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Dans le journal

Dire qu’on ne lit plus, qu’on lit moins, c’est toujours un peu du délire. Disons qu’à notre époque on lit souvent autre chose, autrement. La liste des ingrédients par exemple (il y faut une loupe et du temps, et des connaissances sur les composants alimentaires) ou, soyons sérieux, les nouvelles du jour. On n’a jamais publié autant de livres qu’aujourd’hui – je n’ai pas dit de littérature. On n’a jamais tant écrit – mais je ne vais pas commenter ici l’influence des textos sur la vie sociale ni les débordements de la blogosphère.  

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Tous les jours, je lis le journal. Je fais partie de cette espèce dite en déclin chez nous, les abonnés au plaisir de trouver leur quotidien « papier » dans la boite aux lettres. Baudelaire le condamnait : « Tout journal, de la première ligne à la dernière, n’est qu’un tissu d’horreurs. Guerres, crimes, vols, impudicités, tortures, crimes des princes, crimes des nations, crimes des particuliers, une ivresse d’atrocité universelle. Et c’est de ce dégoûtant apéritif que l’homme civilisé accompagne son repas de chaque matin. » (Journaux intimes)

« La radio annonce, la télévision montre, la presse explique », disait Jacques Fauvet. Pour continuer à se vendre et assurer sa survie, la presse écrite s’adapte, lance des abonnements en ligne, offre des tablettes numériques. Les unes se font de plus en plus accrocheuses. « Ceci n’est pas de la viande de bœuf », titre La Libre de ce vendredi 15 février – désordres et escroqueries du commerce alimentaire. J’aime dénicher dans le journal des infos dont je n’ai pas entendu parler ailleurs, en voulez-vous quelques-unes ?

Une journaliste bientôt à la tête du Monde ? Il faudrait 60% de votes favorables le premier mars prochain à la candidate surprise, Natalie Nougayrède, 46 ans, correspondante du Monde à Moscou, prix Albert-Londres en 2005, pour quune femme accède pour la première fois à cette fonction. Dans la brève reprise à Libération, un bémol : le poste vacant a été scindé en deux. Nougayrède dirigerait le journal, Vincent Giret la rédaction. A la page suivante, « La tirette, une nouvelle conquête de la femme ? » annonce l’imposition de l’alternance complète sur les listes aux prochaines élections communales en 2018. A suivre.

La liberté carnavalesque est-elle sans limites ? Christian Laporte commente « l’irruption » de la directrice générale de l’Unesco, Irina Bokova, dans la polémique autour du char nazi du dernier carnaval d’Alost, une commune flamande (Aalst) où le bourgmestre N-VA a autorisé la participation d’un char « SS-VA » dans le cortège. Inscrit au patrimoine de l’humanité en 2010, ce carnaval, parodique par tradition, prend pour cible des personnalités politiques, la famille royale... Un wagon de « déportation des francophones » montrait Bart De Wever en vedette SS et Elio Di Rupo en marionnette – « banalisation inquiétante de la Shoah et de la déportation », dénonce l’Unesco. La ministre flamande de la Culture a rappelé « le contexte » et le bourgmestre, la liberté d’expression.

La Libre nous apprend la sortie de prison après six mois d’un adulte impliqué dans la mort d’une fillette de quatorze ans : les chefs d’inculpation ont évolué durant l’enquête et une « interprétation » différente de la Cour de cassation sur la demande de mise en liberté introduite par l’avocat du prévenu a abouti à cette situation. Pas une faute de procédure, mais « une divergence d’interprétation de la loi » – l’homme est donc libre jusqu’à son procès. 

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Ensor, L'entrée du Christ à Bruxelles 

Terminons par la rubrique culturelle, plus réjouissante : « Et si le Christ arrivait à Bruxelles… » Guy Duplat s’est rendu à Huccorgne chez Dimitri Verhulst, l’auteur de La merditude des choses.L’entrée du Christ à Bruxelles, son dernier roman, à présent traduit du néerlandais, a été inspiré par l’interminable crise politique avant la formation du gouvernement actuel. Vous pouvez lire ici l’entretien avec ce Belge tonique, un Gantois installé en Wallonie. Comme quoi lire le journal me ramène tout de même aux livres, excusez-moi.

Et vous, aimez-vous lire le journal ? En refermant La Libre Belgique, on a rendez-vous en dernière page avec l’excellente dessinatrice de presse Cécile Bertrand. Aujourd’hui quatre cases pour résumer « la chaîne alimentaire 2013 » : dans la première, une seringue dans la fesse d’un cheval, dans la dernière, une autre seringue, dans la fesse d’un malade, CQFD.

