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architecture - Page 19

  • Côté rue

    Même là où nous sommes déjà souvent passés, un jour ou l’autre, question de lumière ou d’humeur, un détail attire soudain l’attention. Cela m’arrive régulièrement quand je flâne dans ma commune au hasard des rues. Et chaque fois, excusez-moi de le répéter, Schaerbeek me fait de l’œil : il y a tant à voir quand on a le temps de s’attarder. 

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    Une énigme, pour commencer : ce « door ons, voor ons » (par nous, pour nous) inscrit dans la pierre en haut d’un pilastre, rue d’Anethan, derrière l’église Sainte Elisabeth. Cette maison rénovée abrite aujourd’hui une asbl d’aide à l’enfant, gérée par la communauté flamande. Je serais curieuse de connaître l’ancienne affectation de ce bâtiment et son histoire. 

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    Dans une autre artère qui part de la Cage aux Ours (nom populaire mieux connu à Bruxelles que celui de la place Verboekhoven) – je vous parlerai une autre fois de sa métamorphose en cours, l’installation récente d’une passerelle métallique au-dessus du chemin de fer commence à faire jaser, pour des raisons esthétiques autant que budgétaires, le retard apporté aux finitions du site n’arrangeant rien –, la commune a placé sous la plaque de rue une brève notice sur l’artiste dont elle porte le nom, ici Jean-François Portaels, un peintre belge. Tout près, ce bel encadrement sculpté dans la pierre bleue, de style art nouveau, garde aussi son mystère qu’une photo trouvée sur Wikimedia n’éclaire pas. Tout renseignement vous vaudra ma gratitude.

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    Les Schaerbeekois qui passent par là – ne disons pas où, il ne faudrait pas attirer les coquins – ont déjà tous repéré ce nouveau membre de la Cité des Anes, qui décore joliment la cour d’une maison (la photo date de l'été dernier). Un clin d’œil à Camille et Gribouille, nos chères mascottes du parc Josaphat, qui ont de nouvelles attributions « au secours de l’environnement », ai-je lu dans Info Schaerbeek : les souffleuses de feuilles y ont été bannies, pour le confort des promeneurs et l’économie, je suppose.

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    De temps en temps, je photographie des arbres par-ci par-là. En automne, certains sont encore plus remarquables, mais ce sera pour un autre billet que je projette d’écrire. Voici tout de même un feuillage de saison, n’est-ce pas que la rue en est enchantée ?

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    Les portes et les fenêtres dessinent le visage d’une façade, j’aime les observer. Ici un splendide auvent de pierre surmonté d’un sgraffite, commande d’un franc-maçon, comme l’indiquent l’équerre et le compas. Là les courbes du fer forgé dessinent un panier fleuri au-dessus d’une porte ; les grilles décoratives qui protègent les vitrages ou entourent les cours et jardinets font parfois le cachet d’une rue.

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    Des campagnes de sensibilisation attirent de temps à autre l’attention sur ce petit patrimoine qui embellit un bâtiment, riche ou modeste. Bien l’entretenir est la meilleure façon de le préserver d’une restauration coûteuse ou pire, d’une disparition pure et simple. Certains propriétaires le négligent. Heureusement, d’autres bichonnent ces détails décoratifs. La Région bruxelloise offre une aide aux particuliers, qui l’ignorent trop souvent.

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    C’est parfois tout en haut que résident les plus beaux atours d’une façade. Que dites-vous de ces superbes sgraffites art nouveau, ces femmes des quatre saisons, sans doute de Paul Cauchie ? Si vous ne le connaissez pas, je vous conseille de visiter un jour la maison du plus célèbre des sgraffiteurs bruxellois, à Etterbeek.  

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    Enfin, à hauteur des passants, s’ils ne sont pas perdus dans leurs pensées ou trop pressés, de belles choses se présentent qui méritent un regard, un sourire, comme ces corbeilles de roses qui nous charment à toutes les saisons. Peut-être voulaient-elles signifier à l’origine que le commanditaire avait les moyens, ou du goût pour l’artisanat. Qu’importe aujourd’hui : ces fleurs de pierre nous offrent, à chaque passage, un certain parfum d’autrefois.

