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Les regards de MH

JEA l’avait annoncé : MH expose, du 10 au 17 mars. Vous avez une semaine pour pousser la porte des Ecuries de la Maison Haute à Boitsfort (place Gilson, 3). Samedi, au vernissage, j’ai découvert en vrai les images d’une poseuse d’énigmes : MH Vander Eecken peint sans complaisance, ses images nous posent des questions et s’attaquent avec un humour féroce aux évidences.

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Dès l’escalier qui mène à la salle d’exposition sous le toit, de drôles de bêtes : Le chien linguistiqueun piercing à la langue, a vraiment du chien. Les animaux cohabitent avec les humains dans cette exposition, mais ne vous attendez pas à de la peinture animalière. Un poulet porte une feuille de vigne, le canard de Marche blanche se remonte avec une clé ! Autruche, coq ou cheval, ce sont avant tout des têtes et surtout un œil : MH peint le regard et on ne peut s’empêcher de frissonner un peu. Qui regarde, qui est regardé ?

« C’est le regardeur qui fait le tableau », une petite toile le dit textuellement, c’est une des clés (voir The Best Is Yet To Come) proposées par l’artiste. Les mots ont une place dans son univers et les formules de MH font mouche. Mais avant de nous confronter aux insectes, regardons ce bel ensemble de quatre toiles : Apparition unique d'un lointain, si proche soit-il (2012). Troncs et branches dénudés étirent leurs lignes graphiques, cela m’a fait penser aux arbres de Spilliaert dans ses dernières années. Ici, leur noirceur d’encre de Chine conduit l’œil plus loin, jusqu’à la douceur de bandes nuageuses où bleus, gris et roses sont d’une délicatesse rare à l’acrylique.

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Sur le portail de MH Vander Eecken, une femme en robe rouge (Hurlevent) serre les poings et sa bouche crie dans un sourire, voilà qui donne le ton. Rouges aussi, le Bouton de rose et sa larme de sang. La douleur s’invite au cœur du monde. Cette toile est accrochée près de La forme, où un cœur (lorgane) pousse en pot. Rouge : un voile enveloppe complètement une tête, partie d’un ensemble avec entre autres Langue, où le bas du visage se dévoile, un papillon posé sur la langue. 

Les papillons ! Il y en a beaucoup dans l’univers de cette peintre, en série ou en solo. Papillons gris, papillons de nuit, papillons morts aux ailes plus ou moins déchirées, aux antennes mutilées. Ils sont les rois d’une entomologiste qui fait à ses visiteurs une proposition honnête, à côté d’une trentaine d’insectes en gros plan sur fond gris bleu : « Pour cinquante euros, payez-vous un petit cafard et gagnez un bout de survie. »

Mais le papillon qui m’a le plus subjuguée, au bout d’un mur où cette belle toile respire à laise, c’est celui de I like Butterflies and Butterflies Like Me : sur un fond très pâle, deux personnages en gris sombre – un combat ? A l’avant, un papillon sest posé sur le sol, frémissant, dans une lumière si forte que son ombre (pas d’ombre sur les autres toiles exposées, il me semble) s’étire jusquau bord de la toile. Face à lui, quelqu’un s’est enveloppé de tissu, de la tête aux pieds, et de cette forme accompagnée elle aussi de de son ombre, dont on ne sait si elle exprime la peur ou la menace, émerge une canne brandie contre l’insecte : pour s’en défendre ? pour l’écraser ? Mystère. Impression puissante.

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Photos prises au vernissage, par courtoisie de MH.

A vous de découvrir cette exposition pleine de surprises, loin du convenu et du mièvre. MH y joue avec les mots – « Nos rêves les plus flous » – et lécriture, parfois. La fusée de Tintin se pose sur une toile où se répète à l’infini la phrase : « But The Struggle Is Not Yet Over ».

Parmi les éléments d’un imaginaire où l’étrange s’invite dans ce qu’il y a de plus quotidien, MH Vander Eecken accorde une grande place à la figure humaine. Inspirée par la Dame de Brassempouy, elle en a multiplié le visage – pour elle, plutôt le visage d’un guerrier sous sa coiffe que d’une femme (cf. commentaires) – sur une grande toile très forte, dans le fond de la salle, intitulée Expériences. Ses représentations de femmes ou de fillettes sont souvent empreintes de violence. La palette des diverses émotions humaines se livre dans Je tu il (ci-dessus) : neuf visages d’hommes, ouverts, fermés, du sourire aux larmes, regards échangés ou masqués. Les regards sont le « terrain d’exploration » de MH. Allez-y voir.

