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Littérature française - Page 113

  • Blixen en personnage

    Baronne Blixen n’est pas une biographie mais un roman. Dominique de Saint Pern fait raconter la vie de la grande conteuse et amoureuse par Clara Selborn, engagée à son service au domaine familial de Rungstedlund, après son retour au Danemark. Celle-ci est deviendra sa complice au point de se voir confier la gestion posthume de l’œuvre littéraire d’Isak Dinesen, alias Karen Blixen.

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    Clara Selborn et Karen Blixen (source)

    Encouragée par le billet de Dominique qui avait placé La ferme africaine parmi ses dix meilleurs livres lus entre 1998 et 2008 (A sauts et à gambades), j’ai donc ouvert ce roman qui s’ouvre sur une invitation : Meryl Streep, choisie pour incarner Karen Blixen dans Out of Africa, souhaite rencontrer Clara qui « a vécu dans son intimité pendant vingt ans ».

    C’est avec ce tournage en Afrique (Nairobi, 1984) que commence le portrait : « J’adore l’idée d’incarner une femme profonde et frivole », déclare l’actrice, curieuse d’apprendre comment se comportait cette femme singulière à qui son mari a refilé la syphilis, qui a osé tenir tête aux lions mêmes, qui a étonné et intrigué Denys Finch Hatton, son futur amant magnifique.

    L’histoire de Karen Blixen en Afrique, on la connaît par ce film qui a gravé sur ces deux êtres les visages de deux acteurs formidables ou, mieux encore, par ce chef-d’œuvre qu’est La ferme africaine, un récit écrit des années plus tard, au Danemark. Pour ses intimes en Afrique, Karen que sa famille appelait « Tanne » était « Tania » (ce n’est pour rien dans le choix de mon pseudonyme de blogueuse, mais j’accueille, bien sûr, cette étoile tutélaire).

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    Isak Dinesen (Photo Rie Nissen)

    Dominique de Saint Pern raconte l’arrivée en Afrique de celle qui est devenue baronne par son mariage avec Bror Blixen, dont elle avait d’abord aimé le frère jumeau, indifférent. Et puis déroule l’histoire d’amour entre Denys et la conteuse hors du commun, un enchantement mutuel. Je connaissais peu du reste de sa vie en Europe, après la vente forcée de la ferme qui l’oblige à quitter le Kenya qu’elle aimait tant. D’où ma curiosité pour la suite, le passage à l’écriture littéraire, à près de cinquante ans.

    De retour à Rungstedlund, où sa mère lui attribue deux pièces à elle (« un lieu à soi » selon le titre proposé par Marie Darieussecq à l’essai de Virginia Woolf dans une nouvelle traduction), Karen Blixen est encouragée à écrire par son frère Thomas et commence par des contes – un exercice assez différent de l’improvisation orale. Pour sa première publication (Sept contes gothiques), elle veut un pseudonyme qui la masque, « un nom insolite » : Isak Dinesen, prénom d’homme ou de femme ? La photographie en quatrième de couverture, elle la veut « masquée » et fait contribuer la photographe Rie Nissen au mystère.

    En Afrique, elle était « Msabu » pour Kamante, l’enfant kikuyu. Après avoir rêvé de lui, elle se décide à ouvrir ses « caisses africaines » déposées au grenier. Les livres de Denys y tombent en miettes, elle retrouve le précieux livre de cuisine – « plus de mille recettes victoriennes » – qui lui a tant servi. Karen Blixen peut à présent se souvenir sans en être « dévastée ». Tant de morts parmi ses amis de là-bas.

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    Karen Blixen (source sans date)

    Elle décide d’écrire un livre où « chaque page frémirait de vie », pas des mémoires, mais un récit pour faire entendre toutes les voix de sa vie africaine. « La fréquentation de ses amis disparus lui apprenait une chose qui, elle l’espérait, l’aiderait à vivre : la ligne de démarcation que l’on trace pour séparer le passé du présent est totalement fausse. Les belles choses de la vie ne sont pas détruites. Jamais. » D’où La ferme africaine.

