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Exposition - Page 75

  • Turin - Bruxelles

    Pour découvrir Da Van Dyck a Bellotto, Magnificenza alla Corte dei Savoia, la grande exposition du Palais des Beaux-Arts (jusqu’au 24 mai prochain), les visiteurs tombent d’abord nez à nez avec une installation de Maurizio Cattelan, adepte du détournement et de la provocation. Dans le grand hall Horta, juché sur un énorme cube de terre fraîche, un olivier tutoie la verrière, déplacé, en exil. A-t-il de quoi abreuver ses racines ou est-il voué à la mort ? L’argent de ses feuilles semble déjà pâli.

    Derrière lui, en haut des marches, sur son cheval cabré, Le prince Thomas de Savoie Carignano, la grande toile de Van Dyck qui sert d’affiche à l’exposition, est l’œuvre phare prêtée par la Galleria Sabauda de Turin. D’autres portraits de la cour des Savoie, dont un raffiné Charles-Emmanuel I de Savoie à dix-huit ans (une œuvre de Jan Kraek, dit Giovanni Caracca), présentent le motif du huit, symbole d’amitié, sur les riches vêtements et bijoux : le nœud des Savoie.

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    Parmi les peintures religieuses, une Conversation sacrée d’un peintre du Piémont, nettement inspirée d’un Mantegna qui la jouxte, montre une Vierge à l’Enfant entourée d’anges musiciens. Quelle merveille de découvrir des enluminures aux couleurs si fraîches sur le vieux papier, comme cette page de Missel où des fleurs (l’ancolie par exemple, parfaitement dessinée) et des anges entourent joyeusement le texte. Abraham et les trois anges, de Guglielmo Caccia, tranche avec ce qui précède par le mouvement : les anges descendent en diagonale vers Abraham, une ville occupe l'arrière-plan  le paysage commence à apparaître dans la peinture.

    Même prévenue, j’ai ressenti une grande émotion devant l’Annonciation d’Orazio Gentileschi, un chef-d’œuvre qui justifie à lui seul le déplacement au Palais des Beaux-Arts. Sur une toile de près de trois mètres sur deux, dans la lumière de la fenêtre par laquelle est entrée une colombe, Marie ramène sur elle un manteau bleu qui couvre à demi sa robe rouge, écho au coin de ciel visible par la fenêtre ouverte. Elle lève la
    main droite, comme pour se protéger, vers l’ange Gabriel qui a mis un genou à terre. Le visage modestement penché se détache sur le somptueux drap rouge suspendu derrière elle. L’ange pointe l’index juste au centre du tableau, il tient un lys immaculé dans l’autre main. Les nuances de son vêtement chatoient elles aussi à l’ombre de ses ailes. C’est magnifique.

    Après avoir souri devant la Procession des Pucelles du Sablon par Antoine Sallaert, je me suis attardée devant Amaryllis et Myrtille, une étonnante bacchanale féminine de Van Dyck – en fait, Mirtillo s’y est déguisé en femme pour un concours de baisers, d’après un drame pastoral de Guarini. A côté, Les enfants de Charles Ier d’Angleterre, délicieux trio en longues robes comme en portaient alors garçons et filles jusqu’à l’âge de sept ans. L’aîné, en rouge royal, caresse son chien. Sa sœur, en robe claire, est plus concentrée sur sa pose que la cadette, en robe bleue et bonnet,
    de profil, une pomme dans les mains. Des roses, sur le tapis et derrière la petite l’ensemble est ravissant.

    Dans la salle des natures mortes, une grande coupe de fruits aux raisins dorés, près d’un délicat pot de porcelaine rempli de mûres, signée Isaak Soreau. Les bouquets de Cornelis de Heem et d’Abraham Mignon sont éblouissants par le rendu des tulipes perroquets, roses, pivoines, coquelicots et insectes typiques de ces natures mortes du XVIIe siècle.

    Après cette luxuriance, les paysages qui clôturent l’exposition apaisent. Un petit Paysage avec cours d’eau de Gottfried Wals aux personnages minuscules rend sa place à la nature. Place aux peintures du XVIIIe. Des marines, des ports, une Vue de Turin depuis le jardin royal par Bellotto. Enfin, deux scènes bucoliques de Jules César Van Loo - les alentours de Turin à l’aurore et au couchant - terminent ce parcours pictural d’une grande richesse. J’ai aimé dans cette dernière salle les deux Etudes de caractère de Nogari, un jeune homme à la pêche et une jeune fille.
    La vérité du visage y a pris le pas sur les atours. Annonce d'une autre époque.