Commentaires

  • j'espère aller y faire un petit tour dans la semaine
    ton billet m'y incite autant que le blog de cette artiste

  • une expo qui déménage les méninges manifestement ! je suis allée sur le site et j'adore "quand le coeur prend forme"

  • Merci de prêter tes yeux et ta belle plume aux regards de MH!

    Une expo que j'aurais tant voulu voir... l'endroit semble magnifique aussi!

  • La toile que tu aimes tant Tania, est inspirée directement de la performance que Joseph Beuys a réalisée à New-York : "I Like America and America Likes Me". Joseph Beuys (1921-1986) est un artiste allemand fascinant.
    J'ai été très heureuse de te voir en vrai ;-)et te remercie du 'fond du coeur' pour cette belle critique.

  • Merci Tania pour ce bel éloge qui donnerait bien envie d'aller voir de plus près cette exposition si seulement nous pouvions nous télé-transporter. Faute de cela, visiter le site de MH grâce à vous.

  • techniquement, je suis dépassé de quelques siècles au moins
    mais ne serait-il pas possible de confier une séquence vidéo sur YT ?
    nous pourrions alors la proposer sur nos blogs respectifs...

  • @ JEA : Relire Montaigne, oui, un jour. (Techniquement, je suis dépassée de quelques siècles aussi...)

    @ Niki : Bonne visite, et j'espère lire tes impressions.

    @ Dominique : Les méninges, tu ne crois pas si bien dire (rendez-vous demain).

    @ Colo : Oui, c'est un endroit chaleureux. J'aurais beaucoup aimé visiter cette expo avec toi, tu t'en doutes. Merci Zoë.

    @ MH : Je connaissais un peu Joseph Beuys mais pas cette "célébrissime performance" dont j'ai lu le compte rendu sur http://inferno-magazine.com/2011/12/05/joseph-beuys-i-like-america-and-america-likes-me-1974/ Ta réinterprétation est géniale !
    Très heureuse de t'avoir rencontrée, MH, même brièvement vu l'affluence à ton vernissage. C'était un vrai plaisir de revisiter l'expo avec des mots ;-)

    @ Zoë Lucider : Bonsoir Zoë. Le déplacement vaut la peine, en effet, mais le site de MH a mille facettes à explorer, heureusement.

  • J'avais vu l'invitation à découvrir cette peintre chez JEA, j'avais parcouru la galerie et je suis contente de lire les impressions par vos yeux interposés.
    Et que vois-je? La "petite grande" Dame de Brassempouy influençant aussi certaines œuvres?Le sud parlant au nord, les ans remontant à la surface : une sorte de lien créé.

  • A la suite de votre commentaire, je viens d'ajouter un lien sur "Expériences" : vous trouverez cette toile dans les oeuvres de 2012, en bas à droite.
    Merci, Maïté, heureuse que la visite soit partagée.

  • "C'est le regardeur qui fait le tableau" . Tout est résumé en ces quelques mots ( sur un tableau d'ailleurs). Celui qui m'a le plus interpellé c'est "admirables papillons" (2010) aux ailes cassées , déchiquetées au cours de leur vie éphémère. Mais aucun ne laisse indifférent.
    Du grand art ! Merci beaucoup Tania de nous avoir fait découvrir MH Vander Eecken . Désormais je suis fan.

  • Gérard, j'espère que MH viendra lire votre commentaire. Ravie de vous avoir dévoilé un peu de son univers pictural.
    Le soleil du soir vient de percer les nuages, ce qui est du plus bel effet sur la neige qui recouvre généreusement la terrasse devant mon bureau (la chatte Nina y est installée sur la pile du coin, dans le soleil évidemment, elle connaît les bonnes places.) Bonne soirée !

  • je n'ai hélas pas pu m'y rendre pour cause d'angine, mais j'ai visité le blog - c'est très insolite, comme j'aime

  • Fichus maux d'hiver ! Heureusement, le printemps revient bientôt.
    Bonne récupération, Niki.

  • Rencontre passionnante avec l'artiste autant qu'avec son oeuvre.
    Les clés vous sont proposées dès l'entrée ... à vous de choisir.
    Les oeuvres sont "jetées plic ploc" sur les murs de la galerie telles nos pensées, telles
    nos réflexions sur les sujets importants de nos vies sont jetées plic ploc dans le tissu de notre mental.
    À la sortie de l'expo. une vache nous dit "mon truc, c'est de ruminer!"
    Comme les papillons, nous nous envolons chacun vers nos destinées, nos réflexions,
    nourries par celles d'une autre, Marie Hélène Vander Eecken.

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