  • Pain quotidien

    « Ayant atteint la soixantaine, van de Velde chercha une formule lumineuse qui puisse résumer le rôle primordial joué par le livre dans sa vie. Selon lui, le livre pouvait stimuler l’homme par son utilité et le séduire par sa beauté, il était « le pain quotidien culturel », notre nourriture spirituelle dans une vie de tous les jours vouée à l’utilitarisme, mais aussi un « monument de la pensée » ». 

    John Dieter Brinks, Art du livre, fascination de la ligne en tant qu’ornement in
    Thomas Föhl, Sabine Walter, Werner Adriaenssens, Henry van de Velde Passion Fonction BeautéLannoo, 2013.
     

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    Henry van de Velde - cover design of the 1908 Insel edition of Friedrich Nietzsche's Ecce Homo

    Photo Michiel Hendryckx / Wikimedia Commons

     




  • Signé van de Velde

    « Passion Fonction Beauté » : ne manquez pas la grande exposition des Musées Royaux d’Art et d’Histoire, au Cinquantenaire à Bruxelles, pour célébrer les cent cinquante ans de Henry van de Velde (1863-1957). Né à Anvers, d’abord peintre, ce créateur touche à tout va s’illustrer surtout dans l’architecture et les arts appliqués. En Allemagne, en Belgique et aux Pays-Bas – la première et la dernière des quatre maisons qu’il a conçues pour sa famille se situent à Uccle (Bloemenwerf) et à Tervueren (La Nouvelle Maison).  

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    Couverture du dossier pédagogique des MRAH, bien illustré

    Vous avez peut-être visité le musée Kröller-Müller dessiné par lui à Otterlo. Vous avez certainement déjà vu le magnifique chandelier art nouveau à six branches, emblème de cette rétrospective, ou le fameux bureau « rognon » que je ne manque pas d’admirer chaque fois que je vais au Musée d’Orsay. Mais vous ignoriez peut-être comme moi que le logo de la SNCB, avec son « B » cerné d’un ovale, est signé van de Velde, et qu’il a décoré aussi des voitures de la compagnie, en première, deuxième et troisième classe. 

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    Van de Velde, Portrait de Jeanne Biart

    L’exposition commence par ses dix ans de peinture (1883-1893), surtout paysagiste, avec un beau portrait de sa sœur, Portrait de Jeanne Biart. Van de Velde admire Millet, les impressionnistes, avant d’adopter la technique de Seurat. Ses Dunes de 1988 n’ont plus rien à voir avec le Moulin réaliste de ses débuts, ni Soleil d’hiver et surtout La fille qui remaille, un chef-d’oeuvre.

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    Van de Velde, La fille qui remaille © MRBAB

    En participant au Salon des XX, van de Velde est frappé par les céramiques de Finch, qui lui fait découvrir le mouvement Arts & Crafts. Il décide alors de se tourner vers les arts appliqués, qui correspondent davantage à ses idées sociales en faveur de la beauté pour tous et dans la vie quotidienne, même si ce sont des acheteurs aisés qui vont devenir ses commanditaires. 

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    Paire de chandeliers, bronze argenté, Bruxelles, 1898-1899 © MRAH

    Meubles et objets contemporains anglais et belges – service à thé de voyage en argent de Christopher Dresser, chaise de Morris, mobilier de Godwin, grande armoire buffet de Victor Horta, grès de Delaherche…– entourent les premières œuvres de van de Velde, dont un étonnant portrait au pastel du poète Max Elskamp, son camarade de classe et ami depuis leurs treize ans. Des coupes, des vases, des reliures, des bijoux… L’exposition rassemble des centaines d’objets. 