  • Cobra libre

    L’aventure Cobra (1948-1951) fait l’objet, pour ses soixante ans, d’une belle exposition aux Musées Royaux des Beaux-Arts, visible jusqu’au 15 février 2009.
    Il y avait du monde, dimanche dernier, pour s’amuser aux facéties, aux couleurs et aux jeux de mots des artistes de COpenhague, BRuxelles et Amsterdam qui décidèrent, en novembre 1948, de libérer l’art des « ismes » en tous genres, dont le parisianisme. Il fallait « échapper au règne de la raison » (Asger Jorn, Discours aux pingouins, 1947), refuser de s’embrigader « dans une unité théorique artificielle » (La cause est entendue, 1948). Le serpent acronyme, leur emblème, était du côté de l’instinct contre l’idée.

    « L’esthétique est un tic de la civilisation.
    Qui nie le bonheur sur terre nie l’art.
    Pas de bon tableau sans un gros plaisir.
    En art pas de politesse – l’art c’est du désir brut. »
    (Cobra n° 4, 1949)

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    Photos et revues des surréalistes révolutionnaires hollandais, belges et danois rappellent le contexte d’après-guerre. On voit d’emblée que les artistes du groupe Cobra ont beaucoup écrit. Dotremont surtout, aux innombrables trouvailles : « Et je ne vais dans les musées que pour enlever les muselières. » La revue Cobra connaîtra dix numéros – le premier publié à Copenhague, le dernier à Liège – sans compter Le petit Cobra où se côtoient joyeusement textes et dessins.

    Dans le groupe danois, à côté d’Asger Jorn, le fondateur, j’ai découvert Else Alfelt à travers deux oeuvres vibrantes peintes en 1948 : Rêve d’été (Norvège), une aquarelle diaprée, et ce Paysage de montagne (Islande), de puissantes arêtes obliques à l’assaut du ciel. Carl-Henning Pedersen, son époux, est représenté par de grandes toiles où les jaunes et les bleus dominent, même dans Personnage souriant et bateau rouge (1950).

    « Nous sommes peintres et le matérialisme est d’abord, pour nous, sensation du monde et sensation de la couleur. » (Cobra, n° 2, 1949) La vivacité des tons dans Petits masques de la désobéissance, une toile de Constant (Hollande) se retrouve aussi dans Rouge imaginaire de Anders Osterlin (Suède), faux collage de figures humaines et animales. Des oiseaux, des mains à quatre doigts, des soleils, chez Constant, ce sont des jeux de grands enfants, pleins de fraîcheur. D’Alechinsky, ne ratez pas les neuf eaux-fortes sur le thème des métiers : le coiffeur, le pêcheur et les autres y sont drôlement campés. Le pompier, par exemple. Une hache et un tuyau en spirale pour la tête, une échelle, des extincteurs - et hop !

    Cobra, ce sont aussi des sculpteurs. Sonja Ferlov-Mancoba, danoise, avec des bronzes : une bête étrange à trois pattes ; une tête penchée, La petite douce. De son compatriote Henry Heerup, plusieurs sculptures en pierre, dont un charmant Eskimo, posées sur un parterre de charbon. Du belge Reinhoud, décédé l’an dernier, un tonitruant coq en cuivre. Des ardoises gravées de Raoul Ubac. Les photographies en noir et blanc de Serge Vandercam reposent un peu les yeux, dont un très bel Hommage à Giacometti, où des tiges de métal se dressent dans le sable.

    Cet univers plein de fantaisie détonne sans doute moins aujourd’hui que dans les années ’50. Il y souffle un vent de liberté créatrice très réjouissant. On n’a pas cité tous les artistes, les Karel Appel, Corneille, Van Lint, Hugo Claus, et compagnie. Connus, peu connus, ils sont tous à la fête, au Palais des Beaux-Arts aussi, dans une exposition parallèle, Estampes et imprimés, bientôt clôturée (jusqu’au 4 janvier). L’expo Cobra des MRBA se termine sur des œuvres mixtes : Reinhoud & Alechinsky, Claus & Vandercam, un grand paravent d’Alechinsky, Abrupte fable, avec un poème de Dotremont. Celui-ci s’y montre partout – textes, peintures, calligraphies – fidèle à sa conviction : « La vraie poésie est celle où l’écriture a son mot à dire. »

    Chère lectrice, Cher lecteur, que l'année 2009 vous soit douce et légère !