    Clara a vingt-sept ans quand elle entre dans la vie de Karen Blixen au Danemark, sous occupation allemande. Un réseau clandestin s’était formé pour sauver les Juifs d’une rafle annoncée, les cacher puis les faire passer en Suède. C’est lors d’une vente à leur profit qu’elle lui a été présentée, et puis Karen l’invite chez elle et l’engage pour traduire en français un livre qu’elle va signer « Pierre Andrézel » (Les voies de la vengeance). Clara remplira diverses fonctions, deviendra indispensable.

    Les succès littéraires, notamment en Amérique où plusieurs de ses livres sont primés au Club du Livre du mois, ce qui assure sa notoriété, sont gagnés contre les récidives de la maladie, les opérations. Cela ne l’empêche pas de répondre aux invitations, de rencontrer des écrivains, des éditeurs, des poètes. Avec Thorkild Bjørnvig, rédacteur en chef de la revue Heretica, c’est d’emblée une complicité totale, une « intimité intellectuelle rare ».

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    Elle devient son mentor, l’encourage quand il doute de son génie poétique, de ses choix personnels (il a une épouse, un enfant) et finit par lui proposer de s’installer chez elle (sa femme décline l’invitation et s’installe dans les environs). Il y sera bien pour guérir (après une contusion cérébrale à Paris) et surtout pour écrire : solitude garantie dans le salon vert où elle ne lui rend visite qu’une seule heure par jour, le soir, pour parler, écouter de la musique ensemble.

    Pour Thorkild, de trente ans son cadet, elle déploie comme elle le faisait avec Denys tous ses talents de « magicienne », jusqu’à passer avec lui un pacte que lui seul pourra rompre. Un pacte avec le diable ? Karen Blixen croit aux esprits, et parfois les convoque.

    Baronne Blixen relate dans sa seconde moitié cette vie singulière, axée sur l’écriture et l’échange, sur la prise de risques personnels. L’ambiguïté du récit, entre romanesque et biographique, m’a un peu gênée. Dominique de Saint Pern assure que « les faits sont avérés » et qu’elle a « choisi de les exprimer librement à travers le prisme de la fiction ». Ce « roman vrai » illustre en tout cas le statut hors norme de l’écrivaine, une personnalité entière, au charisme indubitable.

  • Meur & Mendelssohn

    Vous vous souvenez peut-être de cette maison polonaise qui raconte son histoire dans Les Vivants et les Ombres ? Diane Meur, toujours curieuse des histoires de famille, se penche dans La carte des Mendelssohn sur la personnalité d’Abraham Mendelssohn. Qui était-il ? Son père, Moses Mendelssohn, est un illustre philosophe des Lumières – le « Socrate allemand » a servi de modèle à G. E. Lessing pour sa fameuse pièce Nathan le sage – et son fils, Felix Mendelssohn, est un non moins illustre compositeur. Aussi Abraham, à l’identité flottante, connu surtout comme le fils de son père et le père de son fils, pouvait-il devenir un « merveilleux sujet de roman ».

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    Ce n’est ni une biographie ni un essai : La carte des Mendelssohn est un roman dont cette famille est le thème conducteur, ou plus exactement les recherches de Diane Meur sur les descendants de Moses Mendelssohn. L’idée en est venue à la romancière, que la relation père-fils intéresse beaucoup, après un séjour à Berlin, ville où Abraham Mendelssohn est né et décédé.

    « Seules les vies ont un commencement, et encore. » L’embryon d’arbre généalogique inséré au début du livre (emprunté à Sébastian Hensel, auteur de Die Familie Mendelssohn en 1879) aligne sous les prénoms des enfants de Moses Mendelssohn & Fromet Gugenheim ceux de leurs petits-enfants et de leurs arrière-petits-enfants à la ligne suivante. Diane Meur ira jusqu’à la huitième génération, mais sans résumer pour autant la vie des uns et des autres, pas du tout.