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    Van de Velde, Vase, 1901-1902 © MRAH

    En 1894, Henry van de Velde écrit dans son manifeste, « Déblaiement d’art », le principe premier de son art : « La ligne est une force. » Une œuvre remarquable, « Veillée d’anges », en laine et soie, l’illustre parfaitement (il la conservera chez lui toute sa vie). Quatre jeunes femmes sont agenouillées en prière dans un jardin, devant un enfant couché sur l’herbe, tandis que derrière des arbres stylisés, des femmes en coiffe observent la scène. Sur la ligne d’horizon, très haute, des arbres jalonnent une route. Les couleurs, les formes, les lignes – l’arrondi des robes sur l’herbe répondant aux autres courbes –,  tout mérite l’attention dans ce chef-d’œuvre tout en « arabesques linéaires », aujourd’hui dans un musée de Zurich. 

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    Van de Velde, Sofa, 1905  © MRAH

    Plus loin, à la fin d’une série d’œuvres sur papier, un pastel, Composition végétale abstraite (qui m’a fait penser à Spilliaert) offre de somptueux tons de bleu, vert et orange. Dans cette salle, on présente de belles pièces en Val Saint Lambert dues à Louis-Léon Ledru d’après des dessins de van de Velde, dont une jolie coupe aux noix à deux anses et une grande coupe verte à volutes. 

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    Van Rysselberghe, Maria Sèthe à l'harmonium, 1891 © Musée des Beaux-Arts d'Anvers

    Des photographies (N/B) de Maria Sèthe sont projetées en grand sur un mur : l’épouse de van de Velde y porte des robes dessinées par lui, des vêtements amples par souci d’hygiène et de confort, en opposition avec la mode parisienne des corsets. Elle signe la préface d’un album de robes pour dames. Des cols, des corsages, des manchettes, des ourlets réutilisables d’une toilette à l’autre sont présentés dans de petites vitrines tables. Et de Van Rysselberghe, le magnifique portrait de Maria Sèthe rappelle qu’elle était pianiste. 

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    Photo L'Avenir

    De grandes photos jalonnent tout le parcours, des portraits de van de Velde et des vues de maisons qu’il a construites. L’impression sur plaque métallique (j’ignore le procédé exact) rend heureusement la profondeur, on le voit bien par exemple sur celle du Bloemenwerf, sa maison d’Uccle un peu inspirée de la Red House de Morris, entourée de feuillages. 

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    Villa Bloemenwerf à Uccle (photo Wikipedia)

    Comme chez Horta, qui ne l’appréciait pas et s’opposera à van de Velde à plusieurs reprises, tout est pensé pour ses intérieurs de A à Z, les poignées de portes, les encadrements en bois exotique, un centre de table qui puisse recevoir les plats chauds, une chaise d’enfant ravissante où les montants du dossier forment un « V », comme sur celle-ci. 

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    Chaise "Bloemenwerf", 1895
    Photo Chris 73 pour Wikimedia Commons 

    Si van de Velde est mieux connu et reconnu en Allemagne qu’en Belgique, c’est sans doute parce qu’il y a vécu dès 1900, à Berlin d’abord, puis à Weimar, où on lui confie le renouveau culturel de la ville. Conseiller artistique du grand-duc Guillaume-Ernest de Saxe-Weimar-Eisenach, il s’occupe entre autres du centre d’archives Nietzsche, ayant toute la confiance d’Elisabeth Förster-Nietsche. En plus de son enseignement à l’Institut des Arts appliqués, le futur Bauhaus, il doit répondre à de multiples commandes privées : construction de villas, aménagements d’intérieurs.

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    Archives Nietzsche à Weimar © http://www.klassik-stiftung.de/index.php?id=86

    Si van de Velde est mieux connu et reconnu en Allemagne qu’en Belgique, c’est sans doute parce qu’il y a vécu dès 1900, à Berlin d’abord, puis à Weimar, où on lui confie le renouveau culturel de la ville. Conseiller artistique du grand-duc Guillaume-Ernest de Saxe-Weimar-Eisenach, il s’occupe entre autres du centre d’archives Nietzsche, ayant toute la confiance d’Elisabeth Förster-Nietsche. En plus de son enseignement à l’Institut des Arts appliqués, le futur Bauhaus, il doit répondre à de multiples commandes privées : construction de villas, aménagements d’intérieurs. 