  • Bouddha en Corée

    Si vous vous rendez au Palais des Beaux-Arts pour « Le sourire de Bouddha », exposition exceptionnelle consacrée aux seize cents ans d’art bouddhique en Corée, ne manquez pas de monter à l’étage : vous y verrez « Sacred Wood » de Bae Bien-U, qui photographie depuis 1981 les forêts de pins typiques de son pays. Le pin y symbolise la longévité et, pour le photographe coréen, l’arbre dans la forêt, comme l’homme parmi ses semblables, est à la fois pareil et unique. Ses grands paysages où
    la lumière joue un rôle essentiel veulent restituer « l’essence du réel ». C’est superbe.

     

    Mais commençons par le commencement, à savoir l’énorme Bouddha du VIIIe siècle, en granit, qui accueille les visiteurs en face du grand hall. Au pays du matin calme, le bouddhisme fut la seule invasion pacifique, au IVe siècle. Avant cela, les Coréens partageaient avec le peuple sibérien le culte de l’Ourse, la mère originelle. Dans la première salle d’un parcours chronologique, j’ai admiré un très fin petit Bouddha debout (Chine, VIe s.), plein de douceur. Il précède le trésor de tombes royales, dont une grande couronne et une ceinture en or massif sont les pièces maîtresses. Le motif de la couronne rappelle que l’arbre fait le lien entre les enfers et les cieux. Au mur,
    une vidéo reconstitue virtuellement les anciens palais et anime de belles fresques consacrées aux activités quotidiennes : musique, danse, arts martiaux et chasse.

     

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    Contemplative Bodhisattva, National Museum of Korea (Seoul)
    (d'après Bozarmagazine, novembre 2008)

     

    Des panneaux rappellent, entre autres caractéristiques de la représentation du Bouddha, la protubérance crânienne, les lobes d’oreilles étirés, les trois plis au cou.
    Le geste de la main droite rassure, celui de la main gauche donne. Les bodhisattvas sont ceux qui se sont strictement engagés dans la voie de la foi. Parmi eux, Avalokitesvara, figure de la compassion, est considéré comme le sauveur des âmes sensibles. Il y a aussi des Bouddhas médecins, un bol à la main. Au bout de la première aile apparaissent des Bouddhas méditants, conjuguant élégance et spiritualité : jambe droite repliée, pied sur le genou gauche, doigts de la main droite contre la joue, voici la merveilleuse sculpture en bronze doré, Contemplative Bodhisattva, qui sert d’affiche à l’exposition, image gracieuse de la méditation.

     

    On découvre ensuite l’art des pagodes : tuiles faîtières, pierres sculptées, urnes funéraires. Une première magnifique photographie de Bae Bien-U en noir et blanc montre dans un très grand format (135 x 260 cm) le site des tumuli funéraires abritant les tombes royales. Des vitrines exposent le contenu de reliquaires : petites statues de Bouddha, minuscules stupas votifs à base carrée. Cloches de bronze, encensoirs, coupes en céladon, toutes sortes d’objets rituels et usuels illustrent l’art bouddhique typiquement coréen. Puis de riches statues dorées : couvert de bijoux, un Avalokitesvara assis du XIVe siècle se déhanche, un coude sur le genou, décontracté. Il contraste avec un Vairocana en fonte du Xe siècle, assis traditionnellement en position du lotus, qui offre un extraordinaire sourire.

     

    Dans les peintures bouddhiques plus tardives, le rouge et le vert dominent. Les figures couvrent la toile et saturent l’espace. En contraste, les peintures sur soie privilégient la finesse, comme sur ces rouleaux où sont calligraphiés des textes sacrés, et les nuances subtiles, par exemple pour le Bouddha « lune - eau » représenté devant des bambous, les yeux baissés vers un lac où la lune se reflète. L’exposition se termine sur des œuvres contemporaines de Park Dae-Sung, un autodidacte inspiré par les temples anciens. Mais avant de passer dans cette dernière salle, n’oubliez surtout pas de prendre à droite l’escalier qui mène aux forêts magiques de Bae Bien-U.

     

    Quelle déception de ne trouver qu’une douzaine de cartes postales à la fin d’une si beau parcours ! Et dans cette série, aucun des plus beaux Bouddhas. Bien sûr, le catalogue reprend toutes les œuvres, mais les acheteurs du catalogue aimeraient aussi envoyer à leurs amis des reproductions des plus fameuses, d’une part, et ceux qui n’emportent pas le catalogue seraient heureux de repartir avec quelques cartes postales, d’autre part. Dommage. Espère-t-on qu’ils se consolent avec les fanfreluches du Bozarshop ? Les « Joyaux de la Nation » coréenne sont exposés jusqu’au 18 janvier 2009.