    « Seules les histoires ont un commencement, et encore. » Avec un bagout déconcertant (un peu contaminée par ma lecture, je souris de l’adjectif qui me vient sous les doigts), la romancière et narratrice nous plonge dans le déroulement de ses investigations, y mêle des éléments de sa propre existence, note une discordance de dates, observe une carte postale, parle de ses activités en cours – Diane Meur est aussi traductrice (de l’allemand) –, remonte au siècle des Lumières, caresse le projet d’écrire un roman « sur le vide et les filiations ».

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    Un détail de la carte (courtoisie Sabine Wiespieser Editeur)

    « Seules les idées ont un commencement, et encore. » A Berlin, elle fréquente évidemment la StaBi, comme on appelle familièrement la Staatsbibliothek, qui détient l’essentiel des archives Mendelssohn. Alors qu’elle s’est déjà rendue plusieurs fois à l’ambassade de Belgique, Jägerstrasse 52-53, elle y va un jour par l’autre côté et découvre une plaque au 51 : « Mendelssohn-Remise ».

    Dans ce petit musée, « l’ancienne remise à attelages de l’hôtel particulier où avait vécu et travaillé le banquier Joseph, frère d’Abraham », on vend un gros livre sur la famille Mendelssohn, un autre, de T. Lackmann, sur Abraham Mendelssohn – et Diane Meur de s’interroger sur la pertinence de son projet. Néanmoins, de retour à Paris, elle commence à s’occuper vraiment des Mendelssohn et « ce fragile projet auquel (elle n’était) même pas sûre de tenir, ce petit filet d’eau qui se refusait à grossir depuis cinq ou six ans, s’est soudain élargi en rivière. »

    « Et j’ai compris que ce fleuve en train de se répandre en un immense delta était gros de toute ma nostalgie de Berlin où j’avais voulu vivre une autre vie, sans jamais réussir à être vraiment là ; de toutes mes occasions manquées, de toutes mes affections perdues, de tout ce qu’il m’était jamais arrivé de laisser derrière moi ou d’échouer à retenir. De tout ce qui passe, s’enfuit, se dilue ou se disperse sur la face du monde – et cela fait beaucoup. » (C’est le dernier paragraphe du premier chapitre, page 25 d’un roman qui en compte 461, et 7 pages d’index des personnes).

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    L'entrée de la Maison Mendelssohn à la Jagerstrasse (Berlin) Source : Johannes Glintschert (2009)

    N’ayez pas peur de la quantité de noms et de pages, le « Mendelssohn-Komplex » de Diane Meur a sans doute quelque chose à voir avec La Vie mode d’emploi de Georges Perec, un écrivain qu’elle cite à plusieurs reprises et avec qui elle a des affinités certaines. Ce n’est pas un inventaire, ce serait plutôt un immense éventail avec des secrets dans ses plis qu’elle débusque ici ou là.

    En chemin, que de thèmes abordés : le judaïsme et le christianisme – de nombreuses conversions ; l’histoire des juifs en Europe, en Allemagne, et de l’antisémitisme ; des unions et des désunions ; des lectures diverses ; le choix d’un patronyme ou d’un prénom – Mendelssohn, Bartholdy, Enole… ; des lieux visités ; des correspondances ; des rencontres.

    Et pourquoi ce titre, La carte des Mendelssohn ? A mi-parcours, le chapitre 14 (sur 28) raconte l’émergence, au fil des recherches sur internet et en bibliothèque, d’un relevé des noms, des dates, des liens, sur de grands cartons de bristol où elle place des étiquettes repositionnables en fonction de l’avancement de ses travaux : « le monstre », « le tableau de chasse », comme l’appelleront ses enfants, va prendre de plus en plus de place sur la table de la salle à manger d’où il finira par déborder.