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    Affiche publicitaire signée Van de Velde 

    Vous verrez un des spectaculaires meubles avec lavabo qui s’alignaient dans le salon de coiffure de François Haby à Berlin, des affiches publicitaires et des boites pour les biscuits Tropon, des tissus, des reliures, et beaucoup de meubles, d’ensembles. Van de Velde, sans formation d’architecte au départ, était « plus intéressé à construire dix maisons qu’à faire une robe », témoigne son client et ami le comte Harry Kessler. 

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    Henry van de Velde dans son atelier à l'Ecole des Arts décoratifs (Weimar), 1898
    © Fonds Henry van de Velde - ENSAV, La Cambre, Bruxelles 

    Le clou de l’exposition, à mi-parcours, c’est une table dressée pour dix personnes, où tout est signé van de Velde : porcelaine, verres, argenterie… On a même imaginé quelles illustres connaissances de l’artiste pourraient s’y asseoir, de Julius Meier-Graefe et Stephane Bing, qui l’ont lancé en Allemagne, à la sœur de Nietzsche, le socialiste Vandervelde dont il partageait les idées ou la reine Elisabeth de Belgique (favorable à son retour en Belgique après la première guerre). 

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    Tour des livres à Gand

    A Bruxelles, on lui confie la création d’un Institut Supérieur des Arts Décoratifs à l’abbaye de La Cambre ; son enseignement est abondamment illustré par des photos et des travaux d’élèves sous sa direction. C’est van de Velde qui réalise aussi la Tour des livres de l’Université de Gand, les aménagements du paquebot prince Baudouin, un bureau pour Léopold III, entre autres. On attend toujours la publication complète en français de ses mémoires, Récit de ma vie

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    Timbre belge dédié à van de Velde (La Nouvelle Maison) en 2003

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    Timbre anniversaire 2013 

    L’avant-garde en Belgique (Les XX, La Libre Esthétique) a contribué à imposer l’art moderne en Europe. Le parcours personnel de van de Velde, d’un pays, d’un projet à l’autre, avec ses réussites et ses échecs, est développé dans un catalogue passionnant. Un cahier séparé reprend les 19 panneaux et les légendes de toutes les pièces exposées, à emporter sans doute pour une seconde visite plus confortable (les étiquettes sont parfois éloignées des objets ou placées très bas). Comptez plus de deux heures pour découvrir à l’aise cette belle rétrospective, visible jusqu’au 12 janvier prochain.

  • En accéléré

    « En l’espace de quatre-vingts ans, de 1923 à 2003, la Villa Noailles sera passée par tous les états possibles dans l’existence d’une maison : la construction, l’extension, l’effervescence, l’éclat, les malentendus, la guerre, les mondanités, le déclin, la vente, l’abandon, la ruine, la restauration, la réutilisation. (…) Aussi, avec l’avantage du raccourci et un peu comme un film en accéléré, la Villa Noailles offre un rare spectacle des aléas de la vie, et ouvre un champ d’interrogations qui intéressent l’architecture, l’art et la culture dans leur étrange rapport au temps et au monde. »

    François Carrassan, Une petite maison dans le Midi in La Villa Noailles (l’yeuse, 2003) 

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    To be contained. Aldo Bakker à Sèvres 

    http://www.aldobakker.com/news

    "Sèvres est entièrement dédiée à la porcelaine." "On peut lui donner presque toutes les formes qu'on souhaite, sans oublier les couleurs et les glaçures. Mais je ne veux pas que mes idées et mes formes soient sous le contrôle de la matière. Il faut laisser de la place à l'imagination."
    (Design Parade 8, Hyères, 2013)

     

     


  • A la Villa Noailles

    Combien de fois, en passant par Hyères, avons-nous projeté de visiter la Villa Noailles ? Cette fois, nous avions l’adresse et la confirmation de l’ouverture l’après-midi, jusqu’à la fin de septembre. Sans en savoir grand-chose, sinon que son architecte, Rob. Mallet-Stevens, était belge, nous avons emprunté la Montée Noailles en haut de laquelle, première surprise, se dressent les murs d’enceinte d’un monastère disparu. C’est à l’emplacement du clos Saint-Bernard, un terrain sur les hauteurs offert par sa mère au comte Charles de Noailles pour son mariage avec Marie-Laure Bischoffsheim, en février 1923, que le jeune couple décide de faire construire « une petite maison intéressante à habiter ». 