  • La Pietà

    Elle penche le visage vers lui les yeux baissés, il repose les yeux clos dans ses bras largement ouverts. Tous deux sont d’une indicible sérénité. C’est une Pietà. C’est La Pietà de Michel-Ange. A l’Exposition Universelle de New York en 1964, le photographe Robert Hupka (1919 - 2001), chargé d’en prendre une photo pour un disque souvenir du Pavillon du Vatican, l’a photographiée sous tous les angles, dans différentes lumières, en couleurs, en noir et blanc, des milliers de fois. "Et ainsi, tandis que je consacrais d'innombrables heures à ce travail de photographie, la statue devint pour moi un mystère toujours plus grand de beauté et de foi et je fus frappé par l'idée que le chef-d’œuvre de Michel-Ange n'avait jamais été vu dans toute sa grandeur, si ce n'est par un petit nombre de privilégiés."

    Dans le Parc du Cinquantenaire, en face de l’entrée des Musées Royaux d’Art et d’Histoire, un long pavillon blanc abrite La Pieta Michelangelo, jusqu’au 30 novembre. Ces photographies de Robert Hupka circulent dans le monde depuis 1979. Bruxelles 2008 est la vingt et unième étape de cette aventure, expliquée sur le site de l’exposition. A l’entrée, des panneaux didactiques rappellent en quoi consiste le nombre d’or et montrent, dessins à l’appui, les proportions parfaites de la célèbre sculpture, montrée d’abord dans son cadre, celui de la Basilique Saint-Pierre du Vatican.

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    D'après R. Hupka, photos visibles sur www.la-pieta.org  

    On découvre ensuite un espace étrange, aux parois tendues de noir, sur lesquelles les photos en noir et blanc rayonnent. Est-ce la musique, la pénombre ? Les visiteurs vont silencieusement de l’une à l’autre, ou quand ils se parlent, chuchotent. On se croirait dans une église, dont le chœur réserve une surprise. De part et d’autre d’une copie de la Pietà Rondanini, sculpture inachevée de Michel-Ange (conservée à Milan, au musée du château Sforza), sont exposés des agrandissements de cinq croquis au fusain, d’émouvantes esquisses du maître pour cerner la silhouette de la mère debout, soutenant le corps de son fils.

    Dans la Pietà, véritable sujet de l’exposition, le visage de la Vierge, étonnamment jeune, est d’une douceur infinie. Hupka a tourné autour pour capter tous ses profils ; chacun révèle subtilement l’expression. Le drapé de sa coiffe, les plis de ses vêtements, les détails nous sont montrés de plus près que ce que voient les visiteurs du Vatican depuis qu’une vitre de protection les garde à distance (en 1972, un déséquilibré avait mutilé la sculpture à coups de marteau). Mains, pieds, cheveux, tissus, le photographe a tout regardé, cadré, éclairé, pour nous montrer cette Pietà comme peu d’hommes ont pu la voir.

    La figure du Christ est extraordinairement sereine. Il s’abandonne sur les genoux et dans les bras de sa mère, en toute confiance. Comment Michel-Ange peut-il rendre à ce point dans le marbre cet amour silencieux ? L’unité fusionnelle du groupe sculpté dans un seul bloc apparaît sous tous les angles, y compris les plus surprenants, sur les photos prises d’en haut.

    La Pietà de Michel-Ange éblouit et étonne. Chef-d’œuvre absolu de la Renaissance, sa beauté résiste aux siècles. Reste la question de la souffrance, ici évacuée. Et ces visages lisses. Pourquoi ces figures idéalisées ? Que signifient-elles ? Foi absolue ? Sublimation esthétique ? Cette perfection reste un mystère. Sœur Emmanuelle, vouée
    à la Vierge, attendait la mort comme un rendez-vous d’amour. "C'est passionnant de vivre en aimant", dit-elle dans son testament spirituel

    Pour apprécier une sculpture en ronde-bosse, pour la voir vibrer dans la lumière, il
    faut tourner autour, le dialogue frontal ne suffit pas. C'est une gageure de la photographier. Pour ma part, je retiens cette magnifique photo de Robert Hupka qui montre la Pietà vue de dos, les jeux de la lumière dans les plis du manteau de la Vierge, la tête et les épaules légèrement inclinées. Ses bras ouverts sont éloquents : le bras droit retient délicatement la tête du Christ dans le creux du coude, la main gauche s’ouvre, donne, offre, comme en prière.