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    © Diane Meur pour la carte © Henri Desbois pour les photographies (Courtoisie Sabine Wespieser Editeur)

    Comment l’organiser ? Bien sûr par génération, mais Diane Meur instaure aussi des codes couleurs en fonction de la religion, du métier, et voit émerger des zones, des blocs, ce n’est pas du temps perdu. Elle organisera même une « fête de la carte » où elle s’entendra dire, à sa grande surprise, que « cette carte (lui) ressemble ». La manière dont elle agence la carte en pratique et construit du même coup La carte des Mendelssohn est un « tour de force », comme l’écrit l’éditrice. La narration est fluide, le style de connivence avec le lecteur (la lectrice en l’occurrence) tout au long du texte.

    Si vous acceptez de vous perdre en route, si vous êtes curieux de ce qui se présente à vous par hasard ou parce que vous l’avez bien cherché, si l’histoire, la philosophie, la musique vous intéressent (saviez-vous que Fanny, la sœur de Felix Mendelssohn était aussi compositrice et excellente pianiste ?), en bref, si vous aimez la littérature, alors « ce roman en spirale qui raconte sa propre histoire » est pour vous et vous vous réjouirez avec Diane Meur quand elle constate ceci : « L’histoire d’une famille ne m’intéresse que si elle devient l’histoire du monde, et c’est de plus en plus le cas. »

  • Valeur

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    « Ce qui fait la valeur d’une vie n’est pas la quantité de choses que nous y avons accomplies, mais la qualité de présence qu’on aura placée dans chacune de nos actions. »

    Frédéric Lenoir, La puissance de la joie

  • Cultiver la joie

    Une main bienveillante a posé sous le sapin de Noël La puissance de la joie, de Frédéric Lenoir, un autre éloge de la joie de vivre. « Existe-t-il une expérience plus désirable que la joie ? » écrit-il en avant-propos. Certains lui reprochent d’en faire « commerce littéraire », il est vrai que Du bonheur, un voyage philosophique est déjà au format de poche et que l’auteur de best-sellers sur la spiritualité « séduit et agace » (Portraits critiques dans Le Figaro, et dans L'Express, 2013). 

    lenoir,frédéric,la puissance de la joie,essai,littérature française,plaisir,bonheur,joie,réflexion,cheminement personnel,culturehttp://aufilafil.blogspot.be/2012/06/joie.html (Merci, Fifi.)

    Le plaisir, le bonheur, la joie : des notions à distinguer. Plaisirs des sens et de l’esprit ne durent pas, d’où le concept du bonheur, « en quelque sorte un plaisir plus global et plus durable ». Lenoir convoque Epicure, Aristote, « les sages d’Orient et d’Occident » qui ont cherché à définir une sagesse basée sur l’autonomie, « c’est-à-dire la liberté intérieure qui ne fait plus dépendre notre bonheur ou notre malheur des circonstances extérieures. »

    La joie, moins souvent évoquée par les penseurs, est un état différent, « source d’un immense contentement dans la vie ». Plus intense que le plaisir, due à un stimulus extérieur, la joie nous transporte, elle est communicative et pourtant « fugace » elle aussi. « La joie apporte une force qui augmente notre puissance d’exister. » (J’ai détesté son détournement publicitaire par une firme automobile allemande qui en a fait son fonds de commerce.)

    Pour mieux comprendre l’expérience de la joie, Frédéric Lenoir interroge « les rares philosophes qui se sont penchés sur cette belle et entière émotion ». Montaigne en fait le critère d’une vie bonne – « Il faut étendre la joie et retrancher autant qu’on peut la tristesse », mais c’est Spinoza qui est par excellence le « philosophe de la joie ». L’essayiste rappelle le parcours du jeune et brillant Baruch Spinoza, banni de la communauté juive d’Amsterdam à 24 ans pour son analyse rationnelle trop critique du texte biblique – il quitte alors son milieu et « vit parmi des chrétiens libéraux » sans pour autant se convertir. Une vie de célibataire, simple, travailleuse (polisseur de verres d’optique) et la rédaction de quelques ouvrages déterminants dont L’Ethique, son chef-d’oeuvre. Il meurt à 45 ans.