Commentaires

  • Pour ma part,oui, j'aime le journal. Même si le secteur de la presse est en pleine mutation. Pléthore de diplômés en journalisme, irruption des nouveaux médias,surtout des réseaux sociaux qui donnent à tous et à chacun l'impression que le journalisme c'est facile et qu'il suffit d'être là ,son smartphone à la main pour avoir un scoop. Mais le pire c'est le zeitgeist qui fait primer le spectaculaire et l'éphémère sur l'analyse et la réflexion. la presse mute et on ne sait pas toujours ce qui va en résulter.

  • A Alost, deux cibles d'un coup. La Shoah banalisée jusqu'aux fins fonds du dérisoire mais aussi l'homosexualité re-stigmatisée. Le premier, Di Rupo (fils d'immigrés italiens de par surcroît) portait comme vêtement, pour ce carnaval, les couleurs arc-en-ciel des gays.

  • J'aime l'humour de Cécile Bertrand . La fraîcheur de ses dessins toujours très épurés cache souvent une réflexion profonde. Comme des poèmes en images, on n'en sort pas indemne.
    Je n'ai pas vu le dessin dont vous parlez mais ça correspond bien au style de notre époque où dopage addiction sont les deux mamelles de notre monde.
    On voudrait tout posséder les nouvelles du monde mais bien souvent on ignore superbement les drames et les joies qui se vivent tout près de nous.
    Un de mes premiers réflexes le matin est de venir lire sur un blog tel que le votre Tania.

  • @ monsieur h : Vous décrivez parfaitement cette mutation qui s'observe aussi dans la grande presse - la page "Insolite" dans La Libre l'illustre bien - la mode du "ludique" ?

    @ JEA : Hélas ! Dans l'esprit du "retournement carnavalesque", il aurait été plus drôle de mettre le t-shirt arc-en-ciel à De Wever ! Pour les lecteurs non belges de ce blog, un lien utile :
    http://www.rtbf.be/info/belgique/detail_de-wever-ne-veut-pas-des-t-shirt-homo-derriere-les-guichets?id=7919791

    @ Gérard : Heureuse que vous partagiez mon admiration pour cette "cartooniste" dont on trouve malheureusement peu de dessins en ligne.
    Pour ce qui est de l'ignorance de ce qui se passe près de chez nous, vous avez raison. Les rapports de voisinage, en ville, sont souvent ambivalents : un "bonjour" fait plaisir, mais les portes se referment vite. En tout cas, merci de me saluer en voisine le matin, bonne journée, Gérard.

  • pendant très longtemps j'ai rêvé de lire la presse quotidienne, mon travail et ses horaires, les enfants, les trajets, tout cela faisait que je devais me contenter d'une presse hebdomadaire que j'aime bien aussi car elle met parfois un peu de distance avec les faits
    Aujourd'hui je fais partie de ceux qui utilisent au maximum le numérique, pour pouvoir comparer, croiser des informations, sur certains sites américains les articles sont désormais interactifs : images, sons, vidéo et écrits et j'avoue que j'y trouve lorsque c'est bien fait un grand intérêt
    mais il doit me rester un rien de nostalgie car quand je suis à la bibliothèque là j'aime me noircir un peu les mains !!!

  • A l'étage de la bibliothèque que je fréquente, je vois souvent des gens installés dans les fauteuils à lire le journal, j'en ferais bien autant pour lire de temps à autre Le Soir, auquel j'étais abonnée avant de passer à La Libre.
    J'aime aussi lire la presse en ligne quand je cherche une information particulière, mais lire à mon bureau, ce n'est pas pareil. Je me balade régulièrement sur http://www.presseurop.eu/fr qui dit proposer "le meilleur de la presse européenne".
    Tu es une lectrice en pointe pour le numérique, avec Christw, ce qui me donne une idée de la variété des supports.

  • N'oubliez pas Courrier International. C'est gauchiste et parfois inégal mais très intéressant, surtout pour ce qui est de prendre nos idées reçues d'ocidentaux à contre-pied.

  • Ah, j'allais justement dire que je lisais le Courrier International, seul journal papier auquel je suis abonnée. Il reprend des articles de journaux du monde entier...qui ne sont pas tous "gauchistes" que je sache.

    Sinon, très intéressante ta revue de presse belge, merci Tania, j'y apprends plein de choses qui, bien évidemment n'apparaissent pas dans les journaux en ligne majorquins et españols que je lis...
    J'aime beaucoup également les dessins de Cécile Bertrand!

