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A quoi rime

« Quand on entend ou lit que l’expo Hopper du Grand Palais, à Paris – au demeurant très belle, et nous en avons parlé dans La Libre en temps voulu – s’est conclue sur trois jours d’entrée non-stop pour clamer, à l’arrivée, ses 784 269 visiteurs, à quoi rime la performance, sinon pour comparer ce qui ne se compare pas et mesurer des enthousiasmes qui, à ce niveau de popularité tronquée par la pub, faussent toute évaluation sereine ? Est-il nécessaire de savoir qu’une expo Picasso en 2009 a, dans les mêmes conditions, aligné 783 500 amateurs et qu’une autre de Monet, en 2011, a fait mieux avec 900 000 convertis ? Des convertis à quoi et comment ? Evoquant ces trois jours et nuits de visite non-stop avec une attente fébrile dans la froidure pour mériter le saint des saints, la haute instance organisatrice osait cette assertion : « Pour favoriser l’accès à la culture ! » On se moque du monde et l’art est un otage déplacé ! »

Roger Pierre Turine, Allez, qui dit mieux !
(fin d
un Commentaire dans Arts Libre,
supplément à La Libre Belgiquedu 15 au 21 février 2013)

Affiche Hopper.jpg

 

Commentaires

  • « Les gens vont dans toutes les églises et dans tous les musées comme s'ils por­taient un sac à dos rempli d'admiration, et c'est pourquoi ils ont toujours ce main­tien courbé, répugnant, qu'on leur voit effectivement dans les églises et dans les musées, a dit Reger. La plupart des gens, une fois qu'ils sont entrés en admiration, ne sortent plus de l'admiration et en deviennent stupides. La plupart des gens sont stupides pendant toute leur vie, du seul fait qu'ils admirent, a dit encore Reger. »
    Thomas Bernhard, Maîtres anciens

  • "Hopper, c’est l’Amérique que la solitude étale, simplifie, suspend. Et cette Amérique, c’est vous. Ce monde que la lumière plaque sur la chair, cette solitude que la ville dore jusqu’au kitsch, ces espaces qui font le vide sur la scène et en nous pour que quelque chose de lourd s’installe, ils vous occupent et vous travaillent depuis longtemps - que vous le sachiez ou pas. Vous les avez regardés au cinéma, vus sur les affiches publicitaires, entendus dans le jazz et le blues, lus dans les polars, chez Ernest Hemingway ou John Dos Passos, vous les avez sentis frémir dans le creux de vos vies. Et maintenant c’est là, devant vous,..". Cet extrait d'un article de Philippe Lançon expliquera peut-être l'engouement, mais ne justifiera pas l'ouverture du musée la nuit pour... favoriser la culture.
    Voir http://www.liberation.fr/culture/2012/10/05/l-art-a-part-d-edward-hopper_851257

    Le meilleur moyen pour vendre est de clamer l'épuisement du stock.

  • Je me souviens d'une exposition Velázquez au Prado de Madrid. Annoncée à grand bruits, grand frais, les files d'attente occupaient la ville disaient les journaux.
    Une fois l'expo terminée j'ai lu qu'à part 4-5 tableaux, tout le reste formait partie de la collection permanente du Musée...
    "Otages déplacés".

  • Ces phénomènes grégaires, cet allongement de la queue devant les musées ne fera qu' augmenter.
    C'est ce qu'il faut voir, ce qui vaut la peine d'être vu dans notre univers pressé des regards.
    Notre bonne conscience en quelque sorte qui nous évite d'aller plus profond, de visiter les ateliers d'artistes ou les galeries, de se confronter à ce qui ne nous est pas officiellement balisé. Vous savez, ce cordon sanitaire pour la pensée et pour les yeux que l'on pose souvent devant les œuvres pour préserver leur aura( Benjamin).
    Désormais on nous trace l'auréole, on nous indique les saints qu'il faut honorer dans un fast-food de la culture rentabilisée au centime près, à la surprise près, nourriture calibrée, donnée comme une pâté
    aux canards et aux oies.. Elles gardent avec fidélité le Capitole(le capital symbolique et financier) de l'art!
    Bien à vous.

  • @ Versus : Merci pour cet extrait, Versus. Les sacs à dos sont interdits dans les musées, non ? ;-)

    @ Christw : Hopper, avec sa manière unique de montrer la solitude, nous parle, en effet. Article intéressant, que je lis en me souvenant de la belle rétrospective vue à Lausanne en 2010 (ayant dû malgré moi laisser mon entrée pour celle-ci à un ami).

    @ Colo : C'est une tendance qu'on observe partout - "créer l'événement" - à relier au phénomène des "foules éclair" (flashmobs) ?

    @ JEA : Le Grand Palais noir de monde pour l'accès aux bénéfices ?

    @ Jean Marie Staive : Voilà qui est bien dit. Pour la plupart, cependant, les ateliers d'artistes paraissent peu accessibles et les galeries intimidantes, en dehors des "parcours d'artistes".