    Spinoza définit la joie comme le « passage de l’homme d’une moindre à une plus grande perfection ». Lenoir ajoute que « chaque fois que nous grandissons, que nous progressons, que nous remportons une victoire, que nous nous accomplissons un peu plus selon notre nature propre, nous sommes dans la joie. » Nietzsche et Bergson, à leur tour, décrivent la joie qui aboutit à « un consentement total à la vie » et est liée à l’acte créateur.

    « Laisser fleurir la joie », le chapitre 3 de La puissance de la joie, ouvre une dizaine de pistes intéressantes pour créer dans notre vie un climat favorable à l’émergence de la joie : de l’attention, la présence, la méditation… jusqu’à la jouissance du corps. « Devenir soi », « S’accorder au monde », les chapitres suivants développent un véritable cheminement personnel « vers une joie profonde et durable ».

    Dans « La joie parfaite », Frédéric Lenoir revient sur sa jeunesse, période de « joies absolues et de grandes souffrances intérieures » : études de philosophie à Fribourg, voyage en Inde et appel à la vie monastique, et puis une crise qui l’a conduit vers la psychanalyse et d’autres thérapies, un « long travail de libération et de communion, de déliaison et de reliaison, de lâcher-prise et de consentement à la vie » toujours en cours. Il reviendra dans l’épilogue sur sa quête incessante d’une « sagesse de la joie ».

    « La joie de vivre », le dernier chapitre, rappelle le titre de Zola (douzième tome des Rougon-Macquart) et observe la joie des enfants, de ceux qui mènent une vie simple, à l’opposé de nos sociétés occidentales où « nous avons bien souvent aussi perdu la joie de vivre, qui est celle de l’accueil spontané de la vie comme elle est, et non comme nous voudrions qu’elle soit. »

    Frédéric Lenoir offre dans La puissance de la joie une réflexion où chacun, chacune, il me semble, peut trouver de quoi nourrir sa recherche personnelle et des balises pour cultiver la joie. L’essai de deux cents pages est très accessible, sans jargon ni poses prétentieuses. L’auteur, qui a dirigé la riche Encyclopédie des religions dont je vous avais parlé ici, partage expériences et convictions avec simplicité , pour nous faire cheminer à notre tour sur « une voie d’accomplissement fondée sur la puissance de la joie ».

  • Un autre changement

    brisac,geneviève,dans les yeux des autres,roman,littérature française,soeurs,famille,amour,amitié,engagement,écriture,culture« Nous croyions à un autre changement, je me souviens des courbes de la croissance que dessinait mon père sur la table du dîner avec son doigt, une croissance liée au progrès, le progrès scientifique et social, l’école pour tous, le baccalauréat pour tous, l’éducation des filles, des crèches partout, la fin des cous cravatés et des costumes trois-pièces enserrant des corps imprononçables, l’avènement de la liberté, une salle de bains dans chaque appartement, des vacances au soleil, le ski démocratique, des tongs pour l’été, des gibecières grecques, des kilims pour tout le monde, le progrès et la fraternité, les trains à grande vitesse, on voyait bien les signes, on les interprétait mal. A la place, la laideur pour tous, la consommation de la laideur pour tous, le spectacle de la laideur, des gadgets déments pour presque tous, la pauvreté comme non-dit, l’école en crise pour tous, le tourisme de masse, le tourisme de masse, le tourisme de masse, l’alpha et l’oméga de nos vies asphyxiées et malades. Il faudrait partir. (Boris)

    Nous ne partirons jamais, dit Molly. Je ne comprends rien à ce que tu racontes. Ces généralités. Du carton dans la bouche. »

    Geneviève Brisac, Dans les yeux des autres