  • @ Monsieur H. : Je ne le lis pas régulièrement, mais Courrier international est excellent (il participe à presseurop.eu).

    @ Colo : Salut, fidèle du Courrier International. Grâce à toi, j'ai de temps à autre des nouvelles d'El Pais. Heureuse de te donner des nouvelles du pays natal.

  • j'ai toujours été abonnée à un journal mais j'ai arrêté cet abonnement parce qu'au fil des jours les journaux s'accumulaient sans que je les lise... il fallait parfois attendre jusqu'au week-end pour trouver un peu de temps
    aujourd'hui je les lis un peu en ligne, mais je n'aime pas leur évolution vers le scoop et les titres accrocheurs (réducteurs voire incorrects ou induisant en erreur)

  • Je déplore aussi ces titres racoleurs à la limite du mensonge, qui affirment quelque chose alors que l'article nuance. Bonne reprise après le congé de carnaval, courage, Adrienne.

  • Bien sûr on lit "autrement", mais la question "tu lis ?" sous-entend toujours "tu lis le roman imprimé"... comme un petit rempart contre notre technologie galopante ;-)
    On pourrait parler longuement des conséquences désastreuses de la disparition du papier, livre ou journal ! mais que faire ?
    Résister n'aura qu'un temps cfr aussi le billet de ce jour de JEA sur les bergers et la transhumance des moutons ;-)
    Tania, il faut vivre avec son temps... je le pense comme vous et je ne résiste pas. Mais la "tablette" mangera son homme. Et le progrès, tel qu'il se présente sur terre, est une machine conçu pour ne pas s'arrêter.
    Par ailleurs, votre billet est un joli merci au journal qui vous héberge ;-)

  • « La radio annonce, la télévision montre, la presse explique » : si ça pouvait encore être vrai. La presse quotidienne, par exemple, s'évertue depuis de nombreuses années à "suivre" la radio pour ce qui est de l'annonce. Résultat: pas mal d'articles qui ne sont que des versions à peine enrichies de dépêches de presse, sans aucune valeur ajoutée.

    Pour ma part, je trouve la qualité dans la presse spécialisée et la presse hebdomadaire. Elles s’autorisent un certain recul, une recherche, une analyse, et ne vivent pas dans cette crainte - qui confine à l’obsession pour certains - de se faire griller la primeur !

  • @ MH : Livre et journal sont embarqués dans la même évolution technologique, probablement, mais je pense que le livre résistera davantage que ces textes éphémères que sont les articles de presse, en général. Quoique... C'est formidable de retrouver sur la Toile un ancien article de journal qu'on aurait eu bien du mal à retrouver sur papier, le format numérique sauve aussi de la disparition - nous n'en avons pas fini de débattre à ce sujet. Merci pour ce commentaire qui relance la réflexion, MH - vous êtes une fine observatrice.

    @ D. : Oui, les articles raccourcissent, les brèves se multiplient (parfois, même, je lis la même information reprise sur deux pages différentes de La Libre, comme si l'on bouchait ainsi les trous). C'est ce qui m'a fait changer de journal, il y a des années maintenant, pour trouver de vrais articles de fond, des analyses.

  • J'aimerais lire le journal — je veux dire vraiment le lire, comme vous le décrivez ici — mais le temps me manque hélas. Aussi je vais droit aux rubriques spécialisées des journaux sur la Toile. Transfert vers ma liseuse des articles de fond auxquels je consacre une demie heure tout au plus. Il est beaucoup d'articles qui n'on pas été lus.

    Je suis retraité et parfois je n'ai l'impression de l'être qu'en vacances, loin de chez moi... Et pourtant toutes mes occupations ne sont pas des obligations.

    Je ressens parfois souvent certains faits marquants de l'actualité comme des répétitions éternelles et lassantes. Quand le monde bégaie...
    Et je me tourne alors vers les multiples occupations plus créatives qui me délassent.

  • Pardon Tania, je ne commente qu'indirectement ton (heu j'ai le 'vous' qui dérape) billet et ce n'est pas une "fine observation" du tout, c'est gros comme une maison qui s'écroule... c'est sans doute pour ça que cela m'obsède.

  • @ MH : Dérapons vers le tu, volontiers.

    @ Christw : Sur les bégaiements de l'actualité, vous avez raison, il y a de quoi lasser, parfois jusqu'à l'écoeurement. Avoir le temps, donner son temps, prendre son temps, choisir ses activités et ne pas subir un horaire imposé, voilà ce que j'apprécie comme vous.

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