Mais c’est un épisode de 1900 qui hante Lysander, un jour d’été où, surpris par sa mère – à quatorze ans, il s’était endormi à moitié déshabillé dans un bois après s’être masturbé – il se tire d’embarras en accusant le fils du jardinier, renvoyé sur le champ. Bensimon, disciple de Freud, se targue de pouvoir guérir Lysander grâce au « parallélisme »,  une sorte de réinvention imaginaire de l’épisode traumatisant, sujet de son « opus magnum » : « Nos vies parallèles, une introduction ».

    boyd,l'attente de l'aube,roman,littérature anglaise,suspense,espionnage,théâtre,vienne,londres,genève,art,psychanalyse,sexe,culture
    Paul-Gustave Doré, Andromède

    Entretemps, au vernissage d’Udo Hoff,  Lysander reconnaît l’affiche originale de « Andromeda und Perseus », un opéra de Toller, l’image provocante qu’il a vue partout déchirée dans Vienne : « une femme pratiquement nue, les mains pressées sur les seins » menacée par un dragon à la langue fourchue de serpent tendue en direction de ses parties intimes. Impossible à présent de ne pas y reconnaître Andromède, Miss Bull en personne. Celle-ci voudrait le sculpter, trouve son visage « des plus intéressants ». Lundi, 16 heures, à son atelier ? Il accepte.

    Dans l’atelier aménagé dans une vieille grange, loin de la maison où elle vit avec Udo, Hettie lui sert un verre de madère avant de passer aux choses sérieuses, une fois qu’il se sera déshabillé – elle ne sculpte pas le corps vêtu. Décontenancé, ne voulant pas paraître collet monté aux yeux de cette « gamine » artiste, Lysander se soumet, s’efforce de paraître détendu en songeant à un monde parallèle. Miss Bull lui montrera son dessin, une étude très détaillée de ses organes génitaux, juste avant de l’entraîner au lit. Il surprend Bensimon, à la séance suivante, en lui apprenant que tout a parfaitement « fonctionné » avec cette femme pas du tout son genre ! Et le voilà engagé dans une liaison, à l’insu du peintre jaloux, et même après avoir découvert que le disciple de Freud fournit de la cocaïne à « l’effrontée ».

    Le destin de Lysander bascule quelques mois plus tard, quand la police viennoise vient l’arrêter : il est accusé de viol par Hettie Bull, enceinte de quatre mois, c’est le peintre qui a porté plainte contre lui. Ridicule, pense Lysander, convaincu de pouvoir démontrer l’existence d’une liaison consentie, lieux de rendez-vous, billets et lettres à l’appui, mais la police ne transige pas jusqu’à ce que Munro, venu lui rendre visite en prison, l’informe que l’accusation a été modifiée en « attentat à la pudeur », ce qui autorise le versement d’une caution par l’ambassade anglaise où il sera confiné jusqu’à son procès.

    S’ensuivra l’évasion rocambolesque qui ramène Lysander à Londres. Il y reçoit une facture énorme du Ministère de la Guerre qui lui sera rappelée quelque temps plus tard : Munro vient l’arracher au régiment d’infanterie où il s’est engagé. On a besoin de lui et de ses talents d’acteur connaissant l’allemand pour résoudre une affaire de courrier codé. 

    Lisez L’attente de l’aube pour découvrir les tenants et les aboutissants de ces complexes affaires de cœur, de sexe et de haute trahison : un suspense de plus de quatre cents pages en format de poche où William Boyd déploie tout son talent de romancier – parfait pour les vacances.

  • Tout Max Jacob

    1824 pages, 203 documents, tout Max Jacob en Quarto : Oeuvres. Je ne m’attendais pas à trouver cette brique de papier à la bibliothèque, je l’ai emportée chez moi avec curiosité. Cette édition de 2012 « établie, présentée et annotée par Antonio Rodriguez » s’ouvre sur une belle photo noir et blanc d’André Rogi, « Portrait de Max Jacob méditant » (1937) : de profil, à sa table de travail, souriant, la main gauche soutenant le front, la droite tenant un livre ouvert sur ses feuilles, sa plume posée sur le papier. 

    max jacob,oeuvres,littérature française,poésie,prose,esthétique,peinture,art,culture
    En couverture : Marie Laurencin, Portrait de Max Jacob, 1907. 

    Allais-je tout lire ? Non, pas tout, pas d’un coup. Mais faire mon miel çà et là, et d’abord, de la préface de Guy Goffette, « Portrait de Max en accordéon », trois volets qui commencent ainsi : 

    « I. La première image, c’est un petit homme frêle,
    mais qui ne tient pas en place une fois qu’on l’appelle…

    II. C’est un petit homme gris, mais il a des yeux d’opéra,
    des yeux de femme, des yeux de velours noirs avec comme une aura…

    III. C’est un petit homme grave, mais qui pleut en courant comme une averse d’été
    quand la terre a soif et que l’âme penche du mauvais côté… »

    Un auteur « touchant, déroutant », un projet esthétique, poétique et narratif dont la puissance et la cohérence n’ont cessé de fasciner les peintres et les écrivains de la première moitié du XXe siècle, annonce Rodriguez. Max Jacob est déjà l’ami de Picasso – rappelez-vous Bohèmes de Dan Franck – quand il est bouleversé, à 33 ans, par une apparition mystique – « christique » – sur un mur de sa chambre, un des signes qui le mèneront, lui qui est juif, à se convertir au catholicisme. 

    max jacob,oeuvres,littérature française,poésie,prose,esthétique,peinture,art,culture
    Max Jacob par Picasso, 1907. 