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    Passé l’enceinte, deux possibilités : à gauche, l’entrée du parc Saint-Bernard (les jardins en restanques, comme la maison, sont à présent domaine public et de libre accès) ; à droite, une rampe vers la Villa, dont on découvre d’abord le jardin en pointe, comme la proue d’un vaisseau, où les carrés plantés d’aloès alternent avec des rectangles d’émaux de couleurs. Il y manque « La joie de vivre », une sculpture de Lipchitz, qui tournait sur son socle.

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    Le chemin d’entrée longe la façade du « château cubiste », comme on l’a appelé, et le regard est capté d’abord par le jardin qui lui fait face sur la gauche, pourvu de sièges baroques et colorés et de transats. Les larges baies dans le mur blanc qui le clôture s’ouvrent sur un paysage splendide, plein sud : la végétation, la vieille ville, au loin la mer et les îles d’Or.

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    La villa initiale se voulait fonctionnelle avant tout. Le couple d’aristocrates amateurs d’art et de nouveauté s’est tourné vers un architecte d’intérieur décorateur aux conceptions d’avant-garde : « organiser une installation pratique, hygiénique, commode, où règne à profusion l’air et la lumière », tel est pour Mallet-Stevens le rôle de l’architecte moderne. Charles de Noailles veut que tout y soit fait « pour avoir le soleil » et refuse quoi que ce soit de « seulement architectural ». (Il fera détruire le belvédère conçu pour marquer verticalement l’axe central, il n’en reste qu’un escalier ne menant à rien.)

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    Du hall d’entrée, on accède par quelques marches au « salon rose » ajouté après coup à l’arrière. Un défi, la pièce ne dispose d’aucune fenêtre. Mallet-Stevens y remédie grâce au vitrail du plafond, un agencement orthogonal de quatre sortes de verre cannelé. Dans le cadre de la huitième édition de « Design parade », festival international de design organisé dans la Villa Noailles centre d’art, on y expose des sièges de Marcel Breuer en tubes et cuir. Inspiré par le guidon de son nouveau vélo, ce « jeune maître » du Bauhaus dessine un mobilier tubulaire aux formes nouvelles. On y reconnaît des fauteuils devenus célèbres, bientôt imités en grande série.

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    Un long couloir vers la droite mène à deux chambres d’amis au rez-de-jardin, chacune dotée d’un cabinet de toilette, comme toutes les autres (cinq au total, dans la première villa). Le mobilier d’origine manque, on y présente les plans de la maison, des photographies des lieux ainsi que des artistes célèbres qui y sont passés : Cocteau, ami d’enfance de la comtesse, Dali, Buñuel, Francis Poulenc, Braque, Giacometti... Mécènes très actifs, leurs hôtes soutenaient le cinéma, la littérature et l’art. Ils organisaient de nombreuses fêtes où se retrouvait toute l’avant-garde.

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    Pour meubler leur intérieur, les Noailles se sont adressés à divers créateurs tantôt conseillés par l’architecte, tantôt repérés dans des Salons. Une horloge identique dans toutes les pièces donne la même heure grâce à un réglage centralisé : des aiguilles triangulaires et des chiffres (un cadran de Francis Jourdain) simplement apposés au mur. 

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    De l’autre côté du hall, on accède à un salon de lecture puis à deux salles à manger séparées par des portes miroirs coulissantes. On y montre du mobilier design de l’entre-deux-guerres, comme cette belle lampe en spirale dont je n’ai pas noté l’auteur. Ce qui frappe, 90 ans plus tard, c’est la modernité, la simplicité dont font preuve ces précurseurs.