  • A l'heure japonaise

    La remarquable exposition « Oriental fascination » ou « Le japonisme en Belgique, 1889-1915 » se tient encore à l’Hôtel de Ville, Grand-Place, jusqu’au 28 septembre. On y est accueilli par une élégante Parisienne japonaise d’Alfred Stevens, en kimono fleuri, qui se regarde dans un miroir. Les femmes occupent une grande place dans ces « japonaiseries », la nature aussi. Mais tout était prétexte alors pour se mettre à l’heure japonaise, comme on le voit sur des photographies de soirées costumées, engouement qui fit dire à Alexandre Dumas : « Tout est japonais de nos jours. »

    Comment résister au charme de La belle Yosooi de Mastuba-ya, en train d’écrire sur un rouleau de papier, ou à la magnifique Princesse descendant d’une calèche de Kitagawa Utamaro ? C’est une longue estampe horizontale dans une dominante de rose : près d’un cerisier en fleurs, une femme descend de sa voiture qu’entourent des courtisanes attentionnées. Hiroshige, le célèbre paysagiste du XIXe siècle, est très bien représenté dans les deux salles de l’exposition, avec Mésange sur une branche de camélia, par exemple, et des vues de sa série de paysages japonais, souvent traversés par un pont, sujet cher aux Asiatiques.

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    Des poètes belges se sont associés à cette fascination de l’Orient. De Max Elskamp sont présentées plusieurs belles pages illustrées de L’éventail japonais. Emile Verhaeren, qui fut sollicité pour accompagner des Images japonaises de textes inspirés par des estampes (sous vitrine), publia Les villages illusoires avec une série de gravures signées Ramah dans un style japonisant.

    Les estampes ont inspiré à Adolphe Crespin un grand ensemble de toiles pour orner une chambre à coucher. Décoratif aussi, un panneau commandé par Rops à Auguste Donnay, Et pour l’automne. Une étude à l’aquarelle, avec une bordure corail, des tons contrastés, une ligne ferme, jouxte la grande toile plus crémeuse. Dans la même gamme de couleurs, on peut voir un beau pastel de Fernand Khnopff, Des roses, en bouquet près d’un visage de rousse énigmatique.

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    Spilliaert est bien sûr au rendez-vous, avec des bords de mer à l’encre de Chine où les courbes puissantes vont souvent par trois, comme dans Fillettes devant la vague et Femme au bord de l’eau. Moins japonaise, mais impressionnante, sa Hofstraat à Ostende où le reflet de la lune plonge entre les hauts immeubles d’une des rues étroites qui mènent à la mer. Son étonnant chat noir, silhouette fantastique, est accroché au-dessus d’un autre moins inquiétant peint par Rik Wouters, près du Merle de Boitsfort, gaiement croqué par ce génie du familier.

    Parmi les affiches inspirées par l’art japonais, on retrouve une composition de Rassenfosse pour le Salon des Cent en 1896 - deux dames à une exposition, dans de chauds tons ocre - reprise en 1980 pour annoncer la mémorable exposition bruxelloise « Vies de femmes 1830-1980 ». Gisbert Combaz a peint pour le salon 1906 de La Libre Esthétique un voilier secoué par les flots, lui qui était excellent marin se représente par ailleurs à la barre dans un autoportrait. Van Rysselberghe, Rops, Lemmen, Ensor… La liste des peintres belges influencés par le Japon et présents dans cette exposition serait fastidieuse. Des artistes moins connus sont associés à ces grands noms, par des paysages aux lignes sinueuses (Melchers) ou vibrants de lumière (Van Ermengen, frère de l’écrivain Franz Hellens).

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    Quelle bonne surprise de retrouver ici l’Autoportrait d’Hokusai âgé, une reproduction de 1905 prêtée par le Musée national de Cracovie – le musée polonais a hérité en 1920 de près de cinq mille estampes d’un collectionneur -, et quelques-unes de ses fameuses Cascades ! Une citation traduite en trois langues (français, néerlandais et anglais, comme le catalogue trilingue) résume bien l’état d’esprit que reflètent toutes ces œuvres : « Vivre seulement pour l’instant, contempler la lune, la neige, les cerisiers en fleurs et les érables rouges ; chanter des airs, boire, se divertir et se laisser flotter comme flotte la gourde au fil de l’eau. » (Asai Ryoi, Le Dit du Monde flottant, 1661)

    (Merci à Vayhair de m’avoir rappelé cette exposition.)