« La nuit tombait lorsqu’ils s’engagèrent sur l’autoroute A10. Ferber régla le limiteur de vitesse à 130 km/heure, lui demanda si ça le dérangeait qu’il mette de la musique ; il répondit que non.
Il n’y a peut-être aucune musique qui exprime, aussi bien que le derniers morceaux de musique de chambre composés par Franz Liszt, ce sentiment funèbre et doux du vieillard dont tous les amis sont déjà morts, dont la vie est essentiellement terminée, qui appartient en quelque sorte déjà au passé et qui sent à son tour la mort s’approcher, qui la voit comme une sœur, comme une amie, comme la promesse d’un retour à la maison natale. Au milieu de Prière aux anges gardiens, il se mit à repenser à sa jeunesse, à ses années d’étudiant. »
Michel Houellebecq, La carte et le territoire
(mise à jour 15/12/2017 pour le lien vers Fantaisie de Gérard de Nerval)
Commentaires
Elle est belle cette Prière de Liszt!
Cet extrait, c'est exactement le contraire de ce que pensait mon beau-père: plus ses congénères mouraient autour de lui, plus il se sentait immortel...!
j'ai énormément de mal avec cet auteur mais j'aime assez cet extrait
je n'ai encore rencontré aucune personne âgée qui raisonnait de cette façon, j'ai toujours entendu dire soit qu'il était trop tôt, soit qu'ils n'avaient pas du tout envie de mourir, ce qui est une autre façon de dire la même chose :-)
(et je ne sais pas du tout comment je me sentirais moi-même si j'étais nonagénaire ;-))
@ Colo : Pour lui, sans doute une belle façon de leur survivre.
@ Dominique : Il y en a quelques-uns de cette tonalité, par-ci par-là.
@ Adrienne : Jean d'Ormesson parlait un peu ainsi d'apprivoiser la mort. Si nous atteignons le grand âge, serons-nous aussi sages ?