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    Les Noailles aimaient le cinéma. Amusantes, ces images de Biceps et bijoux (Jacques Manuel, 1928, illustration ci-dessus), projetées dans une petite pièce près du hall, où l’on voit toute une bande en tenue rayée suivre un cours de gymnastique collectif sur le solarium près de la piscine. Ils ont permis à Cocteau de réaliser Le sang d’un poète. Après le tournage de Man Ray, Les mystères du Château du Dé (1929), Buñuel écrit en partie à la Villa Noailles le fameux Age d’or de 1930 : ce « film surréaliste parlant » produit par les Noailles provoquera un tel scandale qu’il sera interdit en France pendant un demi-siècle ! Et la réputation de ses mécènes en sera très affectée.

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    A l’étage, également orientées au sud, la chambre de monsieur, agrémentée plus tard d’une chambre en plein air (on pouvait dormir dans cette petite pièce fermée par des vitres coulissantes). Dans la chambre de madame, des photos, de petites figures féminines de Giacometti, portraits de Marie-Laure de Noailles en pied ou en buste.

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    Très vite, le couple manque d’espace pour recevoir, pour loger les domestiques. A la villa initiale s’ajouteront de 1925 à 1932 une annexe, des communs, la « petite villa » et puis une piscine, un gymnase, un squash. On ignore qui en sont les concepteurs, Mallet-Stevens n’intervenant que pour le « salon rose » en 1926. Au final, cela fera quelque 1800 mètres carrés habitables et 600 mètres carrés de terrasses.

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    Bio Composite © Mugi Yamamoto, 2013 
    http://www.mugiyamamoto.com/ 

    Comme la plupart des espaces, actuellement (jusquau 29 septembre), les grandes salles voûtées donnant sur le « jardin cubiste », jadis utilisées pour les réceptions, abritent les œuvres des jeunes designers en concours. Mugi Yamamoto (suisse) présente ses différents essais pour aboutir à un matériau « bio-composite » écologique et recyclable à base de glaise locale (Lausanne) et d’éléments biodégradables, sans cuisson, le résultat final étant assez stable et résistant pour fabriquer des meubles à bon marché.

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    Dyade, 2013 © Julie Richoz
     
    http://www.julierichoz.ch/

    C’est une Suissesse, Julie Richoz, qui a remporté l’édition précédente de « Design parade ». Elle signe un amusant dessin d’une table où plusieurs personnes occupent des chaises aux formes variées et accueillent la nouvelle venue par cette phrase : « Entre, dessine ta chaise et installe-toi ! » Il faut monter à l’étage de la piscine (la maison s’est agrandie sur le côté et par le haut, le long du terrain en pente) pour admirer quelques-unes de ses créations récentes, dont la plus géniale est sans doute cette lampe « Dyade » mobile, jouant sur le plein, le vide et le mouvement. 

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    Avant de redescendre et d’aller vous promener dans le parc, arrêtez-vous un instant sur la grande terrasse solarium qui jouxte la piscine (aujourd’hui vide et recouverte de verre) pour rendre hommage au grand pin parasol qui lui fait face. Vous en verrez d’autres dans les jardins, mais d’ici, cette noble architecture naturelle complète magnifiquement le modernisme de la Villa Noailles.

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    Dans un intéressant coffret de trois livrets édité par l’yeuse, La Villa Noailles (2003), François Carrassan donne un aperçu historique (illustré en noir et blanc) des étapes par lesquelles elle est passée : un bref âge d’or (1923-1933), un long déclin jusqu’à ce qu’elle soit achetée par la Ville d’Hyères, en 1973. Trente ans plus tard, sa restauration s’achevait grâce à la volonté de Léopold Ritondale : « C’est un autre paradoxe de l’aventure : quand le temps ne cessait d’aggraver la ruine, que tout était dans l’impasse, savoir que la Villa Noailles serait rendue à sa vérité perdue par le fils d’un jardinier du vicomte devenu maire de la Ville d’Hyères. » (François Carrassan, Une petite maison dans le Midi)