    « Max Jacob est aujourd’hui un classique du modernisme. » (Rodriguez) Sa vie et son œuvre (1876-1944) sont très bien présentées, la chronologie richement illustrée de photographies, autoportraits, manuscrits où dessin et texte se côtoient, citations, couvertures anciennes... La dernière photo de Max Jacob a été prise (par/avec Marcel Béalu) le 20 février 1944, quatre jours avant son arrestation à son domicile par la police allemande. Ensuite ce sera Drancy où il décèdera, deux jours avant la date prévue pour sa déportation vers Auschwitz.

    Histoire du roi Kaboul Ier et du marmiton Gauwain (1904), première œuvre publiée, est un conte drôle et féroce où le jeune François Gauwain, fils d’un maréchal-ferrant, arrive à se faire engager comme cuisinier au service du roi. Son rêve : épouser la plus jeune fille du souverain – il y arrivera, bien sûr. 

    max jacob,oeuvres,littérature française,poésie,prose,esthétique,peinture,art,culture
    Max Jacob par Picasso en 1915.
    Picasso déclara avoir voulu voir
    « s’il pouvait encore dessiner comme tout le monde » 

    Je me suis surtout intéressée aux textes de Max Jacob sur l’art et sur l’écriture, comme cette Lettre à un éditeur (1907) pour accompagner un envoi de poèmes. Il y précise ses principes : « Un artiste doit considérer deux objets : la création ou réunion de forces constituant un noyau nouveau dans l’univers ; et l’émotion esthétique qui doit résulter de la création. L’émotion esthétique est une joie. » Il revient sur le conseil donné aux artistes d’étonner : « Les vieux psychologues disaient avec raison, selon moi, que le plaisir est dans le mouvement, il faut balloter le spectateur ; l’émotion esthétique, c’est le doute. »

    Après vient le cycle Matorel : Saint Matorel, roman publié chez Kahnweiler, galeriste et éditeur de livres d’artiste, est suivi des Œuvres burlesques et mystiques de frère Matorel mort au couvent. Y sont reprises les belles gravures sur bois d’André Derain qui contribuent au plaisir de la lecture. L’ensemble sera dédié plus tard à Picasso : « pour ce que je sais qu’il sait / pour ce qu’il sait que je sais. » 

    max jacob,oeuvres,littérature française,poésie,prose,esthétique,peinture,art,culture
    Picasso et Max Jacob devant La Rotonde, photo Jean Cocteau, 1916.

    « Brouillard, étoile d’araignée. » Le cornet à dés, l’ouvrage le plus connu de Max Jacob, un chef-d’œuvre dans l’histoire du poème en prose, offre des images éblouissantes. « Dans la nuit d’encre, la moitié de l’Exposition universelle de 1900, illuminée de diamants, recule de la Seine et se renverse d’un seul bloc parce qu’une tête folle de poète au ciel de l’école mord une étoile de diamants. » (Un peu de modernisme en manière de conclusion)

    « Le nuage est la poste entre les continents » est le premier vers du poème A M. Modigliani pour lui prouver que je suis un poète (Le laboratoire central). En 1922 paraît Art poétique, un ensemble de maximes dont l’édition originale se présentait au format de poche : « Le bleu de la couverture annonce bien ce livre « céleste » et qui, par chance, entre dans ma poche, dite « de revolver » – Je ne le quitte plus. Il me défendra plus qu’une arme » écrit Jean Cocteau à Max Jacob.

    max jacob,oeuvres,littérature française,poésie,prose,esthétique,peinture,art,culture
    Max Jacob par Cocteau (1961)

    Les amitiés sont fortes dans la vie du poète : Picasso, Apollinaire, Modigliani, Cocteau… En revanche, cet homosexuel discret ne masque pas sa misogynie, ses rares jugements sur les femmes sont imbuvables. L’édition Quarto permet de se faire une idée plus complète de cet artiste inclassable. Saviez-vous qu’il avait écrit des Conseils à un jeune poète ? des Conseils à un étudiant ? C’est dans ces derniers que j’ai repris ceci, pour terminer : « Courteline disait à Jules Renard : « Ne vous amertumisez pas. » Ah ! quelle profonde parole ! Pas d’amertume ! Qualité rare. Rester un enfant, un enfant prudent, intelligent, profond, sensible. Pas d’amertume, jamais de votre vie. Pourquoi seriez-vous amer ? Dieu est avec vous. »