  • Je trouve que ce qui est dit ici est un peu sévère.
    Qu'un musée reste ouvert jour et nuit pour acceuillir une masse de gens disposés à voir les oeuvres d'un artiste extra, à coup de fric et de pub, c'est too much mais c'est toujours ça de pris. Quand on voit la fréquentation minimale que connaissent la plupart de nos tristes musées, on ne peut que se réjouir de cet engouement. Je ne crois pas que le spectateur n'en retire rien de profond, tout 'mouton' qu'il soit (qui ne l'est pas ?), du moment que l'artiste soit à la 'hauteur de cette profondeur' et laissons donc les performants se gaver de leurs performances, toutes 'nocturnes' qu'elles soient... ce sont eux les otages.

  • Oui, pourquio plutôt ici que là car le "là" est souvent très bien, parfois mieux... mais au moins le "ici" existe aussi dans le monde de l'art !!

  • Parfois il m'arrive de vraiment regretter de ne pouvoir voir une expo mais j'ai aussi quelques mauvais souvenirs, une queue pas possible malgré des réservations à une expo Cézanne, une presse à l'intérieur tellement énorme que je n'ai pas tout vu !!
    Il y a un phénomène curieux, un monde fou à ces expo mais pas grand monde dans les musées ...........le goût de pouvoir dire "j'y étais" ?

  • @ MH : Il y a aussi matière à se réjouir, bien d'accord.

    @ Dominique : Je me souviens d'avoir attendu trois heures avant d'entrer à une grande exposition au Grand Palais et de m'être dit, dans les dernières minutes, que c'était la dernière fois que je me pliais à cela, mais une fois à l'intérieur, l'attente était oubliée, et la peinture reine.
    Ce qui attire le plus, il me semble, c'est la perspective de voir réunies un grand nombre d'oeuvres d'un artiste disséminées dans le monde et offertes ensemble au regard, une occasion "unique". (Une part de snobisme ? Sans doute, mais cela vaut pour tous les domaines.)

  • J'aurais aimé voir cette expo, et bien d'autres. Quelle chance de pouvoir y accéder facilement, même si la l'attente est longue !

  • J'ai tenté à trois reprises lors d'un passage à Paris de voir l'exposition. J'ai renoncé parce qu'une heure et demi ou deux heures de queue, c'est impossible dans un planning touffu. De plus, piétiner et me tordre le cou pour voir les œuvres ça me gâche le plaisir. Aussi quelle bonheur de visiter l'Académia à Venise en étant pratiquement seule!

  • @ Danièle : Oui, Danièle, si nous pouvions voir toutes les expos dont nous rêvons... Bonne journée.

    @ Zoë Lucider : Il faut y consacrer une bonne partie de la journée ou acheter son billet d'entrée à l'avance, c'est quasi la règle pour le Grand Palais. Comme je comprends votre enchantement à Venise ! J'aime aussi échapper à la foule, visiter tôt, à l'ouverture.

  • En fait, rien ne vaut les petits musées.
    Souvenir mémorable de l'exposition Soutine à Céret et le plaisir de retrouver les platanes encore en place pour la plupart (des panneaux furent apposés pour l'occasion)quelques dizaines d'années plus tard.
    Quelles richesses dans les petits musées, de fond et d'expositions thématiques.
    Il serait intéressant de faire le déplacement à la Fondation de l' Hermitage à Lausanne pour ouvrir les FENÊTRES.. C'est bientôt le printemps!

  • Ah Venise, cette ville sera ma fin. j'y serai le 15 mars pour les quatre vingts de ma belle-mère qui n'a jamais eu l'occasion de s'y rendre. Nous irons à Saint Marc le matin avant que la foule ne l'envahisse, puis flâner à Dorsoduro et prendre un bain de poésie du côté de San Zenone
    Pour ce qui est des expo, c'est le problème du buzz, de la mode. et des politiques culturelles aussi. A Rome certains musées ouvrent le vendredi jusque 22 ou 23 heures. Cela permet d'étaler le flux des visites et de changer d'atmosphère.
    Accessoirement, j'adore Hopper.

  • J'ai eu la grande chance de voir Hopper à l'Hermitage de Lausanne et les fenêtres étaient ouvertes ! Un immense bonheur "stupide" ;-)

  • @ Versus : Le charme des musées à taille humaine, en effet. Vu Soutine à l'Orangerie à 9h du matin et avec peu de visiteurs, c'était parfait, j'imagine à Céret... Jusqu'au 20 mai, cette belle expo à Lausanne, très tentante, oui !

    @ MH : J'ai aussi beaucoup aimé cette exposition à l'Hermitage.

    @ Monsieur h : Oh, un bonheur tout proche, pour elle et pour vous ! Vous y êtes déjà, cela se sent.

  • Oui, cette survalorisation/sacralisation de certains artistes comme Hopper qui fait qu'il est interdit sous peine de lynchage de dire devant quelqu'un.e de ces mouton.ne.s (gras.se.s ?) ne pas l'aimer (Hopper) me hérisse violemment. Surtout qu'elle va de pair avec l'invisibilisation des femmes artistes comme on sait.

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